Quand on est issu d’une famille de chasseurs… (la vie n’est…)

fusil-copierCertains qui suivent, l’auront certainement remarqué : mais je fais souvent allusion au fait que j’aime les armes à feu et certaines armes blanches.

Bien évidemment tout ce qui est bombe, obus, canon, etc… armes lourdes de guerre, ne m’attire pas du tout. D’ailleurs en faire la collection serait très difficile (une autorisation spéciale pour détenir une bombe A chez soi, je ne vous raconte pas le parcours du combattant pour remplir les papiers…)

Cet amour m’est venu alors que j’étais toute petite. Pour mon grand-père, son père et son grand-père étaient gardes, voire chefs gardes chez le baron de Rothschild qui était un grand amoureux de la chasse, un de ses aïeuls avaient contribué à créer la race de l’épagneul breton et avait écrit des livres, et du côté de sa mère un arrière grand-père à lui avait écrit également pas mal de livres sur la chasse. Il était donc tombé dans la chasse quand il était petit, et cela a été une de ses raisons de vivre (que ma grand-mère n’a pas forcément partagée ni appréciée d’ailleurs).

Il avait hérité de son père un bel arsenal qui s’était constitué au fil des générations. En 1940, tout le monde étant sommé d’aller porter à la mairie son arme de chasse (et ne pas raconter qu’à la campagne on n’en avait pas), mon arrière grand-père avait déposé dignement une antique pétoire (qui aurait certainement de la valeur maintenant, vu qu’il s’agissait d’une arme à charger et à bourrer par le canon, avec un cornet de poudre, des amorces et tout le tintouin) et avait enterré tout le reste dans le jardin, fort hélas sans avoir assez de temps pour protéger toutes les armes correctement, vu le nombre (les mieux protégées étaient celles dont il s’était occupé pendant la débâcle, là, il avait le temps).

Le tout fut déterré en août 44, et toutes les armes furent remises en état, graissées, etc. Certaines n’en portaient pas moins des séquelles de leur inhumation prolongée et furent déclarées impropres à la consommation, mais pouvant encore trôner sur une panoplie d’armes de collection, pour qui n’y regarderait pas de trop près.

Mon grand-père s’est retrouvé un jour avec les armes de son père, de son grand-père (qui avait hérité des armes de son père) + les siennes achetées après sa majorité + un beau jour celles venant du côté de sa mère, mais que détenait tante Hortense qui était une femme chez qui tout pouvait rentrer, mais jamais ressortir (sa maison était un musée doublé d’une poubelle…).

Mon arrière grand-père avait sculpté deux fort joli panneaux, sur lesquels trônaient des massacres (du tombé, pas du vif) en haut, et des bois de chevreuil pour poser les fusils. Il avait récupéré des bois de chevreuils également pour faire deux manches de pelle à tarte ce qui peut actuellement surprendre certains invités s’il y a une tarte en dessert, bref, moi aussi le gibier et les armes, j’étais tombée dedans quand j’étais petite.

Mon père s’y est mis assez jeune. Il avait un bon coup de fusil et la chasse devint également une passion pour lui. A sa retraite, mon grand-père devint enfin garde pour la chasse d’un ami, dont il était gratuitement actionnaire. C’était l’homme des bois du secteur, et lors de la construction du premier lotissement du village, des personnes inquiètes demandèrent à la boulangère si le monsieur que l’on voyait toujours avec un fusil était méchant…

Le dimanche soir, pendant la saison de chasse qui était assez longue, nous regardions les deux hommes nettoyer leurs fusils. Je sens encore l’odeur de la graisse, je revois les mouvements à faire, et je demandais à regarder dans le canon, ce que mon grand-père me refusa jusqu’à mes 8 ans.

J’entendais parler calibre : 22, 24, 16,18,12, superposé ou juxtaposé, je savais tout ce que cela voulait dire,  et je savais également que le 24 ne serait jamais sorti en cas de risque de pluie. Il y avait aussi d’authentiques colts entretenus également mais dont nous ne savions pas s’il y avait des munitions pour, qui trônaient sur la panoplie + des révolvers et pistolets divers, planqués un peu partout suivant le principe sacro saint qu’on ne laisse jamais une arme chargée à la maison, et à portée de main des gosses en plus, chargées ou pas.

Y toucher c’était les galères se profilant à l’horizon ou une fin de vie sur l’échafaud à prévoir à tout le moins, il fallait attendre d’avoir l’âge (mais lequel ?).

Nous avions interdiction de viser qui que ce soit avec quoi que ce soit, et le pistolet à eau faisait grimacer mon grand-père : cela ne se faisait pas pour lui…

Pour les armes blanches, il y avait cannes épées diverses, couteaux de chasse, y compris le Bowie de papa que l’on n’avait même pas le droit de regarder, donc du coup, il me faisait baver d’envie. Il était normal qu’il soit hors de portée de nos mains, car il coupait, et coupe toujours comme un rasoir. N’empêche que je le trouvais beau. Les seules armes blanches qui sont restées longtemps hors de vue étaient les baïonnettes de mon arrière-grand père, qui évoquaient trop d’horreurs de la grande guerre.

Je m’étais prise également de passion pour une winchester authentique, et papa a hélas oublié qu’à mes 18 ans il m’avait dit « elle sera pour toi, mais pas tant que j’aurai une des panoplies la panoplie chez moi en décoration ». Puis le temps a passé, mes parents ont récupéré la maison de mon grand-père, avec tout son arsenal, le mot n’est pas exagéré. Comme je l’ai dit précédemment, il ne manquait que des mines dans cette maison quand mes parents en ont pris possession, et un canon de 75… Il y avait même des douilles d’obus décorées par l’arrière grand-père dans les tranchées, qui faisaient office de vases, ou pour les plus petites, de pots à crayons…

On peut dire qu’il y avait un peu de tout. Du neuf, du vieux, de la carabine, du fusil à chasser l’éléphant (qu’elle horreur, mais pendant longtemps c’était « sport » de tuer un éléphant), du petit calibre, du gros calibre, beaucoup de vieilles armes, dans des états divers, et les fameuses mitraillettes. Papa s’est décidé à en vendre une grande partie à des collectionneurs, ne gardant que le 12 dont je sais me servir, et son 24 qui le rassure dans sa chambre, non sans un pincement au coeur, et pour moi également (chaque arme partie, c’était un peu de mon enfance qui s’en allait).

Dans le grenier on ne peut pas faire 3 pas sans tomber sur un massacre (du tombé comme du vif, mais le vif, ça ne se sépare pas, c’est pratique (!) à stocker), et je crois qu’il y en a même dans certaines armoires… Quant aux « honneurs » du pauvre cerf tombé à l’ennemi, il y en a que nous avons fini par donner, du plus de 100 ans pourtant…

J’ai tiré mon premier coup de fusil à 12 ans, papa ayant cédé devant mon insistance non sans sadisme, parce que le coup du recul, je ne le connaissais pas et que bien évidemment, il ne m’avait pas prévenue. J’ai tiré avec le 12 sur une cible, et je me suis retrouvée sur le cul (en ayant touché la cible), papa récupérant illico son arme par le canon, arme dans laquelle il n’avait bien évidemment mis qu’une cartouche…

J’ai longtemps apprécié la fête du village et fait du ball-trap à cette occasion (et un bleu mastoc à l’épaule, un…) : nous y allions en peloton aisément reconnaissable pour les gens du coin : voilà la famille du garde. Et puis j’allais faire des cartons au stand de tir, et celui qui le tenait me disait régulièrement « vous tirez bien », jusqu’au jour où ma belle soeur et moi avons fait un scandale : pourquoi un prix pour homme et un prix pour femme ? C’est le meilleur carton qui l’emporte… Pourquoi une carabine pour un homme et une moche pendule à fleurs pour une femme en premier prix ? (ICI)

A partir de mes 13 ans, j’ai beaucoup accompagné mon père à la chasse. La première fois il avait dit « oui », persuadé que je ne tiendrais jamais la journée à marcher, et puis après il n’a jamais plus fait d’objections, car j’étais très bonne marcheuse et jamais fatiguée (ce qui a bien changé).

J’ai compris que je ne prendrais jamais la relève, le jour d’une battue au cours de laquelle je marchais à côté de mon père. En face de moi, deux biches soudain, inquiètes et si belles… Je n’ai rien dit, rien signalé, les chiens ne les avaient pas encore senties, j’ai juste toussé un peu fort et elles ont eu la vie sauve. Jamais je ne pourrais tirer sur la mère de Bambi, et ce jour là, le côté sport de la chasse m’a totalement échappé. Mon autre grand-père farouchement contre, disait toujours à son fils que la chasse serait un chouette sport si le gibier avait aussi un fusil, que cela existe, que cela s’appelle la guerre, qu’un sport c’est quand les deux parties savent qu’elles jouent, etc…

Papa a raccroché son fusil le jour où il a abattu une laie suitée. Il ne pouvait pas savoir, c’était un peu tard pour la saison, mais il avait bien fallu mettre la main sur tous les marcassins afin de les tuer à leur tour, pour leur épargner une sale mort, car ils n’auraient pas survécu sans leur mère.

Me reste de tout cela tout de même mon amour pour les armes. Je sais, ce n’est pô bien. Et puis la chasse de quand j’étais petite ce n’était pas les viandards que l’on décrit souvent actuellement (attention, je ne dis pas que tous les chasseurs en sont). On ne tirait pas sur tout, on recherchait la bête simplement blessée jusqu’à la retrouver afin qu’elle ne crève pas dans un taillis quitte à y passer le reste de la journée, on veillait à ce qu’il y ait du gibier en suffisance et les lâchers avaient lieu juste après la fermeture et non pas juste avant l’ouverture (quand le faisan pourrait tout aussi bien être un pigeon d’argile, alors que 6 mois plus tard il était réellement revenu à l’état sauvage).

Le sang de mes ancêtres maternels s’est trop mélangé : moralité, je n’ai jamais chassé réellement. Au fond de moi, balancent les souvenirs d’enfance et des dimanches soirs à l’heure du tableau de chasse et de l’entretien des fusils, mon amour des armes, le fait que je veuille sauvegarder les exemplaires restant des livres écrits, et l’amour des animaux que l’on n’a plus besoin de chasser pour vivre.

Mais c’est un autre débat, les conditions de vie et d’abattage des animaux d’élevage me dégoutant de plus en plus…

Ce qui domine notre enfance nous dominera toute notre vie dans un sens ou un autre. Le chasseur étant ingénieur dans l’aéronautique m’a également légué mon amour et mon intérêt pour l’histoire de l’aviation, de la conquête de l’espace, j’aimais à en parler avec lui, et je l’admirais de savoir reconnaître d’un seul regard, un avion, très haut dans le ciel. Mais c’est une autre histoire…

La vie n’est qu’un long calvaire…

PS :  Naturellement ce n’est pas moi sur la photo  : moi je suis blonde et en plus, j’ai des mèches…

8 réponses sur “Quand on est issu d’une famille de chasseurs… (la vie n’est…)”

  1. Petite fille de chasseur. Des fusils et des balles dans la maison, mais jamais il ne nous est venu à l’idée d’y toucher (ou même de les chercher).
    Mon grand-père ne m’a laissé tirer un coups 😉 si ce n’est à la petite carabine.
    La tradition s’est arrêté avec lui.

  2. Eldoé : toutes les histoires sont différentes, c’est ce qui fait tout le charme d’ailleurs des « histoires de chasseurs ».
    J’avais peur que des anti chasse ne me sautent dessus !

  3. Louisianne : merci, remonter le temps pour moi me rend plutôt nostalgique. Quant aux collections d’armes, elles sont plus nombreuses que l’on ne le pense. Mon père a toujours trouvé à vendre ce dont il souhaitait se débarasser, et la plupart du temps à des gendarmes à la retraite, collectionneurs et passionnés !

  4. Inversement pour moi: un de mes grand-oncles avait deux petits pistolets anciens posés sur un buffet, et je ne passais devant qu’avec un frisson de crainte: et si un coup partait, mmm? De même, je n’étais jama,s tranquille derrière la cloison à laquelle était adossée le buffet (le buffet dans le salon, moi dans la cuisine et donc, une cloison entre nous): une balle perdue, mmm? Oui, qu’un coup parte sans que personne ne touche le pistolet est à peu près impossible sauf à croire en la télékinésie, mais j’étais fort jeune et très imaginative. 🙂

    Je garde une crainte tout à fait « magique » et irrationnelle des armes à feu et de leurs petits yeux ronds et noirs.

  5. princesse strudel : ah le coup de l’arme qui part toute seule… Assez curieusement, le fait de m’être fait braquer en septembre, n’a pas fait fléchir mon amour des armes. Seul point positif d’ailleurs : malgré les 2 secondes seulement pendant lesquelles j’avais vu ce que l’on pointait sur moi, j’ai pu affirmer de quel type d’arme il s’agissait…

  6. Je me suis bien douté que ce n’était pas vous sur la photo, il faut bien convenir que la mitraillette Thompson est très rare dans nos contrées.

    Sinon, le je préfère manger le marcassin au sanglier adulte.

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