LA peur de ma vie, et de la sienne…

Dimanche mi septembre, ma Delphine est venue me voir avec Gendre n° 2. Au départ c’était prévu la semaine précédente, mais une crève de fin d’été, l’avait clouée au lit.

Le dimanche soir n’est pas la meilleure soirée de la semaine pour moi, comme pour beaucoup. Quand en plus j’ai vu une des filles ou les deux, c’est un peu difficile et elle le sait très bien. Après avoir repoussé le départ d’une heure, elle m’avait fait promettre de ne pas cafarder, d’écrire un peu, de me détendre et de m’occuper de moi. Delphine est très attentive à sa vieille mère et ne lui fait jamais la morale.

J’ai donc véhiculé mes deux jeunes vers la gare, et j’en suis partie avec un petit gros coeur tout de même, les bons moments passent toujours trop vite.

3 enfants jouant sur le trottoir de droite. C’est un réflexe, mais quand je vois des enfants sur le trottoir (même avec leurs parents), je lève le pied, c’est systématique, et idem d’ailleurs quand il y a un chat ou un chien non tenu en laisse.

Dieu bénisse l’amérique soit loué de ce réflexe de lever le pied qui a fait klaxonner l’autre voiture derrière. A combien étais-je ? Largement en dessous de la vitesse limite. Et tout à coup, un petit bonhomme, maximum 3 ans, qui jaillit de je ne sais où, dissimulé par une voiture garée sur le bas côté, qui se précipite devant moi, qui veut traverser la route en courant.

J’écrase le frein, un miracle que l’autre derrière ne me rentre pas dedans, tellement j’ai pilé sec. Je n’ai rien entendu. Je ne l’ai pas touché. Pourvu que ma certitude soit juste… Il est trop petit, je ne le vois pas, maudites soient ces voitures trop hautes désormais. Je descend flageolante, alors qu’un monsieur promenant son chien gentiment, me fait un signe rassurant de la main et me crie « tout va bien madame ».

Le petit garçon est bien debout à 10 cm de mon capot, il a eu la peur de sa vie lui aussi. Au moment où il traversait en courant, il a vu une grosse voiture s’arrêter devant lui en faisant du bruit, car machinalement, j’ai appuyé aussi sur le klaxon.

Le père sort de la maison, le gosse hurle, sanglote, la mère m’invective de l’étage. Le père me regarde d’un sale oeil alors que je tiens à peine sur mes jambes et le monsieur au chien et puis un autre témoin sorti soudain de sa maison avec sa femme, calment le papa rapidement. L’enfant n’a rien, je roulais vraiment doucement, et j’ai freiné comme il le fallait, A 10 cm du gosse… qui n’a donc pas été touché. Ce dernier explique et hurle toujours :

– « A traversé papa, a traversé et puis… Pardon papa, a traversé… A traversé « .

Et son père de lui dire, lui redire sans doute, qu’on ne traverse pas la rue comme ça sans regarder. Que la grosse voiture aurait pu l’écraser et le transformer en purée. Le monsieur au chien écoute le père et l’autre témoin et sa femme se préoccupent de moi. Je dois être livide. Mon coeur bat la chamade, l’adrénaline m’imprègne jusqu’à la pointe des cheveux. Le conducteur de la voiture derrière est descendu et s’excuse : il n’avait pas vu les enfants et donc pas compris pourquoi je roulais si doucement avant de piler. Et je ne sais que dire, comme une andouille :

– « Ce n’est pas ma faute, je roulais doucement, je roulais doucement ». Je revis mon réflexe coup de frein, et le gosse que je ne voyais plus…

Les autres témoins me rassurent. Ils ont tout vu de leur perron et ont eu aussi très peur. Le gosse a jaillit comme une fusée alors que je ne pouvais pas le voir et le prévoir, je ne l’ai pas touché. La femme me propose un cognac pour me remonter, non ce n’est pas une bonne idée, un thé alors. Je tremble. L’adrénaline que l’on ne brûle pas, c’est terrible. Rien du tout. Juste retrouver mes jambes, rentrer chez moi, pleurer un bon coup, et bonjour le dimanche soir…

Le père du gosse qui hurle toujours sa peur d’avoir traversé (enfin en partie), vient à son tour me voir, et me rassure : l’enfant a juste eu peur, tant mieux, il fera désormais attention (cause toujours).

Et c’est là que le monsieur au chien, grand père très probablement et même arrière grand père, demande au père du petit ce qu’un enfant de cet âge là, fait à jouer sur le trottoir de la rue de la gare, forcément passante ? C’est une bonne question et je suis contente qu’il la pose. Moi j’ai les neurones en vrac.

Et c’est là que le monsieur au chien, incendie le père : quelle conscience du danger a un enfant avant un âge avancé ? Et si la dame lui était rentrée dedans, elle n’avait plus qu’à s’ouvrir les veines, alors qu’elle roulait doucement, qu’il est témoin, que l’enfant était imprévisible, et invisible car trop petit et donc dissimulé par la voiture garée..

Et c’est là que le monsieur au chien, rappelle que j’aurais été considérée 100 % responsable, alors qu’un môme de 3 ans maximum, n’a rien à faire à jouer dans la rue, alors que les parents ont un grand jardin.

Et c’est là que d’autres parents sont sortis appeler les gosses qui jouaient sur le trottoir. Au plus vieux, 5 ans maximum… Tous habitant des pavillons avec cours et jardin…

J’ai pu repartir, au pas, toujours tremblante. En me posant LA question sur la vitesse et le temps de freinage… Cela s’est joué à combien ?

Combien a-t-il fallu pour que je ne sois pas inculpée pour homicide involontaire, malgré les témoins ?

Et vous les parents, vous savez quel risque cela représente de laisser votre gosse jouer dans la rue, sur le trottoir ? Jusqu’à un âge avancé le gosse partira derrière son ballon, sa balle, ou aura une urgence à vous dire. Sa vision n’est pas celle d’un adulte, son champ visuel n’est pas le nôtre, son sens de la distance et du danger non plus. On peut leur seriner ce que l’on veut, c’est oublié dans l’urgence du jeu. Mon neveu de 10 ans a ainsi été pris en flagrant délit d’imprudence grave en vélo, malgré toutes les recommandations parentales…

Et tout le monde ne roule pas comme moi, à 20 à l’heure maxi, quand il y a des gosses sur le trottoir.

Vos gosses n’ont pas à jouer sur le trottoir. Les gosses c’est dans la mine, à pousser le wagon. Farpaitement. Parce que le tranxène pour écluser le traumatisme, c’était pour moi… A mon avis, les parents ont très bien dormi le soir…