Belle mère

EndoraUne belle mère, je sais ce que c’est : j’en ai eu trois. En effet, les parents de Charles Hubert étaient divorcés et son père avait eu la bonne idée de se remarier (quelle idée de se remarier, je ne le dirais jamais assez !), ce qui me faisait deux belles mères pour un homme.

Albert n’avait que des parents tout bêtement mariés et je m’en vais vous parler de sa mère qui restera LA belle mère, avec émotion et nostalgie (les filles arrêtez de ricaner puisque vous lisez mon blog).

J’avais 20 ans. Ou presque, juste un an de plus, et j’ai découvert ma future belle mère lorsqu’Albert décida que notre relation était sérieuse et qu’il lui fallait me présenter à ses parents.

J’ai eu l’intuition diabolique qu’elle allait me plaire beaucoup, au cours du premier apéritif, précédant le premier dîner auquel j’assistais, un peu coincée sur un canapé style empire (mal imité et plus qu’inconfortable) au milieu d’un ameublement que je trouvais hideux. Enfin chacun ses goûts et je ne me permets pas de dire que le mien est meilleurs que celui des autres. Simplement je n’aime pas les gondoles sur la télé, l’arc de triomphe en miniature dans une bibliothèque avec un sphinx et les pyramides, et des meubles style années 1950 en bois vernis avec des incrustations de nacre.

Donc au cours de cet apéritif (je bavarde, je bavarde, et je m’égare), pendant que le père m’ignorait superbement (il a carrément fait l’objet d’une nouvelle : « comment tuer beau papa », il faut que je la recopie de Mr Mac Intosh), elle m’a passée à la question comme des flics n’osent le faire que s’ils tiennent l’auteur de l’attentat du 11 septembre, ou en ont la certitude, en se relayant. Elle, n’avait pas besoin de relais, elle tenait la route toute seule.

  • Que font vos parents ? AAAhhh chef d’entreprise ? De nettoyage bof… Et votre maman n’a jamais travaillé AAAAhhhh ? Quatre enfants mon dieu ! Vous faites quoi comme travail ? AAAAHHH ? vous gagnez combien ? Vous avez des « espérances » ? Vous voulez des enfants ? Combien ?  AAAHHH ?

J’en passe et des meilleures. Je répondais poliment. Après tout, je n’avais rien à lui reprocher bien au contraire puisque j’étais amoureuse d’Albert et qu’elle l’avait mis au monde. Mais mon petit doigt me disait que je ne faisais pas l’affaire. D’autant qu’elle avait trouvé le moyen de me glisser au passage qu’elle adorait Fernande, l’ex d’Albert, pendant que son mari allait faire admirer à Albert qui détestait tout ce qui avait trait au jardinage, ses dernières plantations. C’était très fin, j’en ai mangé sans fin et sans faim.

J’ai eu la confirmation le lendemain que nous étions faites pour nous entendre. La veille au soir je m’étais assurée dans le calme de la chambre qu’Albert n’aimait pas plus que moi la décoration parentale. Même amoureuse, ayant 21 ans, je me voyais mal me mettre aux napperons au crochet, aux rideaux tricotés mains, et à collectionner les monuments miniatures sur fond de marbre et bois brillant (encore que, il est bien connu qu’une femme amoureuse peut faire n’importe quoi).

Le lendemain, la belle mère, Mrs Furoncle, avait prévu une partie de pêche pour « les hommes », et un pique nique royal à vrai dire. Dans ma famille on n’a jamais pique niqué avec du foie gras et des moules farcies mais bon pourquoi pas.

Mrs Furoncle, le repas achevé dans un silence un peu contraint (je pense qu’Albert levé de bonne heure lui avait demandé de mettre la pédale douce sur l’interrogatoire serré), les « hommes » se mirent à la pêche, Mrs Furoncle sortit un tricot dont la vue de la laine me donna un frisson bénéfique par cette chaude journée, et moi je sortis le livre que j’avais en train.

« Moi je lis un livre par an » me déclara-t-elle fièrement. Mon frisson s’accentua. Je suis bouquinovore et à l’époque j’étais capable d’ingurgiter 4 livres par semaine (ceci sans compter les notices de médicaments, les magasines et le dictionnaire en cas de panne). Une certitude me terrassa : cela allait bien se passer.

Au cours des visites suivantes j’appris qu’il était vraiment dommage que je sois blonde. Le croirez vous ? Il était tout-à-fait inadmissible qu’Albert, élevé parmis de magnifiques brunes (sa mère et ses deux soeurs), puisse trahir sa race avec une blonde.

  • Qui de plus ne bronzait pas et se tenait à l’ombre (bronzée je ressemble à un litre de lait frais).

  • Qui lisait constamment (tu n’as rien d’autre à faire ?).

  • Qui avait une mère qui avait eu 4 enfants et ne s’était pas faite avorter 7 fois comme elle (Albert ayant échappé à l’aiguille à tricoter parce qu’elle avait croisé une voyante avec 9 jours de retard, qui lui avait prédit « toi tu vas avoir un beau garçon »).

  • Qui envisageait d’élever ses enfants en prenant un mi-temps (elle avait fait élever ses enfants par ses parents pour garder son salaire).

  • Qui ne connaissait pas le point de croix

  • Qui ignorait tout du crochet

Albert persista dans son erreur et un beau jour le mariage eut lieu (après 56 coups de téléphone le décourageant de commettre une erreur fatale) et Pulchérie vint au monde.

Après 72 heures de contractions, accouchant à l’ancienne et sans péridurale, j’avais autre chose à faire qu’à entendre Albert se faire plaindre au téléphone parce que je lui avais broyé la main gauche (pauvre petit chériiiii…) et à me faire engueuler parce que le pauvre avait eu le malheur de dire que j’avais beaucoup souffert, que du coup je lui avais broyé la main, etc…. Avant « félicitations » (contraintes) j’eus droit à « tu aurais pu faire attention à la main d’Albert, le pauvre titiiiii ».

Effectivement pourtant, ce coup de téléphone n’était rien, à côté de la visite qui allait suivre et au cours de laquelle Mrs Furoncle découvrit que le duvet sur le crane de Pulchérie était blond.

  • « OOOOHHHH ELLE nous a fait un bébé blond ! »

  • « Regardes P’tit con (le beau père), elle nous a fait un bébé blond ! »

  • « Oh elle est mignonne mais elle est blonde ! »

  • « Gouzi Gouzi, regardes ta mamie brune ! » (regard en coin pour que l’on comprenne bien d’où venait la tare, devant toute ma famille d’apparence plutôt normande, ceci se passant à Noël, et les bruns étant rares dans ma branche quoique très respectés (ils bronzent))

Inutile de lui faire remarquer que si Pulchérie était blonde c’est parce qu’Albert véhiculait un chromosome évident : la mère de Mrs Furoncle était blonde. Mais les chromosomes pour elle c’était une invention très conne et certainement très fausse. Tout comme le fait qu’Albert soit en cause dans le fait que Pulchérie ne soit pas un mâle : je me devais de faire un gars du gars. J’avais raté ma mission, et le chromosome Y, elle ne connaissait pas : LE livre par an était un Arlequin.

Je fus pour elle une bru infâme : en deuxième coup une autre fille, et blonde également, là le scandale était à son comble.

En plus j’étais bourrée de défauts. Malgré ses « CHEZ NOUS » destinés à me faire rentrer dans le rang (le sien) :

  • Chez nous on lave la pure laine à la main (moi pas, mais au lave linge via programme « fragile » ou « spécial laine »). En plus elle m’avait précisé « ça me tue« , donc je m’obstinais : pas de procès aux assises pour cela, mais elle a survécu. Je précise à celles qui veulent se débarrasser de leur belle mère que laver la pure laine en machine ne la tuera réellement jamais.

  • Chez nous on n’aime pas le lait (moi si et les petites aussi, sauf Delphine qu’elle réussit à en dégouter en lui en servant du tourné volontairement, alors que je la lui avais laissé en toute confiance pour 8 jours)

  • Chez nous on aime repasser (Berk)

  • Chez nous on n’aime pas les filles. Là trop c’était trop et j’en avais ma claque de l’entendre seriner cela devant ses petites filles largement en âge de comprendre (je ne parle pas que de mes filles)

  • Chez nous on ne perd pas son temps à lire, on trime en regardant Dallas éventuellement (repasser en regardant Dallas : j’ai dû louper quelque chose)

  • Chez nous on se lève à 5 H 30 du matin (pas Albert en tous cas, loin du regard tutélaire de sa mère et de son père)

  • J’en passe

Avec elle j’ai eu droit pendant 10 ans à de magnifiques napperons (tu en manques), à d’exquises peintures sur toile (j’ai décidé de me distraire), à de superbes assiettes décorées (j’ai remarqué que tu aimes les vieilles assiettes : oui, pas les horreurs vendues dans des magasins souvenirs), à des tricots superbes pour les filles qu’elle faisait avec le reste de laine qui lui restait après avoir tricoté un pull à sa belle mère (80 ans). Sitôt arrivée chez moi, elle empoignait un chiffon pour faire les poussières, surtout celles qu’on ne voit jamais (elle adorait les pieds de table), et ouvrait tous les placards pour en vérifier l’alignement (j’ai prié pour que tout s’écroule sur elle, mais le ciel m’a trahi)

Les réflexion allaient toujours bon train « Taloup (la soeur aînée d’Albert), n’a jamais vu Pulchérie avec la robe qu’elle lui a offerte » (moi je n’avais pas vu non plus ma nièce avec la robe offerte, mais je n’en faisais pas un plat).
« Ton père a grossi » (et toi tu mincis de jour en jour ?)
« Le blond ça ne fonce pas avec l’âge ? »
« Ne repasse pas tes torchons de la même taille que tes serviettes »
« Je m’ennuyais, du coup j’ai lavé tes slips… »
« J’ai remarqué que les chemises d’Albert n’étaient pas repassées avec un pli dans le dos, j’ai dû toutes les refaire »
« Ce n’est pas gras le confit ? On n’est pas venus pour manger : une soupe ça suffit »
« ELLE ne nous a servi qu’une soupe avec de l’eau même pas minérale (à ma mère ravie)

Elle téléphonait le samedi ET dimanche matin à 7 heures « Je ne vous réveille pas ? Si ? pas grave, et bla bli et bla bla » (je la passais à Albert, il adorait)

Tout cela en continuant à tanner Albert pour qu’il trouve mieux que moi (Un mannequin avec la fortune des Kennedy, il fallait cela au moins pour son fils et elle était très portée sur l’argent des autres qui pouvait la faire vivre).

Elle a parfaitement réussi son coup (faut tout de même se mettre à la place d’Albert incapable de dire merde à ses parents, il y en a qui savent le faire, mais pas lui).

Le problème (pour elle, car elle ne me manque pas vraiment) c’est qu’elle n’a pas trouvé mieux, mais bien pire, du genre capable comme je le serais aujourd’hui, de lui dire « t’es trop con, je ne veux plus te voir, la prochaine fois que tu mets l’oeil dans mon panier de linge sale je t’assomme avec le cric et je planque ton cadavre dans le puits », ce que je me suis retenu de dire pendant 10 ans par égard pour son fils.

D’après ce que les filles ont pu me dire, elle ne s’est pas arrangée en vieillissant. De toutes manières seuls les grands crus peuvent le faire : elle c’était de la piquette….

La prochaine fois : deux belles mères d’un coup, c’était trognon comme tout…

Réédition d’un post du 18 juillet 2006 passé inaperçu à l’époque (ben vi, ce sont les vacances).

Et bon anniversaire ma petite soeur. Comme je te précède de 11 ans, ça commence à me flanquer le bourdon, alors…. Profite ma belle, profite…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *