Ce sont des émotions comme celà qui abrègent une vie… (Alice au pays des merveilles)

Ou un truc dans le genre… (chapitre : le chapelier toqué qui me fait toujours mourir de rire, eh oui, je suis restée une grande gamine…)

  • J0 : jean Poirotte ne se sent pas bien, il claque des dents, il se sent faire un « frisson ». Le frisson défini par la Faculté, n’a rien à voir avec le simple frisson d’horreur en voyant une tarentule traverser le salon. Il connait, il en a fait un après son cactus dans le myocarde, au moment où il avait quitté l’unité de soins intensifs, pour y retourner donc dare dare. La personne tremble tellement qu’il faut parfois se mettre à plusieurs pour tenir un bras pour procéder à une injection.
  • Il met cela sur le compte du froid.
  • J + 4 : nouveau frisson, bref, mais tout de même. Le lendemain il en parle à Acromion qui ne semble pas trouver le symptôme grave, mais lui conseille quand cela se produit, si cela se reproduit, de prendre sa température. Mon père a-t-il bien insisté sur le rapprochement qu’il fait sur ces deux frissons et celui qu’il a vécu à l’hôpital jadis (3 médecins urgentistes et 2 infirmers à son chevet).
  • J + 7 : deux frissons dans la journée. Je le somme de revoir Acromion au plus vite, mais je n’ai plus mon chantage d’antan à lui servir « sinon je ne t’amène plus tes petites filles ».
  • J + 8 : 2 frissons
  • J + 9 : 3 frissons. RV pris avec Acromion pour mardi 3 novembre au soir
  • J + 9 dans la nuit : frisson à nouveau. Mrs Bibelot fait venir le jeune médecin qui remplace Acromion certains jours.
  • J + 10 : le jeune médecin tient à éliminer le plus grave possible, car des frissons à répétition ce n’est pas bon signe. Le plus grave possible c’est une infection du défibrillateur qu’il porte depuis 6 ans, dont le boîtier a été changé il y a juste un an. Il lui prescrit une batterie d’examens, et Jean Poirotte docilement va faire faire sa prise de sang. Pendant ce temps là, le jeune médecin exige un RV avec le cardiologue qui suit papa en rythmologie à Parly II. C’est le seul service dans le genre dans un large secteur.
  • RV pris pour le lundi 2 novembre à 14 H

Plus de frissons, ON reste confiant, sauf moi qui aime à voir les choses en noir. Je conseille à maman de partir à la clinique avec tout de même une petite valise, allez savoir, cela pourrait conjurer le sort…

  • 2 novembre : le cardiologue téléphone au laboratoire pour avoir un minimum d’analyses. « Ah mon dieu, mais quelle horreur ! Tout ça ! Ah mon dieu, c’est grave ». Si Miss Vésicule avait été désinformée, là on ne peut pas dire que l’on cache quoi que ce soit au patient.
  • 2 novembre : maman m’appelle en pleurant, quittant la clinique où l’on a gardé mon père, son mari. Je suis là, pas de soucis, tous ses enfants sont là pour elle, je la rejoins chez elle.
  • Elle arrive après moi, totalement à l’envers. « Ton père fait une grave infection, cela peut venir de son défibrillateur ». « Normalement il devrait avoir de la fièvre », « ah mon dieu qu’est-ce que je vais oublier pour demain ? ».
  • Je ne supporte pas de voir ma mère paniquée comme cela. Je ne lui en veux pas, mais j’ai mal. C’est mon père, mais c’est son mari depuis 52 ans, son homme depuis 56 ans. Sans lui… Je l’aide à tout préparer, une amie lui apporte une petite valise. Elle sait que papa doit passer un examen le lendemain, mais elle n’a rien noté et me parle de l’oesophage. Je n’y comprends rien.
  • 3 novembre, visite au malade, relativement souriant. Il a passé une échographie intra-oesophagienne, permettant de visualiser le coeur. Et l’infection est bien là, appelée « végétations » par le médecin, comme « des vers » nous dit-il, qui se déplacent au gré du courant sanguin. Infection des sondes qui ne sont pas remplacées quand on remplace le boitier du défibrillateur. La seule solution est de tout retirer, y compris les sondes en place depuis 6 ans. Tout le monde se doute que ce n’est pas anodin, je sature Internet avec mes recherches…
  • 4 novembre : le traitement est mis en place par voie intraveineuse, à raison de deux passages de deux produits différents, matin et soir. Papa a bien noté les noms et me les donne pour que je regarde à quoi cela correspond. Ce sont deux antibiotiques couvrant la sphère gram + et gram -, ne pouvant être administrés que par voie intraveineuse. Sinon il ne semble pas plus atteint que cela, en dehors du moment des perfs, il est libre de se promener. Il lit, il fait ses mots croisés (sadiques, où il faut mettre les cases noires) et descend de temps à autre fumer son petit cigare.
  • 5 novembre : l’opération du retrait du défibrillateur est fixée au lundi 9. Tout le monde commence à angoisser, et je sens ma mère perdre pied. Heureusement elle est bien entourée, les amis ne manquent pas qui viennent la visiter et lui remontent le moral. « Il est costaud ton mari ». Oui il est costaud papa. Son cardiologue lui a avoué qu’il souffrait d’une infection nosocomiale qu’il n’a pu contracter que lors du changement de son boîtier. Soit, il y a 1 an. Ses fatigues à répétition nous reviennent. 1 an que son corps se bat contre cela… Oui, il est costaud mon papa, on me l’avait dit après sa première crise de tachycardie ventriculaire qui avait duré plus de 16 H avant le choc final… Un autre chirurgien dira « bof » quand ils ont réalisé qu’en fait il pourrait y avoir plainte. Ce n’est pas note état d’esprit, et je préfère la franchise du cardiologue à la levée de bouclier de son assistant…
  • 6 novembre : à notre arrivée, papa précise à maman que la secrétaire du cardiologue veut la voir. Elle remonte livide. En fait c’est la chirurgienne qui doit opérer papa qui voulait la voir pour lui faire part des risques de l’opération. Elle reste évasive vis à vis de papa qui la connaît par coeur et sait bien qu’elle ne va pas bien. Et lui, quel souci se fait-il ? Il n’est pas fou. Il sait bien que retirer sa machinerie est risqué. Mais jamais il ne montrera son angoisse à maman. Ils se tiennent la main comme de jeunes amoureux et il la rassure « tu sais bien que je suis indestructible »… Nous repartons, maman pleure. Le choix c’est crever d’une infection grave, ou de risquer de crever pendant une opération à risques. Pas de possibilité de juguler l’infection et laisser l’appareillage en place…
  • La chirurgienne lui a dit qu’en tirant sur les sondes on pourrait arracher des bouts de coeur. Qu’il faudrait basculer en opération à coeur ouvert pour retirer les sondes comme on peut. Maman ne voit qu’une chose : le coeur de papa explosant sur un coup de « je te tire la sonde ». Là on ne peut pas dire qu’il y a désinformation. Pour qu’elle dorme, je lui laisse deux ou trois anxyolitiques… C’est dans la nuit du 6 au 7 que je mets en ligne en pleurant comme tous les soirs, un post demandant à mon ange gardien de veiller aussi sur papa lundi 9. Post qui aura un bug. Peut-être que c’était sa réponse : ne t’inquiète pas. Moi je panique et j’efface le post en ayant l’impression d’avoir porté malheur à mon père. Qui parle à son ange gardien sur internet ? Surtout une athée avouée comme moi, ce qui ne m’empêche pas de croire aux anges gardiens…
  • 7 novembre : je ne me déplace pas, c’est ma soeur qui part avec maman. Papa a été informé à son tour. Risque supplémentaire : qu’une colonie de bactéries en forme de végétation ne migre dans le système circulatoire et déclenche une embolie pulmonaire… C’est l’horreur, plus personne ne dort.  Ce soir là, je reste avec elle et dort « à la maison », car j’ai l’angoisse de l’idée de la savoir seule à jamais dans cette grande maison…
  • 8 novembre : c’est le WE, tout le monde va voir mari, père, papy… Nous répartissons les visites. Cela fait très visites groupées au condamné, mais comment faire autrement ? Maman et moi restons les dernières. Ils se tiennent la main, se regardent et s’embrassent comme si c’était la dernière fois… Maman repousse le départ le plus possible. Elle pleure encore en rentrant « le pollen » dit-elle…

Et puis vient le jour de l’opération. Elle doit avoir lieu « dans l’après midi ». Reste à s’entendre sur le « dans l’après midi ». Pour moi c’est vers 15/16 H, pour maman ce jour là, c’est 14 H…

  • 15 H : papa appelle : il est toujours dans sa chambre, il jeûne depuis le matin mais il n’a pas faim… Que lui donne-t-on pour l’angoisse ? Là encore depuis le début, je trouve qu’il y a carence très nette en ce domaine. La peur du patient, tout le monde s’en cogne.
  • 16 H : il rappelle : il est toujours dans sa chambre. Une fois de plus maman respire un peu mieux, mais n’arrête pas de s’agiter dans tous les sens. C’est sa manière de faire face au stress, moi cela me coupe les jambes. En plus je suis surchargée de textos de Pulchérie auxquels j’ai bien du mal à répondre… Enfin, je sais envoyer enfin des textos, même bourrés de fautes…
  • Plus de nouvelle. L’angoisse est là, mortelle, plombant la cuisine, même le chat sent quelque chose. S’il n’a pas rappelé à 17 H c’est qu’il est descendu au bloc, mais quand ? à 16 H 05 ou 16 H 55 ?
  • Le temps passe. Il ne coule pas. Chaque seconde nous oppresse et compte. Nous calculons. Avec ou sans complication… Vont-ils vraiment appeler pour donner des nouvelles avant demain matin ?
  • Je charge gendre n° 1 de me trouver des lignes directes dans cette fameuse clinique dont le serveur téléphonique fera l’objet d’un post exclusif.
  • Maman refuse de se servir de son fixe : si on l’appelle ce sera forcément dessus. Elle n’a pas le réflexe portable et ne pense pas qu’une clinique puisse l’appeler sur le sien. Et les appels affluent : tout le monde prend des nouvelles. Elle raccroche sèchement : « j’attends des nouvelles ». Sans en vouloir à qui que ce soit, quand on précise « je vous tiens informé » c’est qu’on le fera, et que si l’on ne téléphone pas c’est qu’il n’y a rien de nouveau…
  • 21 H : Au moment où j’ai réussi à joindre le service cardiologie et qu’une gentille personne essaye de m’aiguiller vers le bon service, le téléphone sonne enfin et maman me fait signe que c’est bon, c’est la clinique.
  • Quelqu’un lui dit « tout s’est bien passé, d’ailleurs je vous passe votre mari, il nous fait la java pour vous appeler depuis plus d’une heure »…

Il avait une bonne voix au téléphone. Rescapé une fois de plus d’une embrouille grave, il pouvait dire qu’il allait lui aussi, enfin, bien dormir…

Après il nous restait à prévenir tout le monde en chargeant untel de prévenir untel, mais c’était un réel bonheur.

J’avais prévu de dormir avec maman dans le pire des cas (pas de nouvelles, mauvaise nouvelles), et je suis donc finalement rentrée chez moi.

Avec un truc en moins dont je n’ai compris que tard ce que c’était.

L’angoisse…

Merci à l’ange gardien de Jean Poirotte qui a déjà fait pas mal de bon boulot, et au mien que j’avais envoyé à la rescousse au cas où son collègue serait un peu fatigué… Et aux bonnes ondes que certains ont envoyées…

Bien sûr reste à juguler définitivement l’infection, débattre de la repose ou non d’un défibrillateur, mais le plus dur est désormais derrière…

Ce mardi 10 nous aurons plus de précisions. Tout ce que nous savons c’est que tout s’est bien passé, que les sondes sont parties gentiment et qu’il pourra dire demain à maman, en lui tenant la main « tu le sais bien que je suis indestructible… »

0 réponse sur “Ce sont des émotions comme celà qui abrègent une vie… (Alice au pays des merveilles)”

  1. Ouf !
    Au milieu de toute ce b*rdel ça n’a pas du lui sembler terrible mais l’écho trans-oesophagienne c’est rien que du bonheur 😉 Un tuyau semi rigide de 7/8 mm de diamètre qui passe par l’oesophage pour aller au plus près du coeur, et qu’on agite un peu pour avoir le bon angle… je te dis pas comme c’est gerbant 😉
    Bon allez maintenant antibios pour le malade et repos pour tout le monde même et surtout pour l’indestructible 😉
    Bises

    1. Oui pour l’écho il n’était pas ravi, mais il supporte beaucoup de choses, n’étant pas douillet (heureusement !)
      Pour la suite, il faut trouver le germe coupable.
      Quant au repos c’est 6 nuits quasi sans sommeil mais avec soucis qu’il faut rattraper !

  2. Tu vois ,tu avais raison de solliciter ton ange gardien.
    Tres heureuse pour toi et ta famille ,que d’angoisses vous avez traversé.

  3. Mais alors là, il est sans défibrillateur ? pfffffff !
    En tous cas vous avez des anges gardiens extraordinaires ! Zont pas du aller dans la même école que le mien, et ceux de ma famille en général !!! Ou alors ils sont sortis majors de leur promotion !
    Bon courage pour la suite et tous mes voeux de prompt rétablissement à ton papa…

  4. Oui il est sans défibrillateur, mais en soins intensifs, donc à l’abri théoriquement…
    Et oui, nous avons l’impression d’avoir des anges gardiens extraordinaires…
    Les choses vont suivre leur cour, il n’est pas encore sorti de l’hôpital…

  5. Tous mes voeux de bon rétablissement à ton papa et mes amitiés à ton ange gardien.
    Ha ! j’oubliais : Bonne nuit !

  6. Les deux anges gardiens ont peut-être tenu à ce que la teneur du post reste entre vous. 🙂
    Mon grand-père a connu exactement le même problème: pose de nouvelles sondes qui s’infectent, usure du physique, antibios, corps médical devenant loquace quand le problème est devenu trop visible puis opération « en urgence » par une équipe de bons pour tout retirer. L’infection était tellement grosse que cela lui faisait « une paire de coucougnettes » sur la poitrine comme il disait. On parvenait à en rire après que tout soit réglé mais on n’en menait pas large à l’époque.
    Monsieur Poirotte doit prendre sur lui vis-à-vis de son entourage mais à un moment il devra souffler en plus de récupérer du choc physique. Courage pour la suite.

    1. Le bug reste curieux effectivement.
      Là l’infection remonterait à la pose du deuxième boîtier l’an dernier… Maintenant c’est contradiction et tout sur l’origine de l’infection que son cardiologue a déclarée « nosocomiale » spontanément.
      Là l’infection devrait se juguler facilement. Tellement facilement d’ailleurs et avec des microbes tellement gentils, qu’il faut qu’il aille en maison de repos dans quelques temps, car les antibiotiques nécessaires ne sont administrables que par voie intra-veineuse…
      Je crois que Jean Poirotte est soulagé de savoir l’opération derrière et que les sondes n’étaient pas accrochées…

  7. Hé bé… je n’étais pas venue ici depuis quelques jours, et voilà ce que je découvre! A la lecture des dernières lignes, juste un mot: Ouffffffffffffffffffffffff!
    … et courage!

    1. Nous l’espérons. Sur les suites les médecins sont, comme de coutume, très peu bavards, le passage dans la chambre est un passage éclair.
      C’est vrai qu’il est costaud, et bon il n’a QUE 71 ans.
      Ben oui, plus le temps passe et plus on repousse les limites de la vieillesse 🙂

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