T comme Téléphone : l’homme et le téléphone : l’homme qui n’aime pas téléphoner

Moyen__geIl y a eu toute une longue histoire sans téléphone. Maintenant on n’imagine même pas que cela ait pu ne pas exister, alors que si l’on regarde de près, dans l’histoire humaine, on vient juste de le découvrir.

Au moyen âge par exemple, Tristan s’en allait pour les croisades en abandonnant Iseult la blonde qui n’attendait que peu de nouvelles, car Tristan devait faire appel à un chevaucheur pour la joindre la poste toute bête n’existant pas non plus.

A savoir que parti depuis 4 mois du Pas de Calais et enfin arrivé à Aigues Mortes pour embarquer vers une terre sainte, Tristan réalisait qu’il n’avait pas dit l’essentiel à Iseult. Il dépêchait donc un chevaucheur à la belle et n’attendait que peu de réponse :

  • Parce que le chevaucheur pouvait croiser une épidémie de peste et s’arrêter là

  • Parce que le même pouvait très bien ne jamais arriver à bon port, les routes n’étant pas sûres (exit le doux billet « ma doulce amie je vous aime » piétiné par un brigand)

  • Parce que si le chevaucheur arrivait à bon port, la réponse d’Iseult (« moi de même mon bel ami, j’ai grande crainte pour votre vie et vous attends avec hâte » (bête en plus la belle, comme s’il pouvait revenir comme cela) pouvait ne jamais parvenir à Tristan pour les raisons suivantes :

  • Parce que Tristan avait laissé une indication vague au chevaucheur « je serai avec les armées du roi » et que le chevaucheur enfin arrivé à bon port au bout d’un an, comme tout homme qui se respecte se refusait à s’enquérir du chemin à suivre. Sinon il aurait sû que Tristan était coincé en crête suite à un détournement de navire et que le roi l’attendait justement et pouvait se charger de la missive.

  • Parce que les dangers étaient les mêmes pour le chevaucheur au retour vers Tristan, avec le courrier précieux (peste, bandits de grands chemin)

Sur l’image c’est Tristan qui revient des croisades au bout de 7 ans, et Iseult en cloque pour la 4ème fois du baron pas fou qui, lui n’était pas parti et lui a fait une cour assidue (Iseult à cédé : le chevaucheur n’était pas arrivé).

Aujourd’hui les routes sont sûres (qu’on croit), et une histoire pareille est à dormir debout, parce qu’il y a le téléphone !

Tristan ayant pris le TGV vous appelle de Marseille (Aigues Mortes est dans les terres maintenant, rapport au Rhône capricieux et son delta) 5 heures après être parti et vous hurle dans les tympans « Je t’aime, j’arrive !). Ceci pour le cas où il n’aurait pas de portable, sinon tout le wagon aurait profité de son amour fou (se déclarant au départ du train et il est coincé dedans jusqu’à Nîmes).

Albert était un champion toutes catégories du « j’aime pas le téléphone ». A notre époque lointaine, il n’y avait que le fixe qu’il décrochait le moins souvent possible. D’ailleurs je m’en chargeais, comme toutes les femmes j’adore le téléphone (sauf au bureau bien sûr, mais c’est pour moi du passé). Et puis, toujours à cette époque lointaine, pas de signal d’appel, pas de sans fil : qui appelait c’était toujours la surprise, et on était coincés sur une chaise l’engin fiché dans l’oreille tout le temps de la conversation.

Parfois Albert était obligé de décrocher l’appareil, moi étant prise ailleurs (tétée, change, bain du bébé, toutes choses qu’on ne peut pas lâcher sur l’heure pour se ruer sur l’engin, les escalopes pouvant bien brûler). Au son de sa voix je savais que cela pouvait être ma mère (une heure, occupes toi des escalopes), ma meilleure amie (deux heures, va voir les escalopes), une copine déprimée (nuit foutue les escalopes aussi). Il haussait le son de la télévision régulièrement pour me rappeler à l’ordre et me demandait exaspéré après raccrochage « mais qu’est-ce que vous pouvez bien avoir à dire pendant des heures !!!! (alors qu’il avait tout entendu)

Parfois il tombait sur son père. S’ensuivait une conversation extraordinaire et grandiose :

  • « Ah papa ! Ca va ?

  • « Ca va et toi ça va ?

  • « Ca va

  • « Bon bah tant mieux, tiens je te passe ta mère »

S’ensuivait un long calvaire pour Albert qui subissait sa mère et essayait de me la refourguer malgré mes dénégations fanatiques (j’aime bien parlotter au téléphone mais pas avec belle maman).

S’il m’appelait c’était pour une urgence extrême : guerre nucléaire, alerte au cyclone, préavis de peste bubonique ou pulmonaire. Sinon, il ne voyait pas l’intérêt du téléphone… Donc il ne s’usait pas l’oreille (sauf quand il agonisait dans son lit et que j’avais eu l’audace de le laisser seul pour aller bosser. Là il pouvait m’appeler 15 fois pour que je suive l’évolution des symptômes et rapplique avec un prêtre)

Il paraît qu’il a un portable maintenant (dixit les filles). Moi j’y crois pô…

La vie n’est qu’un long calvaire…

Une réponse sur “T comme Téléphone : l’homme et le téléphone : l’homme qui n’aime pas téléphoner”

  1. Ah le téléphone, c’est comme la voiture, l’ électricité ou la douche (quotidienne avec pomme de douche bien sûr) je crois que pour mes collégiens, leur inexistence est quasi inconcevable … Parce que face à leurs mines étonnées, je rappelle de plus en plus souvent « à cette époque là, il n’y a pas de voitures ou de téléphone …. »

    Merci pour votre talent d’écriture, Tristan et Iseult revisité ainsi est extrêmement savoureux …

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