Les filles ça fugue (parfois) Réédition d'un post du 29/08/2006

Fille_fugant_3248261Pulchérie m’a fait le coup du « puisque c’est comme ça je m’en vais » deux fois.

Elle m’avait déjà fait le coup du « puisque c’est comme ça je descend » alors que nous étions en voiture et que j’avais dû lui dire un truc oiseux (style : « tu rangeras ta chambre en rentrant » ce qui est l’abomination de la désolation de l’horrorrification (dixit le trésor adoré))

Pour la voiture elle a ouvert la portière en plein virage et s’est tôlée sans dommages dans l’herbe, loupant de peu la bordure du trottoir. C’est là que j’ai découvert qu’elle avait repéré comment retirer la sécurité enfant (c’était un bête bouton à remonter ou baisser à l’époque, rien d’électronique). Le lendemain Albert m’achetait une trois portes. Elle était coincée à l’arrière (Bien fait)……

Pour sa première fugue, j’avais dû lui dire encore une fois une chose oiseuse (pour elle). « Va ranger ta chambre », « arrête de taquiner ta soeur » ou « Dorothée ? non pas maintenant ». Je me souviens très bien qu’elle m’avait répondu « puisque c’est comme cela je m’en vais », mais comme elle me le disait 10 fois par jour, je n’y ai pas prêté outre mesure attention (ces mères, jamais à la hauteur).

J’ai donc vaqué à mes occupations, préparé le repas et crié « les filles à table ! ». Bien évidemment Delphine a déboulé dans la cuisine en moins de 30 secondes, mourant de faim. Pour sa soeur j’étais habituée aux retards, vu son peu d’empressement à se nourrir. C’est quand je l’ai appelée à nouveau que j’ai eu la surprise du siècle.

  • « Pas la peine de l’appeler » m’a précisé Delphine de la soupe plein la bouche « il y a longtemps qu’elle est partie »

  • « Comment ça partie ? »

  • « Ben oui, elle a mis ses affaires dans un petit mouchoir comme dans « Tom Sayer », elle a plié le mouchoir, l’a mis au bout d’un petit bâton et elle est partie »

  • « Mais comment ça partie ? »

  • « Ben elle a escaladé le portail (fermé à clef) et je lui ai lancé son mouchoir et son bâton par la fenêtre de la salle de bain »

Inutile de douter. Pulchérie était partie, avec la complicité de sa soeur toujours dans les mauvais coups (ce sont toujours les plus bêtes qui vont ramasser les prunes et en l’occurence les plus jeunes)  mais pas prête à renoncer à sa soupe et à fuguer avec l’aînée. A moi les ravisseurs d’enfants, les sadiques et maniaques en tout genre et la police m’interrogeant pour savoir ce que j’avais fait du corps de ma fille.

J’ai ouvert le portail de la maison. Rien à gauche, rien à droite. Crise d’angoisse horrible. Quelque chose me disait qu’elle était plutôt partie sur la droite (vers chez ses grands parents, tout de même à 7 km). Un peu pâle et déterminée, j’ai arraché Delphine à sa soupe, pris la chienne avec moi au cas où, prévenu mes parents par téléphone (Jean poirotte prenant la voiture également pour emprunter la mauvaise route : ne pas compter sur Pulchérie pour prendre le plus court), et tout le monde en voiture (je précise que ma chienne était une malinoise adorable pour la famille, mais détestable pour qui voulait rentrer sans autorisation de ma part, et très à cheval sur ses petites soeurs : pas touche).

Elle avait marché la bougresse. 3 km plus loin, sur le bord de la route, Pulchérie son balluchon sur l’épaule, marchait d’un pas déterminé, à la grande surprise des gens qui la croisaient (ça ne dérange personne de voir une enfant de 8 ans marcher sur le bord de la route avec un balluchon, d’un autre côté tant mieux, je préférais ne pas la retrouver au commissariat ou pas du tout).

Je me suis garée très en colère, (la peur étant retombée), 10 mètres avant elle, pour m’entendre dire en descendant de voiture « inutile d’insister je ne reviendrai pas ». Devant ma tête certainement aimable elle a dit « bon je cède » et est montée en voiture. Silence absolu jusqu’à la maison et là après avoir rassuré les grands parents j’ai décortiqué le contenu du mouchoir (dédramatiser, dédramatiser, surtout avec elle qui avait le sens du théâtre).

Elle partait chez ses grands parents (encore 4 km dont 2 en forêt et j’imagine bien la tête de mes parents la voyant rappliquer) avec 3 barbies, 2 culottes, 1 pyjama, et avait oublié sa brosse à dents. J’ai préféré lui passer un savon pour cet oubli inexcusable et passer outre la fugue (d’ailleurs elle était fatiguée et bien contente d’avoir échappé à la traversée de la forêt avec ses loups et ses ours. A l’époque elle lisait la comtesse de Ségur). Du coup elle a mangé sa soupe sans piper mot, + tout le reste en oubliant le « j’aime pas çaaaaa ! » pour monter rapido expliquer à sa soeur comment c’était bien de fuguer…

La seconde fois, c’était une fugue annoncée. Nous vivions chez mes parents et elle s’était pris un savon de son grand père (on se demande bien pourquoi, ce petit ange). En plein hiver, elle est arrivée après le dîner, en plein film, alors que nous étions tétanisés par l’intrigue, toute habillée et bien couverte en précisant « puisque personne ne m’aime, je vais aller habiter avec Jacky ». Jacky était un cheval vivant dans le terrain d’une vieille maison abandonnée, à qui nous allions parfois donner des croûtes de pain (sinon il broutait et on lui apportait du foin, ce n’était pas un cheval abandonné).

J’ai bien visualisé la chose. La maison se tenait dans une vieille ruelle non éclairée, et là j’étais prête à la laisser partir (tout en la suivant comme on m’aurait appris à le faire si j’étais allée à l’armée, en rasant les murs, en me camouflant super bien).

Personne n’a moufté. Heureusement Mrs Bibelot était partie lire au lit, sinon elle serait intervenue. Pulchérie est revenue nous demander l’autorisation de prendre un bout de pain (mais oui ma chérie) et un quart de pomme rescapé d’une tarte « mais bien sûr ma chérie ». Delphine était morte de rire et avait perdu le fil du James Bond auquel elle ne comprenait jamais rien.

Gros bruits de sacs plastiques dans la cuisine (pour le croûton de pain et le quart de pomme + un quart de flotte je suppose), adieux déchirants aux chiennes et aux chats. Elle est venue nous dire adieu « bon je m’en vais avec mon quart de pomme » et à claqué la porte. Avec mon père nous avons prié pour que le portail ne soit pas fermé. C’était au dernier à aller se coucher que revenait cette mission : fermer la grille pour la nuit, nonobstant ma chienne et son aimable présence pour repousser d’éventuels intrus.

Manque de bol, alors que j’étais prête pour la filature et à la voir s’engager dans la ruelle non éclairée, Mrs Bibelot avait fermé la grille.

Devant ce fait inéluctable, Pulchérie a remonté l’escalier vitesse grand V, et nous a annoncé « puisque c’est comme ça je vais me coucher ! »

Na !

(toujours toujours, je prie pour qu’elle ponde son clône, un jour)… (Pour Delphine aussi bien sûr, pas de raison qu’elle ne bénéficie pas de son extrême sagesse, car j’ai peu de bêtises d’elle à raconter. Encore que je fasse tout de même une petite liste car son tour viendra…)

0 réponse sur “Les filles ça fugue (parfois) Réédition d'un post du 29/08/2006”

  1. A l’heure du déjeuner il me faut des notes courtes…c’est pour ça que je repasse toujours le soir quand j’suis rentrée à pas d’heure!! 😉 à + donc!!

  2. hihi j’aime beaucoup le coup du portail fermé et le demi tour!!! si ça fait comme moi elle aura son clone … en pire ….(ma mère en est toute réjouie !!! )

  3. J’ai connu une seule fugue: à 10 ans mon frère a fait une valise et a marché jusqu’à chez ses grand-parents… sur le même trottoir 30 mètres plus loin! Jamais connu de stress au sujet des fugues. Je croise les doigts pour que mon petit canard me fasse pas le coup!

  4. Je ne suis pas parvenue à faire pareil, différent mais malgré tout très explosif (à la grande joie de ma mère). Aaaah la joie de l’enfant qui hurle pour… on ne sait pas d’ailleurs, évidement encore plus fort si qqun à le malheur de s’occuper de lui (enfin elle puisque nous sommes fille). C’est comme cela que le conseil municipal envisage de faire une enquête sociale (ouf nous y avons échappé).
    Heureusement que les qualités surpassent de loin les petits détails gênant au quotidien.

      1. C’est l’intensité plutôt que la fréquence et l’absence de déclencheur extérieur qui me gênait. Ce qui choque les voisins ne sont pas les cris mais ma réaction face aux hurlements (cool tranquille on s’inquiète pas, ça passera, non foutez lui la paix et laissez hurler).

  5. Et behhhhhhh quelle chipie celle là!!
    Elle t’en a fait voir.
    Ton récit est tellement vivant que j’imagine le scénar d’un film…
    Heureusement que tout s’est bien terminé, surtout la 1ere fois… et je suis sûre que maintenant, avec le recul, tu gardes un souvenir ému, attendrissant de ses folles escapades.
    Ton récit est trés touchant.

    PS: Et elle s’est calmée depuis, ou fait-elle le coup à son mec, de temps en temps? Non parce que, faudrait le prévenir!! 😉

    1. Elle a mis du temps à se calmer mais bon, elle va sur 28 ans, ce qui ne l’empêche pas de bouder quand elle est contrariée…
      Les bons souvenirs viennent APRES !
      Les enfants très turbulents sont fatigants…

  6. Je me souviens d’avoir décidé petite qu’avec ma cousine on fuguerait ensemble (on habitait même pas la même ville mais c’est pas grave), la prochaine fois que nos mères indignes nous maltraiteraient, en nous faisant faire notre lit par exemple. Par contre je ne suis jamais allée plus loin que la préparation du sac de voyage contenant je m’en rappelle mais pas du reste, une boîte de thon. C’est sûr j’allais tenir longtemps avec ça!

Répondre à Calpurnia Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *