Eric, le petit ange blond… (FIN)

Ange blond Le temps s’est mis à galoper. J’avais des nouvelles d’Eric de temps à autres, toujours bonnes, d’après la soeur de Mrs Voisineck avec les commentaires de l’oncle qui allaient avec. Et puis l’adolescence arriva et je n’allais plus voir les voisins que rarement. J’avais meilleure amie, j’étais amoureuse, les Voisineck s’entendaient de moins en moins bien,  Marc et Dany ne venaient plus.

Et puis j’ai rencontré Albert, et puis… j’étais enceinte de Pulchérie quand Mr Voisineck vint me trouver un dimanche de septembre chez mon grand-père.

  • « Coraline, nous avons une visite, c’est une surprise, si tu pouvais passer cet après-midi…

Intriguée, j’acceptais, alors qu’Albert qui connaissait très peu les Voisineck et en était jaloux, persuadé qu’un jour j’avais eu une idylle avec Marc, tirait la tronche (comme s’il avait été puceau quand je l’avait rencontré, et je n’avais jamais eu aucune idylle avec Marc). Il m’accompagna pour être certain que le dénommé Marc n’allait pas me violer (alors que j’étais enceinte de 6 mois).

Marc n’était pas là, mais il y avait une femme qui ressemblait à Mrs Voisineck d’une manière frappante, et un grand jeune homme, blond, baraqué, avec des yeux si  bleus qu’il était dommage qu’il n’en ait que deux…

Eric. Son père tel que je m’en souvenais, mais en plus jeune.

J’avais 23 ans, si mes calculs étaient justes, il en avait 18.

Je connaissais sa triste histoire. Ses parents étaient morts dans un accident de voiture alors qu’il avait 13ans, et seule la soeur de Mrs Voisineck qui n’avait jamais épousé de texan, avait accepté de le recueillir, aucun suédois de sa famille paternelle n’ayant voulu de lui. Il vivait donc en France depuis 5 ans, et avait voulu revenir ici, où il avait passé, d’après lui, les meilleures vacances de sa courte vie.

Je ne lui rappelais que peu : normal, entre 8 et 23 ans, on change beaucoup. Mais à mon prénom « c’est Coraline », il se mit à fredonner et j’ai reçu comme un coup dans ma mémoire de ce que j’avais su longtemps et avait oublié… Et j’ai pu fredonner avec lui quelques paroles…

Il disait ne se souvenir de rien, mais ses pas le menaient toujours à l’endroit où nous le faisions jouer, et il évitait la pelouse (toujours taillée aux ciseaux à ongles) et surtout les rosiers. En lui jouait le « déjà vu ».

Son histoire n’avait rien d’amusant. Son passage en Australie ? Il en gardait un souvenir affreux. Refusé et renvoyé de toutes les écoles, il se souvenait de précepteurs changeant tout le temps, et surtout du fait qu’il n’avait aucun ami. Personne ne voulait le recevoir, aucun enfant n’était reçu chez lui. Tout lui était par contre permis… Sauf finalement de vivre une vie normale de petit garçon, il en était conscient.

Et puis à 8 ans le retour en Suède avec du mal à se remettre au suédois. Là encore, du rejet partout, y compris dans sa famille.

  • « La grand-mère Fersen ne voulait pas entendre parler de me recevoir avec mes cousins… ».
  • « A l’école c’était infernal, on me traitait comme un maudit, impossible de m’exprimer en me roulant par terre et en hurlant. « j’y ai été très malheureux ».

Et puis la mort des parents, alors qu’il avait 13ans, et personne ne voulant de lui « incontrôlable, intraitable, invivable ». Invité aux conseils de famille, il se découvrait subitement…

Et cette tante française l’acceptant au bout du compte. Une gifle alors qu’il croyait se tenir normalement. Des brimades intolérables pour lui pour l’éduquer. Mais il était désormais depuis 5 ans, heureux de vivre avec elle. Il était brillant, rentrait à math sup…

Eric, l’ange blond, toujours si parfait avec ses parents…

  • « Putain, dit-il d’un seul coup, vous avez dû en baver à me garder, vu comme j’ai été élevé…
  • « UN PEU concéda Mr Voisneck dont les rosiers survivaient toujours
  • « Maman m’a dit peu avant sa mort que si elle et mon père n’avaient pas eu d’autres enfants, c’était un peu à cause de moi…

Quel poids à faire porter à un enfant ! Regards consternés entre les deux soeurs. Mrs Voisineck croyait dur comme fer que l’absence d’autres enfants était le résultat d’une stérilité inexpliquée, probablement due à une infection post-partum suivant la naissance d’Eric. Il était trop tard pour s’expliquer avec l’absente…

La « tutrice » d’Eric baissa les yeux.

  • « Elle n’a jamais voulu te le dire vu ce qu’il s’était passé pendant le séjour d’Eric ici. Elle n’a jamais été stérile. Elle s’est faite avorter deux fois. Elle avait peur de revivre le cauchemar d’élever un enfant comme lui… Eric le sait, et il s’en veut énormément…

Et là, l’oncle eut la poitrine qui se souleva comme un soufflet qui vient d’être réparé.

  • « Viens avec moi mon garçon, je vais te faire voir les fameux rosiers »…

Eric revint, rassuré par le discours que lui avait tenu son oncle. Ce n’était pas de sa faute, c’était de la faute d’une éducation mal menée. Il se souvenait hurlant, et se roulant par terre partout, parce qu’il avait ce qu’il voulait  quand il le faisait avec ses parents. Il n’avait pas compris que le faire ailleurs le mettait hors la loi… Enfin si il l’avait compris, mais tardivement, en affrontant sa tante.

  • « Ils pensaient bien faire…
  • « Oui, concéda l’oncle, ils voulaient le meilleur pour toi. Sans savoir que ce n’était pas le meilleur….
  • « J’ai su après sa mort que papa et ses frères et soeurs avaient été maltraités réellement dans leur enfance, tu crois que cela venait de cela ?
  • « Certainement… (c’était certain, la grand-mère Fersen suite à certaine nouvelles lois avait porté plainte contre son mari qui était désormais en prison).
  • « Je suis content de savoir qu’ils ne voulaient que mon bien. Je suis heureux maintenant avec tatie…
  • « Tu  peux venir quand tu veux mon garçon… Tu te souviens ou pas de Coraline ? Parce qu’elle vit sa vie maintenant, et a même oublié tes comptines suédoises….
  • « Vaguement… Elle était gentille et elle chantait  bien. Je ne peux pas dire que je la reconnais, mais elle me semble familière. Je me souviens plus des méchants que des gentils maintenant… » (les méchants étant ceux le rejetant, mais pas l’oncle lui donnant la première fessée de sa vie).

Quand ils revinrent de leur tour de rosiers, Albert lui, avait tout pour me faire une scène le soir.

  • On lui avait fait boire du thé (le crime impardonnable)
  • Mrs Voisineck, toujours franche lui avait révélé que le père d’Eric (son opposé, même en taille (Albert par rapport à Eric ne mesurait QU’UN m76)), avait été mon modèle. Albert n’ayant rien d’un viking fit donc la tronche
  • Eric m’avait brièvement embrassée sur la bouche (coutume slave OK, mais suédoise ?) en me disant « merci et à jamais » (ce que j’avais trouvé charmant en lieu et place du « à + »).

Blanc de rage, Albert rentra à la maison en me demandant des comptes. Enceinte de 6 mois j’ai pu en toute mauvaise foi, lui annoncer « une contraction  toutes les 20 mn, d’avoir revu Eric, cela m’a donné l’envie d’avorter. Et si on avait le même ? »

Ce qui a calmé Albert net, permit à Pulchérie de voir le jour et d’être élevée, puis après sa soeur également, sans laisser aller aucun…

Aux dernières nouvelles, il y a 15 ans, car depuis les Voisineck ont quitté le village, Eric était chercheur au CNRS et le père de 3 enfants menés à la baguette parce que pour ce qui concerne l’enfant qui s’éduque tout seul, Eric n’a jamais admis cette théorie STUPIDE.

Cela vient peut-être du coup  des rosiers…

Ou de la vie qui n’est qu’un long calvaire….

Ou de l’enfer qui est pavé de….

Et je crains fort pour lui qu’il ne se retrouve un jour face à des petits-enfants qu’ON lui confiera en lui donnant la consigne « ils font ce qu’ils veulent, ils s’éduqueront bien tout seul ». Parce que cela est un peu à la mode maintenant… (je précise que j’écris cela sous fond sonore d’Elliot de l’autre côté du pallier, qui hurle, probablement en se roulant par terre, comme tous les jours…)

Sinon pour les parents n’ayant pas d’autres enfants, rapport à ERIC :

L’éducation à la Eric : la vraie solution contre la surpopulation mondiale dont nous allons tous crever un jour…