La fontaine est sur le canapé…

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Mes parents m’ont refilé, outre un chromosome cintré (mais juste un peu cintré), le gène dit « de la larme à l’oeil » qui oeuvre depuis mon adolescence, ayant été activé par une poussée hormonale normale. Sans le vouloir, j’ai refilé ce gène aux filles et je leur demande pardon à genoux ici de ce gène et du rhésus négatif, mais je n’ai rien fait exprès.

D’un autre côté je ne leur ai pas loupé grand chose d’autre (sauf le petit orteil du pied qui vient de mon père et est totalement ridicule), donc j’estime devoir être pardonnée.

Donc, ce gène active les glandes lacrymale pour un oui ou pour un non. Trop contente : je pleure. Trop triste : je pleure. Emue : je pleure. En rage : je pleure. En colère : je pleure (de rage). J’ai touché le fond de ma piscine personnelle lors de mes deux grossesses : je passais mon temps à pleurer parce que tout manquait de sel, et Albert ne se déplaçait jamais avec moi sans se munir de kleenex, parce que j’avais d’autres motifs pour pleurer.

En ce qui concerne les films, je suis assez bon public. De l’épouvante j’ai peur, du drôle je me poile, parfois jusqu’aux larmes (mais celles-là font du bien). Dès qu’il y a de l’émotion, un deuil, de la tristesse, je pleure. Les publicités me font aussi pleurer, mais c’est une autre histoire.

A l’époque où nous étions 3 les filles et moi, quand nous regardions un film un peu émouvant, ou prenant, ou triste, ou dramatique, cela se passait toujours de la même façon :

  • Les deux filles étaient installées sur le canapé en se disputant pour savoir laquelle avait la meilleure place.
  • J’étais avachie sans grâce dans mon fauteuil.
  • Nous faisions le silence parce que c’était super bien comme film.
  • Le scénario se détériorait. Cela pouvait être Beth qui meurt dans les 4 filles du docteur March, la propriétaire de Rouky qui va l’abandonner dans les bois, le Titanic qui va sombrer, Schindler qui pleure qu’il n’a pas pu en sauver plus, etc… c’était sans fin.
  • L’une des trois regardait les deux autres pour savoir si elle avait le droit de renifler. Non, pas encore. Chacune se retenait avec difficulté.
  • Les deux autres regardaient la première pour savoir si elles avaient perdu ou non. La dernière à pleurer avait gagné.
  • La première à renifler ouvrait les vannes et des torrents de larmes pouvaient être répandus en zigouissant au passage un rouleau de sopalin.
  • Nous partions nous coucher complètement défigurées en pleurant que c’était vraiment un supeeer film snif.

Je n’ai pas changé, nonobstant des prédictions du genre « avec l’âge ça passera ». Cela ne passe pas du tout et les auteurs des prédictions peuvent aller se rhabiller. J’aurais même tendance à penser que cela sent pire (oui je sais, c’était facile).

Donc, je me suis faite piéger l’été dernier, par un téléfilm tout bête au départ, je le pensais. Et là, je sens que vous allez rire, parce que vous n’êtes qu’une bande de sans-coeurs.

Comme j’étais coincée chez moi par une épaule merdique, je regardais régulièrement la télévision, en sélectionnant les DVD ou cassettes (les 4 filles du Dr March ? NON !), et également les téléfilms sur la 6 l’après midi. Je ne suis  par contre jamais tombée dans le piège des feux de l’amour.

Sur la 6 c’est tout l’un ou tout l’autre. Soit le téléfilm allemand de base qui me saoule et je mets un DVD, soit des téléfilms de toutes nationalités et même française dites donc, très bien, réellement, et pourtant je suis assez difficile. Quand je gardais la nièce à bouclette, je me suis parfois vraiment régalée avec de l’humour ou un polar tenant la route.

Donc un téléfilm américain dont l’annonce me semblait trop racoleuse : l’histoire VRAIE d’un homme souffrant d’un handicap vraiment invalidant, qui décide de devenir représentant en porte à porte. Cela ne m’inspirait pas trop, parfois on se lasse des leçons de courage que l’on regarde en pleurant.

Dès la première scène j’ai senti que j’allais déguster. L’acteur qui fait une véritable performance est LE personnage. Physique très ingrat, grâce au maquillage. Doublage excellent. Il s’agit d’un homme qui souffre de troubles neurologiques dus à un accouchement aux forceps, mais dont l’intelligence est intacte (premier mouchoir). Il a des problèmes graves d’élocution et du mal à se déplacer.

En mangeant ses oeufs au bacon du matin, il explique péniblement (car il a du mal à parler) à sa mère qu’il y arrivera, (deuxième mouchoir). Son patron le refuse une première fois, puis lui accorde une deuxième chance dans le secteur le plus dur pour le faire craquer et renoncer, et il commence son démarchage.

Au départ tout le monde lui claque la porte au nez, les enfants ont peur de lui et il y a même une salope de mère qui porte plainte contre lui parce qu’il a terrorisé son chiard (troisième mouchoir).

Il s’accroche jusqu’à la première commande (premier torchon) et là, petit à petit, il devient l’homme du secteur, de son secteur. Il connaît tout le monde, tout le monde le connaît et s’habitue à lui. On lui achète ses produits formidables, il réussit (deuxième et troisième torchons) enfin.

Evidemment sa mère se retrouve attaquée par des pertes de mémoire et cette femme merveilleuse qui l’a encouragé à se battre pour travailler, meurt en plein milieu de l’histoire, le laissant seul (un drap housse).

L’histoire ayant démarré en 1955 se poursuit avec lui en silhouette incontournable de tout un grand secteur. Il y a sa première cliente qui meurt également et dont les enfants retrouvent tout ce qu’elle lui a commandé depuis le début pour l’aider et le plaisir de ses visites, dans une chambre délaissée. Il y a le couple qui a rompu et qu’il contribue à rabibocher, les premiers homosexuels atteints d’une drôle de maladie vers 1984, les enfants qui n’ont plus peur de lui et qui ont grandi. Tous ceux qui ont plaisir à le voir parce qu’ils peuvent lui parler.

Et toujours, cet homme si atteint, les yeux purs, la gentillesse si évidente et si vraie, qui refuse une quelconque charité. Il y a l’employée qu’il est obligé d’embaucher parce qu’il est en train de se ruiner le dos, et qui devient son amie qui a plus besoin de lui que lui d’elle. Il y a tous ceux qu’il visite et qui parfois lui font peine avec leurs malheurs. Et il y a ce grand jour où il remporte le prix du meilleur vendeur de sa boîte.

Comment vous dire ? Au moment où il boitille vers l’estrade pour recevoir son prix, au moment où il remercie sa mère qui n’est plus là (sans bénir l’Amérique) avec son élocution si difficile, au moment où tout le monde se lève pour l’applaudir, j’étais répandue sur mon canapé, Diabolos me léchant une main en se demandant si je serais en état de lui redonner un jour des croquettes.

Quand à la fin on apprend que John Glen lui a remis en 1998 le premier prix du courage destiné aux handicapés, je pense que si Diabolos avait pu le faire, il aurait décroché le téléphone pour alerter le SAMU.

La fontaine chez moi, c’est quand vous rentrez et regardez directement vers la droite. Je suis là, sur le canapé et la mère de Bambi vient d’être tuée…

Sinon, bon anniversaire ma petite soeur ! Comme je te précède de 11 ans, je ne m’apesantirai pas sur ton changement de dizaine…

Les incontournables des films américains (1)…

A force de regarder des vieux (!) films, il y a des personnalités qui finissent par nous sauter aux yeux. Ce sont les incontournables des films américains. Là je vous le fais un peu en vrac, mais promis, je vais creuser…

  • Il y a souvent un « foutu bordel d’enfoiré de tête de mule » (la rivière avec Mel Gibson dans le rôle de l’enfoiré qui veut garder sa ferme et son maïs malgré les débordements de la fichue bordel d’enfoirée de rivière). Sinon c’est juste une fichue tête de mule (JFK mais la tête de mule étant procureur, on oublie le reste du vocabulaire). La tête de mule est très importante dans l’inconscient collectif américain. Eventuellement on peut avoir une fichue tête de pioche, mais cela finira mal si ce n’est pas une fichue bordel d’enfoirée de tête de pioche. Les femmes ne sont jamais des fichues têtes de mules, juste des chieuses ou des emmerdeuses de première mais il faut y revenir. C’est très psychologique.
  • Il y a souvent un fichu alcoolique. Ca peut être le flic qui va se rédempter à l’évian en sauvant des tas d’innocents, rôle dans lequel Bruce Willis a fait très fort avec des tas de films. Sinon c’est le cow boy héroïque, ou le shérif, c’est mieux. C’est dingue comme dans les westerns ils peuvent se castagner complètement bourrés en trouvant cela super drôle, avant d’aller dégommer les méchants sans que la gueule de bois ne perturbe leur vision et sans les faire trembler. Pour le flic alcoolique il a des excuses : il a perdu sa femme, ou il va la perdre ou il est en train de la perdre. Dans le dernier cas le suspense reste intact : sauvera-t-il son couple en sauvant son foie et éventuellement New York ? Ou bien va-t-il y rester en laissant une veuve finalement inconsolable ?
  • Il y a le chien. Variable d’ailleurs. Il y a le chien qui compense l’absence d’enfant et au sujet duquel les maîtres forcément divorcés se disputent, avant de se rabibocher en ayant sauvé le monde (« Alerte »). Sinon le clebard théoriquement enragé au début, sauve en fait toute la famille de l’incendie/attaque des rats/avalanche. Là encore : suspense. Le chien gravement blessé mais sauvé in extremis accompagnera toute la famille en boitant pendant une trentaine d’année, ou bien il mourra juste au moment où son maître comprend enfin qu’il est le meilleur des toutous. Dans tous les cas, ça fini avec des mouchoirs. Le pire étant l’histoire de ce vagabond qui a sauvé tout le monde, mais a choppé la rage et que son maître doit abattre, les larmes aux yeux et le fusil braqué on ne sait où. Ca marche toujours.
  • Outre la fichue tête de mule, il y a le mec complètement déjanté mais le meilleur du monde dans sa spécialité, qui officie avec des aussi déjantés que lui chacun dans un genre différent (obsédé sexuel, alcoolique, père qui ne voit plus son gosse depuis le divorce, gros mangeur, faible psychiquement). L’équipe bien entendu sera malgré les avis de la CIA, embauchée pour pulvériser un vilain astéroïde en se poilant pendant l’entraînement, au hasard. Ils mourront pour la moitié dans la joie, reviendront sauveurs de l’humanité pour l’autre moitié. Le plus déjanté de l’équipe : le chef, se sacrifiera pour sauver l’humanité et son équipe. On ne peut s’empêcher de l’admirer, sauf que se sacrifiant ou non, de toutes manières il était condamné (« Armaggedon » est un chef d’oeuvre du genre).
  • Il y a la tête brûlée, le casse cou, le risque tout, celui qui ne doute de rien. Il a bien raison, parce qu’il sera l’homme le plus vite du monde, un des premiers astronautes, un des premiers à dépasser en apnée les 12000 mètres dans le pacifique (« l’étoffe des héros » « Abyss »). Tout ceci en mâchant du chewing gum du début du film au générique de fin. Cela implique d’ailleurs d’embaucher un acteur à la mâchoire développée pour faire crédible.
  • Ce qui se corse c’est le mélange des genres. La fichue tête de mule bordel, peut boulotter du chewing gum tout en l’arrosant avec du gin sans tonic, en demandant à l’emmerdeuse de service des nouvelles du clebs et en envisageant à la fin de la bouteille de gin, de donner sa vie pour l’humanité en plongeant lui à 20000 mètres (on attend…).
  • Ils ont néanmoins en commun un vocabulaire non châtié. Ils se retrouvent « la queue à l’air », ils se font « enculer », on leur « troue le cul » et ça putain de bordel de merde, on va le leur payer parce qu’ils ne sont pas des tapettes putain !

Quand on voit le méchant on peut se tirer : il ne fera pas sauter le monde, loupera le casse du siècle, ne fera pas sauter le pont trop loin, et n’aura pas la peau du chien, parce que le héros viril est là bordel ! Les héros sont généralement dopés aux amphétamines et très musclés, même s’ils boivent. Chez eux, le whisky élimine la bière zut alors !

Sinon il est à souligner que quand on voit un môme se pointer, généralement dans les films américains, le gamin est infernal. Il dit non à tout, ne prend jamais une claque que l’on serait tenté de lui donner, pulvérise tout, désobéit systématiquement à tous les ordres, boulotte n’importe quoi en pillant le frigo, promène le chat par la queue, crève les pneus du héros, parle d’une voix nasillarde, ce qui n’empêche pas le commandant de bord de l’inviter à visiter le cockpit.

Prochain épisode : les femmes, et même les emmerdeuses… Et puis je pense que les militaires méritent une mention spéciale… Ceci sans oublier les phrases qui tuent, j’essaye de rester lucide…