Notre boîte « mémoire » (1)

72196972A l’époque où j’ai fait une dépression assez sévère, j’étais suivie par une psychologue et une psychiatre, l’une pour la causette, l’autre pour les médicaments à prendre aucazou, ce qui m’a permis d’apprendre que je faisais partie des 30 % de personnes chez lesquelles les antidépresseurs ne sont d’aucune efficacité. L’une une fois par semaine, l’autre une fois par mois, le tout dans un centre où les soins étaient gratuits.

J’y avais été envoyée manu militari par le médecin conseil de la SS (la Sécu !). En effet, je travaillais à l’époque chez mon avocat tordu, et suite à 20 mois d’arrêt de travail post opération de l’épaule (droite bien sûr, puisque je suis droitière), opération suivie d’une complication maintenant plus connue, j’avais rencontré cet homme charmant (le médecin conseil) qui m’avait avertie à sa première convocation, fort aimablement « une algoneurodystrophie dure en moyenne entre 9 et 24 mois, mais vu l’état de votre radio(graphie), je m’attends plutôt à 20 mois.

Assez connement, l’avocat pensais que j’étais démissionnaire. Donc quand j’ai repris le boulot, il l’a mal pris, a donné des ordres pour que je sois totalement mise à l’écart et j’ai craqué. Donc arrêt à nouveau, et le médecin conseil me donnant l’ordre d’aller consulter. Le tout s’est terminé aux prud’hommes, mais j’avais le cerveau en Louis XV.

Cela a duré 14 ans (les consultations), avec des hauts et des bas. Dans les hauts somme toute assez fréquents, j’allais voir la psychologue tous les deux mois pour ne pas perdre ma place, dans les bas, j’y allais toutes les semaines. Vous êtes ravis de savoir tout cela, j’en suis certaine.

En 2007, quand j’ai été licenciée de chez Truchon, après 9 ans de bons et loyaux services,  8 mois de harcèlement moral, 12 disparitions mystérieuses dans l’entreprise, etc… J’ai retrouvé mon rythme de 1 fois par semaine , et la psychiatre m’a proposé de participer à une expérience sur la mémoire quand j’ai été licenciée en septembre.

C’était son dada la mémoire, et elle ne doutait  pas qu’un jour ce genre d’expérience permettrait de poser des diagnostics sûrs, et de trouver peut-être des traitements. Comme j’étais disponible (hélas), j’y allais une fois par semaine, étant défrayé pour mon essence. Ceci à l’insu de mes proches, car le mot « expérience » fait toujours peur.

Et si j’y repense, c’est parce que la mémoire de maman ne lui joue des tours que concernant la manière de se situer dans le temps. Sinon les noms sortent, tout à coup, sans que l’on sache pourquoi, associés à des dates, et des faits pas toujours à relier entre eux. Ce qui pourrait faire croire qu’elle perd la boule, mais non.

J’ai commencé par ingurgiter un pavé assez intéressant sur le fonctionnement de notre mémoire, avant de devenir un cobaye.

  • Qui se présenterait comme un meuble d’apothicaire, donc plein de tiroirs.
  • Le premier souvenir est rangé dans un tiroir, un lien (mais lequel ?) se fait pour qu’il soit retrouvé.
  • Le deuxième souvenir est rangé dans un autre tiroir. En gros nos souvenirs sont rangés n’importe comment au départ.
  • Mais on se dit que c’est idiot et qu’il faudrait ouvrir un nouveau tiroir quand le précédent serait plein. Et bien ce n’est pas idiot, parce que si vous perdez un tiroir, vous perdez tout un pan de votre vie.
  • Combien de tiroirs avons-nous, cela reste à déterminer.
  • A partir d’un certain moment, tous les tiroirs sont utilisés, et ON en ouvre un qui a déjà servi pour y ranger un souvenir à conserver.

Car nous avons plusieurs sortes de mémoires :

  • La temporaire : la liste de courses que l’on oubliera une fois les courses faites
  • La moins temporaire, dite aussi « tampon » qui sera gardée tant qu’elle nous sera utile, mais que l’on oubliera quand elle ne le sera plus. C’est ainsi que chez truchon il y avait une secrétaire qui connaissait par coeur un nombre VRAIMENT  impressionnant de n° de téléphones et de fax, de clients et de fournisseurs. Elle ahurissait tout le monde, parce que le temps d’ouvrir le répertoire, elle vous sortait les n° utiles. Quand elle est partie, deux mois après je l’ai eue au téléphone, et entre autres, elle m’a appris qu’elle avait totalement oublié ce qu’elle connaissait par coeur depuis 12 ans. Elle n’en avait plus besoin, mais restait traumatisée par cet oubli soudain. Idem pour moi, 1 semaine après mon licenciement, j’avais oublié les 32 n° de postes de l’entreprise…
  • Reste à savoir grâce aux expériences, si c’est la mémoire tampon qui a joué, ou bien si l’on a volontairement ou pas, effacé des renseignements désormais inutiles pour faire de la place.
  • Les très mauvais souvenirs sont souvent occultés, mais ils existent toujours dans l’inconscient. Y a-t-il un tiroir spécial pour eux ? Car ne vivre que dans les mauvais souvenirs ne serait pas viable normalement. Les personnes qui ont tendance à ne retenir du passé que le mauvais ou le négatif ont généralement un problème psychique grave.
  • L’amnésie serait une mesure drastique prise par l’esprit qui pour gommer un souvenir insoutenable, gomme tout le reste y compris votre identité.
  • Curieusement vous pouvez avoir oublié votre nom, mais toujours savoir jouer du piano ou du tuba, je ne suis pas raciste.
  • En vieillissant par contre, on retrouve des souvenirs « oubliés ». C’est parce que pour mémoriser un truc nouveau, on a ouvert un tiroir qui était déjà bien rempli.
  • C’est ainsi que d’entendre la lettre à Elise peut vous faire curieusement rappeler que la  Loire prend sa source au mont Gerbier des Joncs, que le prof d’histoire de 3ème s’appelait Chambard (dément), et quel était le trajet exact entre chez vous et la fac en train et métro.
  • D’ailleurs comme beaucoup de stations de métro portent des noms concernant Napoléon, tout à coup vous vous retrouvez avec Napoléon, donc, sans lien aucun (pour vous) avec tante Hortense et la bataille de la Marne, le nom de l’affreux chien du voisin de quand que vous aviez 5 ans, et que vous revient l’engueulade que vos parents ont eue au sujet du prénom du bébé à venir…
  • Il parait que les tiroirs seraient prévus pour 120 ans au moins, et qu’un jour on peut revivre sa naissance, souvenir mis dans un tiroir quelconque mais qui n’est pas le premier. Car le foetus mémorise déjà des sons, des gouts, des luminosités, des sensations.
  • Vieillir vous fait vous souvenir, ce qui est un paradoxe avec la croyance répandue qu’en vieillissant, nous perdons la boule, ce qui n’est pas inéluctable. Tante Hortense à presque 100 ans se souvenait du jour, de la date exacte, et du nom de toutes les personnes présentes sur une photo de bal costumé que nous lui présentions (prise avant 14 bien sûr). Elle savait encore la date de la mort des jeunes hommes présents sur cette photo, et où ils avaient été tués.

Nous avons également plusieurs systèmes de mémorisation.

  • Il y a la mémoire photographique, typique de l’enfant qui nous épatera toujours, sauf si nous avons conservé la nôtre. 60 secondes pour regarder un dessin et après entourer les objets que nous avons vus : ils sont formidables là-dessus (les enfants)
  • La mémoire auditive est également forte chez certaines personnes qui peuvent avoir également une mémoire musicale impressionnante ou sont capables de vous ressortir texto ce que vous avez pu dire il y a 10 ans, si cela les a marqués, alors que pour vous c’est totalement passé aux oubliettes..
  • La mémoire des chiffres ou des maths, qui sert également pour mémoriser tout autre chose (tante Hortense = vieille bique = 99 ans, 9 x 9 = 81, elle était née en 1881)
  • La mémoire des couleurs, qui s’associent également au reste…
  • Etc…

Si on m’avait posé la question, j’aurais dit que ma mémoire était essentiellement musicale. Morceau de classique ou musique de films, j’ai été longtemps imbattable là-dessus. Pour les films modernes moins car souvent je ne les ai pas vus… Et puis comme tout le monde j’ai mes compositeurs préférés.

Mémoire auditive bonne également, je peux chercher des heures quel autre acteur doublait celui que j’ai entendu pendant un film : je retrouve toujours (même à 2 H du matin, c’est le moment ou jamais…).

Mais je n’étais qu’un cobaye…

 

4 réponses sur “Notre boîte « mémoire » (1)”

  1. Bonjour gentille sorcière et merci d’écrire à nouveau sur votre blog malgré les difficiles moments que vous vivez. Je voulais vous dire que je pense beaucoup à vous et votre maman , ayant eu aussi à affronter cette même épreuve. Je vous souhaite la force nécessaire pour résister à la fatigue , au stress afin que s’installe malgré tout une bulle de douceur paradoxalement à la violence de la maladie et son univers. Je vous embrasse.

  2. Merci pour cet article! Tout ce qui concerne la mémoire m’intéresse, surtout quand dans quelques jours je vais devoir intégrer le plus rapidement possible le nom et le visage d’une centaine d’élèves environ… Blague à part, on travaille aussi sur la mémoire quand on fait de l’accompagnement personnalisé avec les pioupious donc je prends note!
    Et bien sûr, encore toutes mes pensées dans ces moments difficiles. Courage à vous et à toute votre famille.

  3. Passionnée par la mémoire également, je vais lire les billets suivants avec beaucoup d’attention.

    Curieusement j’ai une excellente mémoire visuelle mais suis très mauvaise physionomistes, et une excellente mémoire auditive pour les sons (l’apprentissage des langues) mais pas pour l’apprentissage tout court (j’ai besoin de lire et d’écrire pour mémoriser). Ma mémoire kinesthésique (j’ai un doute sur l’orthographe de ce mot) fonctionne bien dans toutes les situations.

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