Le dernier jour du séjour (3) (le retour de Maritza)

EndoraLes disputes ont continué après l’épisode de « la porte que je te claque pour te faire comprendre et que je me prends dans la tronche en retour ».

En septembre 2010 Maritza a pris sa décision : retourner en Suisse. Rentrer en Suisse. Partir mourir ailleurs… En laissant Trevor.

Elle doit avant tout vendre tout le superflu, car ce normalement dernier déménagement, va lui coûter cher, même si le déménageur est devenu un ami fidèle avec le temps (il l’a tout de même déménagée au moins 3 fois, entre la Suisse et l’Angleterre et vice versa)…

La voiture vaut encore de l’argent, elle la vend donc, et ne pourra plus aller voir Trevor avant son départ, en février 2011.

Ce dernier avait curieusement choisi un nursing home non accessible en bus ou train…

Elle lui rend donc une dernière visite, ce qui ne semble pas attrister ce rat d’anglais so british qu’elle a épousé deux fois. Quand elle le quitte (sans avoir pu claquer la porte), elle est folle de rage devant le peu de tristesse qu’il a manifesté quand elle lui a dit qu’elle venait pour la dernière fois, et lui a déclaré que si elle revenait « tout de même » ce serait pour lui coller une balle dans la tête.

Pas de bol, le révolver qu’elle avait, est dans le fond du lac de Genève (il faut suivre avec Maritza, je ne ferai pas un résumé de 36 pages…)

Mais en Suisse on peut toujours s’initier à l’arbalète (à défaut d’apprendre à plonger) nous déclare-t-elle. Là bas, c’est très bien vu, rapport à Guillaume Tell.

Et la veille (le samedi donc), elle a discuté avec des jeunes au sujet d’un quad. Ce serait bien pratique un quad pour elle qui n’a plus de voiture. Qu’elle achèterait en Suisse (forcément, après avoir fait des économies post déménagement…).

Une image se dessine de Maritza en quad, avec une arbalète dans le dos, dans le carquois qui va bien.

  • En quad je pourrais aller voir Trevor une dernière fois… (ah, il nous semblait bien aussi…)
  • Avec l’arbalète ?
  • Naturellement !
  • Tu prendras un kg de pommes… Tu lui diras que tu veux faire de la compote…
  • Excellente idée. Et au lieu de tirer dans la pomme sur sa tête (ce dont elle ne doute pas), je lui enverrai le carreau dans le troisième oeil (entre les deux yeux en gros)
  • Parfait !!!
  • Et je pourrais repartir en toute discrétion, parce que l’arbalète, c’est plus silencieux qu’un pistolet ou un fusil de chasse.

Le « en toute discrétion » nous a fait mourir de rire. Nous l’imaginions, franchissant la frontière, avec son quad, son arbalète, et l’oeil de la femme assassine…

  • Sans oublier de quoi faire une compote nous a-t-elle précisé…

Au retour bien évidemment, elle s’arrêterait chez mes parents, et nous imaginions la figure des gendarmes souvent stationnés sur la place de l’église, voyant passer Maritza, arbalète et cheveux au vent, contre laquelle aurait été lancé un mandat d’arrêt par Interpol (une fois de plus).

Je ne sais pas ce que cela donnera, mais au fond, prions pour que tout se passe bien, qu’elle retrouve la sérénité en Suisse et non pas uniquement l’attente de la fin car elle n’a que 70 ans.

Il lui faut mettre ENFIN une croix sur Trevor et nous avons compris car elle s’est plus dévoilée, que sa mort à lui, son « veuvage » lui permettrait enfin de se l’approprier définitivement jusqu’à la fin de sa vie, qu’elle n’aurait plus de questions à se poser.

Il faut qu’elle trouve le courage de ne plus aller voir Trevor et de ne surtout plus en prendre de nouvelles…

Surtout en quad.

Parce qu’avec une double prothèse de hanches, ce n’est pas le moyen de locomotion idéal…

Une chose reste tout à fait sûre : il n’y a qu’avec elle que l’on peut débiter un maximum de conneries en un minimum de temps (dixit Jean Poirotte qui faisait semblant de dormir sur le canapé, pour ne pas donner son avis), tout en étant mort de rire… Et bien sûr, nous en avons oublié la moitié…

Le dernier jour du séjour (1) (le retour de Maritza)

EndoraPour le dimanche 24 octobre, Mrs Bibelot et Jean Poirotte avaient invité tatie chérie et ma soeur (Mrs Vésicule). Maritza cela ne se loupe pas.

Attention, n’allez pas vous méprendre : Maritza est une femme intelligente et cultivée. Elle a  gardé une grande naïveté enfantine, elle a un caractère de cochon dans la vie de tous les jours (sauf chez mes parents où forcément elle se retient, mais quand elle raconte ses démêlés conjugaux on sent bien que…), et surtout, à aller de pays en pays, elle a perdu beaucoup de repères qui nous semblent normaux.

De plus elle est restée bornée sur certains principes qui lui ont été inculqués par sa mère (qui n’était pas un cadeau), car on peut être borné et intelligent malgré tout.

Pour la littérature et le cinéma, on ne peut pas l’avoir, elle est extraordinaire, et cela lui fait un point commun avec Jean Poirotte : elle est championne en westerns et les adore. Pour les livres, avec Mrs Bibelot ou moi-même, elle est très à son aise.

Pour l’imagination également, elle est très forte, et avec ce qu’elle a vécu, elle devrait écrire un roman, sans avoir besoin d’enjoliver les choses. Sauf que… Nous découvrons années après années qu’elle nous a parfois caché des choses importantes, surtout concernant ses relations avec Trevor, qui reste finalement l’amour de sa vie.

Oui Maritza nous a caché des choses importantes, ou menti un-petit-peu, non pour enjoliver les choses (qui se suffisent à elles-mêmes) mais au contraire pour les minimiser. Le problème étant qu’un jour ou l’autre elle se coupe, et que nous devons reprendre sa biographie depuis le début…

J’ai découvert avec tristesse lors de ce séjour 2010 que son inquiétude pour mon épaule, la santé en général, la dépression en particulier, était un exutoire à sa propre peur de mourir, de souffrir, de devenir impotente et grabataire. Elle a eu un cancer du sein, n’est pas encore dans le champ du « guérie », et a vu trop de personnes décliner pour être sereine.

Elle a donc pour de multiples raisons :

  • la vie si difficile pour « les pauvres » en Angleterre où la vie y est, d’après elle et c’est très certainement vrai, au dessous de ce que nous pouvons imaginer (de quoi se plaignent les français, ceci dit par elle sans acrimonie, mais l’anglais ne fait pas grève lui, donc on l’écoute moins…),
  • un service de santé que, s’il est plus bâtard et mal foutu tu vis dans un pays sous développé,
  • l’éloignement de son fils et de sa fille,
  • le caractère anglais qu’elle ne supporte plus,

décidé de retourner en Suisse dont elle a toujours la nationalité, et qui lui paye sa rente mensuelle, et va la prendre en charge de manière plus agréable et moins coûteuse, dans une résidence pour personnes pré-âgées encore valides (la distinction se fait chez eux), avec un service de santé top. Près de ses enfants qui plus est.

Quitter la Cornouailles, c’est quitter Trevor, nous l’avons bien compris finalement, même si elle le nie farouchement (la lande est magnifique…), l’amour de ses 16 ans, un amour tumultueux qui aura marqué sa vie, au travers de multiples aventures, deux mariages et deux divorces, de nombreuses séparations et retrouvailles. Ce genre d’amour de merde qui vous flanque une vie en l’air…

Non ce n’est pas la lande qui va lui manquer, mais elle se dit que finalement elle était retournée se remarier avec Trevor pour finir ses jours là-bas en toute sérénité, que c’est loupé depuis plus de 4 ans, et qu’après avoir pour une dernière fois traversé la Manche, il y a de gros risques pour qu’elle ne le revoie jamais.

Il ne veut plus la voir régulièrement, mais elle le sait pas loin, et puis allez savoir, comme il change d’avis à son sujet de temps à autres et accepte ses visites tout à coup, il pourrait bien l’épouser pour la troisième fois et ENFIN la laisser veuve (et sans doute, l’esprit tranquille même si plein de regrets…)

Quitter la lande, c’est quitter quelque part sa jeunesse, et elle retourne donc à Genève en février prochain, avec l’impression d’aller se réfugier dans un mouroir.

Sauf que Maritza a de la ressource, et tout plein de projets…