Peintre, et vocation contrariée… (les artistes sont des incompris !)

chapelle-sixtine-vocationQuand que j’étais petite il y a longtemps, j’avais une âme d’artiste.

J’adorais les couleurs, ça, vous le savez déjà. (ICI) (Si cela marche…)

(A priori, cela marche, Dieu bénisse l’Amérique Sainte Pulchérie)

A l’époque (et en avant la Madeleine pour certains), la majorité des papiers peints n’avaient pas le fini vernissé qu’ils peuvent avoir maintenant, et n’étaient pas lessivables.

Lorsque nous habitions notre grand ensemble, au départ, mes parents avaient réservé la chambre donnant sur du calme « aux enfants », et avaient pris l’autre, moins calme, donnant sur la rue.

La chambre d’enfants était ornée d’un magnifique papier peint avec mes favoris de Disney sur fond bleu pâle. Quand on mouillait le papier les couleurs ressortaient beaucoup mieux, c’était plus joli.

Comme nous n’avions pas le droit d’emmener une cuvette d’eau et une éponge dans la chambre (on se demande bien pourquoi), nous faisions ce que beaucoup d’enfants ont fait pendant longtemps : nous mouillions le papier avec nos langues.

D’où sans doutes l’expression « lécher les murs »… Ca nous occupait pas mal, pendant ce temps là nous ne faisions pas d’autres conneries.

Mes parents qui avaient fait de même avant nous (ils nous l’ont avoué des années plus tard), s’opposaient malgré tout à ce que nous fassions ressortir les couleur. Nous parler d’auréoles disgracieuses qui restaient une fois le papier sec, c’était comme pisser dans un violon pour faire de la musique : totalement vain.

Le problème fut partiellement résolu avec un changement de chambres : les gosses au sommeil de plomb sur la rue, et les parents au sommeil moins de plomb, sur le calme. Les Disney et leurs auréoles furent recouverts d’un papier neutre et lessivable, alors que nous nous contentions d’un papier assez moche dans l’autre chambre. Le truc de base, livré avec l’appartement neuf…

Jaunasse avec des dessins vaguement blancs qui ne ressemblaient à rien. En léchant le jaune devenait plus vif mais c’était insuffisant.

D’où l’idée un jour de faire des dessins sur les murs. L’ampleur de la tâche proportionnelle à la taille des murs, ne nous fit pas peur, et armés de nos trois boîtes de crayons de couleur, nous avons commencé des chefs d’oeuvre, pour nous décourager rapidement.

3 maisons, 3 soleils, 3 prairies plus tard, il devint évident que nous allions manquer de temps pour orner TOUS les murs.

Ma soeur et mon frère décidèrent de gribouiller dans leur coin, et moi dans le mien, parce que j’étais l’aînée et que mes gribouillages étaient plus jolis que les leurs.

Ils se contentaient de grands coup de crayons rapides, pendant que de mon côté je faisais de magnifiques circonvolutions, cercles croisés et gribouillages réfléchis, dans lesquels apparaissaient fugitivement des animaux fantastiques dont j’avais l’idée de les colorier entièrement, après…

Après quoi, je n’en sais rien, mais après, ça c’était sûr. J’avais repéré un chat à 5 pattes, 2 dragons et trois dinosaures, et j’ai commencé à remplir le chat avec le crayon violet quand tout à coup, bruit de pas dans le couloir et la voix de maman qui nous a tétanisés (je l’entends encore)

  • Que faites vous les enfants ? je ne vous entends pas ! (bonne question, toujours aller voir quand on n’entend pas les enfants…)
  • Ouverture de la porte
  • KRIKITU : AH MON DIEU !

Confiscation des boîtes de crayons de couleur. Mercuriale et privation de dessert pour deux jours.

En rentrant le soir, papa alla contempler les dégâts en dissimulant (nous l’avons su trop tard), une véritable envie de rire. A mes propos indignés, parce qu’on éduquait tout de même les enfants à l’époque, un peu mieux qu’aujourd’hui, et que l’on essayait déjà de nous cultiver, il rétorqua que le pape n’avait pas du tout l’intention de faire repeindre à nouveau la chapelle sixtine et que ce vaste projet devait sortir de mon cerveau illico presto.

Et qu’en plus, les dragons n’existaient pas plus que les chats à cinq pattes (consternation).

Une enquête fut ouverte pour savoir qui avait eu l’idée saugrenue de me montrer les fresques de Michel Ange, en précisant qu’elles avaient bien besoin d’être restaurées (ce qui fut fait, des années après). Mon grand père paternel plaida coupable en précisant qu’il faut savoir vivre dangereusement, et qu’une vocation est une vocation.

Du coup, les boîtes de peintures furent supprimées également, nous ne pouvions plus nous en servir que dans la cuisine (lessivable), sous les yeux de maman en train de repasser.

Comme pour moi c’était la Chapelle Sixtine ou rien, j’ai renoncé à la peinture.

Et je n’ai appris que bien longtemps après, avec mes deux filles, à quel point il est parfois difficile de garder son sérieux et prendre un air sévère devant certaines conneries de gosses.

Quand nous avons déménagé longtemps après, les gribouillis étaient toujours en place, un peu pâlis par le temps…

La vie n’est qu’un long calvaire…

0 réponse sur “Peintre, et vocation contrariée… (les artistes sont des incompris !)”

  1. Nous avons connu ça, mais dans un autre temps, chez mes parents au siècle dernier, il y a fort longtemps. Ma petit soeur ne pouvait s’empêcher de « dessiner » sur le papier peint également. Ma mère pouvait chanter autant qu’elle le voulait, Brigitte continuait ses créations. Tant et si bien que ma mère finit par lui réserver un bas de porte, qui, lui, était lessivable beaucoup plus que le papier peint.
    Quant à ma fille cadette, lorsqu’elle allait en vacances chez ma mère, elle arrachait délicatement de petits lambeaux de papier peint. Et quand ma mère lui disait: « Mais pourquoi tu fais ça, voyons, ça ne se fait pas! », la petite lui répondait: « Ben, tu ne m’avais pas dit qu’il ne fallait pas l’arracher! ». Quant à nous, ici, nous n’avons pas de papier peint, il fait beaucoup trop chaud, il ne tient pas. C’est plus simple.
    Je ris toujours autant à te lire. Merci.

    1. Une bonne peinture, bien lessivable et solide, y’a que cela de vrai…
      Mais bon, il ne faut pas s’étonner que nos ancêtres aient fait des dessins dans des grottes, quand on voit l’imagination des enfants d’aujourd’hui, du siècle d’avant, et du millénaire précédent 🙂

  2. Je viens de lire tes propos au Conjugué (oui, on fait bureau commun maintenant), il m’entendait rigoler. « mais caisse tu lis donc? »

    Le passage de la Chapelle Sixtine comme sermon est fabuleux!

    1. Toutes mes confuses au Conjugué…
      Le pire étant que j’avais bien entendu dire que les fresques de la Chapelle en question auraient bien besoin d’être restaurées.
      L’expression « restaurées » m’échappant quelque peu…

  3. J’ai un souvenir grandiose du jour où mes parents ont décider de retapisser notre chambre d’enfants (commune à mon petit frère, ma petite soeur et moi, ça te parle ?), et nous ont AUTORISES à dessiner et peindre sur les murs (un papier peint uni « coquille d’oeuf », le grand classique de l’époque) pendant toutes les vacances de février.
    Nous n’avons pas arrêté de la semaine, et, à la fin, c’était vraiment superbe ! Je crois qu’ils ont encore les photos quelque part …

    1. Ca, c’est une bonne idée, et il faut pouvoir le faire !
      Dans notre maison à Albert et moi, les filles avaient de la peinture lessivable sur les murs de leurs chambres, mais bof, finalement, comme tout était uni partout, elles ont renoncé…
      Faites plaisir…

  4. Ma grand mère avait résolu le problème en nous filant carrément tout le grenier à customiser.
    Par contre j’ai encore en tête celle de mon père découvrant la langue des stones de deux mètres de large sur la tapisserie qu’il venait de poser dans ma chambre (mais je vous jure qu’elle faisait un super FOND)

    1. Il n’y a pas d’âge hein ?
      Ma soeur adolescente, avait décoré son papier peint avec des dégoulinures d’encre (une boite de cartouches à stylo plume de ruinée, une)
      Quant aux posters…

  5. Et dire que, si ils t’avaient laissé faire, cette année encore, tu aurais eu un magnifique emplacement à la FIAC, et une galerie dans le 8ème.

    Pffff, comme tu dis, quel calvaire cette vie!!;-)

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