Les filles, bougez vous le cul… (réédition)

Bon, alors, je sais que la visite annuelle chez le gynéco, n’a rien de réjouissant loin de là… Vous n’en voyez finalement pas l’utilité malgré les campagnes de prévention toutes plus loupées les unes que les autres. Et vous essayez de passer à une fois tous les 2 ans, voire une fois tous les 3 ans. Ceci aidées par la SS (LA SECU !) en déficit, qui trouve sans doute que payer pour soigner c’est moins cher que pour la prévention, la vraie. Parce qu’un frottis tous les 2 ou 3 ans, comme prôné par elle, c’est insuffisant.

Ayant constaté que les jeunes femmes deviennent de plus en plus réticentes et imprudentes, je vais donc vous raconter pourquoi c’est utile, désagréable mais obligatoire. Vous allez comprendre pourquoi il vaut mieux perdre 1/2 H par an (allez, 1 H avec l’attente !) pour s’éviter des années de désagrément. Ce qui suit est 100 % authentique et non exagéré.

  • 1988 (j’avais 30 ans) lors de ma visite ANNUELLE chez la gynéco, j’avais une mycose donc, aucun frottis n’a été effectué. Elle m’a précisé de revenir dans 3 mois, mais vous pensez bien que je ne l’ai pas écoutée, j’avais effectué ma corvée, juste 6 mois après mon dernier frottis, j’avais le temps…
  • 1989, Albert me quitte en me laissant encore une mycose. J’avais autre chose à faire que d’aller me faire trifouiller le kiki par une femme pourtant charmante et psychologue.
  • 1990 : le frottis est fait et chez moi c’est la totale, le col est mal orienté, ça prend un temps fou. Allez savoir pourquoi j’oublie le frottis dans mon sac. J’ai 32 ans, cet examen c’est de la daube et je le jette.
  • 1991 : je me pousse chez une nouvelle gynéco qui procède au prélèvement obligatoire. J’ai beau avoir accouché 2 fois, c’est toujours une épreuve, avec un utérus rétroversé, un col qui se balade, et la haine de la position sur la table. La nouvelle est sympa, elle essaye de me détendre en faisant de l’humour, sauf que je ne suis pas en position pour avoir envie de sourire. Je poste le frottis.
  • 1991 : le téléphone sonne. Un dimanche. C’est la gynéco. Elle a reçu les résultats de mon frottis. Ca ne va pas du tout. Elle m’attend demain lundi de toute urgence. Je balise.
  • 1991 : entre le dimanche 11 H 30 et le RV du lundi 18 H 30, on a le temps de baliser et le sommeil devient une option. Un rat s’est installé dans mon estomac et m’empêche de manger et de vivre normalement.
  • 1991, mars : le lundi 18 H 30. Mon frottis n’est même plus au stade III. J’ai un cancer du col. « In situ » certes, mais un cancer. (Fin 1987, tout était parfait, nomination « I » (classement changé depuis)). Bel et bien un cancer qui s’est installé en largement moins de 4 ans. Elle ne pèse pas ses mots, elle sait que si elle minimise trop je peux zapper ce qu’il faut faire (elle me l’avouera après : beaucoup de femmes zappent si l’on minimise et se font traiter trop tard). Elle m’a pris RV chez un spécialiste, à Paris. Elle m’explique gentiment qu’il est encore largement temps, que tout se passera bien, et ce que l’on va me faire. J’en frémis d’horreur et j’ai toujours un rat qui me bouffe l’estomac.
  • 1991 : je pleure. J’espère encore avoir un troisième enfant. Pulchérie a 10 ans, Delphine 7. Que vont devenir mes petites puces si je dois mourir de cette saloperie ? Leur vision d’elles pleurant à mon enterrement m’empêche de dormir.
  • 1991 : je pleure toujours. Je viens de passer la porte d’un service de « cancérologie féminine ». C’est écrit en gros. Le professeur me demande si j’ai eu un choc affectif important au cours des 3 années précédentes. J’apprendrais bien plus tard que cela a un impact. De toutes manières je ne peux lui dire que « oui » (merci Albert !). Il reste dubitatif, parce que je suis négative aux papillomachintruc-chose et autres, contre lesquels il y a un vaccin désormais (je ne dis pas que c’est du pipeau), et retient l’option « choc affectif ».
  • 1991 : le professeur est ce qu’il est, et surtout pas aimable. Il m’aboie de retirer ma culotte pour la biopsie, parce que je l’avais gardée pour monter sur la table, précise à l’infirmière : « passez-moi une pince à biopsie, et pas comme tout à l’heure, une qui coupe ». Avant de faire la biopsie, sans me demander mon avis, il fait défiler 7 internes pour leur montrer l’état de mon col (il ne voit rien), qu’un col ça peut avoir une drôle de tête (le mien regarde vers la droite), et comment que l’on colore un col pour voir la lésion (qui est là, regardez bien…).
  • 1991 : je ne suis pas en état de protester devant le défilé des internes qui vérifient qu’en colorant un col, on peut voir une petite tache suspecte. Si je proteste j’ai peur que le professeur X ne me loupe avec la pince à biopsie qui théoriquement coupe. Je dois être honnête, je n’ai rien senti de désagréable, à part mes jambes qui tremblaient vu la position que je devais tenir, juste un vague chatouillement qui lui a permis de m’assurer que je n’étais pas douillette, contrairement à ce que j’avais dit. Mais bon, grâce au défilé des internes, l’examen et le prélèvement ont pris 1 H 30… Et je sais qu’il aurait dû me demander ma permission…
  • 1991 : un lundi : professeur X au téléphone. C’est bien un cancer « in situ ». Il m’opère la semaine prochaine. Finalement non, il a de la place jeudi.
  • 1991 : je pleure. S’il ne laisse pas de temps passer, c’est que c’est grave. Tout le monde me ment. Je regarde mes filles innocentes en me disant que je vais les rendre orphelines. Je regarde mes parents chez lesquels je vis, qui affichent pour moi un optimisme forcément faux. Ils savent… Ils doivent s’inquiéter dans mon dos. Toujours un sommeil fragmenté, des cauchemars, la trouille.
  • 1991 : je suis à l’hôpital et je suis opérée demain. On va me retirer le bout de col qui est envahi par du « in situ ». Je pleure. Et si j’allais rester sur la table ? Et si je ne guérissais pas ? Et si je n’allais plus pouvoir faire une petite soeur aux filles ? (cela a été le cas)… Une infirmière sympa essaye de me remonter en vain le moral, et de guerre lasse me refile un comprimé pour dormir, mon cul.
  • 1991 : je me réveille. J’ai mal. On ne m’a rien dit sur le déroulement de l’opération. J’ai un ballon dans l’utérus pour éviter qu’il ne se rétracte sur le curetage qui a été fait (quel curetage ? Pourquoi ?) et un genre de sonde « pompe à vélo » qui me sort de… Je le découvre avec terreur en allant faire mon premier petit pipi. Bonjour l’hygiène d’ailleurs, mais le professeur désagréable à qui je le précise avec aigreur, me déclare qu’il est au courant et qu’il se bat en vain (et il se bat contre lui-même qui n’informe pas ses patientes ?)
  • 1991 : visite post opératoire après biopsie du morceau retiré, 2 semaines après l’opération. 2 semaines de joie et de sérénité bien sûr… Le professeur X me précise qu’il m’a retiré 2 cm à l’intérieur du col, gros comme un haricot vert. Comme il ne précise pas s’il s’agit d’un mange tout ou d’un extra fin, j’ai l’impression d’être mutilée. Les examens sont formels : il est repassé en zone saine, la biopsie de l’endomètre s’est révélée normale (d’où le curetage). Pour lui TVB, il me rend à ma gynéco, d’autant plus que je l’ai consulté non en privé (à prix prohibitif) mais en prix public. Je peux reprendre une vie de nonne normale, tout est rentré dans l’ordre, sauf que…
  • 1991 : j’ai droit à un frottis tous les 3 mois. J’y vais ponctuellement, en regrettant amèrement les années où j’ai zappé ce fichu frottis, le moment où l’on aurait pu voir que les choses commençaient à se gâter. Le moment où l’on aurait pu faire moins lourd que ce que j’ai subi, le pire étant l’attente des résultats. J’ai toujours cette peur au ventre de l’attente des résultats, aujourd’hui plus rapides. Et puis je vis désormais le soulagement de voir l’enveloppe du laboratoire : quand ça merde, on ne nous envoie pas les résultats, c’est le médecin qui téléphone. Et ça rassure de l’avoir en ligne un dimanche…
  • 1993 : je passe à un frottis tous les 6 mois, puis en 1995, à un frottis tous les 9 mois. Nouvelle gynéco à nouveau qui me précise que c’était limite quand on m’a opérée…
  • 2001 : 10 ans se sont passés depuis l’opération, je peux passer à un frottis tous les ans. Tout continue à aller bien. Des frottis de rêve… (les résultats…)
  • 2006 : les résultats sont toujours excellents. Le docteur Acromion m’assure avec certitude que là, je peux passer sans risques à 1 frottis tous les 2 ans. Parce que je n’ai plus 33 ans. Parce que mes hormones se calment. Parce que le cancer du col, contrairement à ce que l’on pense, frappe les jeunes femmes de préférence.

Maintenant, tous les deux ans, tout va toujours bien, mais je ne zappe plus du tout cet examen, même si je l’appréhende avec toujours un petit pincement au coeur dans l’attente des résultats.

Alors les filles, bougez vous le cul pour aller le poser sur la froide table du gynéco, respirez bien fort, pensez qu’il ne s’agit que de quelques minutes désagréables par an dans votre vie, à passer…

A zapper le minimum de désagrément, on ne sait jamais ce que l’on se réserve.

Alors, les filles, et les miennes comprises hein ? n’oubliez pas le frottis !

Il peut vous sauvez la vie, votre descendance future, votre sérénité, et votre joie de vivre…

37 réponses sur “Les filles, bougez vous le cul… (réédition)”

  1. Ouch! J’ai eu une frayeur une fois, rien de comparable avec toi évidemment, mais c’est vrai que je ne rate plus un rendez-vous maintenant, et je pousse mes copines à faire de même. Les conséquences peuvent être trop graves…

  2. Pour le cancer du col, ou pour d’autres saletés…
    Ma belle-soeur vient de vaincre son cancer du sein, en y laissant la moitié de sa poitrine.
    Une heure de visite annuelle n’est pas malheureusement pas suffisante, mais bien nécessaire…

    1. Fallait bien un commentaire de ce style pour m’obliger à prendre ENFIN RV pour ma première mammographie…
      J’ai zappé celle des 50 ans (le lendemain de ton anniversaire tu reçois le papier de la sécu), celle des 52…
      Du coup, je me sens obligée de donner l’exemple…
      Car nul n’est prophète en son pays…

  3. Le gyné, c’est comme le dentiste, je repousse toujours le moment de prendre le rendez-vous.
    Pourquoi ne peut-on pas améliorer les conditions d’accueil ? Cette table et ces étriers, quelles horreurs ! Qui a envie de se positionner dans cet engin de torture ?
    Bon, merci pour ton billet, je viens de prendre ce fichu rendez-vous…pour lequel je traînais depuis quelques mois…
    La dernière fois, je suis passée sur le billard, pas pour un cancer mais pour une bartholinite et je crois bien que je vais y repasser, c’est pour ça que je tardais, mais ca repousse cette saleté.

    1. La bartholinite je n’ai pas donné, mais mon ex belle soeur si.
      Cela s’est terminé par l’ablation pure et simple de la glande qui s’infectait régulièrement, sans conséquences aucune sur sa vie sexuelle et sa fertilité…
      Il est vrai que ces étriers sont horribles. Pour Delphine, j’ai accouché sans étriers, mais avec des gouttières matelassées dans lesquelles on posait ses jambes et c’est vachement plus confortable.
      Je ne vois pas pourquoi toutes les tables gynéco ne sont pas équipées de la même manière, cela changerait pas mal de choses…

      1. Encore un grand merci à toi car grâce à ton article, j’ai pris le rendez vous que je trainais de prendre. J’ai eu mon frottis, et comme je le présentais, je vais repasser sur le billard. De toute façon, il fallait le faire un jour alors voilà la date est fixée.

  4. comme j’ai apprecié et degusté chaque mot de ton article oui il faut faire bouger les femmes pour se faire faire des frottis et mamographie tu es géniale

    1. Je ne sais pas ce qu’il se passe, mais de plus en plus, je trouve les jeunes femmes extrêmement négligentes…
      Qu’est-ce que cela va donner, quand celles, vaccinées gardasil vont se croire définitivement à l’abri…

  5. Il y a des gynécos meilleurs que d’autres, qui essaient de rendre le geste plus confortable.. (dans le dernier Martin Winckler – le choeur des femmes, ils en parle – ceic dit il fait référence à la position anglo-saxonne sur le côté, mais j’ai beau vivre à Londres ça a toujours été sur le dos les jambes en l’air!).
    L’infertilité ensuite, elle était liée à ça?

    1. J’apprécie beaucoup justement, la façon de faire d’Acromion qui est un peu spécialisé gynéco, et avec qui tout se passe bien.
      Non l’infertilité ensuite n’était pas liée à ça…

  6. J’avais le même gynéco depuis 35 ans,il m’avait accouché
    2 fois.Il avait un fichu caractère mais avec lui,impossible de louper un frottis ou une mamo sans se faire empoigner.Les kilos supperflus étaient aussi sérieusement traqués.Malheureusement,il est mort après une courte maladie.J’ai du me résoudre à aller en voir un autre qui ne m’a pas convaincue,puis un 3e la semaine dernière qui me convient mieux.Mais je regrèterai toujours mon grincheux !

  7. Ève : les sage-femmes sont tout à fait habilitées à faire ce genre de visite, et si tu penses que tu te sentiras plus à l’aise, fonce !

  8. Bon bein voilà, je viens de prendre mon RDV chez la gyné (ma visite annuelle était censée être en octobre… oups)

    J’ai 23 ans, une mère et une grand-mère qui ont eu un cancer du sein et ça ne suffit pas à me faire peur… C’est complètement irresponsable de ma part et je me jure que ça n’arrivera plus. D’ailleurs, je demanderai directement un RDV pour l’année suivante. Merci pour ce petit coup de pied aux fesses! 😉

  9. L’année dernière , je n’avais rien et cette année un polype dans l’utérus !! Petit , mais polype !
    Choc émotionnel , stress etc… et voila le résultat !
    Alors , je dis OUI à la visite chez le gyné et plutôt deux fois qu’une !

    1. Un polype ce n’est pas très grave, mais peut devenir très chiant !
      S’il est encore petit, il est largement temps, comme quoi, la visite n’est pas une option !

  10. Le pire c’est le frottis que tu as fait et que tu n’as pas envoyé…
    Merci pour le récit de ton expérience, j’ai compati à chaque ligne et je peux te dire que je penserai à toi pour mes prochains frottis.

  11. Merci d’avoir fait ce pos. Il est vraiment important que les jeunes filles-femmes fassent attention.
    Par ailleurs ça m’a rappelé plein de souvenirs un poil eurk (biopsie ratée, examen, résultats, suivi…), même si c’était plutôt benin, somme toute. Mais depuis je ne rate plus un rendez-vous chez la gynéco, je le garantis !

  12. Ayé, il est fait, il y a une quinzaine de jours, bon, pas de nouvelles, bonnes nouvelles!!
    C’est ma généraliste qui officie, elle ne laisse rien passer, tous les 2 ans, hop.
    De toute façon, même si je n’aime pas ça (qui aime d’ailleurs???), je vais la voir chaque année pour renouveler pilule et anti-histaminique (qu’elle ne peut plus prescrire que pour 6 mois maintenant, pourquoi?? Mystère, pour faire faire des économies à la sécu, sans doute….).

  13. Depuis le temps que je dois aller chez un gynéco (et ce, pour la première fois de ma vie), ça m’a enfin décidée à le faire.
    J’ai rendez vous vendredi prochain!

  14. Quelle expérience en effet ! Moi qui n’aime vraiment pas beaucoup (non plus) la visite chez le Gynéco, je vais m’efforcer de la faire plus régulièrement. Merci et bises

  15. Merci mille fois pour ce post!!!
    J’ai honte mais je n’ai pas fait de frottis depuis au moins 3 ans, peut-être même 4, terrassée par la peur bien sur…
    Je crois qu’il va falloir que je me bouge une bonne fois pour toutes, après tout comme tu le dis ce n’est qu’un petit mauvais moment a passer hein.
    Merci! 🙂

  16. Bonjour, jusqu’à maintenant c’était impensable pour moi de me rendre à ce genre d’examen, dès que j’y pensais, mon corps entier tremblait, limite j’en pleurais. Mon médecin (vraiment très bien) m’a dit que je pouvais attendre 25 ans, alors qui a tort, qui a raison, je ne poserais pas le débat. Je n’ai pas encore mes 25 ans mais l’idée fait son chemin beaucoup plus sereinement (je ne sais pas pourquoi), mais je prie pour que mon généraliste le fasse lui-même, j’aurais énormément de mal à voir un inconnu. Et oui, on a tous nos démons, mais merci du retour du billet.

Répondre à catlove Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *