Les filles ça cause !

Fille_faisant_chut_53272481Albert était plutôt bavard pour un homme, sauf quand il s’agissait d’aborder les problèmes graves qui le rendaient autiste (donc on ne parlait pas de sa famille qui a farpaitement réussi à nous séparer, on tire son chapeau à la famille d’Albert qui est hélas aussi la moitié de la famille des filles).

Pulchérie avec son hérédité (vu que je cause aussi, il me faut être honnête je suis une vraie pie) ne pouvait que parler bien et tôt, ce qu’elle fit, son premier aheuu aheu aheu émouvant ayant eu lieu alors qu’elle avait juste 1 mois et venait de faire sa première nuit. En fait elle saluait sa grand mère à qui elle avait fait un beau sourire en plus, avec 5 mois d’avance vu que les enfants ne sourient soit-disant pas vraiment avant 6 mois (…).

Alors qu’elle avait 9 mois, la pédiatre indiqua en gras et souligné dans le carnet de santé « charabia développé » ce qui était exact et apparement rare. C’était structuré même si on ne comprenait rien, et en plus elle mettait le ton : donc on était informés qu’elle n’était pas d’accord, elle contestait déjà.

A 12 mois elle se faisait comprendre (de la famille, ne pas compter sur un inconnu ne la pratiquant pas, pour tout saisir à part « non » et « aplou » avec coup dans la cuillère pour moucheter le méchant gaveur). A 18 mois elle tenait des conversations et pouvait se perdre, encore que je pense que la police aurait eu du mal à comprendre ce que voulais dire « pussérieabewon ». Mais à la manière dont elle disait « pipiiiiii » un chinois l’eut comprise.

Je travaillais à mi temps et Jean Poirotte et Mrs Bibelot se faisaient une joie de la faire parler le matin, son père et moi également, le soir. L’après midi elle dormait et ingurgitait le français pendant que je faisais avec joie ménage et repassage. Le robinet était ouvert : impossible de le refermer un jour l’illustration étant 100 % mensongère.

Delphine débuta également avec un certain charabia, mais elle était plus sérieuse que sa soeur, moins expansive petite et moins turbulente (ouf !). Elle ingurgita bien les mots nécessaires à sa survie « a faim » « a foif » « encore » « a plou » « bisous » et pour le reste charabiata très longtemps étant comprise par sa soeur qui faisait la traductrice même pas indulgente.

« Ayaoutouateau » répété 3 fois et Pulchérie s’indignait « mais maman elle te demande un gâteau ! ». Delphine était en admiration devant sa soeur et répétait… toutes les fins de phrase. J’ai encore un enregistrement de Pulchérie chantant avec sa soeur chantant à ses côtés et ne prononçant que la fin, mais avec conviction.

Puis Delphine sut enfin parler et là tout fut perdu fort l’honneur car elles causaient à longueur de temps Pulchérie n’étant plus dans l’obligation de faire la conversation pour deux, et même la nuit parfois dans leur sommeil. Le soir c’était à qui se glisserait dans la chambre de l’autre. Même pas discret. Un bourdonnement effréné me parvenait de l’étage après le départ d’Albert. Quand je m’indignais on me répondait « on parlotte ! » parlotter étant moins grave que bavarder pour elles.

Bien évidemment quand elles jouaient c’était les « je t’aurais dit » « tu m’aurais répondu » et « d’accord » en avant la parlotte infernale répétée donc deux fois (préliminaires du jeu, jeu en action).

Puis vinrent les blablabla blablabli dans le téléphone et toujours les parlottes du soir. Ma chambre étant devenue contigüe à la leur suite à des déménagements intempestifs, j’avais parfois l’impression d’entendre des tchou tchou tchou à longueur de temps et j’étais obligée de me gendarmer quand je voulais dormir, ne souhaitant pas rêver particulièrement aux locomotives à vapeur de mon enfance.

Fort heureusement quand elles viennent, que leur cousine est là, ou d’autres femmes de la famille, dans toutes les réunions de famille, nous savons toutes, suivre plusieurs conversations à la fois. Je ne sais pas comment font les hommes ces autistes du langage pour supporter nos bavardages intempestifs (ils s’isolent dans leur coin, et l’on peut constater des glissements de mâles vers l’autre bout de la pièce)… Même moi parfois, j’ai du mal quand elles sont là toutes les deux (j’ai perdu l’habitude) à rattraper le temps perdu avec leur vieille maman. C’est qu’on ne se voit pas si souvent (vive le téléphone, mais faut voir la trombine de la douloureuse et l’air mécontent du banquier qui pointe France Télécom).

Bon les filles ça cause et ce n’est pas un calvaire : faut s’exprimer dans la vie…

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