La libération de Paris (réédition du 25 août 2007)

Paris_Lib_r_

Paris est enfin libéré, c’est le symbole de la France, c’est comme si la toute la France était libérée…

Je ne vous parlerai pas de la libération de Paris, contrairement à ce que vous attendez de moi, si vous attendez quelque chose…

J’ai été toujours émue, à en pleurer comme une madeleine, devant les image de la liesse populaire, de la joie dans borne, par tous les films concernant la libération de Paris (et du reste), retrouvant ainsi Jean-Poirotte et sa faculté à pleurer devant la joie populaire… D’ailleurs nous avons parfois pleuré ensemble en nous refilant le pavé de kleenex…

Avant de continuer, je vais laisser la parole à un auteur célèbre : Paul Eluard… Poète et résistant :

« Comprenne qui voudra… Moi mon remords ce fut… La malheureuse qui resta… Sur le pavé… La victime raisonnable… A la robe déchirée… Au regard d’enfant perdue… Découronnée, défiguée… Celle qui ressemble aux morts… Qui sont morts pour être aimés »… « En ce temps là, pour ne pas châtier les coupables, on maltraitait les filles. On allait même jusqu’à les tondre… »

Il parlait tout simplement de ces malheureuses, prises au piège des amateurs de justice… en ces temps de libération.

Entre Vichy et les nouvelles autorités, on vit des justiciers d’occasion qui d’ailleurs ne s’étaient pas vraiment distingués au cours des années passées en résistant, donner libre cours à des instincts qui n’était pas très purs… Il y avait dans la violence qui se disait inspirée du plus noble des patriotismes, la même composante sexuelle inavouée bien sûr, mais évidente, que chez les moines de l’Inquisition, tortionnaires pour le bon motif, quand ils soumettaient à « la question » une sorcière nue… Ces hommes et femmes là (qui avaient peut-être de la jalousie un peu forte au fond d’elles-mêmes, et donc de la frustration) n’avaient pas bougé un seul petit doigt pendant l’occupation, il était grand temps qu’ils s’y mettent, largement, la bataille de Paris (ou d’ailleurs) étant terminée…

J’ai toujours trouvé la photo que je vous livre, à gerber : le mec de gauche qui tient la femme par la main, sévère et juste (!) (pour moi c’est le faux cul de première, on est en plein dans « au bon beurre » de Jean Dutourd), celui de droite avec son beau costume, très content de lui, c’est le mac qui a vendu sa préférée aux allemands mais qui l’a oubliée, réputation oblige. Et tout le monde riant à qui n’en peut plus, une liesse populaire qui là me fait peur et ne représente pas la vraie joie, mais la méchanceté à l’état pur. Ce n’est pas la joie de savoir l’allemand parti enfin, c’est la joie d’humilier à n’en plus finir… En plus ils se portent tous bien : ce ne sont pas les tickets d’alimentation qui leur ont donné une aussi bonne mine. Mes deux grand-mères ont terminé la guerre avec la ligne plus que « haricot »…

Car il y a aussi cette pauvre malheureuse dans le milieu, tondue, la croix gammée dessinée sur elle, résignée déjà à un sort fatal. Celle qui n’a rien à dire car derrière il y a la foule qui ne l’écoutera pas, qui ne l’écoutera jamais, qui sait tout, qui porte en elle la justice… Il y a celle qui s’interroge peut-être sur le sort de son enfant (l’enfant de la honte), qui ne comprend pas tout à coup pourquoi tant de haine contre elle…

C’est tout à coup le retour de Mademoiselle de Sombreuil buvant un verre de sang pour épargner la vie de son père, devant des révolutionnaires qui ne devaient pas être beaucoup plus moches. C’est la princesse de Lamballe sacrifiée… C’est la foule… Que je hais, que j’évite…

Souvent ces femmes avait « fauté ». Encore faut-il s’entendre sur le terme « fauter » quand on tombe amoureuse d’un ennemi certes, mais surtout d’un homme…  Elles avaient eu des bontés pour l’occupant. Pourquoi « des bontés ? ».  Elles les avaient parfois aimés vraiment ces occupants… Quelle détresse a dû être la leur parfois, et que de questions à se poser le soir dans la chambre… (« j’aime un allemand… »)  Il n’empêche que le glaive de la vertu outragée s’est retrouvé un beau jour dans les mains douteuses d’une justice du trottoir, laquelle prétendait se faire l’interprète de l’indignation populaire. Un peu facile aussi de liquider ainsi la voisine qui n’a rien fait du tout (et encore faut-il s’entendre sur le terme « avoir fait ou non quelque chose » car certains n’avaient eux, justement rien fait du tout avant la libération reconnue), mais à qui on doit un peu d’argent… C’est un peu comme pendant la révolution et la terreur : c’est à qui parlera le premier et criera le plus fort qui aura raison…

La justice se doit d’être sereine. Elle doit à tous le même traitement. Tondues, déshabillées, attachées à un poteau pour qu’on leur jette les pires immondices à grand renfort de cris de joies, la croix gammée dessinée sur le corps, parfois à coup de lames de rasoirs, ces malheureuses étaient-elles plus coupables que les grandes bourgeoises de la collaboration ? Mais ces dernières évoluaient dans de trop hautes sphères, étaient trop protégées pour que les justiciers crasseux (dans l’âme) du bitume songent à s’occuper d’elles aussi activement que de leur voisine de pallier à qui ils avaient parfois d’autres choses à reprocher. On en a jugées certaines, mais avec tribunal réel et tout et tout… (des actrices particulièrement, qui ont eu droit à un traitement de faveur) (là encore je ne juge pas). Ce que je juge c’est cette photo, et toutes celles qui ont pu être prises ailleurs (il y en a une où la femme est attachée à un poteau, le visage voilé, et à qui l’on jette n’importe quoi, j’ai préféré vous l’épargner). Ce n’est à l’honneur de personne.

Oui Paris libéré, la France libéré, c’est aussi cela… Cette justice populaire qui n’en est forcément pas une, qui n’en est obligatoirement pas une. D’ailleurs il manque sur la photo, ceux qui désapprouvaient fortement, parce qu’ils étaient forcément ailleurs, de peur d’être pris à partie à leur tour…

J’aime bien le peuple, mais pas la foule… Hors la foule du trottoir un soir de libération, c’est forcément à se dire que la vie n’est qu’un long calvaire…

Et ils se portent tous tellement bien, ils ont tellement l’air en pleine forme ces justiciers du trottoirs, que l’on a peine à croire qu’ils ont souffert des privations de l’occupation… Là non plus je n’ai sans doute pas le droit de juger… Les autres ont peut-être préféré rester à l’écart de ce moment et de cette photo… Ne pas risquer leur vie pour intervenir, ou avoir autre chose de plus important à faire, ils ont hélas eu raison…

Les individus ne sont rien à côté des peuples… Pourtant ce sont eux qui forment les nations (Serge Dalens)

Et mes parents ne se souviennent que du passage bref des jeeps, du premier chewing gum (c’est quoi ce truc qu’on n’arrive pas à manger) et du « chocolate please ». Au moment où les troupes de Leclerc quittaient Rambouillet pour gagner Paris..

Pour eux, c’était hier, pour moi, je trouve que le temps avance de plus en plus vite, qui fait vieillir nos chères personnes et en ont fait disparaître trop d’autres…

4 réponses sur “La libération de Paris (réédition du 25 août 2007)”

  1. Pour citer une actrice célèbre : « Mon Coeur est à la France, mais mon c… est à Moi ! »

    Je partage cette méfiance pour la foule où la bétise de chacun se multiplie à défaut de s’additionner et où les instincts les plus bas se révèlent avouable parce qu’anonyme.

    Bravo pour cet article…

  2. Pour ce qui est de chercher et juger des coupables, je crois qu’aucun jury spontané/populaire ne peut se substituer à une institution avec ses règles et ses auto-contrôles.
    Les foules qui condamnent, fustigent ou s’acharnent sur une cible toute désignée existent toujours en France. Aucun effort n’a été fait dans l’éducation pour éviter de genre de phénomène, bien au contraire. Une foule a un QI de 3, agit comme un essaim et quand son attention se porte sur soi il ne reste qu’à fuir le plus vite possible avant que la chasse s’organise.
    Je comprend ta définition du terme fauter et j’y adhère : s’attacher à la personne « qu’il ne faut pas » a toujours des conséquences graves mais le pire c’est que ce n’est pas une décision, pas un choix, juste un fait. Et quelle qu’en soit l’issue, on en souffre.

    1. Le jury populaire n’a pas à exister.
      Il faut une législation, du recul…
      La foule m’a toujours fait très peur. Il ne faut pas grand chose pour devenir la proie…
      Quant à la « faute », combien de pauvres filles, au cours des siècles et même hors périodes difficiles, en ont payé le prix ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *