Comment exploiter utilement nos enfants (dans la série « mère indigne ») (2)

Elodie 1ère année maternelleLe jour du RV, (16 H 30), Pulchérie s’était réveillée de mauvaise humeur. Malgré les efforts de ses grands-parents, elle avait fait un « petit dodo » le matin, et rentrant de mon mi-temps, puis de chez le médecin le midi, je l’avais retrouvée ayant juste émergé pour déjeuner avant que je ne la récupère.

« A pas dodo ! » à 14 H comme de coutume, et je n’ai pas insisté. C’était à moi en effet de ne pas réussir à la réveiller pour être à 16 H 30 à la mairie, le « dodo » de l’après midi ayant lieu de 14 H à 17 H 30. Cela aurait été à moi, en cloque, de me la trimballer dans les bras de A à Z, pour m’entendre dire par tout le monde qu’à ronfler comme cela, elle avait certainement des végétations… (le suspense ne durera pas : elle en avait…)Je dois avouer en mère indigne que cela ne me dérangeait pas trop son : « A pas dodo ! ». Je ne l’aurais pas empêché de dormir, mais si elle ne voulait pas le faire ce n’était pas un problème. Plus elle manquait de sommeil, et plus elle était à tuer imbuvable. Au pire on la coucherait une heure plus tôt, et comme j’étais en arrêt maladie à compter du lendemain (pour hypertension gravidique), on la laisserait dormir tout son saoul…

Nous sommes parties après son goûter qu’elle avait pris au son de « j’aime pas ça » et « j’ai mal au ventre », et elle grinchait dans la voiture. Je lui ai expliqué que nous allions voir un gentil monsieur qui nous aiderait à avoir une maison plus grande afin qu’elle ait toujours sa chambre à elle à l’arrivée du bébé (nous ne savions pas si c’était fille ou garçon), mais qu’elle n’était pas obligée d’être spécialement aimable si cela ne lui plaisait pas.

Elle à qui l’on serinait à tout bout de champ :

  • Tu dis bonjour !
  • Je n’ai pas entendu les mots magiques,
  • Merci qui ?
  • Tu fais un bisou
  • Tu fais ce que l’on te dit
  • C’est comme cela et pas autrement…
  • Tu peux sourire, ce n’est pas comme les grimaces, un coup de vent ne te figera pas (elle adorait faire des grimaces affreuses et son père lui disait « un coup de vent et tu reste comme cela pour toujours »)
  • Etc..

…Sembla prendre ma consigne avec une certaine stupéfaction…

Elle dépassa mes espérances…

  • Elle commençait juste à bramer dans la salle d’attente qu’elle « en avait assez d’attendre toute sa vie », que le sénateur maire de Rambouillet vint aimablement nous chercher.
  • Rien à lui reprocher il était très aimable et nous introduisit dans un bureau qui faisait approximativement la taille de l’appartement que nous visions en ILM (en 4 pièces)
  • Avec le tapis persan visiblement authentique qui allait avec la taille de la pièce et sur lequel Pulchérie, impressionnée par la taille de la pièce sans doute, dégobilla immédiatement.
  • J’étais sincèrement confuse mais le sénateur maire s’excusa et appela immédiatement de l’aide, m’interdisant d’utiliser sa boîte de kleenex pour nettoyer le tapis (persan), vu « mon état ».
  • Il faut dire que pour un petit 4 mois j’avais rembourré mon ventre pour mentir comme un arracheur de dents en prétendant que j’attendais des jumeaux.
  • Le sénateur maire me fit asseoir, alors que j’allais tester l’expérience du « parent qui laisse tout faire à son môme que l’on ne doit pas traumatiser« .
  • Pendant qu’une femme de ménage affairée réglait le problème du vomi de Pulchérie, cette dernière se baladait dans la pièce, moi, totalement indifférente à ce qu’elle faisait (contrairement à la coutume), mais pas le maire.
  • Parce que la pièce était bourrée d’objets précieux…
  • « Une attribution de 4 pièces qui traine… Vous avez eu raison madame de faire appel à moi, mais faites attention, cette lampe est très précieuse et je crains que la petite
  • Moi, d’un ton las, et désabusé : « Pulchérie évite de toucher à cette lampe » (oublier, surtout, oublier, la manière dont je lui donne un ordre habituellement…)
  • « J’ai cassé la même chez mamie hier » (chère enfant, mais chez mamie c’était une imitation, ce que le maire ne pouvait pas savoir…)
  • « Oui vous comprenez monsieur le maire, des jumeaux en plus, il nous faut plus grand, je vais devoir arrêter de travailler, voyez le loyer que nous payons…
  • « Oui je vois… La petite ne devrait pas s’asseoir sur ce fauteuil directoire authentique en soie brochée véritable et d’époque, si vous pouviez…
  • Moi mourante et un peu niaise,  la main sur mon ventre, comme si j’allais chier des jumeaux sur son tapis (toujours persan) dans les cinq minutes à venir « Pulchérie viens sur les genoux de maman mon petit coeur »
  • « Non je veux pas, je voulais faire des dessins dans mon vomi »
  • Le sénateur maire, s’épongeant le front, demanda mon dossier de demande de logement par l’interphone, et proposa à Pulchérie du papier pour faire des dessins.
  • Elle descendit donc du fauteuil directoire authentique en soie brochée véritable et d’époque, pour venir dessiner des escargots Léo (c’était sa période)
  • En appuyant bien avec le stylo PLUME (l’innocent ne lui avait rien donné d’autre tant elle l’avait perturbé, car un stylo plume ça ne se prête à personne), et en continuant ses escargots sur le dessus du bureau, cuir authentique remontant à Charlemagne (au moins) (à mon avis le dessus du bureau ne s’en est jamais remis)
  • Lui s’épongeant toujours le front, faisant semblant de regarder mon dossier, mais me regardant en fait comme la malheureuse mère ahurie d »une calamité de première et m’apprêtant à en avoir deux de plus sur le même modèle…
  • Il discuta un petit moment avec la responsable des attributions de logement éberluée par son soudain intérêt. Pendant ce temps là, Pulchérie qui avait gardé le stylo plume (un Mont Blanc à mon avis) essayait de dessertir avec la plume, un morceau de nacre d’un meuble  Boulle authentique (ironie du sort, elle a fait l’école Boulle).
  • Devant les exploits de mon héritières munie d’une plume (Mont Blanc) et d’un morceau de nacre desserti d’un meuble datant de Louis XIV, pour faire des dessins dans des restes de traces de vomi sur un tapis (persan), le sénateur maire s’énerva tout à coup : comment cela, il y avait trois 4 pièces non attribués à deux pas de chez moi, près de mes parents m’aidant (il les plaignait sans doute), et nous attendions toujours ?
  • Pas étonnant que des emmerdeuses ahuries de première avec leurs mômes mal élevés femmes dans la détresse viennent lui faire perdre un temps aussi précieux que son mobilier, heu, qu’il aurait pu consacrer à d’autres choses…
  • Il posa d’un coup sec mon dossier sur le dessus de la pile, me précisa l’adresse, et me demanda quel étage je préférais.
  • Sans réfléchir puisque je tenais à passer pour une baba cool un peu ahurie, Pulchérie ayant commencé à faire des galipettes, et ayant fait valser la lampe précieuse qui fort heureusement fut rattrapée à temps par la responsable des attributions à qui le sénateur maire avait dû faire des signes télépathiques, je répondis : » mon mari et moi nous préférons le dernier étage, il est extrêmement désagréable d’avoir des personnes qui vous piétinent sur la tête à longueur de journée »…
  • Il eut l’extrême courtoisie de ne pas me préciser qu’avoir Pulchérie à l’étage du dessus devait être un long calvaire aussi désagréable…

Il a signé notre attribution pour le 4 pièces du dernier étage, après un dernier débat sur « 4 pièces : séjour double et deux chambres ? ou 3 chambres et séjour simple ? », débat qui eut lieu Pulchérie bramant qu’elle ne rendrait à personne le stylo que le gentil monsieur lui avait donné, ce qui fit verdir la responsable des attributions qui essayait de récupérer le dit stylo. Là, le sénateur maire préféra compatir au fait que nous devions deux mois de préavis à notre propriétaire et ne pourrions donc pas rentrer dans les lieux la semaine d’après, mais bon, exceptionnellement la  mairie pourrait peut-être prendre ce préavis à son compte et nous faire cadeau du sien…

TOUT ! IL ETAIT PRET A TOUT !

TOUT, pourvu que Pulchérie qui commençait à s’essayer à la gravure avec la plume du Mont Blanc et le morceau de nacre BOULLE, dans un vieux carreau de fenêtre authentique lui aussi, seul rescapé de la révolution, FOUTE LE CAMP DE CE BUREAU AVANT QU’IL NE LA TUE !

ET sa conne de mère avec !

Quand j’ai téléphoné quelques jours plus tard, après visite de l’appartement attribué,  à la responsable des attributions des appartements pour préciser (mais c’est hélas authentique) que le 4 pièces situé en pignon était INTEGRALEMENT MOISI (véritable également : en voyant ce que pouvaient devenir des moisissures, j’avais manqué faire une fausse couche), et que du coup je demandais un RV avec le sénateur maire, elle m’a répondu « envoyez-moi la facture des peintres, Monsieur le maire est en cure de repos débordé en ce moment, mais je vous crois sur parole ».

En rentrant de ce rendez-vous fameux, j’ai cru traumatiser ma fille en lui précisant :

  • On rentre à la maison. Tu vas dîner sans grincher, c’est de la soupe,un oeuf coque et du fromage blanc, et après, AU DODO et ON ne discute pas…
  • Mais maman…
  • Chez le gentil monsieur c’était chez le gentil monsieur, à la maison, c’est à la maison ! Tu as compris Pulchérie ?
  • VI ! Là plus j’étais méchante, et plus on aurait une belle maison. Hein maman ?

La faculté d’adaptation et de compréhension des enfants m’a toujours fascinée, mais jamais autant que ce jour là.

Pardon monsieur le sénateur maire mais c’était pour une bonne cause…

Et l’appartement était moisi…

Parce que la vie n’est qu’un long calvaire pour tout le monde…

10 réponses sur “Comment exploiter utilement nos enfants (dans la série « mère indigne ») (2)”

  1. Excellent 🙂 🙂 Et bien voilà au moins un rendez-vous qui aura porté ses fruits : un appart attribué « en urgence » vu les circonstances et la naissance d’une vocation pour ta fille qui intégrera des années plus tard l’école BOULLE (si j’ai bien compris).
    Avoue tout de même que vous êtes une famille d’artistes 🙂

  2. Tout comme Louisianne, je te félicite je n’aurais pas tenu aussi longtemps !
    A voir la jolie frimousse de Pulchérie sur la photo on a du mal à l’imaginer aussi « turbulente ». Heureusement qu’il y a son blog pour confirmer 😉

  3. Cathy : finalement, rapport à ce meuble BOULLE, je me dis qu’il n’y a pas de hasard, ou alors…
    Et j’étais bien déterminée à ce que cet entretien porte ses fruits !

  4. Louisianne : il faut être honnête : tout le monde aurait eu envie d’étriper ma fille, sauf que d’une certaine manière je l’avais encouragée à être insupportable. Cela valait la peine, et y compris de comprendre que notre sévérité habituelle n’était pas excercée pour rien…

  5. Meg : je voulais la peau du maire et mon appartement surtout, donc Pulchérie aurait pu casser la lampe et ruiner définitivement le tapis, je n’en aurais rien eu à faire (aucun mérite, sauf celui de déroger à ses règles habituelles d’éducation)
    Elle peut confirmer : malgré son blog, tout ne se sait pas 🙂

  6. Aline : la grossesse et la motivation rendent très imaginatif…
    Si cela avait été le caractère de Delphine pour l’aînée, c’était mort, elle aurait été sage comme une image…

  7. Haha! Ma mere m’a laisser jouer à la marelle dans le commissariat de police, parce que ça faisait presque trois quart d’heure qu’elle attendait pour déclarer le vol de son sac à main! Bizarrement, deux minutes plus tard on était prise en charge.
    Pourtant ma soeur et moi étions sage comme des images sans qu’on nous le demande, je me souviens que ma mere nous avait sugguré ce jeu!

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