Ma mobylette et moi… (bon OK, sur l’illustration c’est un vélo mais c’est par lui que tout a commencé)

Gendarme Meilleure amie est repartie ce jour, vers 18 H 30,  après 6 heures d’une visite qui me nous requinque toujours. C’est une longue histoire entre elle et moi… Au delà d’une fraternité qui est je le pense, désormais indestructible.

Tout a commencé quand j’ai connu meilleure amie en redoublant ma cinquième, qui l’est toujours, après 46 ans de concubinage notoire, d’amitié. Ma première victoire avait été de pouvoir aller au collège/lycée à bicycleeeeeettte au lieu de prendre le bus. Je gagnais un temps fou pour y aller car cela descendait tout le temps, par contre je faisais pas mal de marche à pied pour en revenir, quand je me sentais les mollets ruinés, parce que là, vous ne devinerez jamais, mais cela montait tout le temps sauf 1 km de plat avant d’arriver à la maison.Meilleure amie faisait comme moi, le collège/lycée étant vicieusement situé dans un cratère. Et puis un beau jour, sortie à 16 heures : son vélocipède avait disparu. Grincements de dents, cris, sanglots et qu’elle pleure si elle veut, elle nous l’a fait dire. C’était le drame complet.

Le soir même, un vendredi, ses parents décidèrent de ne pas remplacer le vélocipède mais d’acheter tout bonnement une mobylette. Elle m’annonça cette bonne nouvelle par téléphone parce que cela ne pouvait pas attendre, alors que j’avais les mollets ruinés par la remontée chez moi (à bicycleeettte !).

A l’époque on voyait en grande majorité des motobécaannes, des soleexx, et pour ces demoiselles le caddie ou mini caddie. J’ai donc eu la surprise de voir arriver meilleure amie chez moi le samedi après midi, avec sa mobylette flambant neuve, une pijeot 101. Racée et sobre la mobylette et oh combien rapide, puissante et efficace. Le soir, meilleure amie me tractait jusque chez moi, moi lui tenant la main sur mon vélo, en me riant des caddies et autres, et je commençais une guerre d’usure contre les parents pour avoir ma mobylette à moi.

Jean Poirotte était contre, et si je lui en parlais aujourd’hui il n’en aurait aucun souvenirs (d’avoir été contre, il a longtemps nié cette évidence quand meilleure amie n’était pas là pour lui rappeler ce souvenir pour elle très vivace également) . Lui avait eu le droit de s’acheter son véhicule motorisé à 18 ans (majorité à 21) et il ne voyait pas pourquoi je ne me servirais pas de mes jambes aux mollets ruinés aussi longtemps que lui sinon à part ça je suis un père cool (j’étais l’aînée, j’ai essuyé les plâtres). Je pouvais avoir l’argent qu’il fallait pour m’acheter l’engin, je n’aurais pas son autorisation.

A l’époque je signale que quand on était adolescent, on avait juste le droit de la boucler, et que les médias ne passaient pas leur temps à expliquer aux parents qu’ils traversaient une période normale et aux ados qu’ils étaient dans leur bon droit dans tous les cas de figure, fin de la parenthèse (et nous ne nous en portions  finalement pas plus mal).

Un médecin devant l’état de mes hanches vint à mon secours sans le savoir. A part sur du plat et encore, le vélo m’était néfaste et le resterait toute ma vie. (Je peux attester que le médecin avait raison, ayant décidé de faire du vélo pour mon plaisir à la trentaine alors qu’on ne m’avait pas payée pour cela, ce qui m’a ruiné définitivement la hanche gauche dont il est question qu’on l’ampute dans 3 ou 4 ans).

Ce fut la consternation car Jean-Poirotte pouvait se garder pour lui ses idées sur le sport qui est si bon pour la santé sauf la sienne depuis qu’il avait dépassé les 30 ans. Moi je ne voulais plus prendre le bus c’était hors de question (et c’est une autre histoire) et une de mes tantes me prêta donc son mini caddie dont elle ne se servait plus.

Cela changea ma vie, sauf que l’engin était souffreteux et poussif, il me fallait pédaler un peu pas trop, mais tout de même, dans les côtes. J’avais toujours en tête de m’acheter un pijeot moi aussi et à force de baby-sitting et autres je rassemblais l’argent nécessaire à cette acquisition, que Mrs Morgan qui était aussi ma marraine arrondit gentiment pour payer la première cotisation d’assurance et surtout m’apporter le dernier 1/3 de la somme… Un mari d’une cousine de papa tenait une enseigne pijeot et pu m’avoir le 102 de mes rêves avec réduction.

Cette mobylette allait être très importante dans ma vie. C’est grâce à elle que je me rendais avec meilleure amie, dans la maison de campagne désertée par mes arrières grands parents sauf en août, pour y passer les vacances scolaires (à 200 mètres de l’oeil tutélaire de mes parents tout de même). Combien de trajets n’avons nous pas fait, transies, pétrifiées par le froid, les yeux larmoyants pour nous retrouver dans cette maison qui a abrité nos meilleures vacances… Nous allions, toujours sur nos engins, faire nos courses, et rendre visite à certaines bonnes copines qui habitaient en rase campagne.

Et puis j’ai déménagé, un drame pour nous. Pour moi parce que j’allais atterrir dans un lycée inconnu, perdant meilleure amie et les copains depuis la sixième, pour elle parce qu’elle le dit toujours, elle a vécu très mal mon départ. Nous étions en seconde. Grâce à nos mobylettes, nous ne nous sommes pas perdues de vue, car nous allions une fois par mois minimum chez l’une ou chez l’autre, les parents attendant que nous nous lassions, mais réellement finalement, attachés à l’une comme à l’autre (maman est aussi ravie que moi de voir débarquer meilleure amie et papa l’était aussi). Là encore que de trajets hiver comme été, les cheveux au vent (le casque n’était pas obligatoire) l’été, sous un bonnet l’hiver avec des journaux sur le torse pour contrer le froid (un truc de papa). Cette mobylette c’était une certaine liberté d’aller comme nous le voulions, où nous le voulions, et là encore, beaucoup de trajets entre notre maison de campagne et celle de Mrs Morgan (à raconter également, si cela vous intéresse bien sûr, car c’était une grand-mère épique pour meilleure amie).

Car elle venait toujours passer les vacances dans la maison de mes arrières grands parents. J’allais l’attendre, l’hiver, transie, à mi-chemin. Nous n’aurions jamais renoncé à ces vacances  divines que je vous raconterai un jour, parce que cela me revient, il a fallu beaucoup de circonstances hasardeuses et beaucoup d’opiniâtreté de notre part, pour qu’elles perdurent jusqu’à notre bac, en 1976.

Que de pannes ont souffert ces engins pour meilleure amie, (qui était tombée fort pratiquement amoureuse de son voisin de pallier, (plus proche, on ne fait pas) ou moi. Comme par hasard à l’heure où l’élu rentrait au domicile sur sa propre mobylette qu’il rangeait également dans la cave, nous étions (dans le couloir de la dite cave, en plein passage), l’une et/ou l’autre, à nous morfondre devant l’engin dont le fonctionnement nous échappait. Le chevalier servant voisin était prêt à lui nous décrasser la bougie (on remettait la vieille, soigneusement gardée car nous étions des génies perfides) ou à lui  nous réparer son/mon pneu vicieusement dégonflé par elle (il pouvait toujours passer la chambre à air dans une cuvette cet innocent), il ne savait pas qu’ils auraient 4 enfants et qu’il se coltinerait encore la meilleure amie (moi) 46 ans plus tard.

Il s’est demandé pendant longtemps, pourquoi nous avions cessé de couver nos engins, quand ils ont commencé à se fréquenter 🙂

Je l’ai gardée longtemps cette mobylette, elle était pour ma petite soeur (l’arlésienne) quand juste après l’avoir fait remettre à neuf après je ne sais combien de km (énorme le kilométrage pour un engin de ce type) je me suis retrouvée enceinte de Pulchérie : mobylette interdite à cause du risque de chute. Elle attendait sagement dans la cave les 14 ans de ma frangine quand une inondation noyant tous les sous sols du quartier l’a définitivement ruinée. J’en ai pleuré, l’arlésienne aussi, mais pas pour les mêmes raisons (papa avait renoncé à interdire tout moteur avant 18 ans, quand je vous le dis que j’avais essuyé les plâtres).

En fermant un peu les yeux et en nous souvenant de quand nous étions si jeunes, si bêtes, si innocentes et si heureuses, meilleure amie et moi pouvons revivre nos épopées sur nos pijeot qui ne nous ont jamais trahies, sauf pour le décalaminage annuel qui nous voyait à pied pour une journée… Et nous savons qu’aucune voiture au monde ne nous rendra le sentiment extraordinaire que nous procuraient nos premiers engins motorisés…

Cela a été la liberté pour nous pendant longtemps, et il ne faut pas se le cacher, c’est grâce à elles qu’à 58 berges, nous ne nous sommes jamais perdues de vue et d’amitié…

Parce qu’après notre déménagement pour Rambouillet, par les transports en commun cela aurait été une vraie galère. Nous ne saurons jamais si nous l’aurions affrontée. Sans doute que oui, nous étions déjà comme deux soeurs, mais on ne peut jurer de rien… Le passé qui n’a pas existé ne nous révèle rien…

Nous sommes plus qu’une soeur l’une pour l’autre, qui en sommes pourvues. Je ne parle pas de l’amour que nous portons aux autres, mais à nos relations compliquées avec eux. Certains secrets n’appartiennent qu’à  nous, que nous n’avons jamais partagés avec personne d’autre. J’ai ses dernières volontés, elle a les miennes. J’ai ses secrets, elle a les miens. Nos proches ne les ont pas.

Grâce à nos mobylettes…

C’est tout con. Mais pour une fois que le destin est con dans le bon sens, il convient de le souligner.

25 réponses sur “Ma mobylette et moi… (bon OK, sur l’illustration c’est un vélo mais c’est par lui que tout a commencé)”

  1. Que de beaux souvenirs ! Mes parents non plus ne voulaient pas que j’ai une mobylette, mais j’ai eu droit à un solex (tellement lent qu’il était moins dangereux) qu’on nous avait donné ! Je l’ai repeint en vert ! J’avais horreur du noir et celles qui avaient des solex noirs étaients les babas cool, donc pas du tout moi !
    Moi aussi c’était cheveux au vent, et journaux sur le torse. Le casque a tué le solex ! Dommage !

  2. Trop beau cette amitié de 46 ans !!! J’adorerai avoir ça mais je n’ai pas trouvé d’âme soeur idoine ! Savoures la bien et grosses bises la sorcière :p

  3. Quelle jolie histoire… Je me réjouis pour toi de ce cadeau précieux de la vie.

    Pour éclairer ma lanterne: je remets très bien le Solex, le 102… Mais le caddie? A part pour faire le marché, les courses ou jouer au golf… 🙂

  4. Nous choisissons nos amis, pas notre famille 🙂
    Quelle belle histoire !

    (Tout comme Princesse, si tu pouvais nous dire deux mots sur le caddie…)

  5. C’est une très belle histoire que cette amitié.
    A seize ans, j’ai eu droit à un Solex. Et j’en ai fait des kilomètres avec, allant de Paris-Porte d’Italie à Compiègne (env. 80 km). Plusieurs fois, et jamais d’accident. A l’époque, il n’y avait pas d’autoroute et passer par les forêts, c’était vraiment magnifique.
    Je ne sais pas si les parents actuels laisseraient faire à leurs gamins ce genre de trajet… Mais que de beaux et bons souvenirs…

  6. Merci CDLM! Quel sympathique petit engin.

    Pour ma part j’ai convaincu ma mère de haute lutte de me laisser me payer mon scoote et mon assurance (elle était contre, et a fini par céder tout en refusant de contribuer « à cet engin de mort ») de façon à pouvoir aller travailler (j’ai commencé les jobs d’été à 16 ans). J’ai adoré mon petit joujou rouge vif court sur pattes. 🙂

  7. Merci pour cette histoire. Moi j’ai eu une Ciao. Gagnée à la sueur de mon front. Malgré l’interdiction parentale. 1975, 15 ans, LA LIBERTÉ ! Elle m’a longtemps amenée à mes amis, mes amours, mes emmerdes et mes joies. Merci de raviver ces souvenirs chez moi.

  8. Superbe billet !
    De mon coté, c’était un caddie, en 1971 , et moi aussi (coucou Angele2b) j’ai fait des trajets de plus de 100 km tous les week-ends , pour explorer les environs de Toukouse (mais j’étais étudiante, mes parents à 800 km de là, ils n’en ont jamais rien su!)…

    Et ma meilleure amie à moi, je l’ai rencontrée à l’entrée en 6eme, il y a … 54 ans !
    On a trouvé moyen , au fil de déménagements à l’étranger multiples , à toujours habiter très loin l’une de l’autre, mais on n’a jamais perdu le contact, et je vais toujours chaque année passer une semaine chez elle, malgré les frontières et les kilomètres.

    Et je compte sur fille N° 3 , qui a rencontré sa meilleure amie à 4 ans, pour battre le record !

  9. Louisianne : c’est pour le bien des jeunes paraît-il. Je ne me souviens pas d’accidents grave au cours de ma jeunesse où je n’étais pas la seule à rouler sans casques. Mais c’est une autre histoire, peut-être étions-nous mieux responsabilisés.

  10. Sebseb (longtemps que je ne t’avais pas vu !) : je n’ai pas vraiment chois, mais je savoure, nous savourons. Il y aura d’autres posts sur la naissance de cette amitié !

  11. Meg : adage connu, mais l’important est qu’en fait nous nous sommes choisies, parce que trouvées, et comprises. Nous ne savions pas que c’était pour la vie !

  12. Angele : il m’est arrivé quelquefois des mésaventures qui auraient pu mal tourner, et à elle aussi. Du coup j’aurais été plus réticente pour mes filles… Parce qu’il y a eu des fois où nous avons été totalement inconscientes (à deux et par grand froid, ou seule en pleine nuit avec tout de même déjà, des rôdeurs à l’air louche).

  13. ksk : quand on cherche on trouve, la preuve plus bas 🙂 c’était l’engin pour les filles par excellence, les garçons n’auraient jamais pris le même, eux c’était la motobécane bleue qui allait plus vite et faisait nettement plus viril…

  14. Princesse : à l’époque le scooter était hors de prix, et réservé aux garçons de familles plus qu’aisées… Oui, on peut dire qu’on les a aimés nos engins : quelle liberté ils nous donnaient !

  15. Jane : que de bons souvenirs décidément. Point commun, j’adore Yoko également, j’ai tous ses albums (nananèreu…).
    Le 102 était bien aussi pour le démarrage en côte (nonmaiheu…)

  16. Saskia : belle histoire également. L’amitié est une chose précieuse qui s’entretient. Pour moi pas de problème, j’ai toujours été une fidèle, en amour, comme en amitié comme en amour il ne fallait pas trop me marcher sur les pieds. D’où meilleure amie après tellement de temps ! La pauvre qui adore mes parents a été traumatisée par la mort de papa, mort le jour de son anniversaire, le destin a des farces que nous n’apprécions pas…

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