Histoire de mitraillette… (1)

MitrailletteC’est une longue histoire qui ne peut être comprise que lorsque l’on sait que mon grand-père maternel :

  • Adorait la chasse y compris celle aux champignons,
  • Arpentait donc la forêt dès qu’il en avait l’occasion,
  • Avait la sale manie de rapporter chez lui tout ce qu’il pouvait trouver dans les bois lonlère et tralala, au son de « cela pourra toujours servir » (une boite de conserve avec des clous rouillés dedans que des salopiauds avaient laissé dans une clairière, pourquoi, on ne le saura jamais, ni en quoi cela pouvait servir)…

C’est la raison pour laquelle nous nous sommes un beau jour retrouvés avec deux mitraillettes de la seconde guerre mondiale, que l’on avait trouvées chez lui.

Pour les deux, nous connaissions les histoires, mais nous étions persuadés qu’il s’en était un jour débarrassé…

  • 1943 en pleine occupation, alors qu’il habitait Châteauroux avec sa femme et sa fille (maman), le voici parti aux champignons. Ce n’est pas qu’il y avait trop de graisse pour les faire cuire normalement, mais…
  • 5 semaines auparavant, entendant un bruit suspect dans le jardin, il était descendu voir s’il se passait quelque chose. Oui, mais c’était chez le voisin qui faisait entrer chez lui 3 aviateurs anglais. C’était pleine lune, un avion avait été descendu dans l’après midi, et tous les boches du secteurs recherchaient les 3 anglais leur ayant échappé. Le voisin et mon grand-père s’étaient regardés, mon grand-père avait haussé les épaules, mais du coup, depuis cette nuit là, le voisin qui était fermier, donnait gentiment 1 livre de beurre et 2 litres de lait par semaine à ma grand-mère « pour la gentille petite fille ».
  • Il est à noter que les deux hommes ne parlèrent jamais de cette histoire. Mon grand-père était un taiseux, et les paysans le sont généralement tous.
  • Donc il allait aux champignons avec son vélo qu’il planquait, et un grand panier, parce que les champignons, il avait de quoi les faire cuire
  • Et sur quoi tombe-t-il ?
  • Une mitraillette, avec deux chargeurs.
  • Et qu’est-ce qu’il fait ?
  • En pleine occupation ?
  • En 1943 ?
  • Il ramasse la mitraillette et les chargeurs, puis après sa récolte, dépose le tout dans le panier, en planquant bien la mitraillette sous les champignons.
  • Il croise une patrouille en rentrant, mais comme la patrouille le croisait tous les jours à la même heure, pas d’inspection (champignons Zer GUT !)
  • Se faire prendre avec l’arme et les munitions, l’arme toute seule ou les munitions toutes seules, c’était la mort assurée à cette époque là…
  • Il en flageole en rentrant chez lui (d’avoir croisé la patrouille) et va planquer la mitraillette dans la cave.
  • Vient l’histoire quelques mois plus tard, où ma grand-mère a été confondue avec une résistante fort recherchée, et a été embarquée en rentrant chez elle par la Gestapo. (ICI)
  • Mon grand-père l’apprend de ma mère qui se balance sans se faire trop de soucis et lui précise que « maman est partie avec des messieurs en imperméables noirs ».
  • Il blêmit. Il descend à la cave, prend la mitraillette, et au hasard, va sans réfléchir, la planquer dans le tas de bois du voisin qui jouxte son jardin.
  • Ma grand-mère totalement dédouanée rentrera tard le soir et prendra une cuite à la vieille prune qui restait, tellement elle avait eu peur, et mon grand-père ne parle pas de la mitraillette…
  • Libération. On danse, on est heureux, et puis finalement maintenant que c’est terminé, on parle entre voisins.
  • Et mon grand-père de demander au fermier, en le remerciant pour ses livres de beurre et son lait « vous n’avez jamais trouvé une mitraillette dans votre tas de bois ? »
  • Ah, c’était donc vous ? Je me suis souvent posé la question. Je l’ai toujours à la cave… Une chance que l’on ne m’ait jamais soupçonné, sinon j’étais cuit… Je vais vous la rendre…

La conversation s’arrêta là, entre les deux taiseux voisins, aucun ne questionnant particulièrement l’autre sur ses amusements personnels pendant l’occupation (et le voisin a bien dû pourtant se demander pourquoi mon grand-père avait planqué une mitraillette dans SON tas de bois), et mon grand-père se retrouva avec une mitraillette, mais avec juste un chargeur, parce que, faites excuse, mais les munitions, nous en avons un jour eu besoin, je n’avais gardé qu’un chargeur pour l’arme pour un cas de besoin pressant urgentissime...

La vie n’est qu’un long calvaire…

10 réponses sur “Histoire de mitraillette… (1)”

  1. Sympa cette histoire de mitraillette ! J’attends la suite.
    Il faudra quand même que je te demande un jour pourquoi tu fais toujours des listes à puces, alors que c’est une histoire ?
    Perso moi je m’énerve quand Wo*rd ou autre me fait des listes à puces auto sans me demander mon avis !

  2. L’histoire est géniale, vivement la suite !
    Sinon, moi, j’adore tes  » listes à puces »; je trouve que ça éclaircit la narration.
    Je m’en faisais justement la remarque en te lisant, avant de tomber sur le commentaire de Louisianne …!

  3. Louisianne : je fais des listes à puces pour faire « sketch » tout bêtement. Il m’est arrivé de refaire des articles écrits en narration normale pour mettre des puces…
    Vu le commentaire de Saskia, tous les goûts sont dans la nature (heureusement !)

  4. Saskia : tu as finalement répondu à Louisianne avant moi ! Comme je le lui disais, heureusement que tous les goûts sont dans la nature car l’ennui naquit un jour de l’uniformité 🙂

  5. J’ai juste demandé pourquoi, et j’ai la réponse !

    Sinon j’ai dit que je n’aime pas word quand il ne me demande pas mon avis, mais word n’a rien à voir avec un blog même un blog wordpress (je suis trop longue pour un com, là ? Ok je sors !)

    Eclaircir la narration ça je suis pour Saskia, il y a des blogs où c’est tellement compact qu’on ne peut pas respirer !

    Mais bien évidemment chère sorcière, c’est ton blog et tu fais ce que tu veux ! 😉

  6. Louisianne : pour Word, je suis d’accord avec toi, cela m’agace également quand il décide de me mettre liste à puce ou liste numérique alors que je ne lui ai rien demandé !!!
    Ici, vraiment, c’est du volontaire… 🙂

  7. Ah….tiens! j’avions jamais remarqué les puces. Non mais quelle histoire! ( pas les puces, la mitraillette de ton grand père maternel….) nos aïeux ont tout de même vécu des trucs de dingues.

  8. Chez nous, c’est une sombre histoire de robe qui est arrivée jusqu’à la « jeune » génération ( soit moi et mes soeurs ) avec deux ou trois autres anecdotes, fort rares car mes grand-parents ne parlaient que très rarement de l’Occupation.
    Alors l’histoire de la robe….
    Ma grand-mère était résistante en Normandie ( dans la région de Caen pour être tout à fait précise ). Je ne sais pas quelle mesure ( peut-être n’a-t-elle fait que porter des messages… peut-être a-t-elle fait plus ). Voilà t’y pas qu’un beau jour, elle a l’impression de s’être faite repérée. Faut dire qu’une femme seule toujours par mont et par vaux sur sa bicyclette, ça se remarque. Surtout qu’en ces temps de pénurie, on n’a pas beaucoup de change. La robe qu’on a porté trois jours durant, on la lave le soir pour la remettre le lendemain… et puis comme elle est de milieu modeste, sa robe, elle est cousue main, donc unique et parfaitement reconnaissable. Pas moyen de dire, Monsieur le SS, des femmes comme moi, y en a partout, et puis ma robe, y en a au moins vingt identiques dans la boutique d’en face…
    C’est comme ça que la plus belle robe de ma grand-mère finit dans les flammes, dans l’espoir que l’officer SS qui lui avait jeté un regard noir n’avait pas bien regardé la femme à l’intérieur.
    Je ne sais pas si ma grand-mère a vraiment été soupçonnée; en tout cas, elle et sa famille ont eu sufffisamment peur pour détruire quelque-chose qu’ils ne pourraient pas remplacer et pour que mon arrière-grand-mère décide de remplacer sa fille à plusieurs reprises pour éviter que les soldats allemands ne remarquent que celle-ci faisait toujours les mêmes trajets. Pas par conviction, juste pour protéger son enfant, malgré la peur.
    J’espère qu’il y a eu plein de ces héros ordinaires comme ton grand-père qui n’a pas dénoncé son voisin ( c’était si facile… et ça pouvait rapporter gros ) ou mon arrière-grand-mère qui aurait bien laissé les choses suivre leur cours… si sa fille n’avait pas été en danger.

  9. Cathy : sans vouloir l’offenser, je pense que ce n’était pas du tout le moment de ramasser une arme comme ça, surtout avec les allemands bien présents… Ou alors il y avait autre chose qu’il ne nous a jamais raconté !

  10. Enthara : il y a eu plein de ces héros ordinaires, j’en avais évoqué un ou deux de la famille d’Albert. Porter des messages c’était risquer sa vie aussi sûrement que le reste… Voici deux femmes courageuses !
    Quant à moi, je ne sais pas si j’aurais eu du courage. J’ai bien peur de devoir dire que j’aurais fait sans doute partie de ceux qui laissent les choses suivre leur cours, malgré mes convictions…

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