Le somnambulisme et moi (je… d’abord) (2)

SomnambulismeJ’étais une somnambule « soignée sans résultat » quand arriva le pire dans la vie de ce que j’étais à l’époque : une petite fille.Malheureusement, il y avait d’autres facteurs qui allaient jouer.

Cette année là était une date commémorative (25 ans après la fin de la deuxième guerre mondiale) , et il fut décrété que les profs d’histoire et de français devaient nous parler des camps de concentration, de la déportation, bref, tout ce qui allait avec le nazisme.  Je n’avais du prêter qu’une oreille peu attentive à ce qui se disait dans la famille, et un jour en classe, la prof d’histoire nous apporta des livres avec des photos particulièrement atroces.

On ne parlait que de cela d’ailleurs cette année là. Nous n’avions pas la TV, mais mes copines qui l’avaient n’arrêtaient pas de parler de CA, et des films qui fleurissaient à l’époque Papa et maman voulant nous instruire en rajoutaient une couche, pensant bien faire, alors que mon père face à moi, me sommant de bouffer des épinards parce que des gaillards comme lui avaient été rescapés à 40 kg, me coupait l’appétit.

Dans le même temps il fut décidé que j’étais trop grande pur dormir dans la chambre des parents, avec mes frères et soeurs, dans la maison qui nous fait encore mal au coeur de l’avoir perdue.

Je devais désormais dormir dans ce que mon grand-père appelait pompeusement « le bureau » qui était un foutoir, dans lequel il y avait un lit cage ET un bureau. Où  j’allais dormir désormais avec le chat. J’étais ravie de dormir avec le chat…

Le samedi matin alors que nous étions en congés pour une semaine le soir même (eh oui, je travaillais encore le samedi après-midi), la prof d’histoire nous avait montré un livre particulièrement atroce sur les camps de la mort, mais à chacun sa sensibilité, je n’avais retenu qu’une photo. Celle d’un homme, relevant la tête face au photographe (donc toujours vivant), escorté de deux hommes souriants, tenant son brancard à la main, prêts à agir comme il se devait.  La prof avait bien précisé que cet homme allait être jeté dans le crématoire une fois la photo prise.

J’étais livide et silencieuse. Comment cela avait-il pu être possible : mettre à brûler un homme encore bien en vie ? Je ne disais rien. Les enfants se taisent toujours quand c’est trop fort. Le regard de cet homme sachant ce qui l’attendait, criant au secours à sa manière, était particulièrement horrible. Espérait-il un secours du photographe ?

Le soir arriva, je me suis couchée avec le chat, un chat noir comme je les ai toujours aimés, nommé « réglisse », qui s’installa en ronronnant sur mes pieds lui qui avait l’habitude de dormir dehors (mon grand-père détestait les chats, pourquoi en prendre un ?)

Mais réglisse décida que dès que je bougeais, il lui fallait attraper mes pieds. Cela devint rapidement intenable, et je l’ai flanqué à la porte.

Me restait à dormir, avec la fenêtre sans volet, sans store, sans rideau (prévu pour un jour…), cette fenêtre donnant sur le jardin, mais bien noire, dans laquelle je voyais l’homme relevant la tête avant le pire….

Je premier soir j’étais tellement crevée par le chat que j’ai pu dormir.

Le lendemain fut une autre histoire. Après avoir regardé la fenêtre et l’inconnu victime surgissant du noir, j’avais fini par m’endormir pour faire une crise de somnambulisme. On ne saura jamais ce qui m’était arrivé. Sans doute m’étais-je levée du mauvais côté du lit. Dans les faits, cherchant sans doute le bouton pour allumer, j’avais balayé la cheminée en flanquant tout par terre, une pendule magnifique, et ce qui était à la mode pour décorer les cheminées au 19ème. Un miracle : en tombant et en se fracassant, aucun truc en marbre ne me cassa quelque chose.

Le lendemain matin, on me retrouva en boule sur le tapis avec juste la joue gauche égratignée par un éclat de marbre. Mon arrière grand-mère pensait que j’avais tout cassé volontairement, mais jamais je n’ai pu dire à quelqu’un que dans la fenêtre, face à moi, il y avait un homme qui me regardait, qui relevait la tête avec fierté, et que l’on allait brûler vif. Obstinée, butée, et traumatisée, je préférais me taire. D’ailleurs personne ne se posait vraiment de questions sur les raisons de « mes crises ».

Les parents ont préféré que je quitte ce « bureau », pour réintégrer leur chambre, puis l’autre car mon grand-père venait d’être embauché comme garde de nuit dans une maison témoin, ce qu’il tint pendant des années. Il quittait le domicile vers 20 H 45 (se coucher à 21 H étant pour lui un ultimatum à respecter), et donc une fois son lit refait à fond, je dormais dedans (fort bien d’ailleurs)  à côté du lit de mon arrière grand-mère

Ne criez pas « quelle horreur !  » il a longtemps été courant de partager une chambre (mon grand-père laissant à sa mère le temps de se coucher), sauf que je me demandais comment on pouvait s’endormir en 3 minutes comme elle. Mais Dieu merci, aucune fenêtre ne venait plus troubler ma conscience.

Aucun mort ne venait plus troubler mes nuits.

Mais en écrivant ce post je me pose encore la question fatale : qui était ce malheureux, et qui étaient ces hommes, qui, le sourire aux lèvres, allaient le jeter  vivant dans un four crématoire ?

La vie n’est que trop souvent, UNE ABOMINATION !

2 réponses sur “Le somnambulisme et moi (je… d’abord) (2)”

  1. Il y a de quoi hanter les nuits en effet. J’ai vu un jour dans un musée de la résistance des photos atroces. J’étais adulte mais cela m’a hantée tout de même.

  2. Ma chère Louisianne : jusqu’à mes 30 ans je ne pouvais pas voir UNE SEULE IMAGE évoquant les camps de la mort. Puis je suis partie à la recherche de cette photo, pour exorciser mes terreurs et horreurs de petite fille. Je ne l’ai pas trouvée, mais je pense que de la revoir adulte m’aurait aidé à l’oublier…dans mes cauchemars…

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