Famille, pas toujours facile… L'enterrement

EnterrementNous avions décidé d’y aller, et donc, forcément, personne n’aurait pu nous empêcher de le faire sauf un avion de ligne s’écrasant sur notre route, deux heures avant notre départ…

J’avais la conscience clean, mais je me sentais mal à l’aise. Ma tension avait pris 2 points. Et puis, dès l’arrivée à l’église, le fait d’être trop entourée, alors que 7 magrébins me regardaient d’un sale oeil (ce n’est pas de ma faute, mais les 7 personnes installées chez le cousin de papa n’étaient pas alsaciens, suédois, mexicains, russes, ou tibétains) me dérangeait considérablement.

Catherine fut impec : gros bisous à toute la famille du côté paternel de Marc, et à papa, insistant bien :  « j’ai prévu un goûter pour après le cimetière, j’insiste pour que vous veniez ».

Sissi arrive et curieusement m’embrasse (le baiser de Judas ? car elle ignore les autres)  tout en me chuchotant le plus bas possible « vous ne parlez pas de Marc et du reste aujourd’hui, compris ? ». Manque de bol, mon frère l’a entendue, et précise que nous ne sommes pas venus pour ça. Elle rougit.

Un assez bel homme la suit, je pense que c’est son frères, ils ont les mêmes yeux, dommage qu’ils n’en aient que deux tellement ils sont beaux. Mais la dernière fois que j’ai vu le petit frère, il devait avoir 5 ans, et moi 10, donc, nous avons vachement changé.

Tout le monde s’installe dans l’église : le clan Dabra (côté paternel de Marc) à droite, et le clan côté maternel + les braves gens, à gauche (quand on rentre dans l’église). Les péquins étrangers à la famille sont rares : en fait, il n’y a que les voisins d’en face : deux personnes.

Vient la bénédiction (nous échappons à la grande messe chantée) attendue impatiemment par :

  • Ma mère qui n’a même pas fait sa communion
  • Mon père et ses deux soeurs que leur mère a dégoutés de la religion
  • Mon frère qui lui non plus n’a pas fait sa communion et qui en plus, ne supporte pas l’odeur d’encens ni la musique d’église (alors que pour mes tantes, mon père et moi, même sans croyance, nous adorons la musique d’église et les vieilles pierres).
  • Le concubin d’une de mes tantes, qui s’est placé derrière moi (pour parer toute attaque sournoise) et qui ne semble pas être plus croyant que nous.
  • Moi-même, qui à chaque fois que l’on parle du mort en disant qu’il est assis à la droite du seigneur maintenant, n’arrête pas de se dire « on va être un monde fou » (je sais, j’ai mauvais esprit).

Les répons sont faibles… Dans l’église du village de mes parents, c’est tellement fréquent qu’il y a au moins 4 femmes qui se déplacent pour pallier cette carence insupportable, chanter les cantiques et réciter les prières.

Du côté maternel de Marc, ce n’est pas mieux, ils savent tout juste faire le signe de croix. Les musulmans du banc arrière ne font que se lever ou s’asseoir, cela se comprend (mais je n’aime tout de même pas les regards vipérins qui me fixent).

Après, c’est le moment joyeux du cimetière, ou tout le monde se dit « un jour ce sera moi dans le cercueil qui descend », car la mort des autres nous fait penser à la nôtre et que c’est comme ça.

Les pauvres gens s’attardent. Ils savent qu’un goûter est prévu chez Catherine, et ils attendront vainement d’y être invités.

Et puis après, il y aura la trêve, aucune allusions aux sales mots dits. Sissi a été chapitrée par sa mère, ou elle s’est renseignée. Elle ne s’adresse à moi que pour demander des précisions sur la famille, avec le sourire. Même à un moment où nous nous retrouvons seules dans la cuisine, elle ne fait allusion à rien.

Un enterrement c’est aussi le moment où l’on évoque les disparus plus anciens, où on les replace dans l’arbre de la famille en prenant des notes pour les généalogistes, où l’on cite une anecdote amusante, c’est la famille qui se soude tout à coup, une tasse de thé ou de café à la main, un gâteau dans l’autre…

C’est une cérémonie après la solennelle, le sale coup du cimetière, un peu de chaud au coeur.

Quand nous sommes partis, Catherine m’a embrassée en me murmurant « faites ce qu’il y a à faire ».

La parenthèse était refermée, nous avons fait ce qu’il y avait à faire…

Car la vie n’est qu’un long calvaire…

(Photo : la gentille sorcière)

(Musique accompagnant l’arrivée du cercueil dans l’église (donc forcément remonte moral…)… J’aurais gagné 1000 euros si quelqu’un avait soutenu le pari que ce n’était pas l’Adagio d’Albinoni mi5xaMIX_h8)

Famille, pas toujours facile… (3)

grands-parents-3

Je décroche donc mon téléphone (façon de parler) et j’appelle la gendarmerie, sans m’imaginer une seule minute que j’ai été manipulée de manière magistrale…

L’homme que j’ai au téléphone demande des explications, il attend. Pourquoi est-ce moi qui me manifeste ? Pourquoi mon père ce héros au sourire si doux le cousin n’avait pas de nouvelles depuis au moins 9 ans ? (allez donc expliquer que le mort avait un caractère de merde…)  Pourquoi n’appelle-t-il pas lui-même (il est aphone, c’est la seule réponse qui me soit venue à l’esprit), bref, l’appel se prolonge.

Il prend note de tout. S’il y a eu abus de faiblesse, c’est le notaire chargé de la succession qui va pouvoir faire enquête auprès des banques, et après seulement, ils interviendront pour enquête. Pour le décès, le constat a été fait par le médecin du SAMU, très pointilleux, et s’il avait eu le moindre doute, ils auraient été alertés immédiatement : « nous sommes souvent obligés d’intervenir pour rien ».

Il termine en me disant que « de toutes façons, ils y passent cet après midi ». Je ne note pas le « de toutes façons » qui me reviendra trop tard, et je donne les coordonnées des petits cousins les plus proches géographiquement parlant : Sissi et son frère.

Je raccroche, la conscience sereine.

J’avais tort…

Je ne savais pas encore tout, et je ne m’étais pas renseignée suffisamment, car le soir, j’ai Sissi au téléphone, et là, la poire blette (moi), va tomber sur le sol…

  • Tu as fait du propre !
  • Oui les gendarmes sont venus, il y avait le maire aussi !
  • Les pauvres braves gens ont été mis à la porte immédiatement !
  • Juste le temps pour eux de faire leurs valises !
  • Sous surveillance en plus !
  • Des scellées ont été mises sur la maison !
  • On n’a jamais demandé cela !
  • Je te conseille de ne pas venir à l’enterrement ni ton père et ta mère, car cela va être très mal vu par les braves gens, vous ne serez pas les bienvenus, et cela risque de très mal se passer !
  • Flanqués à la porte comme cela !
  • C’est une honte !
  • C’est de ta faute !
  • Le maire m’a dit que c’était la procédure, mais je suis certaine que non, tu es allée trop loin !
  • Tu as porté plainte ou quoi ? (par téléphone ???)
  • Ils ont prétendu que Marc leur avait donné la maison : JE LE SAVAIS, mais tu n’en as pas tenu compte !
  • ETC…

J’ai beau lui expliquer que je ne n’ai fait que prendre des renseignements, elle continue sa litanie, en boucle. Je me décompose lentement, j’ai les jambes qui flageolent, une boule dans la gorge. Je n’ai rien fait de mal.

Elle reconnait qu’elle m’a demandé d’appeler la gendarmerie, mais pas pour que les braves gens soient flanqués à la porte. C’est bien pour cela qu’elle avait pris RV pour le 2 février…

Et les scellées, ça le fait les scellées ? je suis contente de moi ? Concernant des questions qu’on lui a posées (car les gendarmes lui ont demandé de se déplacer illico sur les lieux du crime comme témoin), elle a bien été obligée de dire que pour des papiers éventuels, elle n’était au courant de rien, n’ayant pas vu son petit cousin depuis 3 ans ! JE lui ai flanqué la HONTE, même si sa mère elle, s’occupait de loin de Marc !

A la fin de la conversation (enfin de son monologue en boucle, elle n’écoute rien de ce que je réponds), je comprends que je risque ma vie si je me déplace à l’enterrement, car « les autres » (les braves gens) ont la haine à mon égard.

Je suis une salope, alors du coup, je finis par raccrocher totalement effondrée.

  • Je pleure de stupéfaction, de rage, de colère, de l’injustice qui m’est faite.
  • Depuis toute petite, depuis une méchante institutrice, je suis totalement démunie devant l’injustice.
  • J’ai été manipulée, je me suis laissée manipuler.
  • Delphine qui a toujours des antennes, m’appelle au moment où je suffoque de larmes et d’indignation : « c’est quoi cette pouffiasse maman, qui te prend des RV sans te demander ton avis, et veut t’empêcher d’aller à l’enterrement ? » etc…

Fort heureusement, j’ai le soutien des parents, de ma soeur qui s’indigne, des taties qui s’indignent également.

Le vendredi, je réalise que le lundi après midi, à l’heure de l’enterrement, j’ai un RV téléphonique avec ma conseillère Pôle emploi.

M’en fous, j’irai. Je remue ciel et terre pour obtenir un bulletin de décès (envoyé par mail par la mairie concernée, avec précision de la date et heure des obsèques). J’ai contacté Pôle emploi : dès que j’ai les justificatifs je n’ai qu’à rappeler, même le lundi matin, pour annuler avec motif, ce RV.

M’en fous, j’irai. Dois-je prendre une arme ? Où trouver un gilet pare balles ou arme blanche ?

Nous irons. ILS verront si le cousin Marc n’avait pas de famille.

  • Mes parents
  • Mes deux tantes + un concubin
  • Mon frère
  • Moi
  • Nous sommes en force par rapport à l’autre côté de la famille de Marc. Eux ne sont que 3…

On s’en fout, on ira. Papa n’était pas très chaud, vu qu’ une messe en plein hiver dans une église forcément pas chauffée, c’est un coup à attraper la mort. De l’enterrement du père de Marc, nous avions été 5 à rapporter une bronchite carabinée (il faisait moins 10, moins 5 dans l’église).

Mais comme il ne sera pas le bienvenu, et bien il ira. Déguisé en Inuit s’il le faut, mais il sera là. Sissi il s’en tape, et ce n’est pas une merdeuse qui va lui dicter ce qu’il doit faire.

Et tout le monde sera autour de moi pour me protéger d’une agression éventuelle.

Ne rigolez pas, j’y vais parce que je n’ai rien fait de mal, que j’ai ma conscience pour moi, que c’est pour moi un devoir, mais des braves gens qui dépouillent un malade, et bien, ça me fout les jetons…

Le « de toutes façons » et « c’est la procédure » me reviendront le vendredi soir. Après enquête et coup de fil à une amie avocate, je sais que je n’ai vraiment rien fait de mal.

Le maire, ayant eu connaissance du décès le mercredi matin, sachant que le mort n’avait pas d’héritier direct, se devait, avec la gendarmerie, d’aller mettre des scellées sur la maison et d’en éjecter les occupants qui n’avaient pas lieu d’y être, car ils n’étaient pas héritiers réservataires ou potentiels et n’avaient rien dans les mains pour prouver qu’ils étaient là de droit…

Mais la vie n’est qu’un long calvaire.

Le prochain que je ne connais que vaguement qui me demande un service, je lui pète un genou…

Famille, pas toujours facile… (2)

grands-parents-3

Mardi 22 janvier, Mrs Bibelot me téléphone.

  • « Nous venons d’apprendre par Catherine (la femme du neveu de la tante Yéyette, mort lui, il y a 3 ans), la mort de Marc.
  • « Il y a une histoire invraisemblable, je te raconterai ».
  • Ca ne pouvait pas attendre que je vienne pour le thé du jour…
  • Elle raccroche sauvagement comme de coutume, pour ne pas me laisser le temps de lui répondre en devant prétendre que la communication est mauvaise (elle devient sourde, et refuse de l’admettre).

J’apprends donc que :

  • Le cousin Marc est mort.
  • Ce qui est ballot c’est que nous ne savions même pas qu’il était malade. Sinon papa aurait fait tout de même le déplacement et nous avec, malgré le prix du carburant et du téléphone
  • Qu’il y avait d’installés chez lui, son auxiliaire de vie, son mari, leur fille plus des neveux, une vraie tribu.
  • Qui avaient changé les serrures, le bip du portail.
  • Que pour la famille du côté Yéyette il fallait téléphoner pour demander l’autorisation de venir voir Marc.
  • Visites qui étaient parfois refusées, et qui se déroulaient toujours en leur présence : impossible de discuter avec Marc en tête à tête.

Maman sympa, a refilé mon numéro à Catherine qui se souvient très bien de moi, et qui m’appelle le soir même.

Le discours est assez incohérent. Et comme je n’ai pas choisi l’option « furoncle », je l’écoute.

  • Ce sont des braves gens mais…
  • Comme ils sont musulmans, le pauvre Marc est privé de cochon depuis 6 ans lui qui adorait la charcuterie et autres…
  • Ma pauvre, il était d’une maigreur effrayante.
  • Pourtant quand je suis allée le voir le 2 janvier, il a dévoré TOUTE la galette des rois que j’avais apportée. Une galette pour 6. Les autres n’étaient pas contents.
  • D’ailleurs à chaque fois que j’y allais avec gâteaux ou autres, il mangeait très bien !
  • Ce sont des braves gens mais…
  • Ils m’ont interdit de lui servir du champagne, pourtant il m’a dit « oh il y a tellement longtemps que je n’en ai pas bu »
  • Ce sont des braves gens mais…
  • On se demande qui finance les travaux de leur maison
  • Si la voisine ne m’avait pas prévenue qu’elle avait vu le SAMU, je n’aurais même pas su qu’il était mort, tu te rends compte (oui)
  • Ils ont déclaré au SAMU qu’il n’avait pas de famille, tu te rends compte ? (toujours oui)
  • Ils avaient tout préparé pour des obsèques civiles, et m’ont dit de ne m’occuper de rien…
  • Je pense que Marc leur a donné sa maison, que nous ne pourrons jamais y remettre les pieds…

Là je l’interromps : on ne donne pas un bien immobilier comme ça, il faut passer chez le notaire, et en théorie, l’article 909 du code civil que j’ai consulté en rentrant de chez les parents  dispose : (après tout, consultez-le, sinon cet article va faire 1 km)…

Je lui demande si elle pense qu’il y aurait eu « abus de faiblesse ». Ce sont des braves gens, mais oui… Comme j’ai l’air de connaître certains trucs en droit, Sissi va m’appeler le lendemain.

Sissi me tient le même discours contradictoire que sa mère. Certes, Marc n’était pas marrant, mais les braves gens étaient payés et cher, pour s’occuper de lui. Oui il pourrait y avoir eu abus de faiblesse, et non, on n’a jamais alerté personne, concernant un manque de soin, ou de nourriture. Il voulait finir ses jours chez lui, ces braves gens c’était l’aubaine. Oui il était maigre, mais non, il ne semblait pas manquer d’appétit. Que devons-nous faire ?

Je lui suggère de se renseigner. Le cousin Marc dépend de la gendarmerie de Rambouillet, il y a soupçon d’abus de faiblesse, il avait du bien, a-t-il été dépouillé ? Peuvent-ils enquêter à ce sujet ou y a-t-il une autre marche à suivre ?

  • Ils ont dû se servir, ils avaient des procurations à la banque, le code de la CB…
  • J’ai contacté les pompes funèbres, il n’est pas question qu’il soit enterré comme un païen, il était croyant,
  • Et gnagnagna.
  • Elle se débat depuis le matin où elle a fait bloquer les comptes en banque (tout de même).
  • Demander quoi à la gendarmerie ? S’ils sont habilités à faire une enquête concernant les biens de Marc, un éventuel abus de faiblesse, le fait que les braves gens se soient servis… Ah oui ce n’est pas bête (elle est sourde ou quoi ?)
  • On va voir.

Le lendemain matin (jeudi), elle m’appelle, en me précisant d’un ton péremptoire que :

  • Elle a pris RV avec les braves gens pour le samedi 2 février, pour moi, afin que je l’accompagne dans la maison de Marc pour trier les papiers, vu qu’elle sent que je m’y entends mieux qu’elle (ce qui n’est pas difficile)
  • A 10 H du matin.
  • Je lui précise qu’à 10 H du matin cela ne va pas être possible. Même si mon sommeil et son décalage s’améliorent, c’est l’heure où je me lève (ça je ne le lui dit pas, je lui dis simplement que je ne suis pas libre le samedi matin. Après tout, j’ai bien le droit d’avoir un des amants).
  • Ah oui mais l’après midi, elle n’est pas libre elle, donc il faut que je note ce RV, qui est impératif.
  • Je lui réponds que je ne garantis rien, et qu’on en reparlera. En me demandant tout de même de quel droit elle ME prend un rendez-vous sans me consulter.
  • Puis elle termine en me demandant si je peux appeler la gendarmerie, car elle n’a pas le temps. Après avoir bien sûr demandé à mon père, s’il accepte que je le représente.
  • Jean-Poirotte accepte immédiatement, il est même prêt à me payer pour que j’appelle la gendarmerie à sa place (j’aurais dû dire oui)
  • Parce que lui aussi trouve, vu qu’il a rappelé Catherine pour avoir plus de détails, qu’il y a pas mal de choses qui clochent dans le dossier.
  • Mais vu son amour du téléphone, il était presque en train de me rédiger une procuration…
  • Je rappelle Sissi pour lui dire que je me charge du coup de fil à la gendarmerie, mais que je ne suis ni avocate, ni notaire, il ne faut pas se tromper de personne. Avoir fait des études de droit et travaillé pour un avocat (tordu), ne fait pas de moi une personne particulièrement compétente (par compte je suis championne sur Internet pour trouver les informations qui m’intéressent). En plus les lois changent tout le temps…

Et là, vous allez comprendre tout de suite pourquoi je regrette de n’avoir pas pris l’option furoncle. Moi je suis dans la catégorie poire pas blette mais c’est limite…

La vie n’est qu’un long calvaire, vous aurez la suite demain…

Famille, pas toujours facile… (1)

grands-parents-3

Je n’ai pas eu le coeur de mettre une vraie photo de famille, c’est trop frais pour moi… (et puis il me faut être honnête, il faudrait que je cherche…) 🙂

Papa a pas mal de cousins/cousines, particulièrement du côté de Mrs Tricot (5 cousines, 1 cousin), ce qui avait beaucoup surpris Delphine, qui le jour de l’enterrement de son arrière grand-mère, n’arrêtait pas de dire « encore une cousine de Papyyyy ? ».

Du côté paternel, il n’avait qu’un cousin, fils du frère ainé du prisonnier, qui avait 6 ans de plus que lui (le cousin, il faut toujours tout préciser, sinon on est vite incompris, ce qui n’est pas étonnant vu que parfois on se trompe nous-mêmes).

Autant j’adorais mon grand-oncle qui ressemblait trop à mon grand-père adoré, autant j’ai toujours été un peu réticente concernant sa femme (comme tout le reste de la famille d’ailleurs, il y a des trucs qui ne s’expliquent pas). Elle avait je ne sais quoi de trop guindé, de trop m’as-tu vu et surtout une voix à souhaiter être sourd… Comme elle l’était (sourde) elle criait très fort, ce qui rajoutait au non confort…

Mon arrière grand-mère vivait avec son fils ainé et sa bru. J’aimais beaucoup mon arrière grand-mère que l’on appelait « mémé Dabra » (il a fallu sa mort et un certificat de décès pour découvrir son prénom), mais force est de devoir reconnaitre que dans la série « furoncle« , elle se posait là.

Un exemple très marquant : à la naissance de son premier petit fils, pour une raison que nous ignorons et ignorerons donc toujours, c’est elle qui est allé déclarer l’enfant à la mairie. Les parents voulaient l’appeler Marc, mais comme ce prénom ne lui convenait pas, elle en a choisi et imposé un autre.

C’est celui-là qui servira, comme une revanche, sur mon blog.

Ma belle-mère m’aurait fait un coup pareil, je vous écrirais du fond d’une geôle, ayant été condamnée à perpétuité pour meurtre aggravé… (préméditation, passage à l’acte pour donner la mort en ayant vraiment l’intention de la donner, avec barbarie, et j’en passe…). Pulchérie aurait été élevée par son père et Delphine ne serait jamais née…

Ou bien Pulchérie aurait atterri chez mes parents, parce que je ne pense pas qu’Albert m’aurait laissée commettre mon forfait toute seule dans ce cas précis…

Faut être con aussi, ils n’avaient qu’à appeler leur fils comme bon le leur semblait. Le prénom d’usage est autorisé en France… Mais la grand-mère en avait décidé autrement, et il fallait bien la boucler à ce sujet.

Le grand oncle François était un brave homme qui vivait donc entre sa mère et sa femme et leurs querelles de ménage fréquentes, en la bouclant.

J’ai toujours admiré les femmes qui arrivent à la faire boucler à leurs fils, pères, maris, et j’en passe encore. Finalement j’aurais peut-être dû prendre l’option « furoncle« , cela leur réussit souvent… Finalement, le surnom on s’en fout…

D’un autre côté la grand-tante Yéyette trouvait bien pratique d’avoir chez elle sa belle-mère qui faisait bonne d’enfant, cuisinière et femme de ménage, ce qui lui a permis de se faire une très bonne situation à ce qui s’appelait encore « la Sequanaise » (plus connue maintenant comme UAP)  (où le prisonnier a fait sa carrière lui aussi…) terminant sa carrière comme chef de service (comme le prisonnier).

L’accouchement s’était mal passé, terminé par un forceps qui avait amoché le môme, en ce qui concerne la mère on n’en parle même pas, elle ne pouvait plus avoir d’enfant, car vu le massacre, un chirurgien compatissant lui avait tout retiré, ce qui ne l’avait pas spécialement aigrie, car de toutes manières, elle ne voulait pas plus d’enfant que ça (précision importante sur le fait qu’elle soit aigrie), Marc étant un accident de 1932 où la contraception n’existait quasiment pas…

Là commence l’histoire qui s’appelle depuis longtemps « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Car un nouveau médecin, aux 3 ans de Marc, déclara qu’il était très possible avec une rééducation poussée, mais difficile, de lui donner un usage normal de sa jambe gauche et de son bras gauche, atrophiés car il ne pouvait pas s’en servir, la zone du cerveau touchée par le forceps commandant ces deux membres. Ou alors on nous aurait menti et il y avait autre chose, là encore on ne saura jamais.

Le médecin spécialiste déclara que l’on pouvait mobiliser d’autres zones du cerveau avec la rééducation. Le paterning n’était pas encore inventé, mais cela viendrait, cela débutait doucement…

Mais les deux femmes, pour une fois d’accord, décrétèrent que non, que ce serait trop dur pour ce pauvre petit, et la rééducation (trop difficile pour ce pauvre innocent)  fut rapidement arrêtée. On changea de médecin.

Et pendant ce temps là à Caracas l’oncle la bouclait toujours… Avoir un fils handicapé ne devait pas particulièrement le déranger. Le prisonnier haussa les épaules et déménagea à Versailles, au cas sans doute où sa mère déciderait de venir s’installer chez lui un beau jour…

L’enfant pourri gâté et surprotégé  fut embauché un beau jour dans la société de sa mère et de son oncle, et y fit une belle carrière.

Comme il était handicapé, il vivait toujours chez ses parents, ne dépensant pas un radis, amassant ses salaires, sans jamais contribuer ne serait-ce qu’à son propre entretien.

La tante Yéyette jusqu’à sa mort, aimait décrire à son beau-frère et sa belle soeur, puis à sa seule belle-soeur le patrimoine de Marc qui ne faisait que s’arrondir, sans jamais voir que son fils était d’une radinerie anormale. Ni que le fait d’avoir toujours été adulé et couvé, ne lui avait pas forgé un caractère particulièrement agréable…

Il faut chercher l’origine du mot « aimable »  pour lui donner tout son sens…

Depuis que mon grand-oncle et ma grand-tante étaient à la retraite, ils s’étaient installés non loin d’Epernon dans leur maison de campagne, et nous allions régulièrement les voir, une fois par trimestre. Eux-même, le jour du marché de Rambouillet, passaient souvent nous faire un petit coucou le samedi à l’heure de l’apéro. C’était la famille et cela se passait plutôt bien. Nous étions invités chez eux et vice et versa.

Depuis que j’étais petite, j’adorais d’ailleurs, quand nous étions invités chez eux, à Saint Denis puis à Epernon, car même après la mort de l’arrière grand-mère, il y avait toujours au moins 7 desserts. C’était la première chose que l’on nous montrait à nous les gosses : la table cachée recouverte de desserts.

La tante Yéyette n’avait pas que des défauts : elle était fine cuisinière, savait recevoir et se montrer agréable de temps à autres.

Je jouais beaucoup avec une petite nièce de la tante Yéyette, surnommée Sissi.

La tante Yéyette avait en effet un neveu de sa soeur, et ne cachait d’ailleurs pas que si Marc venait à mourir sans héritier, ce serait son neveu qui aurait TOUT. Cela ne nous choquait pas particulièrement, car ils étaient tous trois beaucoup plus proches de la famille de Yéyette que de celle de François (le prisonnier allait voir sa mère, puis, après sa mort, son frère, en douce, c’est dire tout de même en quelle estime il tenait sa belle soeur, et son neveu…).

Puis le grand-oncle nous quitta. Ce fut la première fêlure. C’est par le cousin de l’autre côté, que papa appris que son oncle était mourant, et il en voulu à sa tante et son cousin de ne même pas lui avoir appris qu’il était gravement malade, et que cela avait galopé. Il vit donc son grand-oncle dans de pénibles circonstances, deux jours seulement avant son décès.

Un homme qui n’était que douleurs et souffrances (cancer des os) à qui on refusait de la morphine pour ne pas qu’il en devienne accroc (alors qu’il était en fin de vie…) . Papa rentra ce jour là en refusant de dîner et en nous faisant jurer qu’on ne lui ferait pas cela et je ne sais pas ce que nous avons signé (moi surtout, car j’avais le malheur d’être présente) : peut-être de l’achever avec un fusil de chasse, et en garda rancune à son cousin, pouvant encore excuser sa tante de ne pas avoir pensé à avertir tout le monde.

Le jour de l’enterrement, il était sombre, songeant à la dernière vision qu’il avait eue de son oncle : de la souffrance, de la souffrance, encore de la souffrance, et toujours de la souffrance. Comment était-ce possible ? Son oncle réclamait la mort et ne l’avait même pas reconnu.

Puis la grand-tante 15 ans plus tard, parti à son tour, dans des circonstances un peu douteuses (son neveu soupçonnant qu’il y avait maltraitance sur elle, mais ne faisant rien, et n’en parlant qu’après), et là, la fracture a eu lieu.

Jean-Poirotte qui ne s’était jamais entendu plus que ça avec ce cousin là, de 6 ans son aîné et peu aimable, avait tout de même à coeur de lui téléphoner deux fois par an, quand il en avait marre d’entendre Mrs Bibelot lui dire « tu pourrais prendre des nouvelles de ton cousin tout de même ». Inutile de préciser lequel, avec les cousins de l’autre côté, le lien ne s’était jamais rompu…

Puis à une période de vaches maigres pour lui, en plaisantant, il déclara à Marc « tu pourrais m’appeler toi aussi de temps à autres, ou passer nous voir », et l’autre, plein aux as, rétorqua que ce n’était pas possible, car le téléphone et l’essence, c’était la ruine…

Papa avait raccroché en disant des mots que la décence m’empêche de répéter, assortis d’un « et bien qu’il ne compte pas sur moi pour le rappeler un jour ! ». Personne ne moufta et jai expliqué aux filles, la généalogie de la famille pendant que leur grand-père fumait de la tête…

Dans l’épisode 2 vous comprendrez pourquoi je regrette de temps à autres, de ne pas avoir choisi l’option « furoncle ».

La vie n’est qu’un long calvaire…