8 Mai 1945

RolandMai 1945. Le 8 mai, date anniversaire de Mrs Morgan, l’armistice est signée. La guerre est enfin terminée. L’europe est dévastée, les morts se comptent par millions de par le monde et surtout chez elle… Mais pour l’Europe c’est terminé. Il y aura d’autres horreurs (deux bombes atomiques lancées sur des civils) mais pas pour elle. Elle s’en fout l’Europe, elle n’en peut plus…

Mrs Tricot n’a plus de nouvelle de son mari depuis 6 mois, pour elle, il est mort. Ses lettres sont sans réponse. Elle survit, résignée, attendant des nouvelles éventuelles de compagnons de stalag de son mari (la photographie a été prise au stalag). L’armistice est juste signée, mais il y a un bon moment que les américains et russes libèrent des camps multiples, que cela rentre en France. Il y a un moment que l’on sait tout ce qui a pu se passer de l’autre côté de la frontière, là-bas, en allemagne, le mot « allemagne » étant craché par beaucoup. Et l’hôtel Lutecia accueille des moribonds qui pétrifient tout le monde devant leur aspect…

Le récit m’a été fait par Jean Poirotte et par elle également. Lui, petit garçon à l’époque, qui ne se souvenait pas de son père vraiment, mais qui lui envoyait des baisers vers l’est tous les dimanche, dormait dans le lit de sa mère qui pleurait beaucoup quand elle était là, depuis un petit moment (6 mois c’est long quand on est gosse).

Mrs Tricot était venue passer quelques jours chez ses parents. Elle travaillait et l’entreprise qui employait son mari également avant (et après d’ailleurs), a versé aux femmes de prisonniers, le salaire du mari, intégralement, pendant toute l’occupation. Elle n’était donc pas dans la gêne, mais était venue voir son fils scolarisé chez ses grands-parents en prenant quelques jours de congés.

Beau temps. Se laver les cheveux, c’est le jour du mois où il faut le faire. L’eau courante dans la maison, mais un évier inconfortable, elle descend à la pompe avec son savon fait maison (cendre et potasse), en jupe et calicot. Jean Poirotte aime bien regarder sa mère se laver les cheveux en criant que l’eau est glacée, et il l’aime bien en petite tenue (Oedipe quand tu nous tient)…. Il pompe l’eau pour remplir le broc, il se sent utile.

Elle en est au rinçage et c’est froid. Le savon lui a brûlé le crâne il faut tout bien rincer… Cavalcade dans la rue tout à coup et hurlement !

« Mrs Tricot, Mrs Tricot, votre mari au téléphone ! » C’était le maire. Il n’y avait que deux téléphones dans le village : un à la poste et l’autre à la mairie. Et là, Jean Poirotte stupéfait, vit sa mère se relever en lançant de l’eau partout, et partir en courant « à moitié nue » (en calicot) dans la rue, vers la mairie. Elle a avoué après coup qu’elle serait partie de même en « combinaison »…

Oui c’était bien son mari, rentré à Versailles pour se faire démobiliser avant tout (la bureaucratie est toujours très humaine) et se pointant chez lui pour n’y trouver personne.

Le premier VRAI souvenir de Jean Poirotte en ce qui concerne son père est que tout le monde pleurait, sa mère aussi et surtout. Tout le monde est parti à la gare en gambadant (2 km à pied… ça use…) pour attendre l’arrivée du rescapé que tout le monde croyait mort.

Souvenir de l’arrivée d’un homme dont il avait oublié le visage, à l’air triste, dans les bras de qui sa mère s’est précipitée, le renvoyant lui, dans un autre monde, puis qui l’a serré très fort contre lui en pleurant qu’il était un grand garçon maintenant, parce que tout le monde pleurait.

Et le soir… Et bien cet homme là, le père revenu, dormait avec maman et lui tout seul dans un lit loin de sa maman…. Abandonné de tous… Ne comprenant plus rien au monde…

Pas toujours facile d’avoir un papa. Et puis 8 mois après, deux petites soeurs…. L’émotion favorise l’ovulation double ou triple… Mrs Tricot a fait ce qu’elle a pu… Mais bon, elle ne s’est jamais trompé dans ses calculs en disant que ses filles étaient nées jour pour jour 8 mois après le retour de son mari…

Un papa qui rentre malade et épuisé, ayant vu trop d’horreurs n’est pas franchement top pour comprendre un petit garçon de 7 ans bouillonnant de vie, qui a son caractère et pas du tout l’intention de laisser un étranger lui donner des ordres et lui piquer sa mère.

Commençait un long combat… Quand les guerres sont enfin terminées, ne pas croire que c’est la paix….

Le 8 mai je pense à eux. A tous ceux qui ne sont plus là et qui ont connu cette guerre voire même celle d’avant.

C’est un jour de congés (que Giscard nous avait supprimé)… Un jour de souvenirs de ceux qui ne sont plus là pour m’en parler… Et une grande pensée pour ceux qui ne sont jamais revenus s’il vous plaît… Ceux qui n’ont pas connu la joie de la bonne  fin et survécu en fin de compte.

Pour eux la fin de vie n’a été qu’un véritable long calvaire…

(Réédition du 8 mai 2007)

0 réponse sur “8 Mai 1945”

    1. Merci !
      Les principaux protagonistes n’étant plus là pour évoquer cette histoire, à part mon père, cette histoire VRAIE me fait désormais monter les larmes aux yeux.
      Mais tout le monde sait que je suis une vraie fontaine…

    1. Je suis tout à fait d’accord avec toi.
      Mes rappels à certaines dates sont faits pour cela.
      Vieille dame radotante, je raconterai à mes petits enfants la dernière guerre mondiale et même la première, en leur expliquant que j’ai connu des personnes les ayant vécues…

  1. Et la Guerre des Gaules aussi, car tu as bien connu le centurion Marcus. :o)

    Allez, pour ce 8 mai, on s’en met une petite camarade. Ça fait chaud au coeur et ça remonte le moral des troupes. Grosses bises

  2. J’imagine très bien l’émotion qui devait porter Mrs. Tricot pendant qu’elle courrait. Ils ont eu de la chance de pouvoir se retrouver.

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