La mère indigne…

Il était une fois dans un beau pays, deux jeunes filles somme toute assez raisonnables, pas du genre à en faire baver de trop à leur mère un peu débordée. On dira pas de trop, ce n’était pas des anges non plus.

Il était une fois une mère qui avait fait la leçon sur certains sujets à des enfants l’écoutant religieusement, le casque sur les oreilles avec la musique à donf (ces mères quelle plaie !).

Un beau jour une des filles essaya un joint dans une soirée, joint qui ne lui fit aucun effet. Sa mère racontant n’importe quoi, elle essaya une deuxième fois, histoire de faire comme les autres. Bien entendu elle n’en souffla mot à personne sauf à sa soeur.

« Je ne dirai rien » déclara la soeur, « croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer ». Serment pathétique de la jeunesse qui ne sait pas ce que représente une croix de fer (je m’égare, comme d’habitude).

La testeuse commença tout de même à faire des remarques sur ces histoires de drogues dont il fallait se méfier, qui ne font même pas l’effet d’un petit verre alcoolisé. « Moi je ne bois pas d’alcool » déclarait-elle, à la famille pétrifiée et totalement alcoolisée…

Puis, sans savoir qu’il y a joint et joint, elle retomba dedans sans appréhension pour faire comme tout le monde. Là c’était différent. Elle planait un peu, et avait envie de dormir. La vie était belle et sa mère lui avait raconté n’importe quoi pour lui dissimuler l’existence de ce paradis. Le temps passant un peu, elle se sentit un peu nauséeuse, mais un prince charmant vicelard lui assura qu’une bouffée de plus mettrait fin à ce malaise inopportun.

Raccompagnée par deux amies complaisantes, Cendrillon égara une chaussure dans le hall d’entrée de son immeuble, se trompa d’étage et essaya pendant 5 minutes d’ouvrir la porte d’un couple de voisins qui déclenchèrent chez elle une sonnette d’alarme en l’avertissant au travers de la porte, qu’ils appelaient les flics.

Monter un étage c’était difficile. Un éléphant occupait l’ascenseur, et ses jambes ne la portaient plus. Elle monta donc l’étage sur les fesses, et encore, péniblement. Restait à se relever pour ouvrir la porte et la marraine la fée marâtre ou bout de 5 minutes à entendre fourbanser dans sa serrure, se leva de fort mauvaise humeur pour ouvrir à sa progéniture.

La dite progéniture se tenait sur le pallier, légèrement vacillante mais un sourire extatique figé sur ses lèvres. Pupilles dilatées, air un peu hagard, elle avait tout de la jeune fille qui n’est plus très claire.

Avant que la marâtre ait pu émettre la moindre remarque en voyant sa fille tituber dans l’entrée, cette dernière leva un doigt :

-« Tu entends maman ? Ce sont les arbres qui poussent ! Comme c’est bôôô ! ».

Elle se dirigea vers le grand balcon pour mieux entendre les arbres pousser et pourquoi pas chanter l’ode à l’arbre qui pousse, mais renonça, c’était trop loin, au moins 5 mètres, et s’affala dans un des fauteuils en cours de route pour fondre en larmes. Elle ne pouvait pas aller entendre de plus près les arbres pousser et c’était injuste parce qu’un arbre qui pousse c’est bôôô. Le chien vint la renifler et elle redoubla de pleurs parce qu’il avait un champignon sur la truffe et que la marâtre ne l’avait pas remarqué.

La marâtre se taisait, à mi chemin entre l’exaspération et l’amusement, et attendant le moment où les choses risquaient de basculer, ce qui ne manqua pas d’arriver. Dans un hoquet, Cendrillon se dressa subitement et couru sans vaciller vers les toilettes dans lesquels elle se précipita. Elle restitua du taboulé, de la salade de maïs et des tomates dans la cuvette et piailla quand la marâtre tira la chasse d’eau : on ne noie pas des tomates, c’est très vilain.

Assise dans les toilettes elle se remit à pleurer sur l’injustice de la vie et la mort des tomates, puis se sentit à nouveau mal. Et là, la marâtre, car c’en était réellement une, lui apporta une cuvette, et des lingettes à ne pas jeter dans les wc, et laissa Cendrillon en plan se démerder avec son reste de joint.

Cendrillon était seu-le. Sa soeur blottie dans son lit, l’écoutait être malade sans pouvoir bouger un doigt, car l’idée que cela puisse être contagieux la terrifiait depuis qu’elle souffrait d’une phobie de la régurgitation. Sa mère écoutait également de loin en se disant avec sadisme que c’était une bonne leçon et qu’elle n’aurait rien à ajouter.

Puis, Cendrillon se traîna jusqu’à son lit avec la cuvette à portée de main au caz’où qui n’eut pas lieu, et s’endormit au milieu des arbres qui poussent en chantant, entourée de chiens portant un cèpe de bordeaux sur la truffe…

Le dimanche, Cendrillon émergea complètement pâteuse. L’odeur de la brioche grillée, du chocolat chaud et du gigot d’un appartement voisin se mélangeaient en elle, provoquant un rappel cruel du malaise de la veille au soir vers 2 heures du matin. Courageuse mais pas trop téméraire, elle attendit d’entendre la marâtre et la soeur indigne rire dans la salle de bain pour se lever et dériver vers la cuisine où elle se servit un verre d’eau. Puis elle décida d’affronter la marâtre en pratiquant, comme Napoléon, l’attaque comme moyen de défense. Elle ouvrit donc la porte de la salle de bain et lança aux deux personnes présentes, médusées :

-« Tu es contente hein ? Tu as gagné ! Si il y a une chose qui est certaine c’est que les joints c’est plus jamais ! J’espère que tu as compris !« .

Et elle claqua dignement la porte de la salle de bain pour aller finalement se recoucher, abandonnant soeur et mère muettes de saisissement…

Edit du mardi midi : attention, je n’ai jamais prétendu que Cendrillon était une de mes filles. Cette mésaventure est arrivée à une de mes ex-collègues qui en veut toujours à sa mère, 15 ans après…