Essuies glaces, chauffage voiture et briquet égaré…

scene-de-menage1Quand nous partons à la Grande Motte qui est un long trajet, papa me cède volontiers le volant, mais pour les petits trajets c’est sa voiture et point barre.

Le jour de la St Patrick (dimanche donc) nous allions déjeuner chez tatie chérie, et j’aime bien de temps à autres, me faire véhiculer, en profitant, à l’arrière, des intéressantes conversations de mes parents à l’avant.

Dont je ne risque pas de louper une miette, en me gardant bien d’intervenir, parce qu’ils sont durs d’oreilles tous les deux, surtout maman, et que donc, ils ont pris l’habitude de hausser le ton.

Quand on le fait machinalement, devant eux, ils croient utiles de préciser « pas la peine de crier comme ça, nous ne sommes pas sourds » (et moi je suis le pape et j’attends ma soeur…).

Depuis 25 ans que maman s’est décidée à prendre le volant, ayant passé le reste de sa vie à se faire véhiculer, avec permis passé à 18 ans, elle n’a pas perdu la bonne habitude de donner des conseils à mon père.

Avec moi, elle ne le fait jamais, car en cas de conseils, je lui demande de me rappeler ma date et heure de naissance, ce qui calme tout de suite le jeu, d’autant que pour poser ces questions je lève volontairement le pied jusqu’à arriver à 30 à l’heure (dans une zone à 70) et qu’elle comprend finement qu’elle me gonfle, sans avoir envie de prendre le volant.

Cela commence avec le chauffage ou la clim :

  • Tu pourrais mettre le chauffage plus fort, je suis gelée.
  • Tu pourrais mettre la clim plus fort, je suis en nage.
  • J’ai toujours froid aux pieds
  • J’ai toujours les joues en feu
  • Réponse qui tombe inéluctablement : tu n’as qu’à t’occuper des boutons de réglage, je conduis MOA…
  • Maman tripote les boutons de réglage et tout va bien, elle peut se concentrer sur autre chose

Autre chose qui ne va jamais :

  • Tu vas trop vite
  • Pourquoi te traine-tu comme ça, nous allons être en retard
  • Depuis le moment qu’il n’est pas tombé une goutte, tu pourrais arrêter tes essuies glaces dont le crissement me tape sur les nerfs.
  • Depuis le moment qu’il retombe de la flotte tu pourrais remettre en route tes essuies glaces.
  • Attention à droite
  • Attention à gauche
  • Je te signale qu’il ne pleut plus
  • C’est limité à 30
  • Si tu prends une prune tu ne viendras pas te plaindre
  • Ce n’est plus limité à 50
  • N’oublies pas que l’on tourne à droite dans environ 1 km (sur un trajet fait régulièrement depuis que j’ai l’âge de 4 ans, sans modifications notables de la route…)

J’admire le calme de mon père, qu’il perd parfois :

  • Puisque c’est comme ça tu n’as qu’à prendre le volant !
  • Tu me dis ça sur l’autoroute, c’est trop facile…
  • Alors tu te tais…

Quand ils se boutiquent, maman baisse systématiquement le son de radio nostalgie. Je sais très bien que c’est une manoeuvre pour nous faire croire qu’elle entend très bien, elle me fait le coup pendant les vacances, alors je mets le son au plus bas, jusqu’à ce qu’elle craque « on n’entend rien, et j’adore cette chanson » (alors que moi j’entends très bien…).

En fait elle n’a pas besoin d’écouter, elle veut juste se concentrer pour continuer sa discussion avec papa… Voir plus haut.

Papa qui finit par craquer parce que lui n’entend plus rien non plus, et qu’il adore cette chanson. Réponse de ma mère, d’une mauvaise foi pas possible « moi j’entends très bien, donc je ne suis pas dure d’oreille ».

Papa arrive à régler le son de radio nostalgie, pas comme le chauffage ou la clim, mais jamais maman ne se plaint que c’est trop fort, pas comme le chauffage ou la clim…

Finalement nous arrivons toujours à bon port. A bon port le jour de la Saint Patrick, c’est non fumeur donc il leur faut sortir pour fumer, dans le petit jardin de l’appartement en bord de Seine. Le moins souvent possible, je dois le reconnaître.

Papa a évidemment oublié son briquet dans la voiture. Tout comme il a oublié ses lunettes de soleil à la maison, cela fait 4 ans que je lui serine de s’en acheter une deuxième paire qui restera dans la voiture (en fait non, il rentrera à la maison avec et les y laissera, donc je n’insiste pas).

Papa oublie toujours son briquet dans la voiture où il est certain de le retrouver, alors que s’il l’oublie chez sa soeur, il n’aura plus qu’à s’en racheter un (je précise que c’est un beau briquet, pas un bête bic…)

Il sort donc avec maman.

  • Oh merde, j’ai oublié mon briquet dans la voiture. Tu peux me passer le tien ?
  • PSHIIIT (et moi il faudrait que je tienne).
  • Rends-moi mon briquet que j’allume ma cigarette, merci.
  • PSHIIIT (et moi il faudrait que je tienne).
  • Nous avons tous entendu que papa avait allumé son cigarillo avant de rendre son briquet à maman.
  • Qui ressort 1 H après pour en griller une. Je l’accompagne pour fumer une des 5 ou 6 que je fume toujours depuis une petite rechute.
  • « Coraline tu peux me prêter ton briquet » ? Ton père m’a évidemment embarqué le mien…

Il faut reconnaitre à sa décharge qu’à une époque papa s’était taillé une sacrée réputation, dans une famille de fumeurs, à piquer les briquets des autres. Ce n’est pas qu’il le faisait exprès. Il vous empruntait le vôtre, allumait son truc qui pue, et mettait machinalement le briquet dans la poche de sa chemise. Un jour en lui faisant les poches nous lui avons trouvé 7 briquets, le sien, deux qu’Albert avait perdus, celui de ma belle soeur, celui de mon frère, et le mien…

C’était il y a longtemps, l’époque où nous traquions nos briquets égarés, avant le cadeau fait à Jean-Poirotte d’un briquet en argent massif estampillé 100 % argent français, exempts de viande de cheval, avec pierre + mèche à changer, plus recharge en essence qui pue encore plus que le cigarillo.

Je prête donc mon briquet à maman, un truc énorme que personne ne peut me piquer parce que le spermatozoïde qui trône dessus n’appartient qu’à moi (ICI).

Une heure après, ils ressortent tous les deux :

  • Bibelot, tu peux me passer ton briquet, j’ai toujours le mien dans la voiture.
  • Ah non alors, c’est toi qui me l’a piqué, regarde dans tes poches.
  • Papa véhicule ses yeux dans ses poches : point de briquet
  • Regarde donc bien dans les tiennes…
  • Je te dis que tu me l’as piqué…
  • Non, regarde dans tes poches.
  • Ah oui, le voila…

Reste le voyage du retour, avec les giboulées de mars.

Je vous épargne donc le dialogue, la musique, le bruit des essuies glaces, la température toujours trop ou pas assez, et l’odeur du briquet à essence que mon père a retrouvé seulement au deuxième feu rouge, parce qu’il s’était assis dessus en remontant dans la voiture pour le retour.

La vie n’est qu’un long calvaire…