Les Noëls de mon enfance (200ème !!!)

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D’après mon serveur ce serait mon 200ème POST ! (et non pas mon 200ème Noël, arrêtez de délirer !)

J’ai du mal à croire que j’ai pu autant vous saouler depuis juin… Le pire c’est que je n’ai pas vu le 100ème, ceci étant le signe d’une sénilité précoce… Je fais confiance au serveur, j’ai la flemme de compter… C’est bien possible, je suis capable de tout quand j’écris…

Donc je voulais dire au départ que j’ai évoqué Noël très tôt cette année, tant j’avais peur d’être devancée par la première guirlande

En fait je n’aime plus les fêtes et je songe aux Noëls de mon enfance. Où sont-ils ? Que sont-ils devenus ? Où sont ces heures brèves, bercée d’une magie retrouvée du temps des filles, et pour l’instant perdue ?

J’étais petite et Noël c’était toujours le même cérémonial. Mrs Morgan était remariée avec un homme boucher, et donc, le 25 décembre, ils travaillaient jusqu’à 13 heures (et le 24 aussi jusque fort tard, d’où ma haine du travail obligatoire pour certains quand c’est la fête pour les autres). La tradition fut prise d’aller chez les parents de Jean Poirotte qui avaient de plus un appartement assez grand pour loger tout le monde.

Maman faisait le sapin (un faux par écologie avant l’heure et surtout pour éviter les aiguilles par terre) vers le 20 décembre pour ne pas être en retard, vu que les guirlandes lumineuses éclairaient les magasins vers le 15 décembre seulement (j’ai vu la première cette année, le 21 novembre ça m’énerve, pourquoi pas pour le 15 août ?). Le soir, à partir du « soir du sapin » elle nous mettait sur le « tourne disques », des chants de noël et on se battait pour retourner le 33 tour.

Le 24 nous partions chez les parents de Jean Poirotte, frémissants d’impatience. Nous chantions des chants de noël dans la voiture, papa faisant la voix basse et maman la haute, c’était joli comme tout.

Mamie croyante (ma mamie paternelle pour qui je cherche un pseudonyme ici), s’arrangeait toujours pour terminer le sapin au moment de notre arrivée (le 24 décembre donc). La crèche était prête, sans le petit Jésus qui n’arriverait que dans le courant de la nuit (logique). Nous l’aidions à terminer le sapin dans lequel elle accrochait des bougies au risque de flanquer le feu à l’appartement et l’immeuble avec. Elle terminait ensuite de mettre la table pour toutes les personnes devant nous rejoindre le lendemain.

La tradition dans ma famille était le passage du père Noël pendant que les enfants dorment après s’être couchés sagement (hum), ayant déposé leurs chaussons au pied du sapin à défaut de cheminée. On entrouvrait la fenêtre du balcon pour que le père Noël puisse rentrer tout de même, cette absence de cheminée nous inquiétant, juste avant d’aller nous coucher.

On ne réveillonnait pas, le grand jour ayant lieu le lendemain. Chez ma meilleure amie c’était le contraire : réveillon et jour calme le lendemain. Mamie croyante préparait un en-cas pour les affamés et allait à la messe de minuit (à minuit) en laissant les incroyants devant un ou deux bons films en noir et blanc et une tranche de pâté. Parfois elle allait à la messe plus tôt dans la soirée à contrecoeur, et les adultes allaient au cinéma, nous laissant sous la garde de l’aïeule ronchon mais si sympa, qui jouait avec nous aux petits chevaux ou nous racontait des histoire horrirrrifiante (faut suivre) avant de nous expédier au lit en nous promettant d’ouvrir la fenêtre du balcon.

Je l’accompagnais, très tôt ma grand mère, pour cette messe, lui laissant croire que j’entrerais un jour dans les ordres (sans le savoir). J’adorais en fait : me coucher tard, la crèche géante, voire même vivante avec de vraies personnes et un vrai bébé, l’ambiance de communion, l’odeur d’encens (et des crottes de vrais moutons éventuellement), et les chants de cette messe de minuit. « Minuit Chrétien » me donne toujours des frissons. Elle allait toujours dans une chapelle dans laquelle les bonnes soeurs étaient toutes espagnoles et infirmières et chantaient avec des voix impressionnantes et un accent horrrrriiiiible. Il faisait froid dans mes souvenirs. Il neigeait souvent. Je revenais avec elle, en lui tenant fort la main et elle me racontait le miracle du Christ alors que je pensais « miracle du père Noël ». Mais comme j’étais la seule qu’elle avait emmenée, je me sentais grande, et maintenant j’aimerais bien me sentir encore petite…

Je me souviens très bien de la dernière fois où j’y croyais (tard, les grands ne caftaient pas dès le CP). Je me suis couchée en me promettant de ne pas dormir pour « le surprendre ». Il y a eu des bruits un peu partout, des déplacements de meubles. L’après midi j’étais allée avec maman faire des courses et elle avait dit à une vendeuse, dans un magasin de jouets, qu’elle voulait « ceux là » en désignant deux édredons à landeaux.

Je me suis bien entendue endormie sur ma promesse de veiller toute la nuit et de le surprendre sans faire craquer le parquet. C’est fou ce que l’on se réveille tôt un 25 décembre quand le père Noël passe pendant notre sommeil. Nous arrivions mes frères et soeurs et moi, encore endormis à moitié. J’ai vu ce matin là mon père terminer d’allumer les bougies, maman ayant refermé la porte du salon trop tard (bougies que Jean Poirotte surveillait avec angoisse, un extincteur à la main, et qu’il soufflait le plus tôt possible). J’ai eu un doute sur le miracle du père Noël illuminant le sapin. Fugitif, mais le doute était là.

Nous avons vérifié : le petit Jésus était bien dans la crèche et nous avions des clémentines dans nos chaussons (chose importante, une année, ma petite soeur hyper gâtée a sangloté parce qu’elle n’avait pas eu de clémentines dans ses chaussons, les halles étant en rupture de stock). Pendant ce temps là, ma grand mère qui recevait traditionnellement ses frères et soeur et leur grande marmaille se jour là, laissait brûler, comme chaque année, les garnitures de bouchées à la reine dans le four. Mon grand père avisé, était déjà parti en acheter de rechange….

Oui le père Noël était passé. Dans mon landeau de poupée, tout ce qu’il fallait (dont la poupée), et un des édredons vus la veille. Regard sur maman qui m’a supplié en réponse d’un regard, de ne rien dire. J’étais grande, j’avais le droit de savoir. Il était temps pour moi, elle l’avait décidé. Ce n’était qu’une mini trahison : sur ce coup là nous serions complices, mes frères et soeurs ne devant pas savoir.

J’avais compris avec une certaine déception. Le père Noël c’était eux tous. Car même les absents pour cause de vente de dindes de dernier moment, donnaient leurs cadeaux à l’avance car c’était le père Noël qu’il nous fallait remercier. J’ai compris en un éclair que les cloches c’était eux aussi (!) et que la petite souris n’était qu’une histoire sympa (vu qu’il me manquait 2 dents).

Qu’importe la déception du jour, elle fut vite oublée lors du déjeuner traditionnel : huitres, saumon pour les enfants, foie gras que nous trouvions très bon comme pâté, bouchées à la reine succulente, la dinde aux marrons (et certains pour s’en plaindre alors que ce n’était qu’une fois par an). Après le déjeuner, papa sortait sa guitare et toute la famille chantait. De vieilles chansons horribles (dont j’ai parlé précédemment) et d’autres, toutes plus belles les unes que les autres. Nous étions assez nombreux pour faire des « canons » (j’adore), et l’on chantait jusque tard le soir, quand les gourmands de nouveau affamés se proposaient pour terminer les restes dans ce que l’on pourrait appeler un bordel organisé.

Le frère de ma grand mère ému par cette journée (il avait le vin ému), partait généralement en sanglots. La vue des coquilles d’huitres dans la poubelle sortie décuplait son chagrin et nous nous rigolions bien.

La magie de la nuit de Noël fut là longtemps. C’était une nuit pas comme les autres. On y respirait un air pur, de paix, différent. On entendait des chants d’espoir. On se réunissait sans penser qu’un jour les rangs se creuseraient, qu’il manquerait plein de monde, que les traditions seraient méprisées par les plus jeunes (comme chanter à Noël : les filles détestent). On disait que les guerres s’arrêtaient et les plus anciens évoquaient leurs pires souvenirs de Noëls d’horreur mais d’espoir. Tout le monde s’aimait. C’était magique, cela ne s’explique pas en fait.

Nous étions heureux. Tout le monde était là, la grande journée avait eu lieu, le père Noël était passé, nous avions chanté. Lorsque l’on est enfant, normalement on est heureux pour Noël. Seulement on ne sait pas à quel point.

Le 25 décembre en rentrant tard à la maison, les guirlandes lumineuses n’avaient pas le même aspect. C’était fini, la magie était terminée. Ne restait qu’à changer d’année et pour nous les enfants qui avions eu tous nos cadeaux à Noël, c’était vraiment ringuard de voir ces adultes se complimenter pour un tire bouchon offert, ou une 33ème écharpe en soie un premier janvier, alors qu’il nous manquait tant de jouets…

La vie n’était déjà qu’un long calvaire… mais je retournerais bien à quand j’étais petite, parce que finalement je déteste être grande, et qu’il y avait une nuit magique qui a disparu avec le climat… (c’est ce qu’on nous raconte, mais j’ai déjà connu « Noël au balcon »)

Bref, c’est mon 200ème et je suis zémue….

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