C’est l’automne…

MPobilisation généraleIl le sentait venir mais il ne voulait pas y croire….Pourtant l’affiche était pour tout le monde. Pour lui AUSSI, le temps de lire, de sentir malgré la chaleur du mois, le sang se figer dans ses veines, s’y bloquer, s’y réfrigérer…

« Si tu ne veux pas la guerre papa, tu peux ne  pas la faire  ? »

C’était le souvenir de mon grand-père voyant son père partir pour le front. Jour tellement marquant pour un si petit garçon qu’il en gardait un souvenir très précis.

« Un aller et retour à Berlin et je reviens dans 4 semaines ». Rien d’autre à dire. Rejoindre la gare la plus proche, chasser les idées noires.

Y croyait-il, lui qui allait s’enliser un jour dans les tranchées, qu’en 4 semaines tout serait réglé ?

Il voulait y croire je pense.

Il ne savait pas qu’il était le seul à partir avec un billet de retour, quand il regardait ses photos de mariage peu de temps auparavant. Tous les autres hommes présents ce jour là seront morts après 1918.

Le seul à revenir un jour… Quel poids cela doit peser…

Gueule cassée très moyenne vu les horreurs qui allaient le poursuivre, ces vraies gueules cassées qui resteront planquées jusqu’à la fin de leurs jours, si elles ne s’étaient pas donné la mort. Elles n’ont pas compté dans les statistiques, pas plus que les fiancées désespérées qui ont préféré en finir un jour.

Gazé pas trop léger par contre.

Mais laissez-les vivre jusqu’en octobre 1916…. Pour mon arrière grand-père, c’est là qu’un obus a bloqué sa vie. Certains ont tout vécu jusqu’en 1918. Pouvaient-ils revenir intacts ?

Si on peut appeler cela vivre…

Mon Dieu, en qui je n’ose croire… Ils l’ont vécu…

La première guerre mondiale fut la première guerre du monde à faire autant de morts autant civils que militaires, les militaires ayant remporté la palme. Maintenant seulement on parle de tout ce qui a merdé à cette époque. Tout comme maintenant seulement on ose parler de la réalité 39/45…

Ils sont partis en faisant croire qu’ils le faisaient la fleur au fusil.

Pourtant c’est l’automne et déjà c’est l’horreur; alors que la guerre est toute neuve. Elle vient à peine de débuter. Deux cousins sont morts et des amis aussi. Ce n’est pas encore la guerre de tranchées, c’est autre chose, qu’il n’imaginait pas. Il ne l’a jamais raconté, on ne sait pas, la censure était sévère et les courriers n’arrivaient pas.

Il est fort physiquement, il a de la chance, il le sait déjà. En septembre pourtant, il ne peut ignorer combien sont morts déjà. Il se dit simplement, il écrit simplement, qui arrivera plus tard « c’est trop affreux, cela ne pourra pas durer, la paix est proche, jamais les politiques ne nous laisseront ici ».

C’est l’automne 1914. Le père du cousin Mac a fait son trajet pour ramener le corps de son fils, et il a parlé  (commémoration 11 novembre 2012, impossible de faire jouer le foutu lien suite à un changement d’hébergeur…).

Emile l’ignore encore cet horrible voyage, il l’apprendra lors de sa première permission qui va beaucoup tarder, permission au cours de laquelle il mettra au point un code de correspondance avec son père.

C’est l’automne 1914,  personne n’ose croire que cette guerre en verra d’autres…

Personne ne peut croire que c’est toute une génération qui va perdre sa vie d’une manière ou d’une autre. Personne ne peut l’imaginer.

Pourtant pour nous qui sommes leur futur : c’est JUSTE l’automne 1914…. Et pour nous, il est difficile aussi d’imaginer, alors que nous savons ce qu’il s’est passé.

10 réponses sur “C’est l’automne…”

  1. « Et pour nous, il est difficile aussi d’imaginer, alors que nous savons ce qu’il s’est passé. »
    C’est exactement ça !
    Nous savons que cette guerre a été horrible lorsqu’on nous en parle malgré tout, la minute suivante, le quotidien reprend le dessus et on oublie.
    Merci de nous rappeler ce qu’on subit nos anciens.

  2. Grand merci à toi Calpurnia de partager ces souvenirs lointains et en même temps si proches et « vivants » quand on écoute nos anciens et qu’on consulte nos archives familiales…..

  3. L’année dernière a eu lieu la Grande collecte : pour le centenaire de la guerre, chacun était invité à apporter ses documents, photos, objets de famille issus de la Première guerre afin qu’ils soient numérisés, décrits et mis en ligne, pour préserver la mémoire. Dans de nombreux départements, cette opération a été menée par les Archives départementales : allez vous promener sur leur site internet, il y a des choses magnifiques ! Certains de ces documents alimentent également le site internet européen (Europeana 1914-1918)

  4. ksk : oui c’est vrai, quoique les civils aient pas mal trinqué pendant les deux guerres mondiales, mais on en parlait peu. C’est la première année où lors de la commémoration du débarquement, on a commencé à voir des documentaires sur les bombardements alliés pré-débarquement AVEC le nombre de victimes…

  5. Cathy : il faut les garder les archives familiales. En ce qui me concerne et pour ce que j’ai, j’ai préparé un petit récapitulatif généalogique pour que la fille qui le voudra reprendra le flambeau !

  6. Lilyba : je trouve dommage de ne pas avoir plus étalé cette collecte. Dernièrement nous avons retrouvé quelques lettres intéressantes…
    Merci pour le lien, mais je le connaissais déjà 🙂

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