Mes Noëls de jadis…

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Cette année, je n’aborde pas Noël de manière trop joyeuse, même si j’accompagne mes parents pour qui c’est important, de plus en plus à mesure que le temps passe. Les filles ne seront pas là, mais chez leur père, et il me manquera quelque chose.

Je songe aux Noëls de mon enfance. Où sont-ils ? Que sont-ils devenus ? Maintenant je songe aussi aux Noël de l’enfance de mes filles et je me pose la même question, en me demandant où est passée la jeune femme que j’étais, car je ne l’ai plus rencontrée depuis longtemps en sachant qu’elle ne reviendra jamais…

Même si pour 2007, 2008 et 2009, cela a été d’excellents Noël, moins en 2010 où il y avait plein de problèmes, et ++ pour 2011 où mes deux filles étaient là, il me manque, depuis l’âge adulte de mes filles,  quelque chose qui ne reviendra jamais : mon enfance et mon innocence que j’avais prolongées dans les leurs.

Mon enfance, mon innocence, celles de mes filles également. Un monde disparu qui n’existe que dans nos mémoires.

J’étais petite ou ado, et Noël c’était toujours le même cérémonial. Mrs Morgan était remariée avec un homme boucher, et donc, le 25 décembre, ils travaillaient jusqu’à 13 heures (et le 24 aussi jusque fort tard, d’où ma haine du travail obligatoire pour certains quand c’est la fête pour les autres). La tradition fut prise d’aller chez les parents de Jean Poirotte qui avaient de plus un appartement assez grand pour loger tout le monde.

Cela a duré jusqu’en 1978, un an avant la mort du prisonnier, j’avais 20 ans. Il y a des photos de cette année là,  où il chante, heureux, sans savoir qu’il ne verrait pas le Noël suivant. Ou bien le sentait-il dans son corps et voulait-il l’oublier ? Nous ne le saurons jamais…

Maman faisait le sapin (un faux par écologie avant l’heure et surtout pour éviter les aiguilles par terre) vers le 20 décembre pour ne pas être en retard, vu que les guirlandes lumineuses éclairaient les magasins vers le 15 décembre seulement (là cette année, j’ai trouvé que les éclairages étaient apparus encore plus tardivement que les années précédentes). Le soir, à partir du « soir du sapin » elle nous mettait sur le « tourne disques », des chants de noël et on se battait pour retourner le 33 tour.

Le 24 nous partions chez les parents de Jean Poirotte, frémissants d’impatience. Nous chantions des chants de noël dans la voiture, papa faisant la voix basse et maman la haute, c’était joli comme tout, sans doute les plus beaux moments du monde, mais nous ne le savions pas…

Mamie croyante (Mrs Tricot), s’arrangeait toujours pour terminer le sapin au moment de notre arrivée (le 24 décembre donc). La crèche était prête, sans le petit Jésus qui n’arriverait que dans le courant de la nuit (logique). Nous l’aidions à terminer le sapin dans lequel elle accrochait des bougies au risque de flanquer le feu à l’appartement et l’immeuble avec. Elle terminait ensuite de mettre la table pour toutes les personnes devant nous rejoindre le lendemain.

La tradition dans ma famille était le passage du père Noël pendant que les enfants dorment après s’être couchés sagement (hum), ayant déposé leurs chaussons au pied du sapin à défaut de cheminée. On entrouvrait la fenêtre du balcon pour que le père Noël puisse rentrer tout de même, cette absence de cheminée nous inquiétant, juste avant d’aller nous coucher.

On ne réveillonnait pas, le grand jour ayant lieu le lendemain. Chez ma meilleure amie c’était le contraire : réveillon et jour calme le lendemain. Mrs Tricot préparait un en-cas pour les affamés et allait à la messe de minuit (à minuit) en laissant les incroyants devant un ou deux bons films en noir et blanc et une tranche de pâté. Parfois elle allait à la messe plus tôt dans la soirée à contrecoeur, et les adultes allaient au cinéma, nous laissant sous la garde de l’aïeule ronchon mais si sympa, qui jouait avec nous aux petits chevaux ou nous racontait des histoire horrirrrifiante (faut suivre) avant de nous expédier au lit en nous promettant d’ouvrir la fenêtre du balcon.

Je l’accompagnais, très tôt ma grand mère, pour cette messe, lui laissant croire que j’entrerais un jour dans les ordres (sans le savoir). J’adorais en fait : me coucher tard, la crèche géante, voire même vivante avec de vraies personnes et un vrai bébé, l’ambiance de communion, l’odeur d’encens (et des crottes de vrais moutons éventuellement), et les chants de cette messe de minuit. « Minuit Chrétien » me donne toujours des frissons. Elle allait toujours dans une chapelle dans laquelle les bonnes soeurs étaient toutes espagnoles et infirmières et chantaient avec des voix impressionnantes et un accent horrrrriiiiible. Il faisait froid dans mes souvenirs. Il neigeait souvent. Je revenais avec elle, en lui tenant fort la main et elle me racontait le miracle du Christ alors que je pensais « miracle du père Noël ». Mais comme j’étais la seule qu’elle avait emmenée, je me sentais grande, et maintenant j’aimerais tellement me sentir encore petite…

Je me souviens très bien de la dernière fois où j’y croyais (tard, les grands ne caftaient pas dès le CP). Je me suis couchée en me promettant de ne pas dormir pour « le surprendre ». Il y a eu des bruits un peu partout, des déplacements de meubles. L’après midi j’étais allée avec maman faire des courses et elle avait dit à une vendeuse, dans un magasin de jouets, qu’elle voulait « ceux là » en désignant deux édredons à landaux de poupée.

Je me suis bien entendue endormie sur ma promesse de veiller toute la nuit et de le surprendre sans faire craquer le parquet. C’est fou ce que l’on se réveille tôt un 25 décembre quand le père Noël passe pendant notre sommeil. Nous arrivions mes frères et soeurs et moi, encore endormis à moitié (fait curieux, maintenant quand je dors à moitié et que je peux éviter de me lever, je ne me lève pas…).

J’ai vu ce matin là mon père terminer d’allumer les bougies, maman ayant refermé la porte du salon trop tard (bougies que Jean Poirotte surveillait avec angoisse, un extincteur à la main, et qu’il soufflait le plus tôt possible). J’ai eu un doute sur le miracle du père Noël illuminant le sapin. Fugitif, mais le doute était là.

Nous avons vérifié : le petit Jésus était bien dans la crèche et nous avions des clémentines dans nos chaussons (chose importante, une année, ma petite soeur hyper gâtée a sangloté parce qu’elle n’avait pas eu de clémentines dans ses chaussons, les halles étant en rupture de stock). Pendant ce temps là, ma grand mère qui recevait traditionnellement ses frères et soeur et leur grande marmaille ce jour là, laissait brûler, comme chaque année, les garnitures de bouchées à la reine dans le four. Mon grand père avisé, était déjà parti en acheter de rechange…. (Je me suis toujours demandé adulte, pourquoi il n’achetait pas dès le départ, le double pour s’éviter une sortie en pestant…)

Oui le père Noël était passé. Dans mon landau de poupée, tout ce qu’il fallait (dont la poupée), et un des édredons vus la veille. Regard sur maman qui m’a suppliée en réponse d’un regard, de ne rien dire. J’étais grande, j’avais le droit de savoir. Il était temps pour moi, elle l’avait décidé. Ce n’était qu’une mini trahison : sur ce coup là nous serions complices, mes frères et soeurs ne devant pas encore savoir.

J’avais compris avec une certaine déception. Le père Noël c’était eux tous. Car même les absents pour cause de vente de dindes de dernier moment, donnaient leurs cadeaux à l’avance car c’était le père Noël qu’il nous fallait remercier. J’ai compris en un éclair que les cloches c’était eux aussi (!) et que la petite souris n’était qu’une histoire sympa (vu qu’il me manquait 2 dents).

Qu’importe la déception du jour, elle fut vite oubliée lors du déjeuner traditionnel : huitres, saumon pour les enfants, foie gras que nous trouvions très bon comme pâté, bouchées à la reine succulentes, la dinde aux marrons (et certains pour s’en plaindre alors que ce n’était qu’une fois par an). Après le déjeuner, papa sortait sa guitare et toute la famille chantait. De vieilles chansons horribles (dont j’ai parlé un jour) et d’autres, toutes plus belles les unes que les autres. Nous étions assez nombreux pour faire des « canons » (j’adore), et l’on chantait jusque tard le soir, quand les gourmands de nouveau affamés se proposaient pour terminer les restes dans ce que l’on pourrait appeler un bordel organisé.

Le frère de ma grand mère ému par cette journée (il avait le vin ému), partait généralement en sanglots. La vue des coquilles d’huitres dans la poubelle sortie décuplait son chagrin et nous nous rigolions bien.

  • « Ma grande-soeur SNIF, tout ça pour nous SNIF, c’était trop SNIF, car nous nous aimons hein ? OUINNNNNNNNN !!!

Il triturait dans la poubelle en pleurant, jusqu’au moment où il réalisait que c’était un de ses gendres qui prendrait le volant : quelle horreur ! Il était très bien SNIF, capable, SNIF, de conduire…

La magie de la nuit de Noël fut là longtemps. C’était une nuit pas comme les autres. On y respirait un air pur, de paix, différent. On entendait des chants d’espoir. On se réunissait le 25 décembre sans penser qu’un jour les rangs se creuseraient, qu’il manquerait plein de monde, que les traditions seraient méprisées par les plus jeunes (comme chanter à Noël : les filles détestent, ainsi que ma soeur qui aimait tellement cela petite).

On disait que les guerres s’arrêtaient et les plus anciens évoquaient leurs pires souvenirs de Noëls d’horreur mais d’espoir. Tout le monde s’aimait. C’était magique, cela ne s’expliquait pas en fait, c’était « dans l’air ». Il nous semblait que le monde s’arrêtait pour un temps…

Nous étions heureux. Tout le monde était là, la grande journée avait eu lieu, le père Noël était passé, nous avions chanté. Lorsque l’on est enfant, normalement on est heureux pour Noël. Seulement on ne sait pas à quel point. C’est plus tard que nous comprenons, car le bonheur c’est toujours le passé.

Le 25 décembre en rentrant tard à la maison, papa faisait un détour volontaire pour nous faire voir les illuminations de Versailles. Mais les guirlandes lumineuses n’avaient pas le même aspect pour moi, comme si quelque chose en avait soufflé l’éclat. C’était fini, la magie était terminée.

Ne restait qu’à changer d’année, chez les mêmes personnes, et pour nous les enfants qui avions eu tous nos cadeaux à Noël, c’était vraiment dur de voir ces adultes se complimenter pour un tire bouchon offert, ou une 33ème écharpe en soie un premier janvier, alors qu’il nous manquait tant de jouets…

La vie n’était déjà qu’un long calvaire…

Y penser, c’est encore pire… Je ne compte même pas les années d’après, car ce sera le pire du pire…

14 réponses sur “Mes Noëls de jadis…”

  1. Je suis dans le même cas que toi, cette année mes filles seront chez leurs beaux parents !
    Je me console en me disant que je serai grand mère un jour et que je retrouverai des Noël joyeux !
    Dans ma famille, on se couchait pour attendre le père Noël, mais pas question d’attendre le lendemain matin pour voir les cadeaux !
    (D’ailleurs je n’aurais pas aimé ça, tu parles d’une fête, en pyjama, les yeux miteux, les parents tirés du lit par les gamins impatients, et puis les invités forcément partis)
    Non, on nous réveillait pour nous dire que le père Noël était passé !
    Plus tard on ne se couchait pas du tout, on allait à la messe, et pendant ce temps, le père Noël passait. Pas de « vrai » réveillon non plus, mais un repas, et un autre le lendemain midi.
    Même si je ne suis plus croyante, ni pratiquante, j’apprécie l’ambiance de la messe ce soir là !

    1. Nous sommes vraiment attachés à nos Noël : la preuve, tu défends avec ardeur tes traditions familiales !
      Je garde un bon souvenir de ce coucher un peu excité, et du réveil (pas si tôt que ça) pour la grande découverte !
      J’ai essayé de faire vivre cela à mes filles, mais chez Albert il y avait d’autres traditions, alors il a fallu composer…

  2. Tu viens de me faire pleurnicher (heureusement que je suis seule dans le bureau ce matin !).
    J’ai aussi une énorme nostalgie des Noëls de mon enfance et de ce rituel, toujours le même chaque année. On était heureux et on ne le savait même pas. Ca fait tellement longtemps que je n’ai plus fêté Noël ni vu passer la fin d’année sur autre chose que des sables mouvants…

    Moi qui suis athée au derbier degré, j’ai même chouiné l’autre jour devant une chorale de chants de Noël déguisés en personnages de crèche… Vivement l’an prochain, tiens !

  3. « en pyjama, les yeux miteux, les parents tirés du lit par les gamins impatients »… Pour moi, le 25 décembre au matin, c’est tout à fait ça ! Des centaines de photos, année après année, sont là pour en témoigner 😀 Les cousins ayant tous grandi, les cadeaux sont maintenant distribués le soir (comme ça tout le monde peut faire la grasse mat’), mais j’espère revivre ces moments magiques avec la prochaine génération !

  4. Pas évident non plus de devoir choisir entre passer Noël avec papa ou maman on fait plaisir à l’un mais de la peine à l’autre…
    Je pense comme Nina, tes Noël seront plus doux quand tu auras des Pulchérie et Delphine miniatures auprès de toi (chez moi ça a transformé mes parents !).

  5. Ton texte m’a rappelé des souvenirs, même si je n’ai jamais cru au père Noël : mon père, pasteur, nous avait clairement expliqué que tout ça c’était du pipeau, mais que nos camarades de classe avaient le droit d’y croire, et donc que nous étions priés de ne pas étaler notre science !
    Cela dit, Noël, c’était… magique. Et cela s’estompe, peu à peu, c’est dommage.

    1. Oui, c’est ce côté magique qui perdure même quand on n’y croit plus, que je regrette…
      J’ai adoré Noël longtemps, après il y avait mes petites puces et leurs grands yeux innocents, et même quand elles ne croyaient plus au père Noël, il y avait quelque chose.
      Que je ne ressens plus que rarement.
      Il faut dire que ma vie a été quelque peu perturbée à deux ou trois reprises, au moment des fêtes…

  6. En vrac…
    J’ai aussi un sapin « écologique » depuis Noël 1976… il est parfait !
    J’ai fait deux fois de vrais sapins, un pour le premier noël de mon fils en 1975, puis un quand on a emménagé dans un tellement grand appart que j’ai eu envie d’un TRES grand sapin… dont j’ai retrouvé des aiguilles dans les poches de mon peignoir jusqu’à ce que je le jette plus de 10 ans plus tard !
    Quand j’étais enfant, mon grand-père étant boulanger, comme par hasard le père Noël passait juste au moment où je lui apportais quelque chose à manger ou à boire devant le four…
    Ce n’est plus pareil aujourd’hui, mais est-ce que ce n’est pas simplement nos yeux d’enfants qui voyaient les choses autrement ?
    Même l’ambiance à la télévision était exceptionnelle, j’en ai des souvenirs d’émerveillement… alors que maintenant je ne l’allume même plus pour les fêtes…
    Quant à mes enfants je me suis aussi servie de la messe de minuit, pendant que je les y amenais ma mère mettait les cadeaux en place. Mais je leur ai dit à chacun la vérité avant l’entrée au CP pour qu’ils n’apprennent pas des petits copains que papa et maman leur mentaient depuis leur naissance…
    Quel bonheur les chants de Noël à la messe (qui n’était pas toujours à minuit d’ailleurs, ça dépendait des églises)… Minuit Chrétiens, Il est né le divin enfant… j’adore !
    Par contre on ne chantait pas chez nous… tout au moins en famille car j’ai toujours adoré chanter.
    Je me rappelle aussi de mon « pensionnat » du primaire. Chaque classe faisait une crèche, chacun apportait son santon qu’on approchait de l’étable chaque fois qu’on était sage ou qu’on travaillait bien. Puis le dernier jour d’école on partait en procession en chantant d’une classe à l’autre pour voir les crèches des copains… et là je me souviens d’un chant qui commençait par « Marie, ô notre Dame, priez Jésus enfant… » sur l’air de la Moldau… Magnifique !
    Aujourd’hui le seul intérêt de Noël pour moi est le bon moment passé avec mes enfants et ma petite-fille… c’est déjà pas mal.
    Joyeux Noël à tous

    1. Je crois que le battage médiatique contribue pas mal à retirer de la magie aux fêtes de fin d’année et particulièrement Noël.
      Il faut vraiment que les enfants veuillent y croire, car le mystère du père Noël n’est pas très bien gardé.
      Et sinon, pour le dernier sapin acheté pour l’appart, soit en 1998, il en ressort encore des aiguilles de sous la moquette…
      Vive le faux !

  7. C’est très simple. Une année, les enfants mariés ou en couple fêtent Noël avec leur belle-famille et le premier janvier chez nous, l’année d’après, c’est le contraire, comme ça tout le monde est content. Seul le célibataire endurci et qui entend le rester vient pour les deux.

    1. Ce serait la solution idéale, si les filles ne passaient pas :
      TOUJOURS le réveillon avec des potes.
      TOUJOURS le jour de l’an la tête dans le c… en buvant du citrate de betaïne…
      Du coup, ce jour là, elles sont quasi injoignables en plus…
      🙂

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