Ma vieille voiture et moi…

Voiture_57210954J’ai eu plein de voitures dans ma vie, particulièrement pendant les 10 années que j’ai passées avec Albert qui était un fan de l’automobile et du contenu exact du réservoir de la sus-nommée.

Je ne souhaite pas me vanter particulièrement, mais je conduis plutôt bien. Il le faut d’ailleurs, pour maîtriser la voiture à laquelle je suis fidèle depuis 1994 (tout de même).

Et d’un, si j’aime bien conduire, je n’ai aucune attirance particulière pour la voiture en règle générale. Je lui demande de me véhiculer, d’être fiable et non dangereuse, de dépasser le 60 à l’heure à tout le moins, de ne pas grincer quand je change de vitesse, de freiner quand je le lui demande, de tourner dans les virages et point barre. Je n’y connais rien en voitures et je ne sais pas les reconnaître (sauf quelques unes mais c’est très limité et très ancien). Que je sois témoin un jour d’un accident et de la fuite d’un automobiliste, s’il ne s’agit pas d’une twingo,  je serais dans l’incapacité totale de dire de quel véhicule il s’agissait, pouvant sans doute préciser la couleur…

Albert était infernal avec les voitures, d’une maniaquerie abominable, c’est tout juste s’il ne nous reprochait pas de respirer les filles et moi, rapport à la buée sur ses vitres. Interdiction d’y manger quoi que ce soit pour éviter les miettes, c’est pratique quand on fait 800 bornes avec deux gamines affamées et assoiffées. Car en plus il ne voulait jamais s’arrêter pour ne pas casser sa moyenne, ce que j’ai toujours trouvé totalement nul. Moi aussi je suis pressée d’arriver mais alors dans ces cas là, on autorise les enfants à boulotter à l’arrière des trucs qui font des miettes.

En 1992, le divorce prononcé après moultes bagarres, j’ai touché ma part de la communauté et je me suis acheté ma première voiture : une five me convenait très bien et je n’ai jamais eu l’intention de me payer une voiture trop cher même si je gagne un jour au loto. Pour moi c’est de l’argent gaspillé et voilà tout (mais je ne suis pas radine pour le reste, je ne vous dis pas la barraque que je m’achèterais avec piscine chauffée).

J’aimais bien ma petite five et je l’entretenais correctement, pas aussi bien qu’Albert, mais bon elle était propre et tout et tout (les filles arrêtez de ricaner). C’était ma première voiture à moi toute seule. On me l’a volée un lendemain de grand nettoyage + passage de polish sur la carrosserie, et il a dû se passer quelque chose dans mon cerveau à ce moment là. Munie de l’argent de l’assurance j’ai déniché une super occase qui avait 40 000 km et faisait pile poil le prix voulu. J’ai donc fait l’acquisition de ma seat ibizzzzza 1300 qui était à l’époque une bonne voiture (ne cherchez pas, elle n’est même plus cotée à l’argus, comme moi).

Les choses ont commencé à se gâter quand je me suis rendue compte que je faisais un blocage complet sur le nettoyage de cette petite merveille (surnommée Titine). En gros je m’y collais une fois par an. Ceci est tout à fait inadmissible car en plus, je laisse traîner dedans tout un tas de trucs, alors qu’il serait aussi simple de les jeter immédiatement. Je suis grosso-modo incapable de faire sortir un objet de cette voiture. J’y ai traîné pendant des mois un guéridon que Pulchérie m’avait emprunté + un service à raclette.

Actuellement il y a des paquets de clopes vides dans la contre-porte (je ne les jette pas par la fenêtre) + des bombes de dégivrant vides de l’hiver dernier + 3 parapluies + 2 bouteilles d’eau + Mes moon boots que je vais laisser pour le cas où il se mettrait à geler c’est l’époque (si vous n’êtes jamais tombé en panne un soir de neige à piétiner en escarpins dans la neige, vous ne pouvez pas comprendre le pourquoi de la présence des moon boots à n’importe quelle époque de l’année) + quelques magasines que l’on m’a prêtés et qu’un jour je vais lire (s’il y a des embouteillages monstres, je suis équipée).

Pour la carrosserie, je cultive 15 espèces de mousses différentes dans toutes les rainures. Ma jeune soeur m’a suggéré de tenter les géraniums, mais c’est trop de boulot. Elle se contente ironiquement de me planter une fleur de temps à autre, où il faut, je roule avec, les fleurs c’est sacré. J’ai une petite araignée fidèle (Sophie)  qui loge derrière la vitre de mon rétroviseur extérieur gauche depuis 6 ans. Mon rétroviseur extérieur droit pendouille depuis 4 ans, depuis qu’un sale motard me l’a démoli d’un coup de poing, sans motif. J’ai donc une oreille de Cocker à droite et on me reconnaît de loin. Bref c’est une caisse dans laquelle je fais 20 km par jour. Pour les grands trajets désormais Mrs Bibelot me prête la sienne (2 fois par an), car ma titine commence à avoir du mal à dépasser le 110 sans vibrer et les vibrations ça me stresse (j’ai assez du boulot).

Je n’y suis pas spécialement attachée (que je dis), mais je n’ai théoriquement pas les moyens de m’en offrir une autre. Elle a passé le contrôle technique après maintes péripéties, elle et moi en avions repris pour deux ans…

Hélas la vie n’est qu’un long calvaire car la tôle et les moteurs s’usent mine de rien…

Le Furoncle en visite…

Visite_du_FuroncleDeux heures après avoir fait la connaissance du Furoncle, (cliquez sur Furoncle, vous comprendrez) je voulais des filles… Des filles, rien que des filles, encore des filles, toujours des filles. J’aurais pu en pondre 5 ou 6 pourvu que cela soit des filles (ON m’a entendu plus haut, mais je n’en ai eu que deux…)

Le Furoncle, c’est la mère d’Albert, mon premier mari, le père des filles, pour ceux qui n’auraient pas tout suivi. Parce qu’après j’ai eu deux belles mère d’un coup (ici)

Je voulais bien être belle mère un jour, mais surtout ne pas risquer de lui ressembler… Hors apparement, il y a des femmes qui se détraquent pour avoir mis au monde des garçons. Je n’en fait pas une généralité, mais le furoncle faisait partie de cette catégorie là…  Encore qu’à mon avis très objectif, je pense qu’elle était détraquée de nature…

« On n’aime pas les filles dans la famille » clamait-elle en se sentant très intelligente, devant ses filles et petites filles… Bref, une horreur… Je m’imaginais détraquée à mort d’avoir pondu un fils : pas question.

J’adorais qu’elle vienne nous rendre visite avec son mari (l’ulcère). C’est simple, pour les voir le moins souvent possible (y aller, les recevoir), j’ai tenu un agenda d’enfer pendant 10 ans… Les beaux-parents toutes les 6 semaines c’était l’idéal. Bien sûr que pour Albert ce n’était pas top, mais il n’avait qu’à bien vouloir écouter mes appels au secours concernant ses géniteurs. Il en faut finalement peu pour sapper à la longue un couple (encore que le Furoncle + l’Ulcère, ce n’était pas qu’un peu…)

Pour la naissance de Delphine, elle s’était gentiment proposée pour venir passer deux ou trois semaines à la maison… Au secours, à l’aide ! « Je suis vraiment désolée mais il est trop tard, j’ai réquisitionné Mrs Tricot qui est ra-vie et s’en fait une joie » (après raccrochage « Allo Mamie ? Tu es réquisionnée pour la naissance du prochain héritier pour t’occuper de Pulchérie… Tu es ravie ? Moi aussi ! » (oh combien)…).

Elle arrivait et posait son sac pour ranger les affaires de l’Ulcère et les siennes et disparaissait dans l’appart ou la maison… Moi j’étais occupée à faire un repas digne de Bocccuse et Albert était prié d’occuper son père…

Donc Albert servait l’appéro ou allumait le feu pour le barbecue, les hommes savent faire… Nous nous installions…

  • « Maman tu es où ? »

  • Bruit de vroum vroum dans la cuisine ou plus tard,  l’arrière garage où était le lave linge…

  • « je mets une lessive en route mon chéri »

  • « … » (combien ça va me coûter de lui péter la g…. ?)

  • « Ah Coraline, j’ai vu dans le panier de linge sale que tu n’avais pas lavé tes sous-vêtements, j’ai donc mis tes slips et tes soutien-gorges à laver (j’étais équipée pour faire une lessive toutes les deux semaines, ce n’était pas pour qu’elle vienne mettre le nez dans le linge sale de la famille, surtout mes sous-vêtements (toute femme me comprendra)…)

  • « … » (ça me coûtera combien de l’étrangler avec le soutien rien de ce que j’aurais voulu comme poitrine, que je porte présentement ?)

  • « Oh ma petite Coraline, je vois d’ici que tu n’as pas récuré ton pied de table (en forme de patte de lion, pied central très pratique, c’était de la récup de jeune couple fauché, juste passé au chiffon à poussières)

  • Le lendemain matin, le furoncle introuvable. Espoir (vain) qu’elle ne soit tombée dans les toilettes en tirant la chasse d’eau au passage…

  • « Fernande vous êtes où ? »

  • BING ! (tête qui cogne, ce qui ne va pas arranger le problème…)

  • « Je suis sous la table, je suis en train de remettre en état ta patte de lion, elle en avait bien besoin. J’ai pris une brosse à dent usagée qui était avec le cirage, d’ailleurs j’ai ciré toutes vos chaussures, ça devenait urgent, je pensais qu’elle pouvait être utile. Elle l’est pour aller dans les rainures de cette fichue patte » « Au passage d’ailleurs j’ai mis ta boîte à cirage dans le placard à chaussures, elle n’avait rien à faire dans le placard des toilettes »

  • « … » Pas de témoin. Si je la tue maintenant aurai-je le temps de me débarasser du corps ? Je sais où est la scie mais nous n’avons pas de tronçonneuse

  • Tout allait bien dans la cuisine, mais je sens comme une odeur de brûlé… J’ai pourtant bien sorti ma tarte du four.

  • « Ah bah ça doit être ta tarte qui brûle précise le furoncle devant mon interrogation » « Je l’ai remise à griller avec des amandes » (sans me prévenir bien sûr, tarte ruinée (cette pauvre Coraline est incapable de faire une tarte aux poires, c’est tout vous dire…))

  • « … » Merde, voilà Albert et son père qui reviennent de la pèche… Le meurtre du Furoncle sera pour une autre fois.

  • « Ah j’oubliais Coraline, ne cherche pas ton vinaigre blanc, je l’ai utilisé pour détartrer le pied du robinet de notre salle de bain… J’en ai bavé… Cela ne sautait pas aux yeux, mais j’ai l’oeil… « 

  • « …. » Bombe atomique…

Elle est allée jusqu’à me réorganiser mes placards à sa sauce, un jour où nous préparions à l’extérieur, avec ma méchante belle-soeur, un anniversaire quelconque. Immanquablement, elle allait farfouiller dans mes tiroirs ou autre… Toujours pour trouver ce qui d’après elle, faisait de moi une femme insupportable… Avec une prédilection pour le panier de linge sale ou repasser à nouveau les chemises de son fils que j’avais loupées… (manquait le pli dans le dos qu’elle adorait…)

Les filles me disent qu’elle a disjoncté (le furoncle) ! BIEN FAIT !

Elle était toujours là pourtant, prête à me rendre service et surtout prouver que je n’étais bonne à rien… Son fils ne disait rien, et un jour ça clashe… On se demande pourquoi…

Ma mère n’en pense pas moins parfois quand elle vient, mais au moins, elle la boucle et ne fait RIEN. Et je la boucle et ne fait RIEN chez elle, parce que personne n’est, dans mon secteur, Bree dans Desperate Housewifes…

La vie n’est qu’un long calvaire… D’ailleurs un furoncle ça détraque, je ne m’en suis toujours pas remise… J’accepte avec joie de ses nouvelles quand les filles m’en donnent, vu qu’elle ne s’est pas arrangée et que les filles l’apprécient très moyennement (à elles de donner leur avis)

Ils l'ont fait…

Ils_l_ont_fait_10035778L’enfer est venu du ciel, l’enfer est venu des hommes.

Le 6 août 1945 à 8 H 15 (vous noterez que j’ai posté à l’heure exacte, sauf foirage de l’hébergeur), la première bombe atomique « utile » de l’histoire était larguée sur Hiroshima. Trois jour après, le mercredi 9, un autre champignon monstrueux s’élevait sur Nagazaki. Tout le monde connaît ces noms sans comprendre forcément ce qu’ils représentent. Moi même j’étais tellement jeune que je ne comprenais pas vraiment ce que ces deux noms de villes représentaient…

« Les enfants, annonça le Président Truman (le président « de la paix ») à ses marins de « l’Augusta », nous leur avons collé sur le citron (!) un pavé de plus de 200 000 tonnes de TNT ! »

On l’applaudit. Aucun regret, aucun remord, et c’est une légende qui raconte que le pilote qui a largué la première bombe est mort fou de ce qu’il avait fait. C’est archi faux. Il est mort très fier d’avoir accompli sa mission. Un militaire ça obéit sans discuter et sans réfléchir, sinon ça ne serait pas un militaire. On ne déplore donc pas un mort de plus…

La guerre, cette horrible guerre qui avait déjà fait tant de morts, est enfin totalement terminée en en faisant quelques uns de plus, même si pour l’Europe elle l’était (terminée) depuis le 8 mai (à suivre donc, car nous sommes là en 1945 et qu’il y a encore 1944 à vivre après Oradour sur Glane). L’Amérique a gagné. L’ère atomique qui s’ouvre c’est le Japon à genoux enfin, l’Amérique à la tête d’un pouvoir maléfique qu’elle tentera de garder pour elle… Car l’ère s’ouvre tout juste, il va y avoir plein de rebondissements sur l’histoire de la bombe, qui a le droit de l’avoir ou non, et qui peut de l’uranium enrichir ou non (c’est le polar du 20ème siècle qui continue au 21ème, c’est dire)… La France l’a eue, en grand froid du coup avec son cousin américain, Lafayette ou pas…

A l’aube de cette ère atomique, les savants, Oppenheimer en tête avaient dansé pour saluer leur découverte, Einstein étant resté plus discret. En France la presse célébrait le soleil noir d’Hiroshima « une découverte sensationnelle… La plus formidable machine de mort que le génie humain ait inventée… Cette arme décisive, irrésistible, entre les mains d’un grand peuple pacifique, d’une démocratiie éprise de liberté, assurera la paix sur le monde » (France Soir) (j’ai dû louper un chapitre, je n’ai pas remarqué vivre dans un monde en paix depuis 50 ans)

Le reste n’était-il que littérature ? Surtout pas… Barbarie sans images, les seules publiées sont très soft… Un enfant porteur d’une nouvelle gangrène, des ruines absolues… On nous a toujours caché le pire… Car le pire c’est le « plus rien », l’humain fondu dans le bitume lui-même fondu dans l’arbre d’à côté, jusqu’au point A où il n’y a plus rien du tout…

Ils ont osé. Ils l’ont fait. Ils avaient fustigé les nazis pour leur inhumanité, mais déjà bombardé Dresdes (ce qui n’est pas à leur honneur, car c’est une véritable horreur). Il paraît qu’ils n’avaient pas le choix, sinon la guerre aurait fait plein de morts américains encore… Car dans une guerre il y a le bon mort et le mauvais mort. On a beau avoir passé l’arme à gauche contraint et forcé, on fait partie des « bons » ou des « méchants ». Pas grave, Saint Pierre fait le tri sur une arrivée massive soudaine et Dieu reconnaît les siens (là il est obligé de se coller au boulot aussi, du coup ça le met de mauvaise humeur…)

Ils ont osé, ils l’ont fait. On l’a un peu oublié. Depuis, sur le plan de la destruction on est passé bien au delà des 200 000 tonnes de TNT (c’était vraiment des rigolos). On en a rajouté. Après la bombe A, la bombe H beaucoup plus destructrice (elle même allumée d’ailleurs par une bombe A), ce qui était forcément utile et diaboliquement obligatoire à posséder. Et puis Samuel Cohen a inventé « avec un crayon et du papier », la bombe N, la bombe qualifiée d’inhumaine, ce qui laisserait à penser qu’il existe des bombes humaines surtout dans cette catégorie là où n’importe qu’elle autre d’ailleurs. Comment une arme peut elle être HUMAINE ?… Mais comme on évolue, on fait aussi dans les mines anti-personnel que personne n’a jamais qualifié d’humaines ou inhumaines… (mon dieu quelle distraction !)

Ils l’ont fait, ils en ont été fiers… Tout le monde l’a voulue, tout ceux qui ne l’ont pas la veulent. La bombe… Celle qui dessine dans le paysage ce champignon monstrueusement magnifique. On mesurera très longtemps après, son impact réel sur les générations à venir de survivants, sur l’environnement, mais on ira toujours de l’avant… L’Homme est ainsi : il avance, il progresse… Pour ce qui est de la bombe H par exemple, le principe de cette chose exquise est qu’avec un verre d’eau, on fournirait à la ville de Paris, de l’énergie pour une année, et proprement… Nous avons donc progressé, forcément…

Je laisse la parole à Albert Camus qui a découvert « la chose » en son temps…  « il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l’utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. En attendant, il y a quelque indécence à célébrer une découverte qui se met au service de la plus formidable rage de destruction« …

Le pauvre cher homme est mort, paix à son âme, parce que du coup il ne sait pas jusqu’à quel point le suicide collectif est d’actualité avec les problèmes de climat.

« L’homme est un loup pour l’homme« … Ce n’est pas très sympa pour les loups… Moi j’aime bien les loups… Ils ne fabriquent pas de bombes propres ou sales, humaines ou inhumaines, ils pêtent peut-être mais sur le plan gaz à effet de serre, ça reste moyen comme cause de réchauffement (vu ce que l’on pête et eux que l’on a tenté d’exterminer, il n’y a pas photo)…

Qui pensera à ceux qui ont connu l’enfer en ce 6 août ? Qui pensera à ceux qui ont fondu ? Qui pensera à ceux qui sont morts à petit feu des radiations ? On en parle peu… On a oublié, c’est tellement pratique d’oublier… Surtout quand on est en vacances… Et puis ce n’est pas un chiffre rond… Alors on parle d’autre chose…

C’est ballot d’avoir fait ça en août…. Franchement les alliés c’était n’importe quoi… Au mois d’aût, je rêve !

La vie n’est vraiment qu’un long calvaire…

La lessive part 2…

Georgette_DUGROPREZ

Mon arrière grand mère… Vous l’avez déjà vue quelque part sur une photo de mariage illustrant le 11 novembre.

Elle avait préparé son trousseau très jeune. Dès l’âge de 6 à 7 ans, elle brodait, ourlait, décorait, tous les soirs en causant avec la famille. Elle préparait son « trousseau » donc, et la mère qui n’avait que des filles en vie (3 sur les 4 nées + 2 fils morts trop petits) s’arrachait les cheveux au sujet des « trousseaux ».

Une fille se devait d’avoir le minimum qui pour nous est bien trop, à cause de l’histoire des lessives justement.

Et pas du n’importe quoi. Chaque drap de lin ou coton est ajouré, brodé, chaque nappe aussi, chaque serviette.

Elle était prête pour se marier et c’était une chance : elle épousa mon arrière grand père 3 mois après l’avoir connu…

Je cite le trousseau, pour ce que nous en savons…

  • Douze douzaines de chemises de nuit (il nous en reste d’intactes dans le grenier)

  • Douze douzaines de chemises de jour (idem, j’ai accouché de chacune des filles dans une de ces fameuses chemises pouvant bouillir sans problème en machine)

  • 24 services de nappes et serviettes assorties (et la serviette de l’époque (X 24 on prévoyait large), que l’on peut se mettre autour du cou en se protégeant encore le haut des cuisses)

  • 25 paires de draps (drap du dessous tout simple, drap du dessus ajouré et/ou brodé) et 50 taies d’oreiller

  • 4 édredons fourrés au duvet de canard ou d’oie et brodés également, en soie véritable (et Mrs Bibelot, oui, ELLE, jetant le dernier un beau jour…)

  • 6 dessus de lit molletonnés mains

  • 12 douzaines de torchons ourlés et portant ses initiales en rouge

  • 72 serviettes de toilettes et gants de toilette non tissés par elle, mais brodés de ses initiales également en rouge

Pourquoi une telle débauche de linge ? Pour la lessive tout simplement.

Elle, pour la lessive hebdomadaire, habitait une jolie petite maison dans les bois, mais sans eau courante, sauf celle de la citerne qu’on ne gaspillait pas en lessives (on la buvait sans jamais avoir une gastro…). Une fois par semaine au maximum, été comme hiver, elle descendait un petit chemin que j’emprunte toujours avec Mrs Bibelot régulièrement pour se retrouver au Pont Grandval où passait la rivière.

Quelqu’un d’astucieux avait mis en place un simili lavoir… Savoir qu’il lui fallait faire descendre une planche monumentale qui retenait l’eau de la rivière et la bloquer avec peine (la planche, l’eau on ne peut jamais vraiment la bloquer). Parfois son mari averti se chargeait de la planche pour qu’elle trouve l’eau à niveau une heure plus tard.

Se mettre à genoux sur la planche ad hoc sur laquelle elle s’agenouillait et qui descendait doucement vers l’eau (une planche spéciale donc, que chaque femme possédait) sur une légère descente du bord de la rivière prévu pour, tout en surveillant son fils afin qu’il ne tombe pas dans la rivière… Quand le niveau était correct, elle se dépêchait de tout laver, avec brosse, battoir également + savon à la potasse qui n’a jamais fait crever les écrevisses qui pullulaient 200 mètres plus loin… L’eau est toujours glacée de nos jours dans ce secteur (sans écrevisses hélas), il fallait faire vite et c’était vraiment la lessive à faire absolument. Ne pas oublier de relever la planche avant de repartir pour qu’elle ne cède pas sous le poids de l’eau s’accumulant.

La grande lessive une fois l’an c’était la fête finalement. Tous les draps, toutes les nappes, toutes les serviettes, toutes les chemises de jour ou de nuit, tout ce qui pouvait attendre parce que l’on avait de la réserve, que l’on allait laver un beau jour d’été, voire plusieurs.

Elle partait avec une cariole pleine de linge, et tout ce qu’il fallait pour le laver. La grand mère prenait le petit ce jour là et elle allait au vrai lavoir où elle pouvait parlotter un peu avec les autres, faisant de même… Certaines s’y rendaient toutes les semaines pour l’urgence, n’ayant pas son lavoir à elle au fond des bois… Mais on ne la snobait pas, parce que l’on comprenait qu’elle lave son linge à la rivière sans faire 8 km à pied pour venir au lavoir.

C’était une bonne journée disait-elle, voire deux ou trois jours sans discontinuer. Elle rentrait « en nage », réservant les vêtements de ces journées pour un petit tour à son lavoir personnel ou presque…

Le linge battu et rebattu, coulé tout de même la veille et les jours d’avant, savonné et brossé, s’étendait sur l’herbe qui sèche plus blanc que blanc, et c’était à qui prendrait le plus de place… Chacune amenait un panier de victuaille et l’on pique niquait sans connaître l’expression en prenant les dernières nouvelles… Alberte est enceinte ? Encore ? Elle en est à combien ? Et le père Michu, toujours aussi désagréable ? Comment ça la boucherie ferme ?

Après restait à rentrer à la maison pour tout repasser… Après le repassage qui pouvait attendre les premiers jours mornes et pluvieux, elle pliait tout comme il faut et mettait sous presse pour que cela prenne moins de place dans les placards. Elle pouvait affronter une nouvelle année à changer ses draps, serviettes de toilette, serviettes de table, nappes…

La première lessiveuse que mon grand père acheta la laissa rêveuse. Le premier vrai lave linge aussi. En aussi peu de temps c’était tellement propre… Juste à repasser, à l’électrique… Le rêve…

C’est en l’écoutant parler de ces lessives d’antan  que j’ai su, sans le savoir vraiment, ce qu’avait été sa vie…

Elle n’a pas connu la lavante sèchante… Nous attendons celle qui repasse en plus et qui plie direct le linge et le range direct dans le placard…. Jamais contentes et surtout : pas du tout conscientes de la chance que nous avons.

Comme je le dis toujours: la vie n’est qu’un long calvaire…

Il reste de vieux draps qui ont l’air neufs chez Mrs Bibelot… ON ne peut  pas s’en débarrasser, alors on les garde… Impossible de faire une housse de couette avec : pas la bonne taille et il faut repasser à mort (mais comment faisaient-elles ???).

La vie n’est VRAIMENT qu’un long calvaire…

Jour de lessive… (part 1 sur la lessive)

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Sa mère le lui a dit et répété à Alphonsine : la lessive le mardi… Elle fera donc sa lessive le mardi. La petite lessive s’entend, celle du quotidien, la « grande lessive » étant programmée une fois l’an.

Alphonsine est pourvue d’une lessiveuse dernier modèle, d’une brosse et d’une planche à battre le linge. Elle a de la chance : il y a l’eau courante chez elle. Froide bien sur, mais bon, elle n’est pas obligée de se rendre au lavoir qui est à 200 mètres de chez elle, autrement qu’une fois l’an, ce qui fait d’elle une pimbêche pour certaines qui vont au lavoir chaque semaine que dieu leur inflige.

Le lundi soir, elle met le linge vaguement humidifié dans la lessiveuse à l’étage 0. A l’étage 1, un genre de panier à couscous dans lequel elle met de la cendre de bois (religieusement recueillie du fourneau jour après jour). A l’étage 2 qu’elle remplit d’eau, le goutte à goutte.

Toute la nuit, le goutte à goutte va jouer, diluant l’eau dans la cendre et noyant le linge. Elle appelait cela mettre le linge « à couler ».

Le mardi matin, Jules parti, elle fait chauffer un bon coup, récupère le linge, regarde ce qui est blanc de blanc ou non, et empoigne sa planche à laver, sa brosse, et un savon à la potasse qui lui esquinte les mains. Elle frotte chaque tache, elle récure. Elle bat le linge pour l’essorer entre chaque opération (rinçages multiples, mais il faut faire attention : l’eau coûte cher).

Dernier rinçage (avec, si c’est du blanc un peu de bleu en boule pour faire plus joli et plus blanc) : aller étendre. Quand il fait beau, comme pour nous : que du bonheur à aller dans le jardin. Quand c’est l’hiver, elle étend devant la cheminée qu’elle fait flamber comme pas possible, en allant chaque heure retourner le linge, le changer de place, pour que tout soit sec pour le soir.

Elle plie tout soigneusement… Parce qu’après il va falloir tout repasser. Et comme le deuxième s’agite déjà dans son ventre, le mercredi c’est également lessive : de couches… En France, le service de nettoyage de couches n’existe pas encore, comme aux USA… Comme elle est enceinte à nouveau elle n’a pas de problèmes avec la lessive mensuelle qui a mortifié tant de femmes en ville. A rincer et rincer jusqu’à ce qu’aucune trace suspecte ne puisse révéler dans le caniveau qu’il se passait quelque chose dans la maison (la mère ou la fille ?). Cette lessive mensuelle qui poussait les femmes au lavoir à des heures pas possibles, quand elles savaient qu’elles seraient seules…

Le jeudi c’est repassage… Avec le fer qui chauffe sur ce que l’on appelle à l’époque « le fourneau », dernier modèle, que lui a acheté Louis. Elle approche le fer de sa joue pour vérifier qu’il est à la bonne température. Elle en a trois de fers : deux qui chauffent constamment sur la plaque du fourneau et un qu’elle remplit de braises… Elle n’a le choix qu’entre le repassage très chaud, et le plus rare : un peu de lingerie ou de vêtements à elle en plus fragile : soie ou cachemire. L’infroissable n’existe pas… Elle apprend très vite à repérer la bonne température pour soie ou cachemire… Pour les cols de Jules, amidonage obligatoire…

J’ai connu cela chez mon arrière grand mère. Le fourneau à charbon ou à bois à allumer tous les matins. Avec une réserve pour avoir de l’eau chaude, le four dont sortaient des tartes extraordinaires, un dernier tiroir en bas pour garder un plat au chaud…

En ce qui concerne la lessive, je déteste franchement vider le lave linge et étendre… Et vous ???

Une grosse pensée pour ce qui était la vie de ces femmes. Et Alphonsine ne « travaillait pas ». D’autres si…

La vie n’est qu’un long calvaire…