Comment j'ai quitté Truchon (part 1)

C’est donc officiel, à compter du 10 décembre 2007, je ne ferai plus partie de la société Truchon & Co, et irai rejoindre la floppée de chômeurs qui peuple la France.

9 années passées dans cette boîte, dont les 9 derniers mois à redouter un licenciement, la fermeture de mon département, à affronter des changements de poste. Inquiétudes soutenues par pilules roses sans grand choix, un peu mises de côté depuis la dernière réunion rassurante… Et puis paf, le jour anniversaire des 9 années.

  • Lundi 1er octobre : « Coraline, vous pouvez venir dans mon bureau s’il vous plaît ». J’ai rapidement compris (je le savais, et personne ne voulait me croire !). Les américains m’ont désignée (et d’autres) d’un doigt vengeur : à virer ou à pousser à la démission. Truchon me propose un deal. Il m’accorde 3 jours de congés gracieux pour que je consulte un avocat, lui fasse une proposition transactionnelle, et me souhaite bon courage. Nous nous contacterons désormais via nos portables. Secret défense, zecret militaire abzolu

  • Mardi 2 octobre : le nez ruiné et un peu hébétée, j’appelle ma bonne copine avocate. Elle me propose de demander X mois de salaire à titre de dommages et intérets en plus de ce qui m’est dû. J’appelle l’avocat de la boîte qui ne saute pas au plafond mais me dit que ce qui va se défendre c’est : préavis compris ou non (deux mois). Je lui signale au passage que je compte passer par le juge des référés et non par un simple prud’hommes, pour « licenciement économique déguisé ». Je le sens se figer au téléphone (chacun son tour, mais je préparais mon coup depuis un petit moment). Je rédige mon mail de demande à Truchon (2 heures de réflexion + le temps que l’avocat lui signale que je ne vais pas la jouer douce malgré ma voix charmante) et j’envois la chose.

  • Mercredi 3 octobre : je me ronge les poings. J’appelle Truchon vers 17 H qui m’affirme m’avoir répondu en me demandant 48 heures de réflexion (rien reçu).

  • Jeudi 4 octobre alors que je me ronge le tour des ongles : c’est lui qui m’appelle. Il est d’accord avec toutes mes demandes et les X mois ne comprendront pas le préavis que je n’aurais pas à effectuer : j’ai l’impression de représenter un danger si je retourne dans la boîte : lequel ? Je m’interroge. Il me file rancard pour le lendemain au troquet de ma bourgade, afin que nous signions les papiers de la transaction.

  • Vendredi 5 octobre : RV un peu particulier mais bon. Le protocole est prêt. Une lettre bidon de convocation à entretien préalable m’a été « remise en main propre le 26 septembre ». Je signe le « remis en main propre ». Il va falloir que la procédure de licenciement continue normalement. Lundi il me poste la lettre, je la reçois le mardi, je conteste le mercredi au plus tard… Là je découvre que je ne retournerai vraiment pas dans les locaux, sauf plus tard, sous sa garde, récupérer mes quelques petites affaires personnelles (mais quel danger suis-je donc ?).

  • Samedi 6, dimanche 7, lundi 8 : je me ronge les sangs. Je suis encore en congés officiellement jusqu’au lundi inclus mais si je n’ai pas la lettre le mardi ou le mercredi au plus tard, je serai dans mon tort en étant absente…

  • Lundi 8 : je supplie la secrétaire de mon médecin qui me propose un arrêt de travail depuis des mois… Elle entend bien que je me ronge les ongles et me rappelle une heure plus tard : RV pris pour le mardi 9 au soir : c’est bon, en cas de pépin, je serai couverte.

  • Mardi 9 : réception de la lettre de licenciement (pas d’embrouille donc). Je ronge mon clavier pour y répondre. J’envoie le poulet à ma belle-soeur afin qu’elle me l’imprime car mon imprimante m’a lâchée, elle aussi… J’annule le RV chez le médecin : je suis en préavis payé, mais non effectué (youpee !)

  • Mercredi 10 : j’envois la lettre. Je préviens Truchon. Il me dit que dès réception, nous nous rencontrons pour régler la partie « transaction ».

  • Jeudi 11 : je ronge une cartouche d’encre usagée en essayant de comprendre ce qu’a cette foutue imprimante

  • Vendredi 12 : c’est l’anniversaire de Delphine. Je me ronge de cafard et enfin, appel de Truchon, lettre bien reçue, ne peut me rencontrer ce jour, parce qu’il a les amerloques sur le dos (faut que je le plaigne). RV pris pour lundi, même endroit, à 10 H.

  • Samedi 13, dimanche 14 : je ronge un bout de bois en aidant Mrs Bibelot à faire du feu dans son jardin, en priant, tout en brûlant des feuilles mortes qui se ramassent à la poubelle pelle, pour que les amerloques n’aient pas fait capoter l’histoire, car ils en sont capables, ces cloportes.

  • Lundi 15 : je me réveille dès 4 heures du mat. Cela va être long jusqu’à 10 H… Je ronge mon frein. 10H 15 : remise du chèque et de la transaction, dans la voiture de Truchon (le troquet est fermée), avec Mrs Bibelot planquée non loin avec un télescope pour voir à quoi il ressemble. Soulagement de ma part et de la sienne. Il me confirme que le reste me sera finalement adressé avant la fin du mois et que je signerai mon reçu pour solde de tout compte en décembre. Il espère que je viendrai le lui remettre pour dire au revoir à tous et éventuellement offrir un pot… Je ne suis pas chaude pour le pot, il m’avait dit à notre rencontre précédente qu’il me l’offrirait… Il me faut encore le plaindre de la pression qu’il subit, mais chèque en poche, je me permets de lui signaler que moi je n’ai pas touché le pactole en 2000 quand j’ai vendu ma boîte (bon d’accord il n’a touché que la moitié de 15 millions de F, son père étant également en nom, mais moi avec la même somme, je me sentirai très bien…). Il ne moufte pas…

  • Mardi 16 : direction la banque pour remise du chèque. Banquier ultra sympa « bon, voyons voir quels sont les placements les plus avantageux ». Je ne ronge plus rien, mais j’ai signé… J’espère ne pas lui avoir vendu mon âme au passage… En empochant mon chèque je renonçais définitivement à toute procédure, mais voyez-vous, de se battre, on se lasse…

J’ai vécu là les 31 jours les plus longs de ma vie, avec mes deux neuvièmes mois de grossesse… La relativité du temps qui passe, il y a des moments où l’on la ressent tout à fait… Reste à se remettre de tout…

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