La Grande Motte 2012 (3)

scene-de-menage1Le livre de cuisine bien en main, Jean-Poirotte s’attaqua aux tomates (pas les bonnes, mais bon, il s’était résigné).

Emincer, épépiner, peler, etc, il fait ça très bien, d’ailleurs maman ne le fait plus jamais (par contre c’est elle qui fait sauter les gambas, ils ont chacun leurs trucs).

Tout se déroulait dans un silence absolu en début d’après midi pendant que Mrs Bibelot faisait sa sieste et que je me débattais avec la « police fédérale italienne » (je dois toujours vérifier d’ailleurs si c’est une erreur de traduction et laquelle…).

Puis, il y a eu le bruit du four qui s’ouvre, du plat que l’on pose dans le four, et puis :

  • Un bip !
  • Coraline tu peux venir voir ? Je ne comprends pas pourquoi le four bippe
  • Je me lève. Normal, le four indique qu’il est désormais à la bonne température.
  • Sauf que Jean-Poirotte pour le dessèchement long et à surveiller, à réglé le four sur 100°
  • Re-bip
  • Coraline tu peux venir voir ? Je ne comprends pas pourquoi la température du four grimpe alors que je n’ai rien demandé de spécial.
  • Je me lève. Je pense (n’ayant pas le mode d’emploi sous les yeux) que comme il a choisi l’option « gratins », le four de lui-même rectifie la température. Je choisis l’option la plus basse (maintien au chaud)
  • Re bip
  • Coraline tu peux venir voir ? Je ne comprends pas pourquoi il bippe encore.
  • Parce que la température est enfin bonne.
  • Ah non, c’est trop fort pour « maintien au chaud » suis-je obligée de constater car le four bippe frénétiquement !
  • Après une demi-heure de tâtonnements, la température est enfin bonne et stable…

Deux heures se passent. Papa s’est carrément assis sur la glacière pour surveiller ses tomates. Mon polar est de plus en plus sanglant (ce sera pour la rubrique « lectures de vacances »)

Au bout de deux heures, je suis priée de prendre le relais, parce qu’il a mal au dos. Les tomates vont bien, le meurtrier est de plus en plus abominable, en deux heures il a eu le temps de continuer à sévir.

Sauf que le meurtrier n’est pas le seul à sévir, parce que papa n’arrête pas de venir ouvrir la porte du four pour vérifier l’état de ses tomates (moi je n’en suis pas capable, bien sûr), donc la température redescend, pour remonter, et des bips intempestifs perturbent les parents et ma lecture.

Papa vient prendre ma relève (4 heures de surveillance en tout) et revient tout à coup dans le salon : c’est bon, le four est coupé, les tomates sont à point…

  • Une odeur de caramélisé m’arrive soudain aux narines
  • « Tu te fais des idées » me dit mon père, « j’ai coupé le four ».
  • Je me précipite pour constater que les tomates sont plus que caramélisées, ça brûle sur les bords…
  • Jean-Poirotte passe aux aveux pendant que je me brûle à mon tour pour sortir le plat du four : il a haussé la température pour les 10 dernières minutes avant de tout couper.
  • Moralité il nous faudra, à trois, une heure pour éliminer le cramé.

Et maman a rayé d’un stylo rageur le mot « tomates » écrit par son époux (depuis bientôt 55 ans), sur la liste de courses du lendemain.

Parce qu’une nouvelle séance de séchage de tomates, c’était niet.

Le lendemain, jour de la réception et de la finalisation du plat, nous avons pu constater avec quelques aigreurs, que de la tomate séchée, dans de l’huile ou pas, et bien on en trouvait des bocaux pleins chez super U.

Qu’importe, Jean-Poirotte a été formel :

  • La prochaine fois, il fera sécher les tomates pendant 2 jours au moins, avec son four, à sa température, et donc il faudra 3 jours pour faire la recette.
  • D’ailleurs, des tomates séchées, en bocaux, avec huile de préférence, il va s’en occuper lui-même dès 2013 !
  • Comme cela il pourra faire autant de recettes avec tomates séchées qu’il le veut d’abord !

Je m’en fous, quand il est chez lui il fait ce qu’il veut, mais je me suis esbignée sans piper mot, quand Mrs Bibelot s’est exclamée « des tomates séchées maisons, et pourquoi pas encore de la confiture de coings ? »  (sanglant épisode de cuisine de 2009) et que j’ai senti qu’il allait répondre…

La vie n’est qu’un long calvaire…

PS : oui il a répondu et le débat du « à faire maison ou pas » s’est prolongé le temps que le criminel ne passe pas aux aveux (là je parle de mon bouquin)…

La Grande Motte 2012 (2)

scene-de-menage1Le livre de cuisine bien en main, Jean-Poirotte trouvait toutes les recettes tentantes…

Y compris les plus compliquées…

Je ne m’imaginais pas une seule minute qu’il puisse choisir une recette s’apparentant de près ou de loin à une recette qu’il maîtrise parfaitement.

Non. Il voulait innover. Comme mes filles débutant en cuisine à douze ans, et s’attaquant direct à un dessert demandant quatre heures de préparation et l’utilisation de l’intégralité de la batterie de cuisine.

Son choix s’est arrêté sur un gratin d’aubergines au lard et autres, dont l’intitulé débutait bien évidemment par les ingrédients.

  • Il ne fallait pas des aubergines normales mais tigrées.
  • Il ne fallait des tomates tout venant, mais d’autres.
  • Il ne fallait pas du lard ordinaire mais en tranches fines
  • Une épice, je ne sais plus laquelle, qu’on ne trouve pas partout
  • En bref il ne fallait pas de ce que l’on trouve où nous allons faire nos courses tous les jours (avec ma mère c’est tout les jours).
  • Nous devions donc aller en centre ville où aller à deux est obligatoire : pour se garer en double file vu qu’il n’y a jamais de place…

Maman adorant faire les courses, c’est moi qui me colle en double file. De toutes manières, depuis l’année dernière, elle avait pris le pli de me laisser conduire.

J’ai vécu une heure extraordinaire, garée en double file donc, dans le centre de la Grande Motte, à voir :

  • Ma mère entrer chez le marchand de légumes,
  • Ma mère sortir de chez le marchand de légume,
  • Ma mère traversant sous mes yeux pour aller je ne svaais où,
  • Ma mère retraversant derrière la voiture (mais je l’ai repérée grâce au rétroviseur) pour se rendre je ne savais où,
  • Ma mère traversant à nouveau pour se rendre au Crédit Vinicole
  • Ma mère retraversant puis partant d’un pas martial vers je ne sais quel magasin.

J’ai envisagé sereinement à un moment donné qu’elle puisse avoir un sosie, puis je me suis dis que ce sosie était vraiment une copie conforme et qu’il fallait que je le choppe pour mettre les deux femmes face à face…

Au bout d’une heure, elle est revenue enfin à la voiture (et une heure c’est long quand on guette plus ou moins les flics), pour me faire le bilan des courses.

  • Personne n’avait d’aubergines tigrées : les gens ne les achètent pas. Elle s’était donc résignée à acheter des aubergines normales
  • Personne n’avait les tomates truc machin, elle en avait donc pris d’autres, qui sont délicieuses mais coutent la peau des fesses. Maintenant si vous voulez manger de vraies tomates, poussant dans de la vraie terre, il faudrait presque vendre un rein.
  • Elle avait eu du mal à trouver du bacon « à l’anglaise », jusqu’au 3ème boucher qui avait compris qu’en fait elle voulait du lard en tranche.
  • Je ne sais plus quelle épice l’avait obligée à faire deux supérette, d’où ses passages successifs devant et derrière la voiture (toujours garée en double file).

Nous sommes rentrées contrites, avec tout ce qu’il ne fallait pas prendre, mais mon père philosophe s’est dit qu’il ferait avec.

Nous recevions le vendredi soir et fort heureusement, il s’y est mis le jeudi après midi parce que le premier pas hilarant de la recette était :

  • Découpez les tomates en lanières fines
  • Epongez les lanières
  • FAITES SECHER LES TOMATES AU FOUR pendant 4 à 5 heures à 120° maximum en SURVEILLANT.

Alors que mon père ne maîtrisait à ce moment là, pas du tout le fonctionnement du four…

Je me suis donc installée à proximité de la cuisine (de toutes manières il faisait un vent froid à décorner les cocus, donc terrasse interdite), à lire un polar merdique (c’était mieux qu’il le soit, cela me dérangerait moins de me déranger), prête à le seconder.

Ce qui n’a pas loupé car la vie n’est qu’un long calvaire…

La Grande Motte 2012 (1)

voiture-21Irions-nous ou pas ? C’était la question en suspens depuis le mois de mai, papa gardant un très mauvais souvenir de son séjour de l’année dernière qui s’était passé quasi totalement à l’hôpital.

Mais maman avait envie de partir et a su le convaincre, donc à l’aube (8 H) le 25 août dernier, nous sommes partis tous les trois, gaiement.

Je passe les crises habituelles de ma mère quand son mari conduit, et qu’elle se cramponne comme une malade à tout ce qu’elle peut, comme si mon père se prenait pour un pilote de course.

Là, il m’a laissé un peu plus le volant que les autres années, maman prenant ma place à l’arrière où elle a moins peur (mais peur tout de même, c’est une adversaire farouche du 130 sur l’autoroute).

Il s’arrange généralement pour me laisser la dernière partie du trajet comprenant  le pas de l’Escalette (descente pendant laquelle maman ferme les yeux), au son, dès que l’on arrive en ville de : « c’étAIT à gauche » suivi de « ah c’est malin, maintenant on va perdre une plombe » (dans Montpellier).

Tous les ans nous loupons le bon embranchement car il faut suivre la direction « aéroport » (un jour on s’y retrouvera pour tout de bon, c’est à craindre).

Grosse chaleur à l’arrivée, mer annoncée bonne part l’homme de l’art qui comme de coutume nous a aidé à vider la voiture. Pour la première fois, le siège arrière n’était encombré que de la glacière, nous sommes en progrès*.

Bref, une fois installés nous nous sommes bien détendus et avons commencé à faire quelques projets.

Maman et moi c’était baignade pour le lendemain si possible, et papa ne comptant pas vraiment se promener, des petites excursions à planifier en fonction du temps.

Le dimanche, nous sommes donc parties pour la plage. C’est baignade et retour au bercail, car ni elle ni moi n’aimons lézarder au soleil. L’eau était véritablement très bonne, et nous avons donc laissé l’homme seul pendant au moins 1 H 30 (la plage est à 4 minutes en marchant lentement).

Horreur et consternation au retour, car tout à coup lui aussi avait des projets :

  • Jean-Poirotte avait mis la main sur un livre de cuisine qui n’était pas là les années précédentes, et avait commencé à noter les recettes qu’il comptait bien faire.
  • Horreur parce que généralement nous sommes mises à contribution pour certaines basses besognes (dont la vaisselle qui ne peut pas aller dans le lave vaisselle)
  • Consternation parce que généralement aussi, quand il veut c’est comme quand il ne veut pas et que nous allions forcément avoir droit aux recettes choisies, et surtout à leurs préparations (après nous être cogné les courses, munies de précieuses instructions sur les ingrédients à ne surtout pas prendre)…

Mon père cuisine très bien, mais un plat nouveau, c’est toujours un long calvaire…

Pour lui (il est toujours déçu du résultat avant de se décider à s’y remettre) et aussi pour ses proches…

* L’histoire des bagages, ce sera un autre post…

J’ai déjà dû vous le dire mais la vie n’est qu’un long calvaire de toutes manières…