L'annonce de ma future naissance fut un grand moment de bonheur…

Parents 1957Je l’ai su tardivement, mais l’annonce de mon petit corps (maintenant légèrement décrépit)  commençant à pousser dans le ventre de ma mère, n’a pas du tout été bien prise par la famille en général…

D’un autre côté je précise que cela fait toujours plaisir de l’apprendre, et que fort heureusement, j’étais en âge de comprendre que parfois un enfant se présente plus tôt que prévu, même au mauvais moment (surtout, à une certaine époque) et que j’avais juste été conçue quelques années avant la programmation qui n’existait pas, mes parents souhaitant des enfants un jour ou l’autre, mais pas maintenant.

Mes parents se fréquentaient depuis l’âge de 16 ans. Le moment où ils sont passés à l’acte reste zecret militaire abzolu, et je préfère ne pas zavoir quand cela a eu lieu,  tout en sachant, le temps passant, que cela a été relativement tôt, à l’insu des adultes, forcément totalement anti contre ce passage à l’acte, vu l’époque…

Ce n’est pas comme si une de mes arrière grand-mère avait été légitimée par le mariage, ou comme si le frère aîné du prisonnier était né 4 ans avant le mariage de ses parents (la généalogie est merveilleuse quand on se penche dessus…)

Ce qui me scie toujours par contre, ce sont les circonstances de ma conception.

DONC, mes parents se fréquentaient depuis l’âge de 16 ans. Mrs Tricot désapprouvait cette fréquentation. Maman lui semblait venir d’un milieu trop élevé par rapport au sien, donc à celui de papa. Elle en frémissait d’horreur car le snobisme existe dans tous les sens.

Puis les jeunes tourtereaux âgés de 19 ans, déclarèrent vouloir passer des vacances ensembles, en Espagne, dans un camp de vacances pas cher (que des tentes pour y dormir).

Là, commence ma stupéfaction, (non due au désir des tourtereaux de passer des vacances à pas cher) :

  • Mrs tricot si soupçonneuse, cru dur comme fer que les tourtereaux allaient dormir dans deux tentes séparées, en toute chasteté. C’était bien d’elle. Moi mes filles n’auraient même pas pu tenter le coup de m’y faire croire… Je n’aurais quant à moi, pas pu en causer ne serait-ce qu’une seconde à mes parents, et pour cause…
  • Mrs Morgan, ayant déjà pas mal vécu, avala la couleuvre sans piper non plus : sa fille née vierge, lui demanderait forcément l’autorisation de cesser de l’être avant de passer à l’acte. Là on rêve encore plus tout debout…
  • La réaction des deux grand-pères (les miens) reste incompréhensible également : ils ne pipèrent mot NON PLUS. Je souligne ici que Mrs Morgan avait quitté mon grand père maternel pour filer le parfait amour avec quelqu’un d’autre, et qu’il n’était théoriquement plus d’une naïveté à toute épreuve. L’autre ayant grandi sur les fortifs avait perdu sa naïveté depuis qu’il avait 8 ans (mais pas son honneur)… Le silence est peut-être d’or, mais en ce cas précis, incompréhensible…

Donc, voici mes parents; jeunes et beaux (voir la photo), partis en Espagne, sans être obligés de ruser pour fauter, genre dans le grenier à foin des grands parents, ou en hiver dans les bois, en trimballant une couverture sous la parka (ces révélations venues petit à petit après mes 25 ans,  m’ont traumatisée… hi hi !)

2 semaines c’était trop court, ils en rajoutent une de plus à des prix défiant toute concurrence mais payées par les parents, et vint la rentrée…

  • Une semaine de retard : habituel
  • Deux semaines de retard : habituel (je tiens de ma mère, je confirme)
  • Trois semaines de retard + nausées et seins gonflés : pas habituel
  • Révélations à Mrs Morgan qui s’en pâme par terre (ma fille, mon dieu, mais qu’elle horreur !) : on va aller voir le médecin (ça tombe bien c’est son amant)
  • Le médecin hésite un peu. Il n’a pas toute l’armada de tests désormais trop connus, à pratiquer sur sa jeune patiente, mais il pense tout de même que… Juste à la palpation, d’ailleurs il n’a que ça sous la main, c’est le cas de le dire… Ben on pourrait dire que c’est oui.
  • Ma grand mère, pratique, demande si une petite intervention peut résoudre le problème. Je lui pardonne, elle m’a donné beaucoup d’amour, même si au départ elle était prête à me voir passer à la trappe…
  • D’un autre côté la demande de petite intervention me reste tout de même en travers de la gorge (d’où le pardon nécessaire), parce que s’il avait dit « OK », je ne serais pas là à vous gaver, et donc Pulchérie et Delphine non plus. A quoi tient notre vie !
  • Parce que son amant lui rétorque que les parents s’aiment, que les problèmes matériels s’effaceront d’eux-même, et qu’une petite intervention est totalement à exclure. De toutes manières les parents sont contre, ils y ont trop réfléchi, même si cette grossesse n’était pas programmée du tout. Ils souhaitaient se marier et avoir des enfant, l’enfant est fait, il faudra faire avec.
  • Maman est bien enceinte. Test de la lapine positif 2 semaines après la première consultation (pauvre bête).
  • Faut annoncer la nouvelle.
  • Papa, courageux, se déplace chez son futur beau-père. Il s’est déjà farci Mrs Morgan l’accusant d’avoir violé sa fille (la mauvaise foi qu’elle avait, c’était dingue), il peut faire…
  • Maman lave la vaisselle en retenant une nausée. Mon grand père (l’apiculteur)  finalement philosophe demande à mon père « tu es content de toi ? ». Cela en restera là. Il n’y aura rien de plus désagréable de dit. Je pense désormais que mon père préparé au pire, a dû se sentir frustré…
  • Mon père affronte ses parents. Du côté de sa mère c’est grand choc, mais il y a un petit bébé à venir, et donc elle est tout de suite très béate rien qu’à l’idée, et se met à tricoter. Son père voit les choses d’un autre oeil. Il s’insurge. Trop tard bien sûr et père et fils (qui ignore à l’époque certains secrets de famille)  s’affrontent : « c’est comme ça et pas autrement », « je suis bien obligé de te donner mon accord pour le mariage ».

Parce qu’à l’époque la majorité c’était 21 ans. Qu’il fallait l’accord DU PERE (alors que maintenant c’est le père OU la mère) pour convoler en juste noce avant la majorité.

C’était moi la fouteuse de merde. Conçue en Espagne et je n’ai jamais fait espagnol comme langue vivante que c’est un scandale. Je commençais à m’enrouler le cordon autour du cou devant tant de disputes…

Je ne sais pas si j’ai vécu in utero le drame de l’annonce de ma naissance, de ma future vie. Je suis née étranglée par le cordon, sans pouvoir prendre mon souffle premier, j’ai fait une hémorragie méningée, et il paraît que je suis revenue de très loin (quoique). Pendant longtemps l’amant de Mrs Morgan qui m’a mise au monde et sauvée apparemment la vie à ma naissance, vu les interventions musclées qu’il a demandées, s’est penché sur moi en testant tout, pour finalement dire que j’allais bien (je sais que certains mal intentionnés diront que je suis à moitié tordue et qu’ils savent enfin pourquoi…).

Je me demande parfois, si l’enfant que l’on porte ne se souvient pas de ce qui a précédé sa naissance.

Parce que je sais que notre naissance, on s’en souvient. J’ai rêvé très longtemps que, visitant un château, je tombais dans les douves, et m’étouffais en pénétrant dans une eau boueuse. Enceinte de Delphine, lisant un très bon livre, j’ai compris que ce rêve, c’était ma naissance…

Après l’avoir compris, je n’ai plus jamais refait ce rêve qui me terrorisait depuis mon plus jeune âge…

Comme quoi, finalement, la vie n’est qu’un long calvaire depuis le début… Et le début c’est l’ovule + le spermatozoïde. Histoire passionnante et merveilleuse… Sauf que je ne me souviens pas être celui qui a gagné la course (en Espagne), et c’est bien dommage… Et même pas non plus d’être l’ovule attendant platement d’être fécondé (en Espagne), sans faire le moindre effort.

La photo est un peu floue, vous pardonnerez au scan. Ce sont mes parent, été 1957, alors que j’étais mise en route sans le savoir, en Espagne (que je n’ai jamais visité).

Photo prise par un copain qui draguait maman, pauvre niais…

La vie n’est qu’un long calvaire…

🙂

PS : en regardant la photo je me dis que maman = Pulchérie, et papa = Guillaume, l’aîné des garçons de mon frère. Comme quoi…

16 réponses sur “L'annonce de ma future naissance fut un grand moment de bonheur…”

  1. Ah purée les vacances libres, ça pardonne pas;
    Enfin si, ça pardonne, puisque tu es là.
    Bon. Cet été, au lieu de prendre à droite pour Sète, tu prends à gauche vers Perpignan et Espagne 🙂

    1. A l’époque cela ne pardonnait pas.
      Je n’ai jamais compris comment ils avaient pu avoir les autorisations ad hoc… Comme si mes grand-parents avaient été 100 % innocents…
      L’Espagne peut-être un jour. Il faut que je leur demande d’où je viens !-)

  2. ah ah même situation pour moi.
    Le mariage de mes parents a été avancé de quelques mois, au grand damne de mes grands parents maternels, parce que je m’annonçait un peu plus vite que prévu. En fait ils commençaient juste à parler de mariage quand oh surprise y aurait bien un polichinelle dans le tiroir… Pas de faiseuse d’ange envisagé pour ma mère, ses parents étaient bien trop bons catholiques, mais un exil avec abandon avait été proposé, et rejeté, du coup ma grand mère en a fait autant avec son gendre, ça a duré 4 ans. Un mariage précipité, préparé en 2 mois, en comité restreint, chez les bourgeois de la terre, en plus pour épouser un ouvrier, fils et petit fils de communiste convaincu je te laisse imaginer. Mes grands parents sont venus au mariage pour qu’on ne puisse pas dire, mais on refusé de recevoir mon père pendant 4 ans, jusqu’à la maladie de mon grand père. De l’autre côté les communistes n’étaient guère plus ravis du choix de la mariée mais ils s’y sont fait plus rapidement.
    Par contre énorme avantage par rapport à tes parents, ils étaient majeurs tous les 2.

    1. Qu’elle époque. Fort heureusement, mes parents n’avaient pas été les premiers à ouvrir le bal des « prématurés » dans le secteur…
      Mais, j’y reviendrais, ils n’avaient bien entendu rien inventé !

  3. Au fait les miens ne sont pas partis en vacances, mais allaient garder, s’occuper de la grand mère de mon père, sourde comme un pot et passablement impotente, 10 mn de corvée une petite échappée soit disant pour couper du bois, nourrir les poules, faire des courses (déjà dans le coffre) and co, passage par la fenêtre pour rejoindre la chambre d’amis… , puis retour auprès de la vieille qui avait pas bougé et ils se gavaient de café avec des Chamonix orange, parce que ça creuse. (j’ai horreur de ces gâteaux)

    1. J’ai su longtemps après que si j’avais été conçue en Espagne, cela aurait pu être beaucoup plus tôt… Dans la grange familiale, ou en forêt par exemple…
      Ils en rigolent encore de leurs incartades et moi aussi désormais…

  4. Même floue la photo de tes parents est touchante et qu’ils sont beaux ! Quelle époque….. l’autorisation donnée pour ces vacances en Espagne n’était peut être pas si innocente INCONSCIEMMENT ?
    ça a failli être la même chose pour mes parents (18 et 19 ans et officiellement fiancés ) mais les 2 familles avaient pensé à tout : mes parents avaient eu la permission de partir camper « ensemble » dans le Vercors MAIS sous la garde d’un chaperon, un grand oncle de ma mère, sympa mais légèrement enragé vu sa responsabilité……Il pose sur TOUTES les photos ENTRE les deux fiancés :))

    Beaucoup de professionnels de la psy s’accordent à dire que le fœtus ressent beaucoup de choses. De plus le fait que tu n’aies plus refait le cauchemar après que tu en aies compris l’origine veut peut être dire qu’il y avait une « relation » ? ( ahem….sans jeu de mot ).

    1. J’imagine le coup du chaperon, excuses moi, je suis morte de rire !
      J’ai eu confirmation à plusieurs reprises que ce cauchemar très précis, était certainement dû à ma naissance difficile, que je revivais…
      Curieux.

  5. Joli récit ! Une des soeurs de ma mère avait aussi été « bizarrement » autorisée à partir en vacances avec son amoureux ! Pourtant ma grand mère était à cheval sur les principes et la religion ! Sans doute pensait-elle pouvoir faire confiance !
    Là aussi il y a eu mariage un rien précipité !

  6. J’ai appris, longtemps après sa mort, que mon arrière grand-mère, qui m’avait laissé l’image d’une vieille dame très à cheval sur les principes, s’était mariée en 1906 à l’âge avancé pour l’époque de 31 ans avec un jeunot de 10 ans son cadet…enceinte ! On frisait le détournement de mineur.

    Pour faire bonne mesure, quand ma grand-tante naquit en mars 1907 il n’y eut pas de cloches pour le baptême puisque la petite était arrivée bien avant les 9 mois réglementaires.

    1. On en découvre des trucs que la morale réprouvait à l’époque, mais qui avaient lieu malgré tout, depuis longtemps.
      Parfois on a de vraies surprises…

  7. J’aime beaucoup ce billet, c’est fou ce mélange de naïveté et de « je ferme les yeux, de toute façon j’ai fait pareil » de cette époque quand même !
    (j’ai appris des trucs de dingue sur ma grand-mère paternelle après son décés, je n’en revenais pas)
    Pour ma part, je suis officiellement née prématurée à terme, 8 mois après le mariage de mes parents ;-D

    1. La prématurité en a fait des ravages 🙂
      Dans le cas de mes grand-parents paternels, il n’y avait pas de « j’ai fait pareil »…
      D’où ma stupéfaction.
      Quant à Mrs Morgan avec la vie qu’elle a menée, le style « mon dieu ma fille, ce n’est pas possible », c’est franchement hilarant !
      Sinon, tu peux raconter, on est preneurs…

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