La Brinvilliers !!!

La Brinvilliers« Ainsi c’est fait, la Brinvilliers est en l’air »…

Ainsi débute la lettre de Madame de Sévigné à sa fille, le 17 juillet 1676.

J’ai toujours adoré cette adorable marquise, son style, et je signale à ceux qui ne connaissent de la saga des « Angélique marquise des anges » que les sombres daubes de films qui ont été faits, que dans les livres fort exquis, la marquise est une amie de l’héroïne (il faudra que je revienne sur Angélique d’ailleurs, il y a un moment que je veux écrire à son sujet).

J’avais il y a maintenant fort longtemps hélas , demandé à Mrs Bibelot où elle avait bien pu mettre son livre sur les lettres choisies de Madame de Sévigné car j’avais bien envie de les relire, pour m’entendre répondre qu’elle  n’avait jamais eu ce livre là, et que j’avais dû  l’emprunter à une bibliothèque quelconque (c’était tout ma mère…) Je suis bouquinovore, j’ai près de 2000 livres chez moi, chez mes parents il y en avait au moins le quadruple mais bon, j’ai été obligée à une époque de m’inscrire dans une bibliothèque (c’était cela, ou m’acheter une grande maison…).

Je pense que beaucoup d’ados me prendraient pour une folle à aimer lire la marquise de Sévigné. A une époque, on en a brûlé pour moins que cela…

Delphine a beaucoup de dons me concernant, à tel point que nous pensons parfois avoir une relation télépathique :

  • Si j’ai un coup de mou dans le genou, c’est pile poil le moment où elle appelle pour finalement me remonter le moral
  • Si je suis à poil car je sors de mon bain (ceci à heures non régulières), c’est pile poil (je me gausse) le moment où elle m’appelle pour que je lui remonte le moral
  • Si je suis aux petits coins je ne me demande jamais pourquoi mon portable a sonné : c’est Delphine
  • Quand je suis aux toilettes ou que je sors de mon bain, c’est fatalement « allo maman bobo »
  • Et puis pendant que nous discutons, justement elle y pensait aussi, ou moi.
  • C’est comme cela.
  • Je n’ai pas ce genre de relations avec Pulchérie qui vole allègrement au dessus de la stratosphère, voire au delà du système solaire régulièrement… (je peux le dire, elle le reconnait).

Mes deux filles étaient donc venues ce WE pour me souhaiter mon anniversaire (sans gâteau et sans bougies, les traditions se perdent mais 56 bougies en plein mois de mai, cela réchauffe trop l’atmosphère  sans doute…). L’Arlésienne était venue nous rejoindre le samedi après midi et nous avons papoté dans le salon.

Mes parents devenant de plus en plus sourds trouvaient paradoxalement que nous faisons de plus en plus de bruit… Donc ils restaient dans leur cuisine, comme de coutume, pour faire leurs mots croisés sadiques (il faut mettre les cases noires soi-même, c’est du force 6, je ne cherchais même plus à comprendre le pourquoi du mot trouvé d’après la définition).

Delphine descend de la chambre VERTE qui était LA SIENNE quand elle venait. Moi je dormais dans la chambre ROSE, Pulchérie également normalement. Nous étions prêtes à nous entretuer pour avoir LA CHAMBRE QUI VA BIEN ET QUE JE DORS TOUJOURS LA D’ABORD… La couleur des chambres étant déterminée par celle du papier peint…

Delphine descend donc de la chambre VERTE avec à la main, le livre des lettres choisies de Madame de Sévigné (comme par hasard, alors que je n’en avais pas parlé avec elle). Que je m’en vas immédiatement fourrer sous le nez de ma mère en lui demandant si elle se prend pour une bibliothèque. (Elle le pourrait…).

Là les choses vont se corser :

  • L’Arlésienne n’a pas trop envie de faire tapisserie avec Delphine en train de lire madame de Sévigné car :
  • Pulchérie s’absorbe dans la lecture du mode d’emploi de son nouvel appareil photo. Quand elle connaît le mode d’emploi par coeur, elle change d’appareil. Chacun ses plaisirs…
  • Je louche sur le livre, donc la conversation risque de s’éteindre.
  • Mais Delphine le sent bien, et me refile le livre car je veux relire tout de suite, immédiatement, et sans aucun délai, la lettre fameuse (pour certains) que la marquise a envoyée à sa fille le lendemain de l’exécution de la Brinvilliers. Pourquoi cette lettre là et pas une autre, je n’en sais rien. Je sais simplement que je vais emprunter le livre pour le relire (et le rendre après parce que sinon, ça m’encombre).

Je me sens un peu seule sur ce coup là, l’histoire n’étant pas trop le fort des autres (mes parents sont dans la cuisine) et les premières lettres parlant de Fouquet, je sais que je ne vais pas tout de suite tomber sur la Brinvilliers.

En effet quand « Angélique Marquise des anges » débute, Fouquet est déjà en prison, et dès le deuxième tome, François Degrez, son ami, dont j’ai su tardivement qu’il avait réellement existé, est déjà sur la piste de la marquise de Brinvilliers…

  • Je feuillette le livre à vive allure, cherchant la première phrase célèbre « ainsi c’en est fait, la Brinvilliers est en l’air ».
  • « Tu veux lire quoi ? me demande Delphine à qui j’ai piqué le bouquin (à remettre en état)
  • J’explique. Je cherche la lettre relative à l’exécution de la Brinvilliers.
  • Pulchérie lève les yeux de sa notice « de qui ? »
  • La Brinvilliers !
  • C’était qui ?
  • Une empoisonneuse célèbre…
  • Ah ? (se replonge dans sa notice en 6 langues, la pierre de Rosette du 21ème siècle)
  • Je décide d’aller voir dans le dictionnaire quand est morte la Brinvilliers, car les lettres de la marquise sont éditées chronologiquement (je ne vais pas m’attarder sur 1674 bêtement).
  • Mes parents mis à contribution prennent chacun un dictionnaire. Ils en ont 6. Ne ricanez pas. Régulièrement des mots disparaissent et de nouveaux mots apparaissent, donc, quand on fait du force maximum en mots croisés qu’on met les cases noires soi-même, avoir des dictionnaires de 1901 à nos jours, c’est utile.
  • On ne trouve pas la Brinvilliers. Jean-Poirotte et Mrs Bibelot unanimes trouvent que c’est un scandale.
  • Delphine qui s’est servi du I-machin chose me crie : « j’ai trouvé, elle a exécutée le 17 juillet 1676
  • Pulchérie : « qui ça ? »
  • Ma soeur + Delphine : LA BRINVILLIERS !
  • Moi : « merci ma chérie ». Je tombe sur la lettre et je la relis avec plaisir. Delphine me demande de lire tout haut, QUE TOUT LE MONDE EN PROFITE.
  • L’Arlésienne est morte de rire : deux obsessionnelles : une avec sa marquise et l’autre avec son appareil photo…
  • Pulchérie « de qui est-il question ? »
  • Ma soeur, Delphine, moi : « DE LA BRINVILLIERS » !
  • « C’est qui ? »
  • UNE EMPOISONNEUSE !
  • « Oui mais quand, comment, pourquoi ? »
  • Moi (lasse, comme quand je regarde le programme d’histoire de la petite fée) : tu n’as jamais entendu parler de l’affaire des poisons ?
  • « Non » (se replonge dans son mode d’emploi et l’ouverture de la focale à visée grandiose mais sans macro…)
  • « Enfin ma chérie, tu n’as jamais entendu parler de l’affaire des poisons, sous Louis XIV ? dans laquelle madame de Montespan elle-même a été impliquée ? »
  • « QUI ? » (là j’exagère, mais la petite fée par exemple, n’a jamais fait saint Louis et les croisades… donc un jour un enfant demandera peut-être qui était Louis XIV et la Montespan…). J’espère que Pulchérie parlait de la Montespan, car je suis certaine qu’elle a entendu parler de Louis XIV…
  • Delphine reprend enfin son livre « ainsi donc la Brinvilliers est en l’air »…
  • Pulchérie lève les yeux de son mode d’emploi « QUI ça ? »
  • Tout le monde : LA BRINVILLIERS !!!!
  • « Ne criez pas comme ça, je ne suis pas sourde, je ne sais simplement pas de qui vous parlez et quelle importance cela peut avoir ».
  • Aucune importance, je suis bien d’accord avec elle…

Sûr et certain que s’il s’agissait d’une voisine reconnue empoisonneuse, cela aurait eu plus de charme. Mais j’ai renoncé quand j’ai évoqué la marquise de Sévigné…

  • « C’est qui ? je croyais que tu parlais de la…
  • « LA BRINVILLIERS !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! »
  • « Oui, mais c’était qui ? »

La vie n’est qu’un long calvaire…

J’ai renoncé à expliquer qui était madame de Sévigné, pourquoi elle écrivait beaucoup « que ça à foutre les aristos à l’époque », et donc pourquoi elle avait écrit une lettre à sa fille, concernant l’exécution de LA BRINVILLIERS !

Et la vie n’est qu’un long calvaire...

12 réponses sur “La Brinvilliers !!!”

  1. Trop drôle ! Dans ma tribu ce genre discussions existe aussi, mais nous n’avons pas 6 dictionnaires ! Cela se passe avec ma mère, ma fille aînée, une sœur ou deux, et effectivement les plus jeunes ne savent même pas de quoi nous parlons !

  2. Tiens, maintenant que mes livres sont enfin dans des bibliothèques (vive Ikea pour ce coup-là, Billy est parfaite…) je vais les compter… je ne pense pas te battre mais qui sait ? Lire lire lire… je ne ferais que ça !
    En tout cas, je suis tout à fait de ton avis pour Angélique… celles qui n’ont jamais lu les livres ne savent pas ce qu’elles perdent.
    Quant aux films… jamais je n’ai pu m’habituer à la mièvrerie de Michèle Mercier et même si j’aimais beaucoup Robert Hossein, jamais non plus je n’ai pu l’associer à Joffrey… Je suis par contre curieuse de savoir ce qu’a donné le remake, je n’ai pas eu l’occasion de le voir.
    Une de mes tantes ne jure, elle, que par les films (elle n’a pas lu les livres) et adore Michèle Mercier (très jolie d’accord… mais Angélique c’est bien autre chose…).
    Sinon il faut aussi relever que côté Histoire les Golon ont vraiment assuré et les livres m’ont permis de combler quelques lacunes (j’ai honte… mais l’Histoire et la Géo chez les femmes de ma famille ça n’est jamais vraiment passé…).
    Une anecdote pour changer un peu 😉 : mon fils (auteur-compositeur depuis sa tendre enfance) quand il avait 15 ans prenait des cours de chant où il a rencontré un garçon d’une vingtaine d’années et ils étaient devenus inséparables (c’est mon fils qui était précoce, le copain n’était pas attardé…). Comme je les ramenais des cours toutes les semaines vers minuit (cours pour adultes) nous parlions beaucoup dans la voiture et ce gamin ne comprenait pas que je puisse lire Angélique (ma seule tare à ses yeux apparemment puisqu’il aurait voulu pouvoir m’échanger avec sa mère mdr)… jusqu’au jour où il a eu une copine qui se régalait devant les films et pour l’amour de sa belle il s’était résigné à les regarder avec elle (ça rime, j’ai pas fait exprès). J’ai moyennement apprécié qu’il fasse amende honorable en me disant qu’il avait compris en regardant les films pourquoi j’aimais les livres… je me suis bien vite écriée, évidemment, que ça n’avait rien à voir et que les livres étaient bien mieux que les films !!! Pour moi la référence des films me faisait tomber de mon piédestal…
    Pour la petite histoire chez lui c’est son père qui était cool et chez moi… c’était moi… donc il aurait trouvé judicieux de mettre sa mère avec mon mari et moi avec son père… qu’au demeurant je n’ai jamais rencontrés (je ne saurai donc jamais si ça aurait mieux marché comme ça mdr…).

  3. J’aime beaucoup les mémoires des XVIème et XVIIème siècles. De Pierre de l’Etoile à celle de Bassompierre en passant par celles de Tavannes et les historiettes de Tallemant des Réaux, elles me racontent beaucoup de choses sur l’époque où elles ont été écrites.

    Je ne les ai pas toutes en livres physiques, malgré mes 4000 livres, comme je n’ai plus des fortunes à mettre dans de vieilles éditions, car ce genre de mémoires ne sont pas rééditées, ja les trouve sur Gallica, le site numérique de la bibliothèque nationale, et je les télécharge, c’est gratuit, c’est un peu plus enquiquinant à lire, mais je m’y suis fait. Je me suis ainsi créé une bibliothèque virtuelle de 3000 livres, beaucoup en histoire, pas mal en récits de voyage du XIXème, et cela au grand bonheur de mon épouse qui voit arriver moins de bouquins à la maison.

  4. Gisèle : je ne sais pas trop ce que je vais pouvoir rajouter sur la saga des Angélique maintenant 🙂
    Mais je partage totalement ton opinion. Pour moi, ce sont les romans historiques les meilleurs que je connaisse, d’une écriture extraordinaire !

  5. Le Nain : sur le plan de la lecture, je vois que la famille ne peut que t’envier :
    Lire, lire et encore lire, mine de rien, malgré mon blog, je passe mon temps à cela. Mais maintenant je ne veux plus acheter de livres avant d’en avoir cédé que je ne lirai plus : manque de place !

  6. Ahhhhh comme c’est agrandir de constater (avec plaisir) qu’il y a encore des personnes pour qui lire fait partie intégrante de la vie…. Chez moi aussi, comme chez mes parents, il y a des livres et des livres partout!! Et il n’est pas rare que je téléphone à maman pour parler de telle oeuvre, et elle sait toujours immédiatement de quoi je parle ! J’avais « besoin  » un jour de vacances dans ma belle -famille (comme tu avais « besoin « de lire la lettre de la Brinvilliers ) de me souvenir d’un détail dans un livre, et j’ai donc appelé ma mère sous l’oeil ébahi de ma belle-mère et mes belles soeurs, que je n’ai JAMAIS vu lire, sauf Télé 7 jours pour la première et vaguement Paulo Cohelo pour les suivantes (que pour ma part j’ai lu dans un effort louable, et qui m’a semblé au sommet de l’insipide et du convenu ..) heureusement j’ai un mari qui partage cette passion de la lecture, notre bonheur est d’ecumer les bouquinistes, non pour de coûteuses éditions d’ailleurs, préférant le contenu au contenant, mais pour des ouvrages souvent introuvables car non réédités ou bien des classiques dont tout le monde se fiche aujourd’hui…. Je précise que je lis de tout, tout le temps, du thriller à la science fiction, en passant par Anatole France et les mémoires de Julien Green ! Et l’éternelle lamentation de mes parents, c’est: » mais qui aura la place après notre mort de récupérer tous nos livres?? » tellement c’est blindé chez mes frères et soeurs et moi!!!!!

  7. Correction automatique de mes………… qui me balance des mots improbables !! « agréable  » et pas agrandir bien sûr !

  8. Louise : je passe mon temps à lire aussi… C’est dire ma consternation quand le furoncle, ma première belle-mère, m’a déclaré très fière : moi je lis un livre par an ! C’était son exploit annuel…

  9. La légende familiale voulait qu’en me laissant dans un coin de fauteuil à 8:00 du matin avec une pile de livres à ma gauche, on me retrouve à la même place à 8:00 du soir, la pile de bouquins terminés à ma droite…

    Bref, je dévore les bouquins, lis, re-lis, re-re-lis…

    Et j’ai passé quelques années à compléter ma collection d’Angélique en grands formats. Le dernier tome (13ème?14ème?) était épuisé partout, mais disponible à la bibliothèque de l’Institut Français du pays où je résidais: j’avoue que j’ai caressé l’idée d’emprunter le bouquin puis de déclarer benoîtement que je l’avais perdu (quitte à payer une amende). Làs, le bouquin devait être lu sur place et ne pouvait sortir de la bibliothèque…

    J’ai fini par acheter ledit bouquin à prix d’or une dizaine d’années plus tard par la grâce d’Internet.

    Ma collection est rangée sous vitrine, suivant l’ordre de l’histoire.

    Je refuse catégoriquement de lire les « remake » récemment publiés, par contre.

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