MAI 1968

Mai__1968Sur la photo « Dany le rouge » narguant les forces de police en mai 68. Le même se réfugia un jour, il y a peu finalement, derrière les mêmes… comme quoi… (je ne suis pas là pour faire de la politique, ça me gave, mais je pense ce que je veux de ce monsieur qui a renié son symbole en se réfugiant derrière des casques et boucliers)

J’avais juste 10 ans (je suis du 9 mai, youplà boum, et tout le monde sait mon âge maintenant, pour ceux qui n’auraient pas suivi !) quand la France vit déferler cette horde d’étudiants (au départ), contestataires donc pas d’accord et c’était un scandale pour beaucoup qu’ils ne fussent pas d’accord. Ils allaient en entraîner d’autres car quand on est étudiant on réfléchit et on peut imposer sa réflexion à d’autres :  ce qui était scandaleux également : si l’ouvrier ne reste pas chez lui à se morfondre sur son sort en silence, où va-t-on ? S’il se met à penser c’est Zola et Zola contre la dépression on fait mieux (si vous êtes tristes sans savoir pourquoi, lire « l’assommoir » ou « germinal » vous saurez pourquoi après)

Et ce fut la panne d’essence, la panne des sens, la bouderie du Général, les grèves en tout genre (ma science politique s’arrêtera là, je ne suis pas là pour vous gaver non plus,  vous pouvez très vous débrouiller tout seul pour plonger dans mai 68, ce qui ne veut pas dire que je suis inculte)

J’avais 10 ans et mes souvenirs sont assez particuliers. Je devrais vous faire du politiquement correct et très sérieux et c’est raté !

Ben oui. J’avais 10 ans et à cette époque là les enfants n’étaient pas informés comme maintenant… Je voyais ma vie bousculée par les disputes papa/maman (vont-ils divorcer, angoisse atroce, quand je pense que mes filles ont vécu cela…). Parce qu’à l’école on ne parlait pas des « évènements », je n’avais que les discussions parentales et familiales pour suivre les dits évènements et n’y rien comprendre. Donc pour moi mai 68 c’est surtout la pénurie d’essence, et les grèves tournantes de l’EDF qui nous amusaient fort nous les enfants parce que nous dînions à la bougie.

Mrs Bibelot toujours pratique, déclarait haut, fort et clair qu’il était inadmissible que l’on ne trouve pas d’essence pour rallier la campagne  (dont je vais vous saouler bientôt) chez son papa et sa grand mère.

Jean Poirotte restait philosophe tout en cherchant de l’essence 3 bidons sous chaque bras. Ben, si les jeunes ne contestent pas, qui le fera ? Je prenais note, assise à l’arrière de la voiture en flanquant des coups de pied à mon frère et ma soeur pour qu’ils me laissent de la place. Ma contestation était contestée dès que ces derniers se mettaient à meugler, et la menace « Coraline tu vas te prendre une claque » était  écoutée (car généralement suivie d’effet)

Pendant ce temps là, les parent frôlaient le divorce : « Et mon père a fait 36″ ! » « et le mien aussi et plus que le tien d’abord je te ferais dire »,  « d’ailleurs TON père n’a pas 5 ans de stalag derrière lui » « et alors le mien combattait Rommel en Afrique pendant que ton père se reposait en Allemagne je te ferais dire aussi » « oui un planqué ! » « en tous cas mon père ne s’est pas fait prendre sur une plage de Normandie en juin 40 » (évidemment il cherchait de l’eau dans le Sahara, avec tout le pétrole qu’il y a) « c’est quoi ces allusions à mon père sur les plages normandes ? ». Et gnagnagna et gnagnagna, et ça se disputait dur à la station service qui délivrait 5 litres et pas plus. C’était dur côté parental. J’avais entendu qu’il était « interdit d’interdire » et j’attendais le jour où ce merveilleux principe serait mis en application.

Tout le monde arrivé à bon port à la campagne avec 5 L d’essence (on revient comment ?) les discussions reprenaient avec du renfort de chaque côté. Mon arrière grand mère qui avait vécu les deux grandes guerres avait fait des réserves de sucre, de farine et d’huile qu’elle nous rationnait en prévision d’un avenir incertain et qui encombraient les chambres. Elle était très inquiète des bouderies du Général qui avait sauvé la France fallait pas l’oublier et était suspendue à la radio qui n’était qu’une TSF à l’époque. Mon grand père avait dégotté de l’essence sans vouloir dire où, et rétorquait à sa fille que faire intervenir l’armée n’était pas envisageable sous peine de voir la France en pleine guerre civile, et à sa mère de lui foutre la paix avec son Général. Les repas étaient animés quoique la nourriture soit restreinte.

Je lisais le journal évidemment, en douce, et j’appris l’existence des gaz lacrymogènes. Cela permit à mon autre grand père venu à la campagne en train, de me faire un cour sur le gaz hilarant qu’il avait bien connu en Allemagne et de me préciser que ce n’était pas drôle du tout, évitant ainsi diaboliquement de répondre à mes questions sur ce qu’il pouvait bien se passer. Sa femme tirait la tronche suite à un graffiti anonyme vu à la Sorbonne « si Dieu existe c’est son problème » car elle était très pratiquante et cela agaçait mon père qui soutenait les étudiants. Il citait François Villon qui contestait déjà à cette époque là, et pour éviter lui aussi de répondre à mes questions m’autorisa à me plonger dans François Villon et juste après dans Jules Verne zut alors !

Bref mai 68 j’en garde un super souvenir et j’ai compris bien plus tard. C’était marrant tous ces adultes se racontant des histoires et se criant dessus. C’était dommage pour moi de n’avoir pas 10 ans de plus, car j’aurais bien bravé les parents et les flics en dépavant une rue quelconque de Paris si j’avais été étudiante…

La rentrée de septembre me trouva en 6ème où pour la première année scolaire de ma vie, la blouse n’était plus obligatoire, et donc ils étaient bien sympas ces étudiants qui avaient ruiné les locaux où je débarquais…

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