Ceux qui ne sont pas comme les autres (réédition du 29 mars 2007)

Handicap_s_57520743Il faut en parler un jour. C’est important pour soi et pour les autres. C’est important pour moi, car dans mes chroniques, elle apparaîtra forcément.  C’est avec un peu d’émotion que je vais vous parler de ma soeur juste cadette, juste derrière moi, celle à cause de qui j’ai refais pipi dans ma culotte à 18 mois (et oui, à l’époque des couches à laver à la main, les enfants étaient propres très tôt).

On ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas de naître, où, quand et comment, ses frères et soeurs on ne choisit rien du tout, la liberté est à mon sens une utopie.

J’ai peu de souvenirs de ma toute petite enfance. Tout commence vraiment avec la conscience du fait que la cadette n’était pas comme les autres. « En retard » disaient les médecins, dupant au passage mes parents, car un retard ça peut éventuellement se rattraper.

Cela a commencé par une anorexie du nourrisson, ce qui a intéressé diablement Delphine qui a travaillé dur là dessus quand elle faisait des études de psycho et que l’anorexie était son truc de prédilection (elle devait vouloir comprendre comment on peut ne pas manger).

J’ai comme un vague souvenir de mon père la faisant manger (ma soeur) pendant des heures en lui chantant des chansons, et de maman pas disponible pour la même raison. Je la détestais cette petite soeur, et je regardais le cérémonial du dîner avec haine. Cela reste très vague et très flou, et paradoxalement très net. Il y avait d’autres choses à vivre. Après cela a été pour elle les terreurs du soir et papa lui tenant la main des heures en lui chantant doucement une chanson. J’étais jalouse, j’étais seule, j’étais malheureuse. Moi aussi je voulais la main de papa tenant la mienne, mais je faisais semblant de dormir…

Papa et maman se sont vraiment remués pour elle, parce qu’il y avait peut-être quelque chose à faire vraiment. Les premiers spécialistes consultés ont été pessimistes : elle ne saura jamais parler correctement, jamais lire, jamais écrire. A l’époque on regardait maman de travers en se demandant ce qu’elle avait bien pu faire pour ne pas avoir cette enfant venue trop tôt après une première grossesse, et « voilà le résultat madame ». Elle en a pleuré plus d’une fois, car non, elle n’avait rien fait contre cette grossesse. Elle n’avait pas fait de mal à son enfant. Elle n’avait pas tenté un avortement. Mais tout est toujours de la faute de la mère !

Le problème de nourriture est apparu quelques jours après le BCG pratiqué très tôt chez elle comme chez moi auparavant : l’homme aux abeilles, mon grand-père paternel, était tuberculeux. Mes parents restent persuadés que ce vaccin pratiqué trop tôt a été la cause déclenchante des problèmes, et toute la famille avec. A tel point que mes deux filles n’ont reçu leurs premiers vaccins quels qu’ils soient, que vers 2 ans, et pas avant, sans que la pédiâtre ne moufte en me disant que cela pouvait être une erreur…

Maman s’est battue comme un diable et mon premier souvenir vrai était que moi je devais aller à l’école (et je m’y sentais abandonnée par elle) parce qu’elle emmenait ma soeur chez une répétitrice, tous les jours. Une femme qui lui a appris à parler, à reconnaître les couleurs, à compter, et tout en tas de choses. La science de mes parents était impuissante face à ce qui la bloquait. Ils ne savaient pas débloquer ce qui ne voulait pas en elle. Mais bon, elle a su parler, apprendre à lire et à écrire, compter. Elle a pu aller dans une classe spécialisée non loin de chez nous. Mon frère changea d’école pour l’accompagner et la protéger de la méchanceté des autres. Car l’anormal attire chez les enfants la pire férocité.

A l’époque personne ne s’interrogeait sur ce que pouvaient penser les frères et soeurs d’un enfant différent. Personne n’a jamais demandé à mon frère ce qu’il a pensé de son changement d’école. LUI, le vivait assez bien. Moi on savait que je le vivais mal, je ne m’en cachais pas vraiment, au risque de passer pour une soeur indigne…

J’ai réalisé tardivement que pour moi c’était une norme que d’avoir un enfant différent à la maison. Aucune de mes copines de classe ne savait ce que c’était que d’avoir un malade ou un « différent » à vivre tous les jours. C’était normal pour moi les classes spécialisées, le devenir incertain, les répétitrices, l’espoir qui fait vivre. Car devant les progrès malgré tout faits, on parlait toujours de retard… C’est pas sympa. Parce que mes parents se disaient que si à 15 ans elle avait l’âge mental d’un 9, à 22 on irait beaucoup mieux…

Moi j’avais ma soeur avec qui je ne faisais rien de spécial. Elle était différente et c’est vraiment la honte (face à la férocité des autres) de trimballer avec moi pour jouer dehors, du différent qui fait que le lendemain, tout le monde va nous traiter de folle. Cela doit exister encore. Moi on me l’a fait. « Ta soeur cette folle, tu dois bien être folle aussi !!! » en dansant une ronde diabolique autour de moi. On s’isole un peu. Surtout que les parents attendent beaucoup de celle qui n’a pas de problème (et à quoi bon le leur reprocher aujourd’hui, ils étaient si jeunes et si désemparés). J’en ai gardé une phobie de la foule ou de la réunion même de personnes amies, trop importante. Comme si tout à coup on allait me refaire la ronde infernale…

Est venue l’adolescence et le casse tête pour les parents. Vous pensez peut-être que les structures abondent, qu’il n’y a que l’embarras du choix. Vous avez tort. Mes parents avaient trouvé une classe spécialisée mais qui ne pouvait la prendre que jusqu’à 16 ans. Ils insistaient régulièrement pour que je la sorte avec moi et mes amis, mais pour la première fois je faisais front avec opiniâtreté. Il était hors de question que j’impose ma soeur aux autres, au risque de me faire exclure. D’où disputes et menaces. Rien n’y a fait et aujourd’hui je ne le regrette toujours pas. Un jeune de 18 ans n’écoutera pas la complainte du « j’amène ma soeur, ça lui fera du bien de se sentir normale… »

Après ses 16 ans, basta, démerde toi les parents… Un lycée privé sur Maule qui pouvait la prendre, la mère supérieure ayant bien compris le problème. Mais pas la mère inférieure qui la ridiculisa devant toute une classe à lui poser une question à laquelle elle ne pouvait pas répondre et l’humilia pendant deux heure, devant une classe ricanante et cruelle. De toutes manières la crise devait venir.

Chute verticale avec un grand V. On sait ce qu’il s’est passé aujourd’hui. Elle a fait sa première crise de « phrénie » géante, et nous avons été priés de venir la récupérer vu qu’elle ne voyait plus que les yeux de la mère inférieure et qu’elle avait peur. Hôpital psychiatrique pour ce que le psychiatre de service appelait « dépression nerveuse ». Remède : cure de sommeil chez les parents : les parents c’est l’idéal pour tout : non ? les fossés de Vincennes sont par là ! Il fallu un autre médecin la trouvant en pleine crise  après 2 semaines de cauchemar pour ordonner une ré-hospitalisation point barre… Nous ne savions pas ce qu’elle avait, car l’autre s’obstinait avec sa « dépression »…

Un centre trouvé sur Nantes (Coucou Dom !), s’occupant des gens comme elle, du mieux qu’il pouvait. Pas trop au point non plus, mais elle y est resté 7 ans, et existe-t-il le « au point » ? comme s’il y avait une solution à tout…

La séparer totalement de la famille pour qu’elle puisse « évoluer » était un de leur thème de prédilection, la solution à tout, le mal ne pouvant venir que de la famille et non pas d’un cerveau malade.

Etait-il le mieux pour elle ? Convoquer les parents une fois par mois pour essayer de  comprendre ce qu’ils avaient fait de mal quand elle était petite pour qu’elle en soit là était-il le mieux pour eux ?, surtout que les parents n’avaient pas le droit de la voir ? Nous avons tous développé à cette époque une psychose du psy qui persiste encore chez certains. Et elle en a gardé une addiction pour maman qui a dû tant lui manquer, qu’elle en est devenue pathologique (elle ne peut pas aller faire pipi sans demander l’avis de sa mère)

Et l’angoisse des parents grandissant après le premier pépin cardiaque de papa : qu’allait-elle devenir ? Le centre a éjecté ma soeur à la seconde crise. d’une façon qui ne fut pas à sa gloire du tout. Qu’ils soient débordés par la réalité de la maladie était une chose, l’éjecter en nous la laissant quasi sur le trottoir avec ses cartons en était une autre.

Il eut été préférable de prévenir la famille que les crises reviendraient et de plus en plus fréquentes, et de nous dire enfin QUOI au lieu de s’abriter derrière le secret médical. Quand nous en sentions arriver une (crise), personne ne nous croyait. Maintenant on nous croit. Quand on tire le « bip alarme », on se penche sur le cas, c’est écrit en gras et rouge dans son dossier que personne ne veut se débarrasser d’elle mais que si l’on signale qu’il y a un problème, c’est qu’il y en a un. Et Dieu qu’il en a fallu, et des hospitalisations d’urgence, dont une fois où elle avait perdu sa tête et s’était égarée  toute la journée jusque dans le nord de Paris dans une gare inconnue de nous tous, où un passant avait écouté son délire pour nous appeler et la garder hors de danger (béni soit-il…), pour appeler un taxi qui la ramena saine et sauve chez les parents, à la grande honte de l’hopital de jour qui n’avait pas moufté sur son absence, alors que la veille elle avait brisé les lunettes de sa psy, et tout cassé dans la baraque…

Un espoir, après Nantes et l’hôpital de jour qu’elle quittait régulièrement pour l’hôpital tout court, en Belgique sur une fondation de la reine F…. Refusée, car trop instable. Elle va bien un moment (avec camisole chimique) et puis rentre en crise, à tuer tout le monde… Combien de fois suis-je allée la voir avec Mrs Bibelot, à l’hôpital psychiatrique du coin ? Je déteste cet endroit. J’y ai souvent déploré le manque de structures en France. L’HP ce n’était pas pour elle. Il y a forcément autre chose.

Il est anormal ? C’est bon jusqu’à 16 ans, 30, 60…. Si c’est impossible à assumer, tuez-les tous, faites comme les nazis et gazez les ! (premières expériences nazies sur les handicapés. Sauf que les allemands se sont révoltés : c’était leur famille, merde ! pas des juifs étrangers)

Un mieux. CAT, appartement associatif. Rechute et à chaque fois c’est plus bas que la marche la plus basse précédente… Et là un centre qui peut la prendre. Handicapés mentaux, physiques, ils sont les bienvenus jusqu’à leur mort, pas de limite d’âge, la terreur. Soulagement des parents.

C’est là qu’elle vit désormais. Ils ont comprit que l’exclure en punition  (une fois) parce qu’elle a giflé un soignant n’est pas une solution (surtout que là on la renvoie chez les parents qui ne peuvent rien). Ils sont  désormais reliés direct à l’hosto psy qui a son dossier et n’hésitent pas. Elle vient passer des vacances chez les parents et des WE aussi. Nous savons qu’un jour il nous faudra nous la partager mon autre soeur, mon frère et moi. Mais comment le vivra-t-elle ? Sans maman elle est perdue… C’est son repère, sa parole, sa foi.

Tout ça pour dire quoi ? Que quand j’avais 18 ans, j’aurais bien aimé parler maquillage, draguage, et verts pâturages avec ma soeur. Sauf que pour moi une soeur c’est : soit la petite (trop petite pendant longtemps, avant que l’on ne se retrouve entre adultes), soit celle juste derrière moi avec laquelle je ne pouvais rien partager. Que je ne sais pas ce que c’est que d’avoir une soeur quasiment de son âge avec laquelle on peut faire plein de trucs, qu’il en manque une. C’est peut-être à cause d’elle que les disputes des filles m’ont fait longtemps si mal, elles qui ont la chance s’être proches et de bien s’entendre finalement.

Je la regarde simplement parfois, le regard un peu vide, sous camisole chimique sous peine qu’elle ne se tue et quelqu’un au passage, vivre une vie de merde et souvent je me dis que ce n’est pas juste. Pourtant quoi que je puisse faire, il y a toujours un moment où elle m’énerve et je m’en veux après.

Au moins elle vit et malgré mes références, elle profite de la vie peut-être mieux que moi avec mes merdes ordinaires, à sa manière. C’est en la regardant que je me dis que la vie en elle-même est importante. Elle a ses joies si éloignées des miennes mais qui existent… Je n’arrive pas à les comprendre… Si je prenais le quart de ce qu’elle prend en médicaments, je dormirais toute la journée c’est clair, mais elle vit. Elle s’angoisse toujours pour un rien malgré la camisole chimique. Sa vie n’est qu’une longue angoisse, mais elle ne vit que par elle… Certains impatients attendent qu’elle rattrape son retard et du coup ils l’engueulent. Ca m’arrive parfois et après j’ai honte. J’ai été habituée à ce mot « retard ». Et longtemps j’ai pensé qu’un jour finalement, elle serait comme moi… J’ai trop de deuils à vivre, je ne peux pas vivre celui d’une soeur qui est bien vivante.

Et puis je me console en me disant qu’à une certaine époque, on l’aurait flanquée dans une cellule dans d’atroces conditions, laissée délirer à en mourir, mise dans une cage ou brûlée vive.

Mais bon, nous n’en sommes plus là, mais je pense que la France a du retard à rattraper… Question structures, ça laisse à désirer… (délirer)

Je sais que je ne suis pas la seule à connaître cette situation…. Il faut simplement oser en parler…. Chaque famille est unique, mais elle est notre norme.

Et vous qu’en pensez-vous ? Vous n’avez pas l’impression qu’il plane toujours comme une culpabilité dans les familles qui hébergent un être différent ? ET si le ciel l’a voulu et que vous ne connaissiez pas, y avez-vous déjà songé ?

Et pour le frère, les soeurs de ces gens différents, il y a le poids de la culpabilité à porter : celle de n’avoir pas ces problèmes là, d’avoir finalement « de la chance et pas le droit de se plaindre ». Un peu comme la culpabilité du survivant qu’un de mes grand pères rapporta d’Allemagne en 1945…

Une sorcière pas drôle sur ce coup là…

28 réponses sur “Ceux qui ne sont pas comme les autres (réédition du 29 mars 2007)”

  1. Bonjour,
    que ce texte me parait familier, ma soeur cadette de quelques mois étant née malade… Bon, elle n’a pas souffert comme votre jeune soeur, mais elle est venue au monde en étant cardiaque.
    Alors l’enfant « avec du retard », je connais beaucoup : elle était toute fragile, s’effondrait au moindre effort, faisait des allergies en permanence, n’allait pas à l’école et a visité tous les hôpitaux de la région à la chaine. Et moi , j’étais l’enfant la plus solide du monde !
    Il est faut de dire que j’ai ressenti de la culpabilité, mais à de nombreuses reprises j’aurais voulu être malade à sa place, rien que pour ne plus avoir à m’inquiéter pour elle.
    Bizarrement, on se fait à cette vie, j’ai réalisé très tard que vivre avec une enfant malade n’était pas le quotidien de tout le monde.

    Dans mon cas, il y a eu un miracle, car grâce à un médecin de génie, ma soeur a pu péniblement acquérir un droit à une vie « normale » : elle va, vient, mange comme tout le monde et a pu faire des études. Mais pour en arriver là il y a eu 20 ans de galères, de crises à toute heure du jour et de la nuit et d’épouvantable angoisse à l’dée de pouvoir la perdre en quelques secondes.

    Et c’est là que votre article m’a touchée : effectivement, personne ne s’est jamais soucié de la soeur de la malade. Il n’y avait aucune méchanceté là dedans, j’étais juste la garde malade dans l’esprit des autres, sauf qu’il m’a fallut moi aussi guérir dans mon coin de ma phobie de sa maladie, moi qui finissait par haïr ma soeur de tant l’aimer.

    De tout ça je ne retiens qu’une chose : que ne sommes nous pas capables de faire pour l’amour de l’un des notres !

    1. Chaque frère ou soeur dans ces cas là, vit la chose à sa manière. La haine plus ou moins consciente n’est pas rare.
      Désormais il y a une prise en charge psychologique de proposée concernant la fratrie, et je pense que c’est une bonne chose, car c’est difficile à vivre pour tout le monde.

  2. Bonjour Gentille Sorcière,
    Effectivement, quand arrive un drame, les frères et soeurs sont oubliés. Là ce n’est pas une question d’handicap, mais un frère aîné tué sur la route, quelques mois avant de se marier. Mes grands-parents ont été anéantis, et n’ont pas pu s’occuper de leurs autres enfants. Même si elle n’en parle pas, je sais que Maman en garde encore des séquelles, 35 ans plus tard… C’est vrai que perdre un enfant c’est inhumain, mais les autres enfants, ceux qui restent, ont aussi besoin de soutien pour faire leur deuil de leur frère…

    1. Le deuil d’un enfant est une horreur et généralement les autres enfants sont mis entre parenthèse.
      Consulter peut aider mais les séquelles sont là à vie…

      1. Elle aurait dû consulter c’est clair… Elle approuve la psychothérapie… pour les autres! Je crois qu’elle se voile la face mais elle ne s’en sortira pas tant qu’elle ne passera pas par là…

  3. Je comprends ce texte et tous les sentiments de la soeur de malade.
    A un niveau bien moindre et je l’ai compris bien plus tard. Mon frère (de 2 ans plus jeune) est touché par une maladie génétique transmise par ma maman (un risque sur deux mais à l’époque c’était bien malconnu encore).
    Quand j’étais enfant, je croyais que Paris était un grand hôpital. Nous y venions à chaque vacances scolaire en visite à des médecins.
    Mon frère vit lui une vie normale, seulement avec une épée de Damoclès au dessus de la tête. Le risque d’évolution inconnu. Enfant, il lui a quand même fallu passer des heures hebdomadaires chez le kiné, orthophoniste et autres médecins.
    Quant à ma vie de soeur de malade. J’étais jalouse de lui et des attentions qu’il suscitait. Moi j’étais la fille plutôt dégourdie et autonome. Ca a laissé des traces et des reproches à mes parents à l’adolescence. Maintenant les marques existent toujours mais je les ai comprises.
    Lui est jaloux de mes facilités et de sa malchance d’avoir hérité de ce sale gène.
    Le tout est bien difficile pour nos parents.
    A 25 et 27 ans maintenant, nous ne nous entendons toujours pas…..

    1. Oui il y a bien là une contradiction : jalousie des attentions prodiguées au malade, jalousie du malade envers les « normaux ».
      Et des parents bien souvent dépassés…

  4. Dans un contexte beaucoup moins grave, je me suis rendue compte il y a quelques année que j’avais trop compté sur l’autonomie et l’intelligence de ma petite fille de 2 ans et quelques quand son petit frère est né. Il nous a fait passer des mois atroces car toujours malade (en plus d’un caractère assez envahissant, j’en ai la preuve à présent). J’ai réalisé que ma fille s’était retrouvée, sans avoir rien demandé « la grande » alors qu’elle n’avait pas 3 ans. Et qu’elle n’avait pas été heureuse à cette époque. nous avons beaucoup discuté de cela toutes les 2 il y a 2 ou 3 ans(Elle va avoir 9 ans) et j’ai constaté un net soulagement de sa part, à l’idée qu’elle pouvait critiquer son frère et que les règles étaient les mêmes pour eux deux.

    1. Tu as bien fait d’en parler avec elle, et effectivement quel soulagement cela a dû être !
      Il n’est déjà pas facile d’être l’ainé quelles que soient les circonstances !

  5. Très émouvant ton texte!
    j’ai mis mes enfants dans une petite école catho de quartier; à l’époque, un des garçons avait un lourd retard scolaire et de développement, et c’était aussi une idée pour avoir toute ma nichée hébergée au même endroit -et cantine comprise- et cette école accueillait , et accueille toujours, des enfants handicapés mentaux; qui sont pour ceux qui le peuvent, mélangés dans les classes.
    Eh bien la coexistence n’est pas de tout repos!
    Le plus surprenant: les enfants finissent par apprendre et respecter les limites de l’autre « différent » et viennent facilement en aide ensuite .
    En revanche -et ça m’a mis vraiment mal à l’aise- les réactions de certains parents étaient très très négatives…Allant jusqu’à retirer leurs enfants de cette école où on a aussi des des débiles. (texto)(et sans compter les réflexions mesquines)

    je pense aussi à ta mère, dont tu dis qu’elle a du avaler bien des couleuvres sur « sa faute » c’est horrible!

    1. Ah, j’ai toujours trouvé les enfants cruels devant les différences. Quant aux parents, on s’attendrait à plus d’intelligence de leur part, vu leur âge, et on est souvent déçu.
      Preuve : le terme « débile » qu’il faut affronter…
      Et je persiste à dire que l’on manque de structures en France…

      1. Si les enfants sont cruels, c’est peut-être justement parce que les parents ne sont pas tolérants… On s’aperçoit que les enfants sont souvent plus ouverts d’esprit que les adultes, pas encore irrécupérables, alors que pour les adultes, c’est déjà beaucoup plus difficile de leur faire admettre la différence…

  6. La cruauté des enfants tient surtout au fait qu’ils ne se donnent pas de limite et que la différence évite d’avoir à se creuser la tête pour rire de quelquechose… même s’il s’agit d’un être humain qui peut casser. Chacun se sent différent pour une raison ou une autre alors tout le monde peut être blessé à force d’insistance.
    J’ignore comment sont les structures de diagnostic et d’accueil dans les autres pays mais en France il est sûr que le corps médical fait souvent preuve de suffisance en particulier quand il ne trouvent pas de moyen de soigner ou de guérir. Dans mon propre cas, j’ai été victime de convulsions dès mon plus jeune âge et j’ai été rapidement mis au gardénal sans que les médecins ne sachent vraiment si cela servait. Au mieux cela limitait peut-être les risques. Vers la fin de ma petite enfance mes parents ont poussé une vrai gueulante quand les médecins leurs ont annoncé qu’ils comptaient me passer au vallium. Pas vraiment de raison, juste que je devenais plus grand alors le traitement devait devenir plus fort. En gros on se préparait à me transformer en shooté à vie sur ordonnance sans que les électroencéphalogrammes et autres examens aient révélé quoi que ce soit… Au final un médecin plus futé que les autres a trouvé chez moi un simple manque de calcium à traiter par du magnésium à prendre en hiver (pendant les période de faible ensoleillement) jusqu’à la fin de ma croissance (éradiquant des verrues au passage).
    Suite à quoi j’ai juste été un enfant puis un ado très intelligent et sensible (on me l’a souvent dit alors j’y crois très fort!). J’ai eu de la chance mais combien de personnes ont vu leurs vies torpillées par des diagnostics « un peu légers » ou des médecins ne voulant par admettre qu’ils ne savent pas !

  7. Tu as eu de la chance d’avoir affaire à un médecin intelligent.
    Car la peur de l’épilepsie se soigne avec un EEC négatif : inutile de traiter dans ces cas là.
    Mais bon pour la bonne conscience, autant traiter un rhume comme si c’était le SIDA non ?
    C’est la raison pour laquelle j’adore le Dr Acromion : il a ses spécialités même en tant que généraliste : le coeur et la gynéco.
    Pour le reste, il diagnostique très bien, mais préfère sincèrement déclarer que « ce n’est pas son truc » et nous adresser à ses collègues X, Y ou Z (il laisse le choix).
    Pour ma soeur il s’est passé le contraire de toi : on ne savait pas, c’était du retard, cela se comblerait avec le temps, donc on ne traitait pas du tout.
    Et puis il y a eu la première crise. Ma soeur est schizophrène avec crises de délires paranoïaques auxquelles tout le monde se laisse prendre au départ. D’où la nécessité de traiter, ce qu’il aurait fallu faire avant le premier épisode tellement épouvantable que je ne le raconterai pas pour l’instant…
    Tu as eu beaucoup de chance, car effectivement beaucoup ont vu leur vie torpillée par des diagnostics trop léger, avec des traitements inadaptés ou pas de traitements….
    A la décharge de la médecine : on ne peut pas tout savoir du premier coup.
    Mais on devrait savoir dire qu’on ne sait pas…

  8. Étant de l’autre côté de la barrière en tant que soignante je confesse qu’un certain nombre d’éléments du corps médical est souvent difficile à gérer… Il faut à l’entourage du malade (famille, soignant, aides…) des épaules larges et des certitudes bien ancrées pour en venir à bout.

    1. J’imagine qu’il n’est pas évident d’être soignant, ce doit même être une vocation !
      Les premiers psychiatres à se pencher sur le cas de ma soeur, avaient réussi à dégouter toute la famille de la spécialité, jusqu’au « miracle »…
      Difficile pour la famille d’avoir des certitudes, sauf celle de n’être pas crue quand elle tire la sonnette d’alarme…

  9. J’ai moi même eu quelqu’un de ma famille qui était « différent ». Né normalement, il a eu une méningite à un an, qui a laissé de lourdes séquelles. Il n’a jamais pu parler, il était sourd, est resté toute sa vie un enfant. C’était mon cousin. Je ne l’ai quasiment jamais vu, tant sa mère, désemparée, l’a caché à la famille. Le manque de structure, le manque d’aide aussi, l’a laissée totalement esseulée. Il est mort à 20 ans, étouffé par une énième crise d’épilepsie. Sa différence a été source de honte pour sa mère, car à elle aussi on a reproché énormément de choses. Elle devait avoir été bien mauvaise pour que son fils soit aussi malade. Les préjugés existent encore aujourd’hui et les structures d’accueil ne sont toujours pas assez développées. Ces enfants différents ont la vie dure, mais je suis d’accord avec vous, on ne se préoccupe pas assez de la douleur et de l’impuissance des proches.

  10. Le manque de structures est encore une façon de ne pas vouloir voir les choses. Les pays nordiques sont très en avance sur nous en ce domaine.
    J’imagine sans peine le calvaire de ta tante, on ne se remet jamais de cela.
    Néanmoins les choses bougent un petit peu, ce n’est plus systématiquement la faute de la maman, et on commence à se préoccuper des frères et soeurs…

  11. Je ne peux que te dire que ton billet suscite des réflexions, n’ayant pas connu de près ou de loin cette situation.
    Mais d’une manière plus générale autant que moins grave, on a souvent autour de soi l’exemple d’un frère ou d’une soeur qui a bénéficié des plus grandes attentions, tandis que l’aîné étant considéré comme grande ou grand ne devait que compter sur lui même.
    Je déborde du cadre, juste pour dire qu’une des choses auxquelles j’attache le plus d’importance est bien de « traiter » mes enfants de manière équitable, en toutes situations, qu’il n’y en ait pas un qui se sente lésé ou moins aimé, rien que cela est une tâche parfois compliquée.
    Bisou de Nantes (last time ?) 🙂

    1. Vu ma situation familiale de base, la préférence très nette que marquaient mes beaux-parents pour leur « fils », j’ai toujours fait comme toi très attention avec mes filles.
      Ce qui n’est pas toujours facile, car les enfants ont généralement des caractères différents.
      Mais bon, je n’ai pas eu de plaintes.
      Dernier com de Nantes ?
      🙂

      1. C’est vrai que ça traumatise, les préférences des parents pour un ou plusieurs enfants au détriment des autres… Ma mère (oui encore) a énormément souffert de la préférence qu’avait sa propre mère pour ses garçons… préférence qu’elle a également en ce qui concerne ses petits-enfants: les enfants de son fils restant ont toujours été mieux considérés que ma soeur et moi, alors même qu’ils ne viennent jamais la voir contrairement à nous… Encore aujourd’hui, ma mère lui en veut (même si elle ne le dit pas ça se voit et ça la ronge), et en revanche, elle a toujours fait attention de ne jamais avoir de préférence, même si nos caractères, à ma soeur et à moi, sont très différents et malgré la différence d’âge importante… C’est le plus beau cadeau qu’elle nous a fait, cet amour inconditionnel et sans distinction…

        1. Les préférences marquées des garçons par rapport aux filles ou inversement sont tellement injustes ! Et reporter ces préférences sur les petits enfants….
          Et c’est tellement fréquent…
          Oui, tu as été très claire !

        2. Longtemps que je te lis et je ne commente jamais, car au boulot (la vilaine !). Cependant, cette histoire-là me donne envie de te parler.
          Je suis l’aînée de 4 filles, moi I. née en 1957, M.C. née en aout 1959, A. née en juillet 1960 (11 mois d’écart, l’époque était réjouissante pour les femmes) et F. née en septembre 1964 (début de la contraception, pas tout à fait au point cependant, mais pas de regret côté maternel).
          Dès sa toute petite enfance, A. a manifesté un comportement différent de celui de ses aînées : rivée à sa mère au point de passer les après-midi plage couchée sur son ventre si je ne venais pas l’en distraire, cauchemars et crises de colère… Très vite, je l’ai prise sous ma protection et dans mon lit la nuit, pour qu’elle ne réveille pas le reste de la famille en hurlant et en allumant toutes les lumières de l’appartement.
          Mon père, pas du tout adulte et sûrement mort de honte des comportements de sa fille vu son éducation de grand bourgeois, ne l’a jamais supportée. Elle a marché à 4 ans, parlé (mal) à 8 et, s’il nous mettait mal à l’aise, il avait sur elle un effet dévastateur. Comme il glaçait toute la famille par ses réflexions désagréables et qu’il se délestait sans vergogne sur ma mère de toutes les tâches d’éducation et d’intendance, j’ai très vite assumé des responsabilités envers mes cadettes, et surtout celle-ci, tellement fragile.
          Le divorce de mes parents l’année de mes 11 ans a été un soulagement : au moins, plus à craindre qu’il ne s’en prenne à elle.
          Le mieux qui ait pu lui arriver, c’est d’être scolarisée à partir de 10 ans en IME, ce qui était déjà trop tard pour tout apprentissage scolaire. Mais cela a nettement amélioré son comportement : plus de crachats à la moindre contrariété, moins d’insultes, moins de colère. Elle a également fait des crises d’épilepsie de 16 à 25 ans (très pratique pour la vie en société), puis une dépression qui a amené à son hospitalisation durant quelques mois.
          Elle a maintenant 49 ans, ne sait ni lire, ni écrire, ni compter, ni se repérer dans le temps, toutes choses cause de grandes angoisses pour elle qui font qu’elle pèse bien lourd dans notre vie.
          Par contre, à l’inverse de ton expérience, je l’ai toujours imposée dans les groupes que je fréquentais, pour plusieurs raisons :
          – je l’aimais et je voulais qu’elle se sente intégrée autant que possible ;
          – ma mère travaillant à plein temps (et assurant des gardes de soins certains week-end), je devais veiller sur mes soeurs tant qu’elles étaient trop jeunes pour rester seules. Autant trimballer la smala et pouvoir voir mes copains ! D’ailleurs, tous mes amis aînés de famille avaient le même dilemme : ou on se coltine les petits ou on ne sort pas, elle se fondait dans le lot ;
          – c’est parfois regrettable, mais ça fait très vite apparaître le degré de tolérance de chacun à la différence et tes amis te deviennent très chers ;
          – ma scolarité chez les soeurs a dû jouer aussi (les simplets au royaume de Dieu et tout ça. Par la suite, ce discours m’a mise terriblement en colère, j’avais envie de leur proposer de prendre ma soeur en pension un petit mois, pour mettre en application leurs principes).
          Le côté positif de la chose est que ça m’a fait prendre conscience très tôt que non, quand on veut on ne peut pas toujours, que tous n’ont pas les mêmes chances au départ et ça m’a appris la patience et la compassion. La réflexion aussi, et à ne pas tomber dans le simplisme.
          Bref, si son existence a pesé et pèse toujours beaucoup dans ma vie, la balance n’a pas penché que du côté négatif, loin de là. J’ai rencontré des gens formidables, nos enfants à toutes sont gentils avec les « différents », ce n’est pas rien. Mais j’ai longtemps hésité avant d’avoir des enfants, par peur d’avoir à affronter les mêmes difficultés.
          Par contre, il est vrai que les structures manquent cruellement pour les adultes, je ne sais pas ce qu’elle serait devenue si toute la famille n’avait pas fait front.
          Elle vit dans un foyer-résidence pour personnes âgées, c’est la seule solution que nous ayons trouvée pour que ce soit gérable géographiquement. Elle a un emploi (protégé)à mi-temps comme femme de ménage dans un hôpital et est sous curatelle renforcée pour prévoir l’avenir, car ma mère vieillit et mon père l’a complètement abandonnée.
          D’ailleurs, je n’ai plus de rapports avec lui en grande partie à cause de son attitude envers elle.
          Nous savons que nous serons à vie responsables d’elle et nos conjoints sont impliqués aussi, ne serait-ce que pour les vacances. Elle ne peut partir seule, nous nous efforçons de l’emmener dès que c’est possible, mais c’est lourd, très lourd.
          C’est terrible à dire, mais j’ai eu parfois envie d’en finir avec elle, pour que ma mère puisse enfin décompresser.
          Merci d’en avoir parlé, ça rappelle à tous que personne n’est à l’abri d’une grosse tuile et qu’il faut sans cesse se battre pour que les plus faibles soient protégés.

        3. Biloba, témoignage émouvant, histoire différente bien sûr, mais chaque famille a la sienne.
          Difficile à vivre le comportement de ton père.
          Personnellement je n’ai jamais pu « m’occuper » de ma soeur, d’ailleurs on me l’a peu demandé.
          Pour ce qui est des structures, nous avons eu beaucoup de chance de trouver cet institution très bien où elle se trouve désormais (en venant passer des WE et des vacances chez ses parents).
          Car ça manque, ça manque !

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