1 an déjà…

Papa 1949Une année s’est déjà écoulée, 366 jours, une éternité (3600 secondes x 24 x 366), rien du tout.

Une année avec les premiers temps trop pris par les démarches à effectuer pour réaliser, avec les premières semaines à se réveiller chaque matin pour retrouver la chose accomplie, inexorable, irrémédiable, que la nuit avait gommée.

Une année de négation, de « et si… », comme si l’on pouvait revenir en arrière et changer les choses, de tracasseries administratives, une année de révolte, d’étapes successives soi-disant obligatoires mais dont on ne respecte pas toujours l’ordre et le temps à y passer, car nous ne sommes pas des robots, à nous heurter à de l’injuste, sans que cela console de savoir qu’il y a beaucoup plus injuste encore, ou plus cruel.

Une année à se dire que les mots ne veulent pas dire grand chose. « Il est mort depuis… » c’est idiot. C’est comme si cela pouvait changer, comme si cet état pouvait cesser un jour ou l’autre.

Une année avant d’accepter, c’est long et c’est court à la fois. Long parce que l’on sait que les anniversaires sont importants, court, parce que finalement le temps passe de plus en plus vite à mesure que l’on avance en âge.

Les anniversaires il y en a eu, le premier de celle qui n’est pas comme les autres sans papa, puis celui de mon frère (je vous passe mes filles, neveux et nièces), puis le premier Noël, puis le premier jour de l’an où j’ai à peine osé souhaiter une bonne année à maman, puis l’anniversaire de l’arlésienne, le sien que nous ne lui fêterions plus, le mien…

Les rêves qui peuplent nos nuits changent, nous laissant sur les mauvais instants, avant de nous restituer celui que nous aimions tant, jeune, en pleine forme. Depuis quelques semaines, dans mes rêves, quand j’en rêve, je retrouve mon père tel qu’il était dans mon enfance et ma jeunesse, tel qu’il l’a été longtemps : immortel, protecteur, à l’abri duquel rien ne pouvait m’arriver. Lui-même rassurait maman depuis 2009 en se certifiant « indestructible », mot qu’il n’a jamais prononcé à partir du 2 mai 2015.

Avec lui viennent curieusement tous les disparus qui m’ont été si chers, eux aussi, dégagés de la maladie ou d’un trop grand âge, enfin à nouveau là, tels que je les ai aimés sans savoir que le temps allait passer.

J’entends sa voix, je l’entends chanter, j’entends leurs voix et même leurs rires, j’ai oublié les images du 2 juin, dernière date à franchir pour peut-être trouver enfin, un peu de sérénité…

Impossible de ne pas revivre, quasiment jour par jour, tout ce qui a eu lieu entre le 2 mai 2015 et le jour de l’enterrement, même si l’on nous dit que c’est inutile. Impression étrange entre la mort et le départ des derniers du 2 juin, d’avoir vécu dans un songe éveillé totalement irréel, un brouillard hors du temps qui nous échappe, se rétrécit ou s’allonge à son gré. C’est nous qui passons, pas lui.

Papa n’est pas mort : il n’a jamais été aussi présent.

Mais je commence parfois, quand le ciel est pur et que je le contemple, à me dire que les étoiles que j’admire sont déjà mortes, en tous cas, qu’elles sont nées bien avant moi, avant nous, avant eux. Je me dis que je regarde le passé.

Et que peut-être, tout est à venir…

8 réponses sur “1 an déjà…”

  1. Comme je comprends cela, j’ai perdu papa en mars de l’an dernier et je retrouve exactement les mêmes sensations. Son souvenir ne me quitte pas, en revanche je n’arrive pas a revoir l’image de ma mère si jolie et si brillante, il ne me reste que celle d’une grabataire au regard vide et sans parole qui ne me reconnaissait pas depuis plusieurs années après que nous l’ayons soignée à la maison pendant 10 ans. La mémoire est une drole de chose!

  2. Je ne sais que dire, j’ai perdu mon père il y a plus de 10 ans. On n’oublie pas, on ne peut pas… Mais les choses deviennent différentes. On apprend à vivre avec. Ma mère en parle tout le temps comme si il était encore là, « avec ton père on faisait ça, avec ton père on a fait ça ». Cela en agace certain, mais comment lui en vouloir ?

  3. Violette : on dit qu’un jour vient l’apaisement, mais j’ai des doutes. J’ai mis 10 ans à me remettre de la mort prématurée de mon grand-père paternel, et même aujourd’hui, il me reste une sensation d’inachevé…

  4. Louisianne : maman en parle beaucoup également, sans jamais rien montrer de son chagrin, ce qui est dur pour exorciser le nôtre. Je sais que je ne pourrai jamais oublier quiconque que j’ai aimé, mais papa c’était tellement… Tellement… J’espère juste qu’il est vrai que le temps calme les blessures. Mais les cicatrices restent…

  5. 12 ans bientôt que ma sœur est partie, bien trop tôt (ils partent tous trop tôt mais elle était à quelques mois de ses 50 ans, c’est vraiment beaucoup trop tôt…), et on parle toujours d’elle, on pense toujours à elle, on rêve toujours d’elle…
    En plus elle était connue dans le milieu séropositif marseillais, je récupère régulièrement des photos que je ne connaissais pas… j’ai des témoignages de personnes qui l’ont connue, même les Massilia parlent d’elle dans une de leurs chansons…
    Finalement c’est un peu comme si elle ne nous avait jamais quitté(e)s…
    Mais le sentiment de révolte est toujours là… Jusqu’à quand ?
    Bisous

  6. Gisèle : le sentiment de révolte est tel que parfois on préfèrerait égoïstement être parti à la place de l’autre. Depuis que les anniversaires difficiles sont partis, je me sens un peu mieux, mais je sais que le chat qui griffe ne s’est qu’assoupi…

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