Quand j’étais jeune fille…

Je_revais___l_avenir_53329550Si j’avais été aussi jolie…

J’étais jeune fille désormais, cela se voyait partout et je n’étais même plus « autorisée » à me faire une queue de cheval, étant théoriquement libre de m’habiller et coiffer comme je le voulais (sans frange tout de même, c’était mauvais genre), jusqu’à ce que papa décrète que je l’énervais en pantalon au mois de juin.

Mrs Bibelot me ressortit une vieille jupe à carreaux et les soquettes allant avec, confisquant mes deux pantalons (oui notre garde robe était assez pauvre, mais c’était pour tous pareil). J’ai compris plus tard que maman avait vraiment du mal à voir ses enfants grandir et était ravie de m’habiller encore en petite fille. Le traumatisme fut tel que jamais je n’ai imposé à mes propres filles de s’habiller comme je le voulais. En effet, arriver à ce qu’on appelait « le lycée » en jupe à carreaux et soquettes c’était 15000 personnes minimum se foutant de votre tronche. Mes filles ont peut-être été certes ridicules parfois, mais de leur propre gré et avec l’agrément du collège… Assez de motifs de conflits pour ne pas en rajouter un inutile (d’un autre côté elles n’ont jamais exigé de se mettre des épingles à nourrice dans les oreilles et de s’habiller péri-esthéticienne (dixit Delphine – 8 ans)).

Meilleure amie arrivait donc le matin au volant de sa mobylette, avec un jean à elle, dans la cave où je rangeais la mienne (de mobylette) pour sauver mon honneur. J’enfilais le jean et sortais par derrière l’immeuble. Le soir je réapparaissais, méprisante et boudeuse, en jupe à carreaux ET socquettes blanches. Mon père cédat après 3 semaines d’air outragé et de bouderie au repas du soir (tout de même)

Passage important dans la vie que de devenir « jeune fille », maman se croyant obligée de préciser même au poissonnier : « c’est une jeune fille maintenant« . Compliments de tout le monde et nous l’envie de rentrer sous terre et de creuser après… Toute la famille était avertie de ce moment crucial qu’on aurait voulu taire, via le téléphone et pour ceux qui ne l’avaient pas : un télégramme (disparu depuis) « Coraline formée stop, bisous à tout le monde ». Retour de télégramme « heureux, stop, aurait pu attendre dimanche » (on payait au mot, jamais compris le pourquoi de la réponse…) (j’ai épargné aux filles les commentaires en précisant « vous ne savez-rien-je-ne-vous-ai-rien-dit » (elles m’ont toutes les deux fait cela chez ma soeur et téléphoné immédiatement bien sûr, mais pourquoi diable toutes les deux chez ma soeur ?).

Je rêvais à l’avenir, écrivant mon journal (un cahier trafiqué pour faire cahier de maths qui a pu y croire ?…), songeant à ce qui allait m’arriver de super (oubliant bien évidemment au passage toutes les merdes qui pouvaient parsemer mon chemin). Naturellement j’étais amoureuse et l’élu de mon coeur faisait la une du dit journal avec des coeurs dessinés en gros, en bleu comme les yeux de l’élu et écrit en gros « Dominique je t’aimeuuu et je t’aimerai toujouuuurs ». Pendant ce temps là meilleure amie gribouillait en vert (comme les yeux de l’élu) en disant à peu près la même chose sauf que le prénom était différent. Aucune imagination (et nos lectures n’y enclinaient pas) (Je précise que meilleure amie a tout de même épousé son premier amour, moi pas…)

Nos échanges quotidiens par courrier (écrits au stylo plume, mis sous enveloppe, et trimbrés, le moyen âge juste après le chevaucheur) pendant les vacances étaient une rengaine extraordinaire « je l’aimeuu » « je l’aimeuu » « je n’aimerai jamais que luiiii » « moi aussiiii ». Et à part ça la santé ? et le thé sur les jambes et le concombre sur la figure ? Ca rend bien merci. On tartinait 3 pages par jour parce qu’il y avait autre chose à raconter, en particulier à quel point nos parents étaient emmerdants.

Jusqu’au jour où il nous fut impossible de passer nos vacances l’une sans l’autre. Mes parents se résignèrent à ce que nous squattions la maison de mes arrières grands parents à la campagne, (les parents de meilleure amie ayant la même chose mais en Bretagne : trop loin), las qu’ils étaient de traîner avec eux une martyre sans meilleure amie à la campagne. Las qu’étaient également les parents de meilleure amie de l’entendre pleurer sans moi le soir dans sa chambre…

La maison était sans chauffage central, sans eau chaude, avec juste un poêle à charbon et les toilettes dans le fond du jardin + un poêle à mazout dans la chambre.. Papa venait vérifier tous les jours que nous ne risquions pas de nous intoxiquer au monoxyde de carbone (et rallumait donc les poêles, nous étions nulles). Nous prenions nos vélos pour aller faire les courses. On écoutait de la musique plein pot sur mon vieil « électrophone » (c’est quoi tatie un électrophone ?), et notre occupation favorite était de parlotter jusqu’à des heures indues et d’écrire notre journal. La grande joie du soir etait de nous laver les dents en crachant l’eau de rinçage par la fenêtre, ce qui faisait hurler le chien du voisin à 22 H, à la campagne ça craignait à l’époque… Nous étions mal vues avec notre musique plein pot et les crachages nocturnes.

A J – 5 plus rien à manger et plus un centime. Mon arrière grand mère (l’autre) (mes parents étaient quand même juste à 200 mètres, chez elle) nous refilat donc en douce des parents heureux de nous prouver que nous ne pouvions pas nous débrouiller sans eux, des bocaux de lapins en sauce et de poulet en blanquette, trois pots de confiture + du pain destiné normalement aux poules, pour assurer notre survie (dieu la bénisse cette sainte femme qui rigolait bien !).

Consternation des parents : nous nous en étions sorties. Des mitaines aux mains pour gribouiller notre journal avec des coeurs partout tous les soirs, en écoutant Demis Roussos sur mon « toune disque » + les beatles. Question des neveux et nièces : c’est quoi un disque et pourquoi il tournait ? Renoncer à expliquer.

On essayait de se faire belles en copiant les stars d’après guerre et Brigitte Bardot, à grand renfort de recettes de grands mères et avions ruiné notre argent en concombres… (je vous ferai un post excusif là dessus, vous aller rire, mais meilleure amie est OK pour se ridiculiser avec moi (je précise c’est important)

A partir de ces vacances là, nous avons squatté la maison des arrières grands parents régulièrement. Nous maitrisions les poêles à mazout ou à charbon, et courageuses, nous nous lavions au jet d’eau (à Pâques c’est super), dans la cour, ignorant que le vieux voisin nous mattait. Nous avons été dans cette maison, les plus heureuses jeunes filles du monde, avec que de l’espoir et des certitudes…

Comme me l’a dit un jour meilleure amie : qu’est-ce qu’on étaient heureuses. Et on ne le savait pas (c’est le problème du bonheur qui est souvent le passé…) Car après quand on sait, c’est que la vie n’est qu’un long calvaire…

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