Il y croyait… 11 novembre 1918 – 8 mai 1945

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Il y a eu un jour 3 frères très proches, qui s’adoraient. Une enfance de rêve malgré la tourmente passée et celle à venir.

Des enfants de la soeur de Louis, pas d’Alphonsine. Des enfants de Léontine.

Des garçons. A une époque la famille côté maternel pour moi, ne savait fabriquer que ça. D’ailleurs de tous les côtés, il n’y avait que cela : des garçons.

Et les cris ont commencé bien avant 1940. Les hurlements de 3 hommes juste adultes et pas d’accord du tout du tout. Léontine en tremblait dans sa chambre de ses fils s’insultant tout à coup, se détestant, chacun étant certain de détenir la vérité.

Il y avait l’aîné qui avait gardé une jambe raide depuis la guerre d’Espagne à laquelle il avait participé de son plein gré, soutenu par le petit dernier et un silence poli de la famille. Il y a des silences OUI et des silences NON, c’est ainsi dans la vie… Là, le silence poli c’était « oui » et il se savait totalement soutenu.

Hurlant plus fort que les autres :  le cadet, résolument pour la grande Allemagne, une Europe déjà, promise pour un Reich de 1000 ans.

Alors ça gueulait tous les soirs,  l’aîné obligé de se servir d’une canne pour marcher et menaçant le cadet avec, le petit dernier étant admiratif, et l’autre criant au boiteux qu’il avait choisi le mauvais camp, qu’il boitait pour rien, pour du faux, que l’avenir était dans la dictature, l’ordre strict, l’épuration ethnique. Alors cela hurlait encore plus. Et entre frères c’était la haine. Il y en avait toujours 2 ou 1 qui manquaient pour le dîner sacré du soir, ils avaient pu juste s’entendre sur ce point très particulier.

Et Léontine en était malade, chaque soir. Son mari, grand blessé de 18 n’entendait quasiment pas, sauf le mot « allemagne » qui lui déclenchait des crises d’épilepsie. Ses fils attendaient que lui, dorme enfin, avant de s’affronter, comme 3 fauves, dans l’arène du salon familial, la haine aux yeux, la voix rauque, les muscles gonflés prêts à servir pour du vrai…

Son opinion, le cadet l’a tenue jusqu’au bout du bout, du tout.

Il est vrai que pour toute la famille, être rentré dans la résistance ou être resté neutre (il n’y avait que peu de héros finalement, sauf Robert Benoist (ICI)) était le mieux que l’on puisse faire. Mais il était seul contre tous. Peut-être que cela a été une vraie motivation. En tous cas il avait choisi son camp en étant sincère. Il y croyait. C’est ce qu’il a dit à sa mère avant d’être fusillé en 1944. A une époque tellement troublée qu’on ne sait pas qui avait tort ou raison.

Il y croyait vraiment, aux forces mauvaises des juifs, aux races inférieures, à l’horreur des francs maçons. Il le pensait vraiment que les allemands se battaient pour du pur. Il voyait vraiment les bolchéviques sur le sol français. Il oubliait tout simplement que des francs-maçons, il y en avait beaucoup dans la famille et qu’ils ne voulaient de mal à personne, sauf qu’ils ne lui ont pas, au moment crucial,  pardonné de trahir leur camp car rien n’est neutre dans les temps troublés. Tous les francs maçons de la famille se sont élevés contre lui, se sont révoltés contre une image fausse d’eux qu’il renvoyait. Juste comme ça, juste avec des attitudes, des négations bien montrées, sans rien de plus. Eviter de lui parler, faire celui qui ne l’a pas vu, pour ne pas répondre à une provocation, pour oublier de l’inviter à un anniversaire, une fête de famille.

Il oubliait et reniait tout, parce qu’il y croyait vraiment.  Il avait été avalé par la doctrine, subjugué par la grande Allemagne. Il revivait l’ancienne guerre à sa manière. Mais il y croyait et se sentait tellement seul chez les siens, qu’il a trouvé une autre famille.

Il n’a pas reculé devant ses vraies croyances. Disparaissant devant ses frères pour tout de même ne pas trop en savoir et ne rien avoir à dire, il a été un collabo actif, avant d’entrer dans la milice, sa vraie famille désormais,  avec au coeur, l’idée qu’il avait raison. Il y a cru jusqu’au bout.

Toute la famille, même ses frères, ont eu tout de même de l’admiration pour lui, jusqu’au bout. Parce qu’il s’était battu pour un idéal auquel il croyait. Pour la famille c’était important, même si tout le monde pensait qu’il se trompait, et qu’en se trompant, il avait approuvé trop d’horreurs qu’il appelait des erreurs.

Beaucoup de ses proches se sont détournés de lui. Pour aller le voir en prison, juste avant son exécution, il n’y a eu que sa mère (mais une mère reste une mère, et la résistance l’a laissée passer),  le benjamin qui pourtant s’était battu de l’autre côté du miroir, donc on l’a laissé passer également. Pour s’entendre dire : « tu t’es trompé ».

Et un oncle grand maître d’un ordre qui lui a tendu la main de la franc-maçonnerie en se refusant de juger, restant fidèle lui aussi à lui-même et à ses croyances profondes. L’aîné avait disparu avec sa canne dans « nuits et brouillards » pour revenir en 1945, mais tout le monde disait qu’il serait allé malgré tout voir son frère, la veille et le jour de son exécution. Il l’a confirmé en rentrant, fantôme survivant au bout du compte et au bout des erreurs de son frère.

Et celui qui croyait a répondu, fidèle en ses croyances : « non c’est vous qui vous trompez… Moi j’y croirai jusqu’au bout ».

« Pourquoi papa n’est-il pas venu ?, pourquoi ne m’a-t-il pas écrit ? ».

Le père, mutilé de 18, avait renié son fils, mais « faisait » comme s’il ne s’en rendait pas compte. L’a-t-il regretté ? nous ne le saurons jamais. Sans aucun doute a-t-il entendu de loin la salve, tueuse de la chair de sa chair et en a-t-il été anéanti. Car il n’était pas loin du lieu d’exécution en ce petit matin blême où celui qui croyait ou n’y croyait pas, a refusé qu’on lui bande les  yeux pour affronter ses bourreaux, tous ceux qui se trompaient…

Parce que le fils croyait, lui, qu’il avait raison et ne s’était pas battu inutilement… Qui peut accepter de s’être battu pour rien ? Qui meurt pour rien ?

Il y croyait, tout le monde s’en souvient. L’oncle grand maître a décrété que chaque opinion est valable quand elle se vit jusqu’au bout et qu’il n’y avait pas à renier le sang de son sang. Jamais il n’a dit quoi que ce soit contre le sang de son sang, contre une pensée réellement sincère, même si, nous l’avons compris bien après, cela avait dû lui peser.

Mais dans la famille, cette foi obstinée  faisait penser aux inquisiteurs de jadis. Eux aussi pensaient qu’ils avaient raison.

Où est la vérité ? Quand tout bascule autour de nous ?

Il n’avait pas de tombe, alors les franc-maçons de la famille honnis par lui, lui ont érigé un petit mémorial, quelque part dans la forêt, à un endroit que seuls ceux qui ont du coeur et connaissent l’histoire familiale peuvent retrouver.

Curieusement, ce mémorial n’est pas loin de l’endroit où Madeleine a choisi d’en finir.

Destinée ?

Il n’a pas su, le 8 mai 1945, qu’il faisait parti du camp des perdants, il s’était déjà anéanti dans la terre d’une fosse commune, avec toujours la foi chevillée au corps, la certitude d’être une victime… Alors que le monde d’après le 8 mai 1945 faisait de ses frères les vrais héros.

Et qu’on nous épargne à toi et moi si possible très longtemps, d’avoir à choisir un camp.

Je sais que certains m’en voudront de rendre hommage à un homme qui avait tout faux et que d’autres en profiteront pour venir me dire que ce post rend enfin hommage à la vérité. Je les mets tous dans le même panier : allez voir ailleurs… Ce blog n’est pas politique mais juste le reflet de vies ordinaires…

Et la solidarité, on s'asseoit dessus ?

13 janvier 2009. Journée un peu morose au boulot, date anniversaire pour ma collègue d’en face, du jour où elle a enterré son fils ainé qui n’avait eu que 16 années à vivre. Il pleut, il fait moche même si le froid s’éloigne un peu, et la voir se perdre de toute évidence dans ses souvenirs me fait un peu mal.

Il y a des journées comme celles-ci. A 17 H tout bâclé, je pars vers la maison, enfin mon appartement, mon immeuble, mon chez moi douillet pour moi.

La route privée de ma résidence, fait pour moi un U avant que je ne puisse me garer. Un petit rondpoint gère les déplacements et joue les ralentisseurs. J’ai une place privée. Puis, conception de l’immeuble oblige, il y a une marche à monter, puis un petit escalier à descendre pour rejoindre le hall. Cela a permis de mettre des appartements en rez de jardin et de ne pas sacrifier un appartement pour faire hall d’entrée (sauf que bien évidemment l’architecte a fait n’importe quoi en mettant une marche à monter et non pas une de moins à descendre, ne cherchez pas, ce sont les architectes…). Ne vous en foutez pas c’est important : le ralentisseur, et la topographie des lieux…

Donc à peine arrivée à hauteur de ma place pour me garer, je la vois. La vieille dame. Elle est assise sur la petite marche et il est clair pour moi qu’elle est tombée et n’arrive pas à se relever. Je fais ma manoeuvre rapidement : elle ne quitte pas ma voiture des yeux, et en me voyant en descendre, me fait un signe tremblant de la main.

Evidemment, je me dirige vers elle. Sa main droite saigne, elle a du sang plein le visage, elle tremble.

Oui elle est tombée, et n’arrive pas à se relever. 4 voitures sont passées sans s’arrêter dont une qui s’est garée un peu plus loin, de laquelle sont sortis 4 jeunes qui sont rentrés direct dans le hall d’à côté.  Il fait encore jour, on ne peut pas ne pas la voir. Elle a froid, elle a peur, elle ne pourra jamais se relever toute seule. Elle sert étroitement son sac et sa canne.

Aïe, elle pèse plus lourd qu’il n’y paraît. Je n’arriverai jamais à la relever toute seule. Je vais poser mon sac et mon parapluie dans l’entrée et elle crie « ne m’abandonnez pas ». Non je ne l’abandonne pas, je lui ai dit « je reviens ». Arrive un minot rescapé du collège, je le connais bien. Il s’arrête près de la dame et sur un signe de moi, la rassure. Non je ne l’ai pas abandonnée, elle n’est pas abandonnée, il reste à côté d’elle après m’avoir crié que son père n’est pas rentré, d’un air navré.

Des jeunes hommes valides (3 désormais) dans le hall, aucun n’est rentré. Je remonte le petit escalier, et j’essaye en la prenant à bras le corps, aidée du minot qui semble terrifié et affolé. C’est un poids mort qui tremble et là, passe une voiture sans s’arrêter.

Si mes yeux avaient été des pistolets je lui flinguais ses roues et sa carrosserie à ce connard. Il ne va pas me faire croire qu’il n’a pas vu une vieille dame assise sur la petite marche, les fesses dans l’eau, et moi et le minot essayant de la relever ? Si il me le fera croire si je le retrouve et il ne faut pas que je le retrouve, alors que 4 pneus c’est si vite dégonflés…

Et là, elle pleure, elle se voit mourant là de froid et d’injustice. J’épie les fenêtres et qui est chez lui. Miracle, le voisin du dernier étage s’il n’est pas de prime jeunesse, est un homme visiblement encore très bien portant. Je sonne chez lui et le voici qui arrive avec sa femme, tous les deux catastrophés.

Difficile à nous deux de relever la vieille dame et il y a l’escalier à descendre. Le minot toujours un peu pâlot prend la canne et le sac à main, et péniblement nous arrivons à la faire arriver dans le hall. Combien de pas hésitants et tremblants, d’arrêts ? Qu’importe.  A chaque marche c’est la peur de la chute pour elle et nous, l’impression qu’un brancard serait bien utile. Elle pèse combien cette dame ? 45 kg tout mouillé, mais c’est le poids mort. Dans le hall cela s’anime un peu. La femme du voisin est là, qui a averti une autre vieille dame qui a toute sa tête. Faut-il appeler les pompiers ? Non pas à notre avis. Elle s’est juste ouvert la main sur une arête coupante de marbre contre lequel tout le monde vocifère depuis 4 ans, et le sang sur le visage c’est quand elle s’est essuyé les yeux. Quand elle a pleuré.

Ma voisine la connaît bien, et se précipite pour aller prévenir les enfants qui sont proches et dont elle a les coordonnées. Elle a les coordonnées de tout le monde et Je la soupçonne d’avoir les numéros de portables des filles, dieu sait comment. Mais la dame ne peut pas rentrer toute seule chez elle, personne ne l’envisage. Hésitante et toujours tremblante, elle s’accroche à mon bras, et lâche le monsieur, qui s’assure qu’à nous deux cela ira.

Aller jusqu’à l’ascenseur, la faire entrer, récupérer son sac et sa canne. Puis ouvrir chez elle. C’est joli comme tout. Pas mon petit nid douillet, les meubles ce n’est pas trop mon style, mais les 5 pièces dans ma résidence sont terriblement bien conçus.

Je l’aide à déboutonner sa veste de fourrure, elle n’y arrive pas. Elle tremble tellement… Elle est bien mise et coquette et en moi chemine la question « et si ? »

« J’avais mis de la fourrure pour ne pas avoir froid. Je sais que ce n’est pas bien, mais que voulez-vous, cette veste me vient de ma mère…

Passe un temps réellement mort…

« J’ai Parkinson mademoiselle. Normalement je n’ai pas le droit de sortir, ce sont toujours mes enfants qui m’emmènent et m’accompagnent quand je le désire. Mais là, après cette neige et ce froid glacial, j’ai eu envie d’aller en ville toute seule, d’être autonome. J’ai réussi à aller boire une tasse de thé « chez Dorothée », et je suis revenue doucement, j’étais contente »

« Mais j’ai Parkinson mademoiselle. Et on ne sait jamais quand ça reprend. Ma jambe a tremblé comme je voulais monter cette maudite petite marche et je suis tombée. Comme un bébé qui apprend à marcher, sauf qu’un enfant ça se relève tout seul mademoiselle. Et je suis restée là, toute seule, assise, à regarder les voitures passer alors que je leur faisais signe. Quand je vous ai vue vous garer, je n’avais qu’une peur : que vous passiez à côté de moi en faisant semblant de ne pas me voir »

Elle tremblait toujours « de froid » et pleurait à nouveau, contemplant sa main coupée avec étonnement. Elle m’a indiqué comment nous faire une bonne tasse de thé, je l’ai installée dans ce qu’elle m’a indiqué comme étant SON fauteuil et sur ses indications je suis allée chercher une compresse dans la salle de bain pour désinfecter une coupure nette et pas grave. Et une autre pour laver ce sang de ce visage, dont je voulais m’assurer qu’il n’était pas le résultat d’une blessure.

Et puis elle a bu sa bonne tasse de thé avec un plaisir évident, et moi la mienne pour ne pas la désobliger (au jasmin, berk…) en faisant comme tous les Parkinsoniens, en s’aidant de son autre main. Elle a un peu arrêté de trembler et m’a déclaré ne plus avoir froid mais qu’elle avait un châle dans sa chambre à tel endroit, que je suis allée lui chercher. Je n’ai pas voulu le lui mettre, (elle s’est parfaitement débrouillée toute seule) pour ne pas l’humilier d’avantage. Si elle n’avait pas réussi, bien sûr que je l’aurais enveloppée dedans…

J’étais ennuyée de la laisser seule, donc, ne voulais pas la laisser seule, mais apparemment les enfants sont vraiment disponibles pour leur mère. A peine le châle mis, sa fille débarquait, en alarme « maman ! » et s’est confondue en excuses et remerciements à mon égard pour m’offrir une deuxième tasse de thé au jasmin…

Et moi je regardais l’appartement si bien arrangé, cette vieille dame avec toute sa tête et encore une bonne dose d’inconscience, et je me disais enfin : « et si… et si c’était moi ? ».

Oui peut-être qu’un jour ce serait moi, la vieille dame inconsciente, voulant se prouver qu’elle le peut. Et je serais condamnée à rester à terre jusqu’à ce qu’une âme charitable normale s’inquiète de moi ?

Quand je suis redescendue, dieu soit loué, il y avait des gens qui m’attendaient pour me demander des nouvelles. Mais bien sûr, eux, dans leur appartement, devant la TV, ils n’avaient rien pu voir ni entendre et cela je le comprends tout à fait. Ma voisine m’a donné les n° de tel des deux enfants au caz’où et j’ai pu rentrer chez moi, un peu glacée malgré le thé (au jasmin, berk).

Car les autres, ceux qui sont passés sans seulement ralentir, donnant au fil des minutes certainement longues vu le sang qui décorait la dalle de marbre, à cette dame des angoisses à n’en plus finir. Eux ? Qui sont-ils ?

La solidarité on s’asseoit dessus ? Chacun pour soi et dieu pour tous ? Dieu reconnaitra les siens ? Moi d’abord, moi jamais ? Qui est seul au monde ?

Une main tendue, de la gentillesse, de la compassion, savoir être rassurant, demander de l’aide, rester à l’écoute, aider surtout, n’est-ce pas la moindre des choses ? N’avons nous pas appris à nos enfants à se mettre « à la place des autres ? » et même  au travers e des animaux, quand, telle Sophie ils découpaient des mouches ?

Le connard aveugle dans sa BM qui m’est passé sous le nez, alors que le minot faisait signe, qui est-il ?

Comme le dis la chanson des enfoirés « aujourd’hui nos paupières et nos portes sont closes, les autres sont toujours, toujours en over dose ». Une vieille dame assise sur un trottoir, un soir de janvier pluvieux et encore froid, c’est vraiment l’over dose ?

Je suis rentrée chez moi triste pour elle, mais la conscience en paix… En moi s’insinue juste la peur, la vraie. « Et si ? ». J’ai réalisé après qu’elle m’avait tout le temps appelé « mademoiselle ». Pour elle je suis une demoiselle. Que serais-je dans 10 ou 20 ans ?

Trop tard pour lui…

Garfunkel_2C’était le médecin du village. Il était juif et ne savait pas que c’était un crime. Il exerçait depuis un petit moment, habitant au dessus de son cabinet avec sa petite famille : une femme et le choix du roi. Ils espéraient une petite fille de plus pour 1944.

Et puis la tempête nazie est arrivée jusque là. Personne pour les dénoncer : sans penser à mal, ils avaient adopté l’étoile jaune, comme c’était « prescrit ». Personne n’imaginait ce qu’il pouvait bien se passer et pourquoi il fallait tant les reconnaître.

Le premier embarquement cela a été la femme enceinte et ses deux enfants. Ils ont attendu le retour du médecin qui venait de pratiquer un accouchement difficile en sauvant la femme et l’enfant, et il est parti à son tour.

Ce qu’ils ont connu, nous le savons aujourd’hui, même si certains minimisent ou refusent l’évidence. Cela a été les wagons plombés, la soif, la faim, la chaleur ou le froid suivant la période. S’éclaboussant de merde et d’urine, serrés à mort les uns contre les autres en suffoquant, des hommes et des femmes cessaient d’être humains pour ne devenir que des nombres, que des ombres. Certaines femmes qualifiées de barbares parce que juives ont préféré étrangler leurs enfants plutôt que les voir mourir à petit feu sans à manger, et sans rien à boire dans ces wagons qui n’en finissaient pas de rouler. Mes filles sont grandes, une puissance suprème m’a épargné d’avoir à choisir entre les tuer tout de suite ou attendre. Lâchement, enfant, je me disais que je n’étais pas juive… Cela me rassurait sur ce passé si proche.

La date de l’assassinat est connue parce qu’il a eu lieu dès l’arrivée dans ce camp maudit. Il l’a su et compris trop tard… Lui était un homme valide, et médecin qui plus est. Juif ou non, c’était précieux et utile. Sa femme enceinte et les deux enfants ont filé direct vers la chambre à gaz et les crématoires. Il ne voulait pas y croire. Il refusait d’y croire. Il se répétait que les allemands étaient civilisés. Il l’a écrit, il a laissé des traces de ses pensées.

Presque 2 ans dans ce camp dit « de la mort ». Sans doute a-t-il pu survivre tout ce temps car il était médecin et que les nazis faisaient sortir les médecins du rang. Il a laissé quelques notes sur ce cauchemar « les médecins sortez du rang ! ». Un autre en a fait un livre qui relate le moment où il n’est pas sorti du rang tellement il n’en pouvait plus… Il a écrit qu’à un moment le mot « civilisation » cessa de représenter quelque chose pour lui.

Presque 2 ans d’espoir malgré ce qu’il voyait. C’est un squelette livide qui rentra en 1945 pour retrouver l’appartement vide et quelques patients qui venaient le voir pour lui apporter qui 6 oeufs, qui 1 litre de lait, qui un fromage, qui de l’affection et du soutien… En fait on essayait de le soigner plus qu’il ne soignait. Il ne pouvait pas se soigner lui-même. On ne parlait pas des blessures de l’âme et de la conscience à l’époque. Lentement il a repris son activité qui était de guérir, de soigner, d’aider, en espérant toujours.

Et si… Et si sa femme et ses enfants étaient dans un camp à recevoir les antibiotiques nouvelles et salvatrice. Et si, elle avait pu s’enfuir et prendre le temps du retour. Et si…

Il a attendu attendu attendu, jusqu’au jour où il a compris qu’ils ne reviendraient pas. Sa femme et le bébé qu’elle portait, ses enfants.

Juste avant une nouvelle année à venir, dans une maison vide d’espoir, vide d’enfants, vide d’amour, après une année de trop passée à espérer un miracle, à pleurer seul, à trop se souvenir, il a fait son choix d’en finir. Comme Madeleine longtemps auparavant, il a choisit la corde, ne laissant qu’un mot laconique sur l’espoir qui l’avait porté et qui était vain. Le pire peut-être est le « pardonnez-moi » qui terminait son message. Il demandait pardon du mal qui lui avait été fait et qui l’obligeait à violer une loi divine qui dit « tu ne sauras ni le jour ni l’heure ». Il était croyant. Enfin, il l’avait été.

Je pense à lui régulièrement. Mes grands parents et mes parents l’ont connu. A l’endroit où se trouvait son cabinet médical, c’est un office notarial désormais, mais garni d’une énorme plaque que je vous livre telle qu’elle est.

Du coup on se souvient de lui… Et je rends hommage à la municipalité qui a pris la peine que l’on se souvienne. Je trouve que l’hommage rendu à ce médecin est admirable. Je pense qu’il manque d’ailleurs, plein de plaques un peu partout… C’est mon avis, et je le partage.

PASSANT SOUVIENS TOI !

Passion perverse…

Passion_perverse_5332881734 jours… J’ai une passion perverse pour les serveurs téléphoniques. Si ! Si ! En fait je me vois en train de préparer dans ma cuisine un explosif hors du commun, de le solidifier comme Nobel, et d’aller faire exploser tous les serveurs téléphoniques, ni vue ni connue, mais avec une joie forcément suspecte (et perverse).

Il y a le plus simple : tapez 1, tapez 2, tapez 3, etc. Faut tout de même noter frénétiquement à quoi cela correspond.

Dans ces cas là, en bonne emmerdeuse, j’attends que l’on me passe un opérateur parce que je n’ai rien tapé du tout (en le plaignant, du coup je suis aimable). Sur ce coup là normalement on gagne du temps…

Il y a les serveurs où il faut causer. J’adooooore. On est au téléphone à hurler « inscription » (au hasard). Et ça nous répond « nous n’avons pas reconnu votre demande, bip bip bip ». Faut tout recommencer avec les étoiles, les dièses (jamais les bémols c’est mauvais pour le moral), et la voie sulfureuse de la connasse à l’autre bout du fil qui ne s’écoute jamais.

Là généralement je raccroche la bave aux lèvres. C’est qui l’imbécile, le connard, la triple andouille, le lézard crépusculaire, la mygale avec un chromosome cintré, qui a pondu ce serveur vocal ? Si j’étais dieu, comment que je le mettrais au purgatoire à tester son truc pendant 2000 ans (minimum)…

Donc, samedi 26 janvier fin de journée, je découvre, en passant un coup de fil forcément urgent, que je suis en mode limité. A savoir que je peux appeler les pompiers, le samu, les urgences, et France je cause comme je veux en mode limité. Je suis ra-vie…

Un coup de la banque. J’en ai deux. Celle qui gère les affaires courantes et chez qui j’ai des placements, et celle qui ne sert qu’à régler : EDF, France je cause et canal + qui ne fonctionne plus. Autant dire que pour la deuxième banque je suis régulièrement dans le rouge parce que je ne sais pas pour combien j’ai causé dans le téléphone… N’empêche que la conseillère de la banque, sympa me passait un coup de fil pour me signaler que j’étais dans le rouge. Remplacée par une conseillère pas sympa du tout qui va s’en mordre les doigts que Mrs Bibelot aille voir ailleur. Vu l’heure d’ailleurs, elle est injoignable ce samedi là et devra attendre mardi pour apprendre que Mrs Bibelot déménage (et moi avec, mais moi elle s’en fiche, n’empêche qu’elle a tiré la tronche)

Je me déplace le lundi à France je cause (de bonne humeur bien sûr), mais le gars ne peut rien pour moi. Il est en train de résoudre le problème d’une personne dégroupée sauvagement, qui n’a plus rien parce qu’on lui a piqué sa ligne. Le type n’est pas bien haut mais il n’a pas l’air plus aimable que moi. Le technicien me donne une carte : je vais régler ma facture non réglée (d’après ce qu’on me dit) avec ma CB et tout ira bien.

Je rentre à la maison et me rue sur le téléphone pour appeler le SERVEUR TELEPHONIQUE

  • Pour prendre notre nouvelle option téléphone + Internet Illimité + télévision tapez 1, sinon, patientez

  • Je patiente

  • Veuillez déclarer clairement votre demande

  • Je hurle « régler ma facture ». Je déteste ce genre de truc, c’est horrible, immonde, bref, inventé par un µ*!!;!

  • Nous vous mettons en ligne avec le service concerné (chic)

  • Veuillez nous préciser votre demande

  • « Régler ma facture » (sont bouchés ou quoi ?)

  • Pour régler votre facture faites le 1, pour être renseignée sur un problème de facturation, faites le 2, pour souscrire à notre nouvel abonnement faites le 3.

  • Je fais le 1 (sont de plus en plus bouchés ? Ouiiii !)

  • Nous consultons votre compte !

  • Votre compte est débiteur et votre ligne en service minimum (quelle surprise !)

  • Nous ne pouvons prendre en compte votre demande de règlement. Bip Bip Bip !

La bave aux lèvres, je me rends à la banque le lendemain : personne n’a refusé le prélèvement de France je cause. Il y a un problème avec un logiciel qui déclare que l’autorisation de prélèvement n’est pas en règle. Je retourne chez ma mère, toujours la bave aux lèvres pour appeler France je cause + la banque en cas de contradiction.

9 coups de téléphone et 42 minutes plus tard, je suis enfin en relation avec un conseiller. Qui me règle le problème en 2 temps 3 mouvements. Mais que de cheminements pour trouver la ruse qui permet d’être enfin en ligne avec un conseiller. Une vraie personne quoi (et efficace en plus). Heureusement l’appel est gratuit.

Enfin il est question qu’il devienne payant….

Les serveurs, ça peut être pratique pour le plus simple, mais il faudrait qu’ils soient vraiment opérationnels et vous permettent de vous diriger sur quelqu’un dans les cas extrêmes. Là j’ai fait comme si mes parents voulaient ouvrir une deuxième ligne et j’ai eu tout de suite quelqu’un. C’est infâme non ?

La vie n’est qu’un long calvaire…

Le coup du téléphone (2)…

Le_coup_du_t_l_phoneDonc, ma sciatique étant (momentanément) guérie, me voici partie à Rauchan avec maman qui cherchait une bouilloire. Moi j’avais besoin d’un téléphone sans fil… Chacun ses priorités… Elle pouvait faire chauffer son eau sur le gaz, moi, ma gazinière ne me permet nullement de téléphoner.

Le vendeur enthousiaste, commence, cet innocent, à me présenter le top du top qui mémorise 100 numéros (mon dieu mais quelle horreur), a des tas d’options (encore pire). Sadique (je sais, je peux être une chieuse infâme), je lui demande si je peux prendre l’adagio d’Albinoni comme sonnerie, il se fige, navré… Non. D’ailleurs il ne sait visiblement pas trop de quelle musique je peux bien lui parler… (Albinoni, c’est quel groupe ?)

Bon bah alors puisque c’est comme ça, je vais prendre le moins cher. Il a beau me rétorquer que je n’aurais pas non plus l’adagio d’Albinoni, m’en fous, je veux celui à 29,90 euros (et non pas 30, cela aurait fait trop cher).

Je rentre à la maison pour constater que le mode d’emploi est écrit en tout tout petit, blanc cassé sur gris clair. Pas certaine qu’avec ma vision d’avant j’aurais pu le déchiffrer. Là, autant dire que je suis aveugle. Je vais emprunter une loupe à ma désormais ex voisine, pour tout bien décrypter.

Evidemment il faut qu’il se charge le trésor. Et pendant qu’il se charge, on m’appelle comment ? Un éclair de génie (si si, c’est possible !) me fait me souvenir que j’ai une prise qui fonctionne dans ma chambre (éclair de génie parce que j’y ai testé le défunt téléphone). Je vais y brancher le nouvel appareil adoré qui fait bien « bip », comme convenu. Dans le salon me reste mon vieux avec fil avec sa moche sonnerie…

C’était écrit sur la notice « 24 heures d’autonomie ». En plus ce ne sont pas des batteries, mais des piles rechargeables : youpee le progrès (sauf qu’elles auront déliquescé avant de crever en déliquesçant au passage le boîtier à piles, et qu’il me faudra changer d’appareil…).

Mise en service de l’appareil après débranchage du vieux avec fil. Vérification : j’ai la tonalité. Mrs Bibelot m’appelle sur mon portable : je suis injoignable. Damned, il me fallait programmer une sonnerie. Je retourne emprunter sa loupe à la voisine qui prépare ses cartons… Je trouve une sonnerie, je la programme. J’ai tort. C’est la même mais en moins fort, que celle de Madame Vampire, ma voisine du dessus. Dès que ça sonne chez elle, je me précipite sur mon appareil… Régler le son, je n’ose pas : j’ai peur de tout annuler (déjà que la sonnerie de mon portable change quand elle veut…). Du coup, quand ça sonne chez moi, je crois que c’est chez elle et je ne me dérange pas…

15 novembre : plus de téléphone. Je tirlipotte les boîtiers : rien à faire. Je met l’appareil sur son socle : pas de bip.  Ne me reste qu’à partir chez mes parents appeler « France’j’téléphone » qui est pour une fois formel : pas d’anomalie sur ma ligne. Ca me turlupine : c’est peut-être un problème de fil ?

Je rentre un peu énervée pour aller reporter cette merde chez Rauchan. Surprise : ça fonctionne. A bien calculer je l’avais laissé 48 heures sans le remettre sur son socle et il était tout bêtement déchargé. Au point de ne pas faire « bip » quand je l’avais remis sur son socle, comme il l’avait fait lors de la première utilisation (là c’est à n’y rien comprendre).

Et bien je vais vous dire ce que je pense du modernisme qui me permet de vous inonder de posts débiles : la vie n’est qu’un long calvaire !!!