Nous les femmes, en enquête… (2)

Espionne_2_200386207_001_copierAlbert ayant interrogé habilement ses filles, su donc que mon grand père m’avait refilé du plein de fric pour payer un détective privé (explication pour lui du « il y a un monsieur qui te suit partout »). J’imagine encore sa tronche. C’était crédible en plus parce que mon grand père avait de l’argent. Donc Albert y a cru.

Il m’annonça un beau jour qu’il ne pourrait plus prendre les filles le mercredi, car il déménageait. Resta secret sur son nouveau domicile, comme si Pulchérie et Delphine n’étaient pas capables de reconnaître le lieu, non loin de chez leurs grands parents ou d’estimer la distance (« quand c’est qu’on arrive ? » au bout de 5 km)… Comme si Pulchérie au pire, n’était pas capable de lire un nom de ville… (Delphine était encore à la maternelle, je précise, donc ne savait pas lire elle !)

J’avais fort heureusement en bonne espionne mon réseau d’indics. Les grands parents maternels d’Albert en premier lieu qui lui en voulaient à mort de m’avoir larguée et détestaient leur gendre, ce qui nous faisait un sujet de discussion interminable (car je détestais mon beau père pour ceux qui débarquent). + un ami d’Albert qui restait en contact en répétant tout à sa femme qui me répétait tout à moi sans le dire à son mari : ça c’est une copine. En plus elle n’avait pas son pareil pour espionner les conversations téléphoniques de son mari (+ lui faire les poches, et j’en passe).

En ++ ce couple était en relation avec certains qui ne voulaient plus voir Albert, ne s’étant pas remis de l’avoir vu débarquer avec une autre que moi sans avoir prévenu, qui me répétaient également tout.

La grand mère d’Albert, je l’adorais vraiment. C’était une femme d’une gentillesse extraordinaire et j’arrivais à tout lui faire dire, surtout au téléphone.

J’appris donc par elle, en faisant mine de ne pas vouloir savoir (très important), (« Albert ? Bof ») que l’autre pétasse de Coraline avait ouvert un salon de coiffure à Langeais, qu’elle et Albert habitaient au dessus un vieil appartement classé par les monuments historiques, et que l’autre Coraline en avait ras le chèche de voir débarquer le furoncle tous les matins pour un coup de peigne (et surtout trier les sous vêtements…). Sur ce coup là je n’étais même pas compatissante (bien fait !). J’ai décidé de louer mon minitel à moi pour ne plus déranger ma belle soeur à 22 H 45, et j’ai bien évidemment trouvé le salon de coiffure (en plus Langeais, ce n’est pas Paris).

Là j’avais juste envie de pourrir la vie d’Albert qui commençait à me courir sur le haricot, le divorce trainant pas sa faute.

Les filles restaient discrètes sauf sur quelques bribes de conversations glanées ça et là, prouvant de plus en plus s’il en était besoin que l’autre Coraline avait mis le paquet pour me piquer Albert. En fait j’ai compris après, concernant la nouvelle habitation, qu’Albert prenait des routes pas possibles pour qu’elles ne comprennent pas réellement où elles étaient, ayant la diabolique faculté de s’endormir au bout de 15 minutes.

Comment bouffer de l’essence en maudissant sa future ex femme en surveillant le rétroviseur pour vérifier la présence ou non d’un détective suiveur… (hi hi hi !) et en roulant au moins 20 minutes alors que 5 suffisaient largement lorsqu’il revenait de chez ses parents…

Là encore j’attends mon heure. J’apprends un beau jour aux innocentes  (rhooo la mauvaise mère), que je suis allée faire une excursion en Touraine avec ma copine Sophaline (mise dans la confidence pour ne jamais dire devant mes filles « la Touraine connait pas »), alors qu’elles étaient en vacances 8 jours avec uniquement leur père. Que Sophaline avait besoin d’une permanente de manière urgente (ce qui ne les a  pas étonnées). Nous nous sommes donc arrêtées dans un salon de coiffure comme ci, comme ça, à côté d’un château comme ci, comme ça, que j’ai visité pendant qu’elle allait se faire friser…

  • Le regard des innocentes s’illumine : mais c’est chez Coraline !
  • Je sais mes chéries
  • Grâce au monsieur qui suit papa partout ? C’est à Langeais hein ? (ne jamais prendre les enfants pour des cons)
  • Oui mes chéries ! En tous cas elle a loupé Sophaline, elle lui a brûlé les cheveux ! Sinon elle lui en a raconté des choses, c’est bavard une coiffeuse… Moi je ne suis pas rentrée, bien sûr, elle aurait pu me reconnaître puisqu’il y a des photos de moi chez vos arrières grands parents…
  • Ah bon, elle lui a brûlé les cheveux ? On peut le dire à papa ? (je précise que les filles n’ont jamais été fans de leur belle-mère qui était plus qu’infecte avec elles et qu’elles la détestaient même carrément. Donc aucun scrupule à parler mal d’elle…)
  • Si vous voulez le dire à papa vous faites comme vous voulez. Mais ne lui dites pas que nous sommes allées là parce qu’on savait par le monsieur qui le suit partout que c’était le salon de coiffure de Coraline et surtout ne lui dites pas que je sais qu’ils habitent au dessus tous les deux.

Message bien reçu. Le divorce tournait à bloc et Albert partait dormir chez ses parents chaque soir passé 20 H pour éviter un constat d’adultère (ça je l’ai su par la grand-mère et j’ai trop rigolé sur ce coup là, sans lui avouer que le constat d’adultère, c’était surtout dans les films d’une certaine époque, elle aurait pu le répéter et lui dormir au domicile extra-conjugal en toute quiétude).

C’est bête, je le reconnais, mais j’ai bien rigolé pendant toute la procédure (9 mois à dormir chez ses parents chaque nuit, pauvre chou !).

Je sais, je suis une garce immonde. Je sais pour les filles…  mais comme elles répétaient tout, autant qu’elles répètent de l’utile (et de l’agréable) pour moi…

Et puis bon, se rappeler qu’à cette époque glorieuse mes petites vengeances mesquines m’empêchaient de sombrer définitivement dans le trou noir du chagrin… Ce n’était pas de l’espionnage à proprement parler (sauf par téléphone, quelles ruses ai-je dû déployer avec certains) mais une opération intox parfaitement réussie !

Mais bien sûr ce n’est pas terminé, car à l’époque j’avais une bande de copines qui avaient toutes des vies sentimentales tumultueuse…

Nous les femmes, en enquête… (1)

Espionne_1_200556821_001_copierLà je suis tellement énervée par plein de trucs que je réédite.

D’ailleurs ce sont les ouacances (dans ma zone et c’est comme ça et ce n’est pas moi qui décide des zones…), et je l’ai toujours dit ! pendant les vacances, c’est réédition…

Il y a un fait établi qui me surprend toujours : c’est que les enquêteurs ne soient pas plus féminins que masculins.

Farpaitement. J’ai testé. Vous mettez 3 ou 4 copines ensembles pour enquêter sur le traitre, l’adultère, le menteur ou l’escroc : c’est simple, il est cuit, à plus ou moins brève échéance. Déjà qu’une femme seule est redoutable…

Un exemple comme ça, au hasard. Je savais qu’Albert avait une nana. Ben oui, les filles étaient revenues innocemment de WE en me signalant que « papa était avec une copine« . Tu parles que je la voyais bien la copine, qui, comble de l’indécence s’appelait comme moi (je suis donc résolument contre l’analyse du caractère d’après le prénom, mon horrible ex belle soeur s’appelant également comme moi (une amie à moi aussi d’ailleurs qui n’a rien d’horrible, comme quoi cette analyse est de la daube, mais je m’égare tout en le pensant fortement…).

Bref il me fallait savoir qui était cette salope femme, car j’avais des indices précis sur le fait qu’elle ait été à l’origine de la séparation (grâce à la copine qui vous raconte de supers trucs mais là faut trois plombes pour préciser le contexte).

Je voulais juste faire chier Albert et j’ai parfaitement réussi (ah mais !).

Attention, le plan mérite d’être détaillé et remis dans son contexte. 1989 : pas de téléphone portable, pas d’internet, juste un minitel (que je n’avais pas) et un des tous premiers téléphones sans fil qui fonctionnait quand ça lui chantait.

Les filles ont interdiction formelle de révéler l’histoire à leur père sous peine d’être définitivement déshéritées (je PEUX faire Raymond et Huguette à moi toute seule !)

Marrez-vous donc.

  • Albert prenait au début de notre séparation juste après son départ ses filles chaque mercredi après-midi pour me les ramener à 17 H pétantes.

  • Le mercredi suivant la révélation de la copine, je décide d’aller faire des courses et de rentrer en retard. Oui. Parce que si je suis bien en retard, il va fatalement appeler l’autre pour lui indiquer qu’il sera en retard également (CQFD, ne cherchez pas les mecs c’est un raisonnement de femme, mais qui fonctionne toujours).

  • Je débranche le téléphone normal (qui ne mémorise pas le dernier appel) que je planque dans la réserve à bois, pour ne laisser en évidence que le sans fil qui lui mémorise le dernier appel.

  • Je rentre avec 1 H 1/2 de retard. Albert est furieux.

  • Dès qu’il est parti en glissant tel un prout sur une toile cirée, je demande aux filles s’il a téléphoné. Réponse positive. Il a appelé quelqu’un pour dire que l’emmerdeuse était en retard et qu’il fallait reporter la séance ciné.

  • L’emmerdeuse remet en service le téléphone normal et va rebrancher l’autre ailleurs. Là, le gag. Peur que le n° ne se perde : il faut enregistrer le n° effectué. Hors il ne s’affiche pas, à l’époque ce n’était pas prévu. Je mets en route mon enregistreur de cassettes tatie c’est quoi une cassette ? et je fais bis.

  • L’enregistreur enregistre le n° en train de se composer. Soit une série de bips. Je raccroche avant que la communication ne se déclenche. 10 fois de suite.

  • Ma soeur rentre. On fait dîner les filles, on les couche après leur avoir fait prendre du sirop maillet, et nous voici en train d’écouter l’enregistrement et de compter les bips. Oui, pour un 3 cela faisait bip bip bip, pour un 7 bip bip bip bip bip bip bip, etc… C’était ultra rapide, je ne sais pas combien de fois nous avons écouté les bips en n’étant pas d’accords « c’est un 3 ? » « non moi j’entends 4 bips ».

  • N° dûment noté à 22 H après 1 H 30 à écouter les bips et les compter

  • J’ai donc un numéro et un prénom. C’est vague. Je sais que la copine est coiffeuse. Sans savoir où. Je pense qu’Albert aurait bien aimé que j’appelle tous les salons du secteur en demandant Coraline. Manque de bol, le n° noté correspond à Paris et j’appelle ma belle soeur, la première femme de mon frère, celle qui un jour s’est planquée dans un placard. Elle a un minitel. A elle de chercher un salon de coiffure qui corresponde au numéro.

  • Elle rappelle à 23 H 45 : ça y’est, elle a le nom du salon, celui de sa gérante et propriétaire (dont le prénom est bien similaire au mien), l’adresse et tout. On peut aller péter la gueule à cette salope qui habite juste à côté du père Lachaise et jeter le cadavre par dessus le mur.

  • Je garde sous le coude le nom et le numéro de téléphone et je vais me coucher toute contente, ma soeur aussi (il ne nous faut pas grand chose)

  • Je décide d’attendre mon heure…

Donc j’attends, pour une femme c’est un principe de base, on devrait nous l’apprendre dès la maternelle. Fatalement Albert va faire un pas de travers. Ce qu’il ne manque pas de faire un samedi de début juin où il vient chercher sa progéniture et part en oubliant les robes. Petites robes indispensables pour une fête de famille.

Je décroche donc mon téléphone, pensant qu’il repartait de chez moi pour aller récupérer sa belle, et j’appelle chez elle…

  • Oui bonjour, excusez moi de vous déranger (quelle hypocrite !!!) je suis la femme d’Albert et il y a un problème

  • Il a oublié les toilettes de ses filles et comme je pense qu’en revenant de Paris il va repasser devant chez nous (enfin à 500 mètres), il faudrait qu’il s’arrête pour prendre les petites robes, elles vont être malheureuses sans…

  • Vous êtes la femme d’Albert ?

  • Ouiiiiiiiii !

  • Mais il ne repasse pas me chercher (je vais tout savoir) et d’ailleurs comment avez-vous…

  • Merci de faire la commission (et raccrochage sauvage).

Retour d’Albert le dimanche soir, ramenant sa progéniture, la bave aux lèvres.

  • J’exige tu m’entends, j’exige que tu me dise comment tu as su qui elle était et son numéro de téléphone !

  • Moi tout sourire : tu exige ce que tu veux, mais tu ne sauras RIEN tu m’entends ? RIEN (tout en pensant « pauvre con, tu ne connais pas les femmes »)

Claquement de porte. Les filles redescendent après avoir faussement fait semblant de se coucher. Ma soeur est morte de rire sur le canapé.

  • Maman, comment tu as su ? Ils n’ont parlé que de ça hier soir et dans la voiture ce soir !

  • Mes chéries (que je vous explique…) je paye tout simplement un monsieur qui suit votre père partout. C’est votre arrière grand père qui m’a donné les sous… C’est comme cela que j’ai su qui c’était… (oh la menteuse !)

Message reçu et transmis (c’était fait pour), je ne vous raconte pas les ruses d’Albert par la suite (se croyant suivi), et le résultat du détective privé aux trousses du coupable… Mais siiiiiii, je vous raconterai comment qu’un commando de copines peut battre les RG…

La vie n’est pas toujours un long calvaire : parfois on se marre bien…

Et sinon pour tous les problèmes qui m’occupent, la vie n’est qu’un long calvaire…