Les réunions « bonne conscience »… (Pôle emploi : le retour) (2)

femme-dedaigneuseAlors que certaines pianotaient d’un air agacé sur leur bureau, en tripatouillant vaguement leurs CV ou en papotant avec les voisines, est arrivée la conseillère qui devait tenir la réunion, et un silence de mort s’est fait entendre dans la salle.

Jolie femme, bien foutue, bien habillée (les conseillères Pôle emploi le sont toujours) elle avait de quoi agacer légèrement s’il en était besoin, les 20 ménagères de plus de 50 ans avachies sur leurs chaises et dont elle allait devoir retenir l’attention pendant une matinée entière.

Force m’est d’avouer qu’aucune n’avait fait le moindre effort vestimentaire, et que la coiffure genre « pétard explosé » qui plait beaucoup aux ados était majoritaire, avec vieilles fringues bien chaudes et chaussures confortables, c’était un peu comme si on s’était toutes passé le mot sans nous connaître et à qui serait la plus négligée (sans puer non plus, faut pas pousser).

Nous n’étions pas non plus convoquées à un entretien d’embauche et nous le montrions bien.

Force nous a été de répondre à l’aimable « bonjour » de notre hôtesse qui avait parfaitement ressenti l’ambiance glaciale et semblait désarçonnée. Nous avons compris pourquoi.

  • Cette réunion était une réunion d’information spéciale, décidée par la directrice de l’agence de Rambouillet et deux autres collègues à elles (ou on nous aurait menti), devant le nombre important de chômeuses de plus de 50 ans inscrites depuis plus d’un an sur le secteur de l’agence, on se demande pourquoi cela dure aussi longtemps.
  • Agence qui couvre beaucoup de communes.
  • Elles s’étaient mises à quatre pour mettre au point un programme d’accompagnement pour les pauvres vieilles que nous étions et qu’elle allait nous présenter, à nous, les premières à être convoquée…
  • Nous étions dons 275 environ sur le secteur de l’agence et c’était la première réunion de ce type, car 13 autres allaient suivre avec d’autres que nous, enfin 15 ou 16 parce que 20 d’un coup c’était peut-être beaucoup… (nous étions donc son galop d’essai et cela ne démarrait pas très bien, je pense que pour les suivantes elle fera des groupes de 10…)
  • Effectivement 20 cela a été beaucoup trop quand elle a précisé que cette réunion n’avait pas un caractère obligatoire et qu’il y a eu un tollé général :
  • « J’avais RV chez l’ophtalmo/le dentiste », « autre chose à faire », « me suis tapé 1 H 30 de transports en car, train et à pied avec autant qui m’attend pour le retour », » ETC »…
  • « Encore une réunion de merde qui ne débouchera sur rien » a déclaré bien fort la dame d’Ablis dont l’humeur ne s’arrangeait pas. « Chercher du boulot on sait faire, jamais je n’ai trouvé de travail via l’ex ANPE ou Pôle Emploi (j’ai approuvé : je suis dans le même cas, JAMAIS, je n’ai rien trouvé par eux, et même pire, il y a une trentaine d’année, l’ANPE m’avait fait louper une occasion en or chez ma gynéco qui cherchait une secrétaire à mi-temps, mais ils ne pouvaient pas me mettre à la fois dans « médical », « juridique » ou « général », donc, là où je serais peut-être encore, je n’ai jamais passé la porte, ce qui avait consterné ma gynéco qui savait que je cherchais du boulot, mais pas spécialement à mi-temps (puis plein temps dans 10 ans), et chez qui j’avais fait un remplacement très réussi lors de l’été 1982 (comme le temps passe…))
  • « Je vais vous montrer » a dit la conseillère. En même temps elle a autorisé deux des mégères de plus de 50 ans à partir, il ne leur en serait pas tenu rigueur, et d’ailleurs elles avaient signé la feuille de présence. Les deux sont parties en nous souhaitant bon courage.

Et là nous avons tout de même eu un peu pitié de la conseillère qui semblait consternée. Puis :

  • Le rétro projecteur ne fonctionnait pas, elle a dû appeler un collègue à la rescousse.
  • Après c’est l’ordi qui a fait la même tronche que les 20 18 volontaires du jour
  • Puis le programme (power point) a décidé qu’il n’ouvrirait pas le document demandé, et en tout état de cause ne ferait pas son défilé habituel sans 3 clics et un coup de poing sur le clavier,
  • Du coup nous sommes descendues à 18 réclamer une boisson chaude dans un désordre indescriptible, à la dame qui avait eu le temps de finir son café et de s’en resservir un autre.
  • Nous avons été trois à exiger du thé, avec lait et sucre si possible
  • Et quand nous sommes remontées toujours en papotant « qu’on nous prenait pour des connes », tout fonctionnait impec.

Force m’est de devoir avouer que le programme mis au point par l’équipe des 4 chargées plus particulièrement des ménagères de plus de 50 ans, nous a semblé être la preuve d’une évidente bonne volonté, de sortir de la routine sans doute, de vouloir faire VRAIMENT quelque chose. Ce n’est pas comme le programme général de pôle emploi via informatique. Si l’état avait de bons programmeurs, cela se saurait.

Sauf que :

  • 1/4 d’heure de présentation
  • 1/4 d’heure d’explications
  • 1/4 d’heure pour répondre aux questions s’il y en avait (elle avait des doutes et avait bien raison : il n’y en a pas eu)
  • 1/4 d’heure pour que nous remplissions un questionnaire
  • Et encore elle était LARGE…
  • Et bien c’était la bonne nouvelle, nous serions libres à 10 H 30, parce que cela faisait quatre x 1/4 d’heure et qu’il était déjà 9 H 30.

Encore un tollé général, surtout de celles dépendant d’un tiers pour rentrer, et à qui elles avaient demandé de revenir les chercher à 12 H 30, de celles comme moi qui avaient annulé un RV qu’elles auraient pu honorer + celle qui avait cumulé « prévoir la matinée » avec un RV vers 14 H et se demandait ce qu’elle allait pouvoir FOUTRE entre 10 H 30 et 14 H…

Cela n’a pas démoralisé notre charmante hôtesse, toujours aussi bien foutue, qui nous a posé LA question :

  • Pourquoi n’avez-vous pas trouvé de travail depuis tout ce temps ?
  • « Parce que les employeurs veulent de la chair fraîche à pas cher » a répondu aimablement la dame d’Ablis qui allait devoir attendre son mari un bon bout de temps
  • « Parce que le boulot ça se trouve sous le pied de n’importe quel cheval mais que nous avons la flemme d’en trouver un pour lui soulever les pattes »  à rétorqué une autre
  • « On dit la jambe quand il s’agit d’un cheval » à rétorqué la dame d’Ablis
  • Elles ont été les seules à répondre car toutes celles qui n’étaient pas véhiculées elles-mêmes, comme moi, envoyaient des textos d’appel au secours à leurs taxis personnels.
  • « OUI MAIS » a balbutié la conseillère…

Alors là le OUI MAIS, je vais vous le donner.

  • Nous ne prétendons pas spécialement à des salaires exorbitants, mais encore faudrait-il pouvoir avoir l’occasion d’en discuter avec un employeur potentiel…
  • Certaines ont avoué avoir bidouillé leur CV pour retirer 10 ou 15 ans d’expérience mais ce n’était pas assez, maintenant passé 40 ans on n’est plus bonne à rien.
  • Une avait fait l’expérience : un CV avec sa photo et son expérience, un CV avec la photo de sa fille aînée et les années en moins dans l’expérience, et c’est sa fille avec les mêmes qualifications qui a reçu une réponse positive, la mère qui s’est présentée, et cela a été un bordel pas possible.
  • Et j’en passe, c’est consternant… et c’est parce que nous avions toutes des expériences malheureuses que nous étions si désabusées.

La conseillère nous a dit qu’avec notre accord, nous serions toutes attribuées à deux conseillers, qui auraient charge de démarcher eux-même un employeur potentiel, en appuyant nos candidature. OK.

Il fallait peut-être revoir notre CV. Pas OK, vu que nous avions toute subi « l’atelier CV » et que donc le nôtre était au point. Et que rien que l’idée de devoir affronter à nouveau le dit atelier, il y a eu une rumeur présageant non pas une révolte, mais une révolution.

Mais la chute cela a été « nous voulons savoir si vous cherchez réellement ou non, (certaines étaient à 6 mois de la retraite), si c’est non, nous mettrons vos dossiers en sommeil et nous ne vous importunerons pas ».

C’était torché à 10 H 30. Pas de bol, à part deux ou quatre à 6 mois ou 1 an de la retraite, nous cherchions toutes…

Soupirs de la conseillères. Encore 255 mégères de plus de 50 ans, et elle aurait bonne conscience.

Mais ma jolie… La vie n’est qu’un long calvaire…

Sauf que, là encore il me faut être honnête, ce vendredi là, à 18 H, j’ai été stupéfaire de recevoir un appel de cette dame, car elle était en train d’examiner mon dossier et de constater que je dépendais désormais de CAP emploi.

A 18 H, elle était encore au boulot, et ses collègues aussi, je les entendais discuter. Alors que l’agence ferme ses portes à 12 H 30 le vendredi.

Elles cherchent une réelle bonne conscience, elles cherchent réellement à faire un peu bouger les choses, et là je le dis, même si je suis une râleuse.

Chapeau mesdames ! et bon courage !

(Je pense que nous avons assez à dire sur les incompétents que nous rencontrons régulièrement, pour devoir souligner le fait de tomber sur des personnes qui prennent réellement leur métier à coeur).

12 réponses sur “Les réunions « bonne conscience »… (Pôle emploi : le retour) (2)”

  1. Je comprends que la réunion en ai agacé plus d’une ! Ça peut se comprendre que Pôle Emploi ait envie de prendre les choses en main, d’essayer de comprendre, mais c’est sûr que la question « pourquoi vous n’avez pas trouvé depuis tout ce temps » est maladroite !

    Et la pauvre directrice a peut-être des comptes à rendre, elle aussi : c’est quoi ce bazar dans votre agence ?

    C’est typique de l’administration, je vois ça tous les jours !
    Mais il est vrai que parfois on tombe sur quelqu’un de compétent ! Comme à la Poste Bancale où j’ai eu récemment deux bonnes surprises, non seulement j’ai eu un interlocuteur sympa mais en plus il a tenu ses promesses… et surtout bien compris que non, je ne veux pas placer de sous, je n’en ai pas !

    Au final ça donne quoi que tu dépendes de Cap Emploi ?

  2. Gisèle : je suis entièrement d’accord avec toi, quand on voit le nombre de « bras cassés » que l’on se trimballe régulièrement, on est surpris de tomber sur quelqu’un de compétent qui prend son boulot à coeur !

  3. Louisianne : la question n’en était pas une, il y a un vrai bilan à faire sur le fait que de plus en plus tôt on nous met au rancard !
    Apparement certaines agences font du forcing auprès des employeurs, en faisant miroiter les avantages des « vieilles »…

  4. Je me permets de commenter car travaillant à Pôle Emploi (je suis technicien allocataires = ex-assedic, qui traite les dossiers), je tiens à rectifier qu’en aucun cas, nous sommes de l’administration, donc en aucun cas nous sommes fonctionnaires ! Pôle Emploi est un organisme de droit privé, qui rend une mission de service public. Même mes collègues ex-anpe ont désormais le statut privé.

    La fonction de Pôle Emploi, c’est d’accompagner les demandeurs d’emploi dans leur recherche d’emploi, pas de leur trouver un emploi. Pôle emploi est là pour les aider, pas pour faire les recherches à leur place… Le rôle de Pôle Emploi, et de l’ex-anpe auparavant, n’a jamais été de chercher du travail à la place des demandeurs d’emploi. Certes les demandeurs d’emploi ont des droits (droit aux allocations, droit à la formation) mais ce que les gens oublient vite, c’est qu’ils ont aussi des obligations… Mais ça, personne n’en parle…

    Je vois tous les jours mes collègues ex-anpe (donc conseillers à l’emploi comme la direction les appelle) galérer pour accompagner les demandeurs d’emploi… car la direction ne donne pas les moyens de le faire (surcharge des portefeuilles de demandeurs d’emploi, surcharge des plannings)… Mes collègues suivent entre 200 et 500 demandeurs d’emploi, et malheureusement les journées ne sont pas étirables… Certes il y a des incompétents à Pôle Emploi (je parle en général), comme partout… mais ce n’est pas la majorité.

    Je comprends tout à fait vos griefs par rapport à cette réunion mais je pense qu’à votre agence, les collègues essayent vraiment de faire de leur mieux. C’est ce que font mes collègues. Mais sans moyens, il faut comprendre que ce n’est pas simple.

  5. L’avantage des « vieilles » c’est l’expérience et aussi qu’elles ne disent pas « Ziva toi, j’vé pas me levé à 9 h du mat ! »
    Je sais, il y a des jeunes très bien, j’en ai même deux !

  6. Ca partait sans aucun doute d’un bon sentiment, mais l’organisation était tout de même un tantinet b*rdelique !! Nan mais normal, hein, quand on est au chômage on n’a rien d’autre à faire …

  7. TheFairy : je suis tout à fait consciente de cela, et je me souviens du désespoir de ma conseillère, lors de notre dernier entretien, alors qu’elle m’avouait avoir vu ses dossiers passer de 200 à 300…
    Je suis très consciente du manque de moyens donnés : quand je critique les programmes par exemple, ce n’est pas pour rien.
    Lors de mes recherches, à « secrétaire, assistante, etc.. » Il faut cocher sur UN truc correspondant, on ne peut pas cocher sur plusieurs… Cela n’est pas normal, c’est mal foutu et c’est tout.
    J’ai été bien consciente ce jour là, malgré mon énervement, que les personnes ayant mis en place cette réunion, l’ont fait parce qu’elles voulaient faire de leur mieux.
    D’où mon « chapeau mesdames, et bon courage ».
    Voilou…

  8. Louisianne : tu me fais rire tout à coup. Je me souviens d’une jeune secrétaire entrée chez Truchon, qui tutoyait systématiquement tout le monde et surtout les clients, en leur précisant « tu comprends vieux, s’il fallait que je fasse attention à tout, je ne serais pas dans la merde »…
    Ou bien « il est 17 H 45 ziva ! »
    Fort heureusement mes deux trésors adorés ont un langage normal et français, mais bon, ce sont déjà des vieilles : 31 et 29 ans !!! (avec une dure éducation derrière elle…)

  9. CDLM : c’est un petit peu ce que cela donne comme impression : de toutes manières nous n’avons que cela à faire.
    L’atelier CV, l’atelier présentation, l’atelier « entretien d’embauche », mais désolée, passé 45 ans, on sait faire…
    Et quand on a déjà tout fait sous peine de se faire radier, l’arrivée d’une convocation fait toujours chier, désolée d’être aussi franche !

  10. Quelques remarques en réponse à TheFairy :
    – le manque de moyens : ça, on est d’accord.
    – l’incompétence : qu’il y en ait « comme partout », admettons, mais à moins que je ne sois entourée que de gens à qui la vilaine sorcière de Popaul Emploi a jeté un sort, il semblerait que le taux d’andouilles brevetées soit quand même vachement élevé dans certains bureaux … Au pif et dans le désordre : le conseiller qui au bout de 45 mn d’entretien veut absolument vous faire signer … le compte rendu de votre situation d’il y a TROIS ans, la « spécialiste VAE » qui tient 10 personnes en otage pendant 3 heures pour leur faire un speech rempli d’erreurs, et vous sortir la bouche en cœur lors de l’entretien individuel qui suit  » CAP petite enfance ? ah nan … j’trouve pas … ça doit pas être possible »(et le papier qui traîne là sur ton bureau, à ton avis il parle de quoi débile !?!?), le conseiller qui trouve votre situation (un emploi conservé sur 2) trop compliquée et vous dit « nan mais revenez plutôt dans 2 mois, quand vous aurez tout fini … Les allocations rétroactives ? ben nan,vous perdrez deux mois … » etc, etc ….
    – pas là pour nous trouver un emploi : oh ben ça, on a bien compris !!! On remplit tout un questionnaire (et comme dit Calpurnia, en 2013 c’est tout de même aberrant que le programme ne soit pas conçu pour prendre plusieurs choix en compte !), ça vous envoie des offres qui ne vous correspondent pas, et c’est infoutu de vous mettre en lien avec LA personne qui cherche pile poil ce que vous offrez !Heureusement que parfois il y a un dieu pour les chômeurs et que le hasard fait bien les choses ….

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