L'habit ne fait pas le moine…

femme-dedaigneuseEt moi qui déteste les dictons…

Avec Albert j’ai connu une époque de vaches grasses. Sans en abuser, j’ai profité tout de même de cet argent qui me permettait de ne pas acheter la viande n’importe où, de ne pas compter vraiment (d’un autre côté je n’étais pas du style à dépenser n’importe comment, une robe qui coûtait le SMIC désolée, je ne pouvais moralement pas…)

J’habillais à l’époque Pulchérie et Delphine quasi exclusivement chez JACADI. Je ne sais pas si l’enseigne existe toujours. Je sais que 4 fois par an, je débarquais dans la boutique avec mes deux puces, et que la gérante me déroulait le tapis rouge.

Suivant les saisons, c’était : manteaux, pantalons, robes chaudes, pulls, cardigans assortis, chaussettes, ou petites robes à fleurs, cardigans assortis, jupes, ensembles pantacourts, etc… Elles en ont eu du Jacadi, y compris chacune une petite veste autrichienne, rouge pour Pulchérie et verte pour Delphine à qui cette couleur seyait à merveille…

J’y laissais généralement une grasse somme, les filles frétillant d’impatience et déçues de ne pas TOUT pouvoir porter le même jour. J’avais souvent droit à un petit cadeau : bandeau pour les cheveux, 2 paires de soquettes ou chaussettes supplémentaires.

Et un mercredi d’une mi mai bien chaude, alors que je viens de tondre la pelouse (visualisez une jeune femme rouge, transpirante, échevelée, habillée d’un vieux jean et d’une chemise d’homme qui n’a plus de forme), les filles me sautent dessus alors que je rentre me mettre au frais :

  • MAMAAAANNNN : tu as dit qu’on allait aller chez Jacadi !

Oui, je l’ai dit, sans préciser le jour. Pour les sandales et chaussures d’été, je restais ferme : les achats étaient programmés pour début juin. Les années précédentes m’avaient appris qu’elles changeaient toutes les deux de pointure, entre le 20 mai et le 10 juin…

  • MAMAAAANNNN ! On y va maintenant ! (elle n’ont pas vu sur mon visage un quelconque refus)

C’est bon les filles, on y va, laissez moi me laver les pieds (plein d’herbes) et changer de chaussures. Nous partons donc, moi les pieds propres dans des mocassins tout à fait quelconques, avec ma tenue divine, et les cheveux relevés à la hâte avec une barrette, car ils ne se sont pas remis de ma transpiration de tonte de gazon d’herbe.

Arrivée chez Jacadi, j’ai trouvé une place juste devant. Les filles ne sont pas vraiment plus reluisantes que moi, je m’en avise : vieux short qui ne craint rien quand elles font de la soupe d’herbe dans le jardin sous l’oeil de la chienne toujours intéressée, et du chat idem, et T shirt attestant qu’elles ont bien fait de la soupe…

Cela ne les empêche pas de gambader dans le magasin, et de commencer à repérer ce qui va leur plaire. La vendeuse (une nouvelle, tirée à 4 épingles), me toise d’un air méprisant. Je l’ignore.

Pour elle, je n’ai certainement pas les moyens d’habiller mes filles dans ce magasin. Pas trop cher, mais pas bas de gamme non plus… Je n’ai pas le staaaïle ! Limite elle va me virer.

J’élimine avec les filles parfois dépitées, les vêtements visiblement trop salissants, mais elles ont leur petite idée de ce que nous allons emporter.

La vendeuse ne moufte toujours pas derrière sa caisse. Elle ne me demande pas si elle peut m’aider, alors que je regarde si le cardigan bleu ciel existe bien en 5 et 8 ans (elles aimaient bien être habillées pareil, même si j’essayais de varier un peu pour le même ensemble, au niveau des couleurs).

Arrive la gérante qui me voit très bien et me salue. Elle revient de l’arrière boutique avec ce que l’autre cliente arrivée avant moi, cherchait.

J’en rigole encore. Mine de rien, elle passe derrière la caisse…

  • Coup de coude à la vendeuse, avec un signe de tête dans ma direction (à chouchouter absolument)
  • Regard ahuri de la vendeuse (ELLE ?)
  • Approbation discrète de sa chef.
  • A contre coeur, elle vient m’aider à trouver ce qu’il me faut, ou proposer à la petite fille dépitée qu’il n’y ait plus sa taille, l’équivalent. Elle se force tellement que sa chef dont la cliente est partie, vient la remplacer.
  • Moralité : 4 « petites robes », 4 ensembles shorts et chemisiers, soquettes assorties, 4 cardigans (2 par filles, de couleurs assorties aux ensembles et robes), et puis deux petites zupettes, 2 chemisiers blancs malgré mes avertissements sur la salissure éventuelle, et j’en passe.
  • La somme était rondelette pour l’époque : 2000 F. Jamais je ne claquais cette somme là pour moi, même pour une robe ET la paire de chaussures assorties…
  • Tête de la vendeuse en me voyant sortir une GOLD American Express
  • Déroulement du tapis rouge par la gérante qui a offert aux filles à chacune une jolie ceinture…
  • A peine en train de sortir de la boutique : j’entends le début de la mercuriale que la gérante est en train de passer à sa vendeuse « mais enfin Stéphanie, il ne faut jamais de fier à l’apparence des gens, et… »

Eh oui. Ma grand mère qui tenait une boutique de luminaires, a souvent été surprise de la « pauvre » allure d’une femme qui venait lui en acheter pour une belle somme, se faisait livrer dans un magnifique pavillon et payait rubis sur l’ongle.

Alors que le chèque de la femme si chic revenait impayé…

Mrs Morgan se fiait beaucoup aux apparences. Or ce n’est pas parce que vous en avez les moyens que vous vous promenez en tailleur Chanel, quand la majorité de votre temps vous vous occupez de votre jardin et de l’entretien de la maison, et allez promener chien et mômes dans la forêt. D’ailleurs le tailleur Chanel ne va pas à tout le monde…

J’avais bien une conne de belle soeur qui s’achetait un jean chez Dior pour faire les vendanges, mais bon, nous n’avions pas les mêmes valeurs…

26 réponses sur “L'habit ne fait pas le moine…”

  1. HaHa, elle a du s’en mordre les doigts, la vendeuse dédaigneuse.
    Pour ma part, j’ai toujours rêvé de faire pareil… la prochaine fois que je me paye un truc de prix, allez, j’y vais en tongs !

  2. Ma tante qui est medecin et gagne pleins de sous est une fois rentree dans un magasin habillee un peu de bric et de broc parce que week-end relax… Elle a carrement eu droit a un « Ce sac-la, il est trop cher pour vous, Madame ». Elle est alle l’acheter dans le magasin d’a cote et n’a pas ose revenir dans le magasin pour l’exhiber, comme dans Pretty Woman…

  3. Mon rêve avoir des filles et les habiller commes des petites filles modèles ! tu as du t’amuser ! Et des nattes, et des rubans dans les cheveux, et de jolies barettes ! Ah !!!! quelle chance tu as eu ! Vive le staîle Jacadi !

    1. Avec les filles jusqu’à 3 ans, c’est vrai que c’est craquant, après il y a la période école sans petite robe, mais la petite robe fait un jour son retour…
      C’est vrai, je me suis bien régalée !

  4. Rhhhhhhhhhââââ !
    J’ai été victime du même genre de mépris, et plus d’une fois (je suis très souvent en jean / tennis – c’est pratique).

    Ma victoire à moi, c’est l’achat d’une jupe, dans un magasin, lors des soldes, et la vendeuse me sort avec tout le dédain imaginable : « Vous avez vu le prix? » et moi enthousiaste : »Oui, elle n’est pas chère ! » Sa tête valait le déplacement…

  5. Pourtant les temps change et les vendeurs des boutiques grand luxe savent très bien qu’il ne faut jamais snober un client !
    Moi je ferais comme dans les films le jour où je gagne au loto ! Je m’habille n’importe comment et je viens claquer mes sous ! Si on me parle mal, je réponds que je suis milliardaire et que je m’habille comme je veux ! Et puisque c’est ça je change de crèmerie !

    1. Les vendeuses du VRAI grand luxe ont une autre trempe que beaucoup d’autres et ne se fient pas elles, aux apparences c’est vrai.
      Mais beaucoup d’autres ont le regard d’un mauvais maquignon et te jaugent avec un mépris…
      Je ferais comme toi, si j’avais vraiment du fric à claquer, j’irai habillée n’importe comment !

  6. Sympa comme anecdote !!!
    Je confirme que Jacadi existe encore. j’y habillais mon aînée mais aujourd’hui je ne supporte plus le classique alors j’achète chez Catimini, okaïdi et surtout Sergent Major.
    Mia TERRA LATINA 😉

    1. J’aimais bien le classique. Je ne sais pas comment je serais tentée aujourd’hui, d’habiller des petites filles…
      Une chose est certaine, je n’aimerais pas voir une de mes petites filles vêtue de noir avec des têtes de mort partout…

  7. Oui, cela nous arrive souvent, à mon cher et tendre et moi-même. Il faut dire que nous sommes aussi jeans et tee-shirts plutôt que Saint-Laurent. Et puis, il faut dire que si Saint-Laurent va très bien à mon mari, moi,même avec une marque j’ai l’air de sortir du Monop’ (et encore, Monop’ a fait de gros progrès côté stïle).
    Mais il est vrai que bien souvent, il vaut mieux faire pitié qu’envie…

  8. Il n’y a d’ailleurs pas que les vendeuses de boutiques de fringues. Je ne sais plus quel look nous avions Albert et moi le jour où il nous a pété dans la ciboule d’aller acheter notre salon.
    La tronche du vendeur et son air méfiant quand notre choix s’est porté sur fauteuil et canapé en cuir les plus chers…
    Toute une éducation à refaire !

  9. Les vendeurs/vendeuses me mettent toujours mal à l’aise. Je n’aime pas avoir une présence dans le dos quand je fais mon shopping. Cela m’incite presque à ne pas faire d’achat.
    Tu as eu de la chance de voir toutes les évolutions de cette vendeuse snobinarde. Ce n’est pas donné à tout le monde! Jubile, jubile… 😉

    1. Il y a beaucoup à dire sur les vendeurs en général. Je pense que beaucoup sont exempts de la moindre psychologie de base…
      Quant à cette vendeuse snobinarde, je ne l’ai pas revue lors de ma virée d’automne dans la boutique…

  10. Petite anecdote qui m’est arrivée à l’époque où je travaillais dans une banque.

    Un homme rentre dans la banque, s’installe dans un coin. Vêtements troués et sales, l’homme semble plus que miséreux (je pense d’abord qu’ils s’agit d’un sdf qui vient chercher la fraîcheur dans l’agence).

    Quand il se dirige vers mon guichet, j’appréhende de devoir lui refuser l’argent qu’il va me demander (ça a été le plus difficile pour moi dans ce travail que de devoir refuser un retrait à des gens) et je trouve cela injuste car je m’imagine qu’il en a besoin pour manger.

    Il me donne son numéro de compte, confirme son identité et je jette un oeil sur le solde de son compte. Je dois sembler ahurie quand je lui demande ce qu’il veut « rien, j’adore faire ça quand il y a des nouveaux ! » a été sa réponse.

    Et c’est ensuite devenue une habitude, il venait tous les samedi demander le solde de son compte. J’inscrivais le montant sur un papier, il le répétait à haute voix et voir la réaction de certains clients bien habillés, avec de belles voitures et un compte à découvert, c’était notre plaisir à tous les deux.

    1. C’est mignon cette histoire…
      Cela me fait penser à mon grand père paternel, ingénieur à la retraite qui avait tout de l’homme des bois (il y passait sa vie), et qui passait pour un plouc de première aux yeux de qui ne le connaissait pas.
      A la banque par contre tout le monde le connaissait, et personne ne l’aurait regardé avec pitié…

  11. Personnellement, je fais exprès de mal m’habiller pour faire les magasins (jean trop grand, t-shirt informe, pas de maquillage) car j’ai remarqué que cela m’évite les vendeuses pot de colle.
    Alors que si je vais dans un magasin en sortant du boulot (et donc en tailleur, sac de marque etc) les mêmes vendeuses ne me lâchent pas !! et moi j’aime bien faire mon shopping tranquillement 🙂

  12. Calpurnia,

    Le papy en question était bousquetier je crois mais avait vendu des terrains constructibles dans une ville en pleine expansion.

    C’est surtout son prénom que j’ai adoré : Henricatre !

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