Bon anniversaire Pulchérie !

Accouchement_57210942Et me revoilà à vous raconter comment j’ai mis au monde Pulchérie à l’âge de pierre, c’est à dire en 1981 alors que la péridurale on en parlait vaguement. Ca va être long, vous êtes prévenus, j’ai la flemme de faire 10 posts…

J’étais à l’époque d’une nature optimiste. Je passe sur la grossesse (qui mérite son post à elle toute seule naturellement) pour en arriver tout de suite à la fin (le début d’une grande aventure).

La sage femme m’avait tout bien expliqué pendant les cours d’accouchement sans douleur. La douleur vient de la peur, c’est tout bête. Il ne faut pas avoir peur, et il faut savoir respirer. On me l’avait dit et répété. Ma mère m’avait dit que c’était l’enfer, (sa mère idem et toutes les femmes de ma connaissance), mais elle (ma mère) avait une grand tante qui avait accouché 3 fois dans les toilettes en croyant qu’elle avait envie de faire pipi. Non, c’était la tête du bébé déjà sortie. Sûr, je tenais d’elle, obligé, et Albert avait bien regardé dans les bouquins achetés au kilo, comment m’assister dans cette épreuve en attendant l’arrivée de ma mère et des pompiers (à 5 minutes maxi) après la ponte par moi de la côtelette sans douleur aucune (en fait il avait juste à m’apporter une serviette propre et même pas à faire bouillir d’eau).

Pas d’appréhension particulière donc. D’autant que j’avais des contractions très régulières, non douloureuses depuis le début de mon 8ème mois : les contractions ? Pffuit ! de la petite bière !

Pulchérie avait été prévue pour le 25 décembre. Toute la famille avait dû faire des neuvaines ou jeter des sorts pour qu’elle ne naisse pas le jour de Noël, je ne sais pas trop, mais le mardi 15 décembre sur le coup de 18 heures, je ressens une vague douleur dans les reins en même temps qu’une contraction. Pour le soir est programmé « la tour infernale » (ça ne s’oublie pas !) et un plateau TV. A 18 H 30 re-douleur un peu plus forte mais très supportable et j’appelle Mrs Bibelot qui à l’écoute des symptômes pronostique que le « travail » est commencé. 20 minutes après 3ème contraction, ça se rapproche déjà sacrément, chic, je vais faire cela avant demain midi.

C’est trèèèès supportable et je ricane en songeant aux films dans lesquelles il y a forcément une emmerdeuse qui accouche en plein exode, en pleine bataille, en plein assaut des méchants assiégeants ou en pleine attaque des indiens. Moi je ne serais jamais inondée de sueur, hurlante, grimaçante, réclamant l’extrême onction ou que l’on m’achève. Je vais faire cela avec le sourire, rose et pimpante et fraîche, non mais, je sais respirer MOI ! D’ailleurs je m’en vais faire ma toilette et me remaquiller un petit coup…

Je prépare le plateau TV pour Albert. Obéissante je ne vais pas dîner, c’est défendu quand le travail est commencé au cas où une anesthésie serait nécessaire (ou comment perdre 9 kg, jamais diffusé par « Elle »). J’ai juste droit à de la flotte et encore, j’hésite.

La tour infernale commence et je commence à me lever du canapé sur lequel je suis théoriquement vautrée (je ne sais pas m’asseoir dans un canapé) pour déambuler dans la pièce sous l’oeil torve d’Albert que rien ne perturbait, car :

  • Je ne supporte pas les contractions en position allongée

  • Les contractions sont de plus en plus fortes

  • Les contractions sont de plus en plus douloureuses

  • Albert m’emmerde de plus en plus à regarder la tour flamber au lieu de marcher avec moi en faisant le « petit chien ».

  • Les contractions sont de plus en plus rapprochées.

Le film terminé (à l’époque 22 H 30) Albert part se coucher pour prendre des forces. A deux heures du matin je m’en vas le réveiller cet abruti ! J’ai des contractions toutes les 5 minutes, la neige commence à tomber, il est grand temps de rallier la maternité pour que j’y accouche dans la dignité (enfin presque, là j’ai des petits doutes). Je secoue Albert, je lui dit « Chéri il faut que tu m’emmène ». « Où ça ? » répond le (crétin) trésor adoré, et je commence à faire l’exorcisme en lui arrachant la couette et en lui intimant l’ordre de se lever illico, faute de quoi je lui coupe les couilles (ben oui finalement je pouvais m’inspirer d’un film, mais je ne pensais pas à celui là du tout, j’avais tort).

Arrivée à la maternité à 3 heures du matin. Je me précipite vers l’infirmière de garde, Albert traînant une énorme valise + un sac tout aussi énorme. L’infirmière me demande si ce sont des triplés, et devant mon regard de serial killer et ma bave aux lèvres, en l’absence d’un exorciste compétent m’emmène immédiatement dans la salle de travail pendant qu’Albert se dépatouille pour trouver un ascenseur (pour y coincer la valise et la ruiner en plus).

Tout cela pour apprendre que NENNI, le travail est bien commencé, mais que le col n’est même pas en voie d’effacement ! (saloperie de col, connard d’Adam qui a bouffé la pomme ce crétin, et où est ce crétin d’Albert avec MES bagages ?)

On m’installe dans ma chambre particulière et on renvoit Albert : ce n’est pas pour tout de suite il va pouvoir dormir le trésor.

Je passe la fin de la nuit à déambuler dans la chambre. J’ai de plus en plus mal. La journée se passe, avec examens réguliers : le col s’obstine : il reste résolument clos.. . Maman s’obstine aussi au téléphone à qui Albert revenu vers 11 heures répond qu’à l’ouest, rien de nouveau. Vers 17 H, la sage femme me fait une petite piqûre pour arrêter le travail et mes périgrinations dans la chambre (une contraction me jette à bas du lit pour marcher, je me demande pourquoi je me recouche) afin que je me repose et je m’endors aussi sec devant Albert qui trouve que finalement un accouchement c’est cool et me réveille pour un bisous au moment de partir à 20 H 30 pour aller manger la potée faite par belle maman (moi je suis toujours à l’eau claire).

Le travail reprend spontanément le jeudi matin à 2 H (déjà jeudi) et me jette à bas du lit. J’appelle la sage femme. Les contractions sont plus fortes, je souffre le martyr, et en plus j’ai un genre de glaire rougeâtre dans ma culotte : le bébé est en train de mourir, il faut me faire une césarienne d’urgence sivoupléééé !

AAAAAHHHHH Fait la sage femme sadique, ce n’est rien c’est le bouchon muqueux, le col bouge enfin (qu’il se grouille ce col, on dirait Albert !). Elle m’examine. Effectivement il s’est un peu effacé… Elle me dit que j’en ai encore pour un bout de temps (vieille peau celle-là) et je crois lui avoir dit quelque chose de très grossier (moi ? oui ! un truc en … ulée, je ne suis plus certaine mais elle est repartie l’air pincé.

Elle me laisse déambuler dans la chambre en m’intimant de ne pas l’appeler toutes les cinq minutes : elle a un accouchement, un vrai, en train. Je sais, ma chambre donne sur la salle de travail et je profite de tout. C’est le troisième auquel « j’assiste » depuis mon arrivée. J’ai droit aux cris, aux serments pathétiques (« plus jamais ! plus jamais ! je me fais nonne ! »), aux « poussez madame », et enfin aux pleurs du bébé. La non insonorisation de cette salle m’encourage grandement pour la suite. Je sauterais bien par la fenêtre pour en finir tout de suite et ne plus souffrir, mais nous ne sommes qu’au premier étage et douée comme je suis je me ruinerais juste la rotule… Je déambule toujours, rictus façon « je suis possédée par un démon » aux lèvres, je pisse vert et j’éructe des bulles fluo du plus mauvais effet. Début d’après midi du jeudi, re piqûre pour que je me repose et petit cachet pour que je n’emmerde personne. Albert persiste à trouver que l’accouchement c’est long, mais cool, et maman joue l’exorciste à son tour dans le téléphone en menaçant de débarquer pour que l’on s’occupe vraiment de sa fille (j’aurais voulu tiens, comment qu’elle aurait fait chier tout le monde, surtout la vieille peau !)

Le travail reprend spontanément le vendredi matin à 2 heures. Me jetant à nouveau à bas du lit toutes les 5 minutes. Entre deux contractions j’essaye de dormir. Je souffre horriblement, je ne pensais pas que c’était possible, dans les films ils sont sympas et minimisent…, je pleure, je veux mourir mais voir mon bébé, je ne sais plus qui je suis et en plus je crève de faim.

La nouvelle équipe me trouve en larmes le vendredi matin à 6 heures, debout, cramponnée à je ne sais plus quoi (si je me souviens, les rideaux, j’ai ruiné la tringle). Nouvelle sage femme, adorable cette fois-ci qui téléphone à Albert de rappliquer et qu’elle s’en fout qu’il soit 6 heures, et rameute l’accoucheur. Un homme qui ne me connaît pas (j’avais choisi sa collègue femme forcément plus compréhensive…) et s’indigne. C’est quoi ce travail ? Comment elle est là depuis mercredi 2 heures du mat ? Pourquoi on a arrêté le travail au lieu de le renforcer ? (ben oui pourquoi, mais achevez moi et sauvez mon bébé tout de suite !). Il m’examine, marmonne quelque chose contre sa collègue et m’annonce que l’on va me poser une perfusion qui va accélérer considérablement les choses : le bébé sera là vers midi. Plus que 4 heures à attendre, vu que l’on me pose la perfusion dès l’arrivée d’Albert à 8 heures (toujours rapide).

Là, dès la pose de la perf, je sens nettement la différence. Je souffre encore plus. Chaque contraction est un long martyr et je ne peux plus me lever coincée par la perf. Je me contente de broyer la main d’Albert qui mange tout de même des tripes pour son déjeuner (véridique, je n’en supporte plus l’odeur). Premier examen au bout d’une heure : hop, la sage femme augmente le débit de la perf. La douleur augmente également, cela s’arrêtera où cette torture ? Régulièrement la sage femme vient m’examiner, compatit, et remet un petit coup de perf. A 15 heures enfin (Pulchérie a déjà 3 heures de retard sur le pronostic « vers midi »), j’en suis à 6 cm et on m’emmène dans la salle de travail. Albert met une blouse et une charlotte, il est ravissant.

Début de l’épisode « j’ai envie de pousser mais il ne faut pas ». Respiration du petit chien. Albert change de main. A 16 H 30 enfin, les 10 cm sont là, je peux pousser. Et cela soulage de pousser pendant la contraction. J’y mets tout mon coeur. D’ailleurs tout le monde pousse dans la salle : Albert, l’accoucheur arrivé, la sage femme et la puéricultrice (je me demande toujours s’il n’y avait pas un peintre égaré dans la salle, ou un plombier)… Leurs efforts sont 100 % vain… Pour accélérer un peu les choses l’accoucheur perce la poche des eaux qui pointe, s’éclipse pour nettoyer ses lunettes, revient tout en continuant à essuyer ses verres. Puis après 1/2 heure à pousser (moi, je précise, les autres c’était du pipeau), il m’annonce qu’il voit la tête et que zut elle est mal orientée. Pulchérie se présente tête en l’air (c’est bien elle). L’accoucheur empoigne alors un genre de pinces à asperges, me précise qu’il va me faire mal mais pas longtemps, le temps qu’il positionne bien la tête. Ca s’appelle un forceps et là j’ai cru crever, Albert aussi (sentant encore sa main, ce pauvre bouchon, je lui ai ruiné les carpiens). Puis il empoigne la tête (l’accoucheur, Albert en étant incapable) qui est sortie (ouf) et tire. Albert devient tout blanc, moi aussi sans doute, car j’ai l’impression que l’on est en train de me vider complètement le ventre. A priori vu ce que je ressens, l’estomac va sortir aussi avec le cervelet comme accompagnement…

Et tout à coup elle est là ma fille, sur mon ventre, les yeux grand ouverts, toute rose et lisse après cette épreuve à laquelle elle a participé, l’air étonné, je regarde machinalement la pendule : il est 17 H05 (heure que la sage femme note également). Elle ne pleure pas est-ce normal ? (d’autant que son père et moi pleurons et toute la salle avec). Oui ils attendent un peu pour couper le cordon qu’elle prenne sa respiration tranquillement. L’accoucheur a eu le temps de voir qu’elle a les petits pieds qui rentrent un peu et demande une radio des hanches, envoie du sang de cordon au labo (incompatibilité rhésus) La sage femme tend des cisailles à Albert pour qu’il coupe le cordon, le fait elle même devant sa couleur. Puis on me pique ma fille pour le premier bain avec le papa qui titube un peu.

L’accoucheur procède à la délivrance (une contraction de plus, de la petite bière), me précise qu’il n’a pas eu besoin de me faire une épisiotomie. OUF.

Et on me ramène ma fille, toute rose, toute propre (maintenant ça ne se fait plus) et je la met tout contre moi. Elle a toujours ses yeux bien ouverts et son air curieux. Et toutes mes souffrances n’existent plus devant ses grands yeux bleus. Elle est là, sur mon ventre, et on ne me la piquera pas.

C’est MA FILLE et personne n’a le droit de lui faire de mal. Je pourrais tuer pour elle, là je le sais… Et Albert le sait aussi…

C’était il y a 27 ans. Elle a DEJA 27 ans et je comprends depuis un moment au travers de mes filles, le coup de blues qui prenait mes parents à chacun de mes anniversaires et qui ne va pas en s’arrangeant…

C’était hier, c’est encore aujourd’hui….

Bon anniversaire ma chérie ! 27 ans depuis ce jour là, est-ce possible ? C’est possible… Pourtant je ne me suis pas projetée dans un avenir « lointain » quand je t’ai eue dans les bras pour la première fois, je n’ai même pas pensé à ton premier anniversaire. C’était juste la vie, la suite, qui étaient là, pas ce temps qui passe trop vite.

Et pour les primipares affolées, il y aura la naissance de Delphine nettement plus soft le 12 octobre prochain. Je sais c’est long quand on est en cloque, mais le temps passe toujours trop vite, croyez-moi…

0 réponse sur “Bon anniversaire Pulchérie !”

  1. Très bon anniversaire à la damoiselle

    27 ans… l’êge où l’avenir lui appartient… qu’elle soit belle cette vie là…

  2. l’âge… l’âge.. l’âge… pfff je suis tellement fatiguée que j’écris n’importe quoi…
    bon sur ce je vais me coucher et encore bon anniversaire

  3. J’avais déjà lu ton premier récit et je compatis… lors de la naissance de mon no-1 (six heures seulement et forceps installé au début, çà fait moins mal), je n’arrivais pas à réveiller mon mari : il croyait que je voulais qu’il se pousse de son côté du lit ; et moi je disas « mais non ! je ne veux pas que tu te pousses je veux que tu m’emmènes à la clinique ! » lorsqu’il s’est retrouvé par terre à force de se décaler, il s’est réveillé et a enfin compris ; mais alors là, il a été pris par l’urgence, c’est tout juste si j’ai eu le droit de m’habiller !
    j’espère que la bronchite de Pluchérie-élodie va mieux.

  4. Aïe aïïïïïe ouille hiiin haaaaa.
    Ouf. Merci Calp’ pour cette joyeuse célébration du souvenir!
    Je suis vivement intéressée par le « bouchon muqueux » de 2h du mat’, car c’est la première fois que j’en entends parler. Savez-vous s’il se mange dans certaines cultures?

  5. Tu avais tout noté à l’époque ! Tu ne peux pas te rappeler autant de détail ! Et oui ce genre de récit j’ai entendu souvent ! Moi je n’ai jamais connu ça le col qui ne veut rien savoir, c’était plutôt l’inverse ! Et maintenant heureusement on accélère les choses !
    Bon anniversaire à la méchante !

  6. Réponses en vrac et pourquoi mes réponses en vrac d’hier sont-elles passées à la trappe ?

    Marie : ah ouiiii. Où sont mes 27 ans ? Je prendrais même les 37…

    Vannina : elle a dû lire le commentaire ici, si elle a eu le temps vu le nombre de commentaires chez elle…

    Marie-Christine : un sacré dormeur ton mari. Et sinon je ne connaissais pas le coup du forceps (enfin cuillère de Paget) installé à l’avance…

    gisela vs : le bouchon muqueux c’est pourtant un classique, mais certaines femmes ne le perdent qu’en accouchant donc, elles ne se rendent compte de rien… Sinon, je ne sais pas, je n’en ai jamais mangé…

    shalima : ah, tu as aussi eu droit aux spatules ? Sans péridurale c’était admirable !

    Louisianne : je n’ai pris aucune note. Pour mes deux accouchements, tout est gravé dans ma tête, je revois les visages, j’entends les voix, je revois la chambre, j’ai tout bien en détail en tête. Et puis vu le temps que j’y ai passé pour Pulchérie je me souviens des jours qui passaient…

  7. Merveilleusement bien raconté je suis resté sans mot tout le long dévorant ligne après ligne…

    Je me rappel pour moi, il y a un peu plus de 10 ans je vivais l’enfer pour la naissance de mon garçon… Je n’ai pas eu la chance d’assister, on m’a jeté dehors de la salle d’accouchement car la vie du bébé et de la maman était en danger… Plus jamais je ne revivrai de tels tourments, un enfant c’est merveilleux mais plus jamais je ne veux risquer de perdre un être cher de cette façon !

    Merci de nous avoir partagé ce moment précieux de ta vie, c’est très apprécié :o)

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