La grève du s.. (réédition)

Alphonsine_et_la_cuisine_JF7587_001Après la guerre des boutons pour une histoire sordide de peinture à refaire, la tante Alphonsine dû affronter une autre guerre. Celle du jardin à tenir.

L’oncle Jules voulait en jardin, c’est bien simple, il adorait jardiner. Il devait faire des fleurs au minimum à offrir à son petit trésor de petite femme fragile, et surtout pleins de bons légumes que sa petite femme lui cuisinerait avec amouuurrrr !

Sauf que la tante Alphonsine avait un problème avec le jardin : les fourmis. Je découvre avec horreur en vous racontant cela, qu’elle m’a refilé l’allergie à l’acide formique via une hérédité diabolique, et non pas la faculté à accoucher sans douleur en 1 minute 40 secondes… (authentique, mais j’y reviendrai).

Il était hors de question pour elle de mettre les pieds dans le jardin jouxtant la maison-à-la-peinture-cloquant, dès le réveil des fourmis. D’ailleurs, EN PLUS, elle détestait jardiner et avait bien prévenu son époux qu’il ferait ce qu’il voudrait mais sans elle…

Oncle Jules avait planté tout un tas de trucs en espérant secrètement que sa jeune épouse amoureuse irait arracher les mauvaises herbes à sa place, et buter les pommes de terre (je ne sais pas ce que c’est, mais c’est important, si on ne bute pas les pieds de pommes de terre, ils crèvent).

Alphonsine vivante ne mettrait JAMAIS les pieds dans le jardin tant que les fourmis vivraient leur vie. Et pourquoi y mettre les pieds pendant l’hibernation des petites bêtes ? Je vous le demande, comme elle en son temps !

Le jardin croissait avec ferveur, et en ce mois de novembre encore assez chaud, il avait une allure de post-catastrophe. Ceci après un été de « tout nouveau tout beau », au cours duquel l’oncle Jules s’était à peu près tenu à son jardin. Là, les artichauts étaient quasi aussi hauts que les orties qui vont elles, toujours bien. Les plants de tomates se portaient encore bien pour peu que l’on écarte la jungle pour les regarder dans les yeux, et deux ou trois roses se battaient en duel. Les poireaux périclitaient, les carottes montaient en graine, les salades faisaient « plante verte ». Il fallait agir et vite.

Le médecin avait trouvé de la tension à l’oncle Jules que le mariage eusse dû théoriquement évacuer. Que nenni. Et tout en discutant de cette tension inquiétante qui fit mourir l’oncle Jules à l’âge respectueux de 98 ans, le médecin diagnostiqua une première grossesse chez tante Alphonsine.

Ce n’était pas l’époque où l’on se précipite sur le téléphone pour annoncer J + 21 à n’importe qui, genre moi complètement à l’ouest. L’oncle Jules avait le temps de réaliser la nouvelle (j’ai toujours admiré la faculté qu’ont les hommes dans les films, à pleurer de joie en apprenant le futur heureux évènement, 27 semaines de retard et des nausées matinales ne les ayant pas alertés…) (moi j’ai peut-être eu des problèmes avec mes deux maris, mais ils savaient compter…).

Jules rentra dont un beau soir, trop harassé pour aller voir le jardin, et s’assit, tout heureux à l’idée de dîner, tout en causant de son jardin (cet innocent). Il plongea sa cuillère dans sa soupe, la porta à sa bouche : c’était infect.

« Ah mon chéri, j’ai oublié de te prévenir, le médecin m’a dit que vu ta tension et mon état, il fallait éviter le sel avec les produits que j’achète au marché. Pour que je ne sois pas tentée, j’ai banni le sel de cette maison ».

L’oncle Jules n’entendit pas le « et mon état ». Il retint qu’il n’y avait plus de sel dans la maison. « Quels produits du marché ? » balbutia-t-il ? La vie sans sel, il le découvrait : ce n’était pas possible ! Il en avait les larmes aux yeux le malheureux…

« Ces immondes légumes que je suis obligée d’acheter, ne sont paraît-il pas très sains… Le sel précipite le mauvais… A éviter absolument ».

Alphonsine continua sa soupe (salée bien sur…). Jules réalisa le « mon état ».

« Tu veux dire que ??? »

« Oui mon amour, c’est pour le mois d’août ! ».

Hourra, bravo, youppee et youpla boum. Le jardin fut remis en état, les derniers légumes récoltés et mis à l’abri pour l’hiver (ou en bocaux par tante Alphonsine qui ne laissait jamais rien perdre).

La grève du sel (et oui, il n’y avait rien de cochon dans le titre), était un grand truc de la tante Alphonsine. Par la suite elle ne se donna même pas la peine d’expliquer l’absence de sel dans sa cuisine au caz’où. Le soir où ce n’était pas salé le père et les 4 fils se regardaient : qu’avaient-ils bien pu faire et comment diable cette femme pouvait-elle manger n’importe quoi ????

Et où planquait-elle la salière ???

Car elle a traversé l’occupation et les restrictions, en mangeant, semble-t-il, toujours avec plaisir, n’importe quoi…

Moi je pense que c’était tout simplement une femme admirable…

Réédition d’un post du 20 décembre 2006…

12 réponses sur “La grève du s.. (réédition)”

  1. J’adore le mari qui réalise d’abord qu’il n’y a plus de sel et ensuite que sa femme est enceinte!
    Vous devriez sortir une espèce de Guide de la bonne ménagère (pas dans l’optique de satisfaire tous les besoins de son petit mari mais dans celle de se faire respecter un peu) avec toutes les astuces de tante Alphonsine!

    1. Tu n’as pas remarqué que dans beaucoup de films, l’homme tombe totalement de l’armoire quand sa femme lui apprend qu’elle est enceinte ?
      Ca me fait toujours rigoler, je n’ai jamais connu un homme dans ce style…
      Pour le guide, il faudrait le moderniser…

        1. C’est « Domicile conjugal »! (oh, et une anecdote en passant, je me suis ruée sur ce texte en pensant trouver des détails cochons, et puis en fait, que nenni. Cela me perdra)

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