Comment que je suis TOUJOURS scandalisée… (mini réédition, avec précisions).

vieux-coupleParfois il ne me faut pas grand chose, parfois, je m’indigne et je m’insurge pour des trucs que je considère comme étant graves, importants, et que le prochain qui veut me jeter la pierre, je le trucide sans état d’âme.

Dimanche 21 novembre, j’arrive chez mes parents pour trouver ma mère au téléphone, complètement catastrophée, la coiffure, je ne vous raconte même pas.

J’ai un peu de mal à comprendre avec qui elle cause dans le combiné, tout en posant mon sac, alors qu’elle me fait signe de ne pas l’interrompre (signe inutile, je n’ai pas l’habitude d’interrompre les appels téléphoniques de mes parents, sauf en faisant un signe « je fais un bisou » quand je sais de qui il s’agit).

Là, je ne sais pas.

Après des « Ho !’, « Ha ! », « Quelle horreuuurrr ! », »j’en suis sur le cul »,  « tu me rappelle sans faute, sinon je te pourris la vie », « je t’embrasse ma belle », maman raccroche, encore plus échevelée qu’au moment de mon arrivée (et là c’est dire, jamais ma mère ne se présente décoiffée, et là ses cheveux sont hérissés sur sa tête, qu’on dirait qu’elle a croisé Dracula).

« Ah ma chérie tu ne devineras jamais !!! »

Heu non, là je suis mal partie… Tirer les cartes me semble ardu pour avoir la solution du problème…

« Figure toi que je voulais appeler Odette ». Les grands esprits se rencontrent, parce qu’Odette justement, j’y pensais la veille en contemplant mon arbre généalogique d’un oeil morne. Elle seule peut encore nous débrouiller de ces deux frères qui ont épousé les deux soeurs, et de qui qui s’appelait comment, parce que les hommes de cette branche là n’ont jamais été connus sous leurs prénoms déclarés à l’état civil.

Pour un généalogiste, c’est le top…

Odette, c’est la nièce de Robert Benoist, la dernière à l’avoir vraiment connu. C’est celle née en 1917 que mon grand père appelait « la gamine », parce que contrairement à lui, elle n’avait aucun souvenir de la grande guerre.

« Ca ne répondait pas chez Odette, alors j’ai appelé la cadette, dont j’avais le numéro de téléphone, car elle m’a donné sa carte lors de l’enterrement d’Annick ».

Annick, c’était la fille aînée d’Odette. Une petite petite cousine de Mrs Bibelot, que je n’oublierais jamais, car c’est chez elle que j’ai su que je n’étais plus une petite fille. Morte d’un cancer des reins il y a… Tout ça déjà, et Odette qui ne s’en remettait pas…

« Et là, qu’est-ce que j’apprends ma petite fille ? Qu’Odette est en maison de retraite parce qu’ils ne pouvaient plus être autonomes, mais que Raymond, est dans une autre maison de retraite ».

« On les a séparés, tu te rends compte ? »

Je lis la peur dans ses yeux. Séparée de papa ? JAMAIS ! mais ce n’est pas le moment de le lui dire que jamais on ne les séparera. Où peut-être que si, c’était le moment, mais papa arrivant de la salle de bain, semble lui, confiant.

Parce que Raymond, c’est le deuxième mari, le père des deux filles survivantes, qu’Odette a épousé en 1940. Et c’est sa fille ainée qui a obtenu la tutelle de ses parents, et qui a décidé de leurs placements. Séparés ils sont, pour la fin de leur vie qui pointe son nez. Elle à Chateauroux, lui à Versailles. A la soeur cadette s’indignant, le juge des tutelles n’a pas laissé le droit à la parole et là j’en reste muette d’indignation.

Comment un juge des tutelles saisi par un enfant d’un couple,  peut-il se contenter de dire « ferme ta gueule, tu n’as rien à dire » ?

« Tu te rends compte ? Elle boit celle qui a la tutelle. Elle veut tirer un maximum de profit de la tutelle de ses parents, depuis qu’ils ont cessé de l’aider au détriment de sa soeur, parce qu’elle montait sans arrêt des boîtes qui coulaient trop rapidement, mais Evelyne ne veut qu’une chose : que ses parents soient heureux pour ce qu’il leur reste à vivre. Et eux, séparés, ils ne peuvent plus se faire entendre. LA TUTRICE a dit qu’ils perdaient la boule ! »

« Mon dieu, que pouvons nous faire ? »

Recoiffe toi maman. Je pense qu’il y a quelque chose à faire.

Je ne sais pas quoi, mais peut-être pouvons nous, à force de bons conseils, aider la cadette à contrer sa soeur, et surtout, faire que ses parents terminent leurs très vieux jours ensemble.

Ils s’aimaient encore depuis tellement longtemps quand nous les avons vus pour la dernière fois il y a deux ans…

Si UN JUGE DES TUTELLES passe par ici, qu’il m’explique comment l’on peut approuver une décision qui sépare pour la fin, un vieux couple qui s’aime depuis plus longtemps que lui est en vie…

LA VIE N’EST QU’UN LONG CALVAIRE…

La semaine dernière, en allant voir papa à l’hôpital, je demande à Mrs Bibelot si elle a des nouvelles d’Evelyne et d’Odette et son mari. Elle me répond que non, et qu’elle va prendre des nouvelles en rentrant.

La vie est étrange. Comme un éclair qui me traverse. Pourquoi en parler ce jour là et pas la veille ?

Alors que papa attend son transfert dans un service autre que de transit entre les urgences et autre chose, le portable sonne.

Il décroche et tend le combiné à maman :

  • « Odette… »

Odette est morte au cours de la nuit passée. Vous allez me dire que je pourrais dire DCD, c’est la même chose. Je déteste l’édulcoration de certaines choses…

Odette et son mari se sont revus grâce à leur dernière fille,  pour une journée, tout heureux d’être enfin ensemble, elle, ne comprenant pas pourquoi il lui fallait quitter son mari pour retourner où elle ne voulait pas être sans lui. Là où elle n’a plus voulu être sans lui.

Le juge des tutelles avait pourtant été super : saisi par la fille cadette, après la décision de l’ainée de démissionner de son poste de tutrice (elle avait tout piqué, elle n’allait pas s’emmerder plus), il avait fixé une audience pour septembre 2011.

Il faut dire que pour un couple de 94 et 97 ans, il n’y avait pas urgence.

Ils avaient bien le temps de vouloir se retrouver, merde quoi, on rêve !!! Ils avaient encore le temps de faire des petits, je ne vais pas imposer une audience trop tôt (dès fois qu’ils changent d’avis ?)

En fait, personne ne pouvait savoir que leur faire passer une journée ensemble c’était pire que tout, parce qu’il y aurait séparation le soir. Personne n’a pensé qu’à vouloir faire bien, on ferait mal.

La mémoire de la famille s’est laissée mourir.  Le désespoir est tellement facile à vivre quand le temps est compté… Il y a juste à se laisser s’éteindre…  Et nous savons qu’elle avait toute sa tête, ce qui est pire que tout. Si au moins elle n’avait pas réalisé le temps qui passe, le temps qui restait, le temps sans lui, peut-être encore à vivre à nouveau…

Je remercie ici la justice, le manque d’humanité de beaucoup, et surtout, nos structures achement balèzes qui font que l’on peut séparer un couple sans que personne ne moufte.

Rien, jamais, ne pourra compenser cela. Elle est partie désespérée, elle l’est pour l’éternité… Lui ne sait pas. Il attend qu’elle revienne puisqu’elle est déjà revenue… Comment lui dire ? Quand ? Parce que lui aussi a toute sa tête !!!

Papa sortant de l’hôpital le jour de l’enterrement, nous n’avons pas pu faire comme le reste de la famille et aller assister aux obsèques. Chacun ayant eu comme seul recours de tourner le dos à la responsable de cette horrible situation…

Pour les petits enfants c’était une piètre consolation que de lui cracher à la figure ou faire comme si elle n’existait pas.

Elle s’en fout, elle a le pognon… Et vu comme la justice fonctionne, elle ne risque pas de le rendre. Le mal qu’elle a fait est désormais définitif, et c’est ce qui perturbe tout le monde.

La vie n’est vraiment qu’un long calvaire !!!

30 réponses sur “Comment que je suis TOUJOURS scandalisée… (mini réédition, avec précisions).”

  1. Que dire… Oui la vie n’est qu’un calvaire injuste… Chaque jour, et à chaque instant rien ne m’encourage à croire en la justice… Je ne sais comment je réagirais à la place de la famille avec cette personne… J’ignore surtout comment elle peut se regarder dans un miroir et se lever avec le sourire chaque jour. Quand je pense que dès que je dis du mal de mon ennemi je me sens mal, et que les mauvais eux vivent leur vie normalement… Je m’interroge… Un cauchemar pour les vivants…

    1. Oui, ils sont loin les contes de notre enfance, où les méchants sont toujours punis…
      Cette femme est une garde, mais le reste du monde elle s’en fout : elle a tiré son parti d’une situation dramatique créée par elle…

  2. Oh mon dieu. C’est trop triste. Et dire que la fille qui a fait ça, ça ne doit même pas la réveiller la nuit… Et c’est vrai aussi que le juge ne devait pas avoir que ça à faire, c’est pas comme si son boulot c’était en partie de protéger et défendre les faibles.
    Y a plus qu’à croire au karma et espérer qu’elle/ ils payent un jour.

    1. Oui, je sais que la « justice » est débordée, mais bon, il y a des priorités.
      L’autre doit très bien dormir la nuit, vu ce qu’elle a fait c’est qu’elle n’avait aucun scrupule…

  3. Je pense surtout à celui qui reste….qui attend sa femme…qui ne reviendra pas…pourquoi ne paslui apprendre la vérité?

    1. Parfois, certaines vérités doivent se taire quelques temps. Ce sont ceux qui le visitent régulièrement qui en jugent (j’ai jadis, chez ma grand mère, constaté les dégâts qu’avait fait l’annonce d’un décès…)

  4. J’avais déjà commenté sur le post initial : je suis une méchante (et unique) fille qui a déposé une demande de mise sous tutelle de ma mère : actuellement, elle est pour 3 mois en EHPAD, elle avait déjà perdu 10kgs depuis sa dernière hospitalisation.
    Elle ne se nourrit pas mais ne veut pas payer pour des repas portés, elle ne prend pas ses médicaments mais vit mal la visite biquotidienne des infirmières, ne se lave pas mais a réussi à faire démissionner les aide-soignantes qui venaient deux fois par semaine pour la douche. Elle ne veut pas s’acheter de dentier mais dépense des centaines d’euros auprès de « voyantes ».
    Je lui viens en aide, et c’est normal, à chacun de ses appels mais elle se répand en coups de fils haineux sur ma supposée maltraitance. Je souhaite qu’elle dépense son argent pour son bien-être alors elle m’accuse de captation d’héritage.
    Ma mère est âgée, mais c’est surtout une grande malade, constatée par neurologues, psychiatres, gérontologues, etc…
    Mon seul point commun avec la très triste histoire d’Odette, c’est que je trouve la justice bien lente à statuer et que je n’ose imaginer ma mère rentrer chez elle et retomber dans les mêmes travers.

    1. Ton cas est tout à fait différent. Parfois, la mise sous tutelle est obligée.
      Là, tout a été fait pour qu’ils soient séparés et donc, ne puissent se concerter, et la fille aînée a récupéré un maximum…
      Et comme tu le dis, la justice est bien lente…

  5. C’ est trop triste la fin de l’histoire ,en lisant ton premier post j’avis été choquée mais j’espérais que ça allait s’arranger pour eux,c’est révoltant mais pas si étonnant que ça ,on sépare bien aussi les enfants orphelins d’une fratrie sans hesiter ce qui leur fait un double traumatisme ,alors des petits vieux…..
    En te lisant je me dis que je veux mourrir jeune et en bonne santé pour ne pas avoir à vivre sous tutelle ou à dépendre du bon vouloir d’enfants qui te placent comme un chien à la SPA.

    1. C’est tout de même la première fois que j’entends parler de couple séparé (si on oublie le temps passé où c’était courant).
      Comme toi, cela me fait peur pour plus tard…

    1. Oui, une fois la tristesse intégrée, c’est rageant, rageant, rageant…
      Il ne faut pas s’étonner non plus que parfois, on puisse avoir envie de poser des bombes, ça et là…

  6. Il y a vraiment quelque chose qui m’échappe dans ce récit… La tutelle est une mesure de protection extrême… puisqu’avant, il y a la curatelle. Or, tu dis qu’Odette avait toute sa tête. Pourquoi et surtout, comment, une mesure de sauvegarde a-t-elle donc été prononcée ??? Je te rappelle qu’une telle mesure passe par une expertise médicale, réalisée par un médecin assermenté.
    Ensuite, manifestement, la protection concernait les deux. Il y a donc eu DEUX procédures… C’est encore moins clair cette histoire.
    Et puis, il y a forcément eu accord familial pour que la fille soit acceptée comme tutrice des deux protagonistes.
    Pour connaître relativement bien la problématique des personnes âgées puisque c’est UN PEU mon métier, je ne comprends RIEN à cette histoire. Par contre, et je t’alerte sur un point parce que si tu savais tout ce que je peux entendre entre les quatre murs de mon bureau lorsqu’il y a décision d’entrée en structure, c’est que dans les histoires familiales, il y a rarement l’ange et le démon même si chacun définit les rôles ainsi. On ne maîtrise souvent pas grand chose, et quand on écoute les versions des uns, et des autres, parfois, l’intérêt des personnes concernés passe par des enjeux de pouvoir, comme dans n’importe quelle organisation.
    Cette histoire est bien triste même si nous sommes loin d’en connaître les tenants et les aboutissements… Et c’est une directrice d’EHPAD qui te l’écrit, une de celles qui s’est mise en quête d’un lit double pour ne pas séparer un couple qui vivait ensemble et dormait dans le même lit depuis plus de 65 ans…

    1. Nous avons été informés assez tard, et effectivement il y a des zones d’ombre concernant la mise sous tutelle (sujet que nous connaissons bien, car ma grand mère maternelle avait été mise sous tutelle).
      Tout ce que nous savons c’est que l’ainée, se présentait mensongèrement comme greffière au TGI de Paris (je ne sais pas lequel), et qu’elle a fait énormément de trucs dans le dos de sa soeur qui a donc saisi la justice à son tour, audience prévue en septembre prochain.
      Pour le placement séparé, Elle est tombée malade et a été hospitalisé. Son mari n’étant plus autonome (sans avoir perdu la tête) a alors été placé en maison de retraite. Puis quand Elle a dû sortir de l’hôpital, l’ainée l’a faite placer dans une autre maison de retraite 200 km plus loin.
      Nous attendons d’en savoir plus.
      Merci de ton avis.

  7. Quelle tristesse pour le papy quand il va l’apprendre…
    ça risque de précipiter sa propre fin !
    Et tout se paye dans la vie, j’espère que la fille indigne en fera l’expérience très vite. Et le juge des tutelles aussi !
    Dur d’avoir affaire à l’inhumanité de l’administration française…
    Courage.

    1. Il est sur la fin lui aussi.
      Peut-être ne saura-t-il pas… Tout est mis en oeuvre pour, même si certains trouvent à y redire…
      J’espère vraiment que tout se paye un jour….

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