Bon anniversaire ma petite soeur !

La_maternit__53271420Tu seras toujours pour moi, la petite soeur, même quand je n’aurais pas car je ne les aurais jamais quand j’aurais 95 ans et toi toujours presque 11 ans de moins que moi (14 avril – 9 mai, la marge était courte pour les 11 ans).

Je me souviens de l’annonce d’un « bébé » arrivant. C’était tout con et ça c’est mal goupillé pour les parents qui voulaient taire l’évènement. J’étais tombée dans les pommes en août. Mon premier évanouissement mérite que je le raconte.

C’était la campagne, chez le grand père apiculteur ou presque… On se lavait à l’eau froide dans l’évier de la cuisine, j’étais en train de me laver les dents quand je me suis sentie toute drôle. J’avais 10 ans (je sais que c’est bête…). Tout bourdonnait, ma vision se brouillait. Maman me parlait et je n’entendais pas ce qu’elle me disait, j’étais « toute drôle ».

J’avais l’air tellement niaise que Mrs Bibelot a cru que je me fichais d’elle et elle m’a flanqué une claque (mère indigne !). Sur cette claque je suis tombée dans les pommes, ce que j’étais de toutes manières en train de faire… Mon souvenir est le cri de maman « grand mère au secours, elle s’est évanouie ! ». J’étais rétamée dans la cuvette dans laquelle les chiens buvaient. Aucun souvenir de la claque. Juste le « je me sens toute drôle » et la tête dans la cuvette, et maman hurlant, persuadée qu’elle m’avait fait tomber dans les pommes avec sa claque.

Elle pleurait en attendant le médecin appelé en urgence (un vieux médecin sage qui suivait la famille depuis ma naissance), en me demandant pardon. Elle était persuadée qu’elle avait provoqué mon évanouissement par sa claque. Avantage de la chose : elle a modéré après sa main leste… Inconvénient, j’étais mal de voir ma mère pleurer et me demander pardon… (et un traumatisme, un !)

Le médecin ne trouva rien de mieux que de me prescrire la première prise de sang de ma vie… Je me souviens de l’infirmière se déplaçant pour procéder à l’opération. Re-tombage dans les pommes… mais là tout le monde faisait l’habitué de service…

Tout normal apparement, et maman 2 semaines après, prenant rendez-vous chez le médecin. J’étais inquiète, je pensais qu’il était question de moi. J’avais forcément une leucémie pour le moins et l’on me taisait la chose… Je demande à maman si elle va voir le médecin pour moi, et elle me répond « oui » (à l’époque les parents étaient maladroits, aujourd’hui cela n’existe plus…).

J’étais donc fatalement inquiète et à espionner. Et puis voici papa rentrant du boulot (hé ho, hé ho). Nous étions tous dans la cour à savourer ce soir d’août non caniculaire. Il prend la main de maman, l’interrogeant d’un regard.

« Oui » dit-elle simplement.

Je ne sais pas pourquoi j’ai oublié ma leucémie aigüe et compris que maman allait avoir un bébé… J’avais dû en entendre et en comprendre inconsciemment. Je me suis levée en dansant « on va avoir un petit frère ou une petite soeur ! »…. Papa a haussé les épaules sans conviction « n’importe quoi ma chérie ». Mais j’étais certaine. Les adultes en présence d’ailleurs étaient moyen à me contrarier.

Le surlendemain, dîner chez Mrs Morgan. Question d’elle et réponse de maman « oui ». Et là, la grand mère qui met les pieds dans le plat « vous voulez un petit frère ou une petite soeur ? ». Et Jean Poirotte de râler « fallait vous taire Morgan, on ne le leur avait pas dit… ». Ben oui, 9 mois c’est long à passer, et ils souhaitaient nous le déclarer le plus tard possible (loupé)

Et ainsi vint au monde le 14 avril 1969 la der des der pour les parents. A 23 H 16 très exactement. Je m’en souviens comme si c’était hier. Mrs tricot était arrivée pour s’occuper de nous, à l’alerte tardive, Mrs Bibelot étant la spécialiste de l’accouchement en retard pour cause de date mal fixée rapport à des cycles fantaisistes (maintenant ça n’existe plus, les échographes vous annoncent la minute près de la conception), et nous avons sû le matin du 15 que c’était une petite fille. Mon frère pleura parce qu’il voulait un petit frère pour jouer aux billes avec. Il constata avec consternation au retour de la mère et de la petite soeur, que cette dernière était incapable de jouer aux billes, qu’elle n’avait même pas de dents, et qu’elle ne gargouillait même pas en français…

Moi j’ai pouponné à mort pour la première fois de ma vie, ce qui ne m’empêcha pas quand on me mit Pulchérie dans les bras, à changer pour la première fois, de ressembler à une poule qui a couvé une clef anglaise. Alors que j’avais changé ma soeur des milliers de fois, sous l’oeil approbateur de maman…

Et la naissance de ma petite soeur nous a bien fait rire, un jour où nous avons retrouvé chez tante Hortense, une carte postale de Mrs Bibelot, datant de juillet 1968.

« Vacances excellentes, 14 juillet magnifique, retraite aux flambeaux, feu d’artifice, etc… »

Le etc est passé à la postérité dans un éclat de rire général….

Bonne anniversaire ma petite soeur.

Le miel de mon enfance…

Lorsque j’étais petite, mon grand père (celui-ci) avait une quarantaine de ruches. Il tenait son matériel et son amour des abeilles de son père et avait tenu à garder « ses ruches ».

Il n’était pas apiculteur à proprement parler, car c’est un vrai métier. Il se contentait de surveiller ses ruches aux hasards de ses nombreuses promenades, de leur donner à boire pendant une sècheresse et de les protéger du froid certains hivers rigoureux (il en perdit les 2/3 en février 1956 où il fit -20° pendant tout le mois, malgré tous ses efforts).

Il « levait » les ruches dès le premier week-end d’août avec Jean Poirotte, commençant par celles du fond du jardin, dont une était toujours « méchante », ce qui nous empêchait d’aller gambader dans les poireaux. J’adorais le voir préparer son matériel dans « la pièce au miel », qui en a gardé pendant des années l’odeur… J’adorais voir les hommes s’équiper avec tout le bataclan, sortir du sac de patates à brûler (pulvériser la fumée pour neutraliser la ruche le temps de lever les hausses, et non, ça ne tue pas les abeilles. Elles prennent peur, se gavent de miel, se préparent à quitter la ruche en bourdonnant et hop on retire les hausses et on se tire, du coup elles restent).

Première arrivée de « hausses ». Papa empoignait le couteau à désoperculer et m’envoyait chercher tatie chérie dont le rôle était traditionnellement de tourner la manivelle de « l’extracteur ». Nous les mômes, bravions les abeilles ayant suivi « les méchants », une assiette à la main pour récupérer ce que nous appelions « des gâteaux de miel », à savoir de la cire alvéolée dégoulinante de miel liquide. Le grand père s’occupait de récupérer les dits gâteaux pour les mettre dans « le maturateur ». Papa mettait les cadres dans l’extracteur (une sorte de grosse centrifugeuse). Dès qu’il était plein, tatie tournait la manivelle et le miel coulait à flots.

Cela s’étalait pendant tout le mois d’août, Jean Poirotte ne pouvant s’y consacrer que le WE + une ruche tous les soirs. Une ruche donnait en moyenne 40 kg de miel. Mon grand père le vendait à pas très cher : ce n’était pas pour lui une activité lucrative. Nous en consommions beaucoup et nous adorons toujours cela.

J’ai vu arriver les premiers champs de colza. Nous avons découvert que le colza durcissait le miel, il fallait le mettre en pot très rapidement (c’était donc du mille fleurs). Il y avait les ruches du fond du jardin qui donnaient du miel de tilleul, 3 magnifiques tilleuls trônant chez le voisin du fond… que nous mettions en pots à part pour notre consommation personnelle. Il y avait la tournée des ruches à faire toutes les semaines quand le grand père acceptait de nous emmener (des enfants ça fait du bruit dans les bois), celles méchantes ou non, à abreuver ou non, mortes ou non (l’hiver, il posait son oreille sur la ruche pour vérifier qu’elle était bien vivante et savait si oui ou non), et surtout les appels au secours de personnes chez qui un essaim venait se poser, ceci 7 à 8 fois entre le mois de juin et de septembre.

Un essaim qui quitte la ruche c’est très impressionnant. Un jour nous en avons eu un chez nous qui venait du jardin pour s’installer dans le cerisier de la cour, sous lequel mon arrière grand mère faisait la sieste. Les abeilles se gavent de miel pour suivre la reine qui va partir. Elles ne piquent donc pas quand elles essaiment car elles sont gorgées de miel, elle « bourdonnent » très fort d’où le bruit impressionnant d’un essaim en vol qui est sans danger. Elles suivent avec précision la reine et s’aglutinent sur elle dès qu’elle s’est posée, généralement sur une branche d’arbre sous lequel quelqu’un faisait sa sieste… Là elles commencent à s’activer, il faut intervenir.

Je les ai accompagnés plus d’une fois… Ils partaient avec une ruche neuve à laquelle on mettrait des hausses l’année suivante seulement, le temps que la ruche se constitue et puisse vivre d’elle même. Papa ou le grand père montait dans l’arbre comme il le pouvait, et à la main, décrochait l’essaim qui tombait direct dans la ruche. Une fois la reine à l’intérieur, toutes les abeilles s’y engoufraient allègrement et c’était une ruche de plus. Juste espérer que la reine ne viendra pas se poser sur l’épaule de celui qui s’occupe de l’essaim, parce que tout le monde va suivre. Mon grand père évaluait le nombre d’abeilles au poids de l’essaim (1 kg = 10.000 abeilles) et apparement ne s’est jamais trompé (important pour savoir quand la ruche risque de traverser une mauvaise période)

A une certaine époque les gens appelaient les pompiers qui détruisaient les essaims… Petit à petit, mon grand père n’a plus renouvelé ses ruches et nous avons arrêté le miel.

Que de bons souvenirs et je me dis que j’ai entendu mon dernier essaim en juin 1999, alors qu’il se posait dans l’arbre qui donnait sur mes fenêtres chez Truchon & Co… Là on a fait venir un apiculteur qui a procédé comme je l’avais vu faire souvent….

Nous avions en tête mon frère et moi, de reprendre un jour cette activité (mais chacun dans notre petite tête). Nous ne l’avons malheureusement pas dit à notre grand père, qui tenait à son matériel comme à la prunelle de ses yeux (soi-disant), pour le donner un jour à un copain de son voisin. J’étais verte et mon frère aussi. Quand nous l’avons sû il était trop tard et il a été consterné lui-même. Pourquoi diable ne pas lui avoir dit que nous pensions reprendre cette activité ?

Ce sont tellement de souvenirs, finalement j’y pense un peu tout de même (pour quand Truchon m’aura virée)… J’y pense depuis longtemps à racheter du matériel et à avoir des ruches. Sauf que, vous le savez peut-être, mais les abeilles sont malades.

Chaque année il en meurt des millions et des millions de par le monde. Les apiculteurs n’arrêtent pas de tirer la sonnette d’alarme devant la mort de leurs ruches qui s’accélère. C’est une catastrophe écologique en vue, due à un virus (qui peut se traiter) et surtout aux multiples cochonneries qui sont répandues dans les champs et dont nous profitons aussi (bien évidemment, mais nous pour l’instant ça ne nous tue pas, ça fait juste baisser la fertilité et nous ne sommes pas en voie de disparition, et on mange n’importe quoi, pas le choix…).

Hors ne venez pas me dire « je n’aime pas le miel ». Si le miel représente un marché, l’abeille elle est le pilier de la pollinisation. Sans elles, si elles disparaissent, ce seront des milliers d’espèces végétales qui disparaitront. Adieu cerises, pêches, pommes, poires, abricots, et j’en passe je ne suis pas non plus une encyclopédie du monde végétal. Et paradoxalement certaines cultures qui les tuent, ne pourront plus, sans elle, être produites…

Je vous invite à faire une recherche gogolesque sur la disparition des abeilles. J’en ai trop lu, j’ai la flemme de mettre un lien (je ne sais pas lequel choisir) et trop mal au coeur… Alors que j’étais partie d’un bon souvenir, avec des odeurs dans la tête, mon père encore jeune, mon grand père encore là, et le bruit de l’extracteur tournant avec tatie rigolant…

« Quand les abeilles auront disparu, les humains n’auront que cinq années à vivre sur cette planète ».
Albert Einstein
(je suis peut-être bête, mais je pense que ce monsieur était très intelligent et très lucide…)

La vie n’est qu’un long calvaire. Quel monde allons-nous laisser à nos enfants ? Ce ne sont plus nos petits enfants qui auront à faire face aux problèmes. C’est peut-être, sûrement, déjà nous…

Ce soir je me suis arrêtée sous un cerisier en fleurs… « Avant » c’était un boudonnement incessant. Là : rien ou quasi rien. Si les abeilles sont mortes il n’y aura pas de cerises… Pas de prunes, pas de tout un tellement de choses que j’ai envie de faire quelque chose…

Et par pitié, si vous avez le bonheur de croiser un essaim. N’appelez pas les pompiers, mais l’apiculteur le plus proche…

Edit du 12 avril 2007

News

Une commission d’enquête sur les abeilles

Une quarantaine de députés de tous bords demandent une commission d’enquête parlementaire afin de faire toute la lumière sur la surmortalité des abeilles, a annoncé le député-maire de Vienne Jacques Remiller (UMP), qui a déposée mardi une résolution en ce sens.
Le député-maire de Vienne a souhaité qu’une décision de principe soit prise avant la fin de la législature pour que la commission d’enquête soit opérationnelle au début de la prochaine, lors d’une conférence de presse.

« L’apiculture vit depuis dix ans la plus grave crise de son histoire en France et en Europe », a souligné M. Remiller, précisant qu’en France, 1.500 apiculteurs, amateurs et professionnels, cessent leur activité chaque année, 5.000 emplois étant ainsi menacés.

La production française de miel a chuté de 10.000 tonnes depuis dix ans, soit 1.000 tonnes par an, a ajouté le député.

Et « la surmortalité des abeilles continue alors que les produits incriminés (Gaucho et régent TS) sont suspendus depuis deux ans », a-t-il fait remarquer.

Le député a indiqué que cette commission devra évaluer les décisions prises depuis dix ans pour enrayer la surmortalité des abeilles, juger de la bonne utilisation des fonds européens par la filière apicole et définir une politique nationale de sauvegarde des abeilles.

 

 

Mardi 20 Février 2007