Le jour J… (suite et fin)*

Nous méritons toutes nos rencontresJe savais que je prenais un risque en allant prendre le thé avec Mrs Bibelot, plus grosse fumeuse que moi… (et ayant commencé encore plus tard, ce qui est un comble…), car généralement nous fumions pas mal en papotant l’après-midi…

Je n’avais rien demandé à personne, mais la veille, le dimanche 7 octobre, mes parents m’avaient dit qu’ils feraient attention en ma présence, le temps que je sorte de l’ornière, et mon père avait précisé « cela fera le plus grand bien à ta mère ».

J’avais bien raison de me méfier. En carence nicotinique depuis 21 H la veille, je ne savais pas trop quoi faire de mes mains en préparant ce qu’il fallait pour le thé, et je cherchais toujours machinalement la cigarette non allumée qui n’était pas sur la table.

Maman avait dû complètement oublier mes résolutions et mon jour J, car elle a allumé sa cigarette comme de coutume en se levant, puis une deuxième. C’est quand papa est arrivé à son tour, et lui a fait les gros yeux, qu’elle a réalisé que moi je ne fumais pas (non sans envie d’ailleurs).

Et puis l’heure est venue d’aller à mon deuxième RV avec le tabacologue.

  • J’ai conduit ultra prudemment, voyant des cigarettes partout. Il parait que le delirium tremens vous fait voir des insectes, des éléphants roses, des rats. Et bien le fumeur en sevrage voit des nains cigarettes partout, et le moindre bruit lui rappelle celui de l’allumette qui craque ou du briquet qui claque…
  • Une feuille morte écrasée, c’est la cigarette que l’on écrase dans le cendrier…
  • La jeune fille blonde habillée en blanc avec des bottes jaunes, c’est une cigarette blonde avec filtre. Si les bottes sont blanches c’est une sans filtre…
  • Je ne comptais plus les clopes à ne pas dépasser dans la journée, en diminuant jour après jour leur nombre, je comptais le nombre d’heures me séparant de la dernière.

Le tabacologue m’a prise à l’heure et m’a demandé comment cela se passait et quand j’avais fumé pour la dernière fois.

  • Hier soir à 21 h (ton faussement dégagé)
  • Ah ! en ne vous prescrivant aucun substitut nicotinique la semaine dernière, je pensais que vous craqueriez, et cela m’aurait intéressé de savoir au bout de combien de temps (cet homme est un sadique qui m’a choisie comme sujet d’expérience parce que le tabac ce n’était pas son truc jusqu’à il y a peu), car finalement nous ne sommes pas à deux ou trois jours près…
  • Sadique, sadique, sadique ! J’aurais pu en griller une, ou deux, ou trois ou quatre même, ce qui lui aurait importé, c’est le temps passé avant que j’allume ces cigarettes…
  • Donc, vous n’avez pas fumé depuis…
  • Il n’a pas le temps d’achever, je le sais moi : « 19 heures !« 
  • Nous sommes sur la bonne voie !
  • Vous noterez le « nous » qu’il prononce pour la deuxième fois…
  • Le sadique me prescrit les patchs à acheter, la sécurité sociale que les fumeurs mettent au bord du gouffre nous remboursant gracieusement 50 euros par an pour tout ce qui concerne l’arrêt de la clope, mais il faut une ordonnance…
  • Il me rappelle que la volonté n’a rien à voir là-dedans car la volonté vient du cortex qui est intoxiqué et va réclamer sa dose, que c’est la motivation qui compte et qu’éventuellement, il y a craquer et craquer :
  • Craquer pour une cigarette sans en reprendre derrière, c’est à dire, de manière exceptionnelle, ce n’est pas un échec c’est une défaillance (ne confondons surtout pas)
  • Craquer pour reprendre où l’on s’en était arrêté, c’est l’échec qui va préparer le prochain arrêt qui lui sera une réussite.
  • Chaque jour gagné sur le tabac qui est tabou, on en viendra tous à bout, est un jour qui prépare une victoire future.

Le retour en voiture est difficile. Quand je pense que j’aurais pu en griller une ou deux… ou trois… Le flic qui m’arrête pour contrôler mes papiers sent la clope à plein nez (des blondes à tous les coups), et son collègue guadeloupéen ou martiniquais, m’évoque un cigarillo.

A la pharmacie où j’attends pour prendre ma dose autorisée de nicotine quotidienne (vendue en patchs de 21mg et par 24), je vois des nains, non, des cigarettes partout.  Pulchérie m’appelle, alors que la pharmacienne est en train de m’expliquer comment et pourquoi je peux utiliser en plus quelques pastilles (je ne ferai pas de pub à la marque, c’est à proprement parler dégueulasse, je préfère encore le café, c’est dire).

Je rentre à la maison un peu énervée, car le patch c’est pour demain matin (enfin, quand je me lèverai hein !), je goutte une horreur pour découvrir que c’en est une mais pour pallier le manque qui se précise de plus en plus vu que je vois toujours des clopes partout, et je rappelle Pulchérie qui me félicite de mon excellente décision (mais sans plus, je suis déçue, alors que Delphine m’avait déclarée devant ma prise de décision être super fière !)

J’ai tellement les neurones en vrac manque que je note bien qu’elle part mercredi mais où, cela m’échappe après coup. Pourtant elle m’en a déjà parlé.

C’est dans le Pacifique, je vais encore me mettre la rate au cours bouillon jusqu’à son retour…

La soirée passe, et je compte toujours les heures.

A 21 H je peux me dire que je suis restée 24 H sans fumer.

Du coup j’ai eu une défaillance.

J’en ai grillé une. J’ai craqué, je me suis détestée. Il me restait mon dernier paquet, avec 5 clopes dedans.

Mais cette défaillance a eu tout de même son avantage. Car cela je l’avais noté au cours d’une précédente tentative : au bout de 24 H, la clope on trouve cela dégueulasse…

Donc cette défaillance a été brève, puisque la clope a été dégueulasse. Deux bouffées ont suffit à satisfaire mon cerveau en délire, et j’ai noyé l’objet du délit sous le robinet.

Restait à me patcher dès le lendemain matin pour être enfin définitivement timbrée.

Et là j’étais prête à sauter du lit dès l’aube.

La vie n’est qu’un long calvaire…

* Suite et fin, car il n’y a qu’un jour J, après c’est le journal de campagne que le tabacologue m’a donné pour le remplir jour après jour. Ca tombe bien, j’ai arrêté mon journal intime à 25 ans, cela va me rajeunir…

0 réponse sur “Le jour J… (suite et fin)*”

  1. Et bien il est psychologue ce tabacologue, ya pas à dire……
    Une « défaillance » mais POURQUOI ce mot ?? Bon t’en as fumé une, c’est pas grave …….et c’est même bien PUISQUE tu as constaté qu’elle avait un goût dégueu…..
    Personnellement ce terme  » défaillance » je le trouve pire que  » volonté « .
    Une question : as-tu calculé quelle quantité de nicotine tu consommais approximativement par 24H lorsque tu fumais ? parce que des patch de 21 mg (+ les pastilles ?) est ce que ça n’est pas remplacer une addiction par une autre ??
    Ahem….. je dis ça, j’ai rien dit 🙂
    Sinon MDR !! le coup du keuf guadeloupéen qui t’évoquais un cigarillo…..
    Couuuurage ! Couuuurage !

    1. En fait j’ai très bien compris :
      Il y a ce que l’on considère comme un échec : on replonge
      Il y a une défaillance : on retombe juste une fois dans le piège…
      Je préfère que l’on me dise : vous avez eu une défaillance, plutôt que : vous n’avez aucune volonté, aucun courage, etc…
      En ce qui concerne le fonctionnement du patch j’ai très bien étudié la chose bien avant de prendre le RV.
      Normalement on commence avec l’équivalent de ce que l’on consomme en cigarettes, puis on diminue au cours des deux mois suivants.
      Découverte : le patch à remplacer toutes les 24 H peut servir 3 jours…
      Quant aux pastilles au taux minimum, elles sont tellement dégueulasses que si j’en consomme deux par jour c’est le grand maximum (une le matin, et une le soir…)
      Mais cela évidemment, ceux qui nous le vendent ne le disent pas… (qu’un patch peut servir au delà de 24 H. Par contre il est programmé pour se détacher tout seul, donc il faut le fixer avec du sparadrap…)
      C’est justement un risque en remettant un patch neuf d’être tout à coup dégouté de la nicotine, cela arrive…
      Et c’est ce que souhaite le médecin, avec mon accord, puisque nous en avons discuté…
      Merci de tes encouragements !

      1. Ah bon je comprends mieux, merci de tes explications ! Je découvre aussi l’obsolescence programmée des patchs nicotinés, fabriqués pour se détacher  » tous seuls  » au bout d’un temps qu’on peut le cas échéant prolonger d’un tiers en collant le truc…… 😉 😉 MDR !!
        On en apprend des choses en lisant ce blog.
        J’espère plus sérieusement que tu ne te sens pas trop mal, passés ces premiers jours pénibles . En tout cas tu n’as pas encore sauté à la figure de tes lecteurs 😉
        Je t’admire de te lancer dans ce combat et me permets de te faire la bise d’encouragements.

        1. C’est un vrai combat il ne faut pas se leurrer.
          C’est là que l’on découvre que l’on est vraiment drogué, en toute légalité, puisque l’état a le monopole concernant le tabac.
          Merci pour la bise

  2. Félicitations, et surtout bon courage pour la suite.
    Nous sommes nombreux tu sais à penser à toi et à te soutenir.
    Je plussoie bien volontiers Cathy pour la bise d’encouragements.
    Amicalement

  3. Te reste-t-il un bout de moignon à ronger ?????
    Et si tu remplaçais les poings que tu te ronges par une datte ou un pruneau (d’ailleurs, un pruneau, tu peux toujours en balancer un à ceux qui t’énervent) ?
    Courage, Sorcière au grand coeur……
    Moi aussi je « te bise » comme on dit chez moi…….

    1. Je ne suis pas grignoteuse de nature et ce n’est pas le moment de commencer à remplacer la cigarette par « quelque chose à grignoter ».
      Parce que si je prends plus de 2 kg, ça je le sais : je replonge direct…

  4. Voir des cigarettes partout… j’aurais bien aimé voir la tête du flic qui t’aurait arrêtée pour conduite suspecte….

    Par contre, je reconnais bien dans le discours de ton nouveau tabacologue spécialiste des addictions aux drogues  » plus  » dures dans son approche « positiviste » à l’extrême. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais personnellement, je trouverais ça assez agaçant; je le trouve un peu gonflé de te dire qu’il aurait préféré que tu craques afin de commencer ses statistiques sur le manque…

    Bon courage pour la suite;)

    1. Je ne sais pas si c’était pour ses statistiques ou s’il y a une autre raison. Il semblait s’interroger sur la méthode à suivre, et peut-être qu’il aurait préféré autre chose que le patch…
      Il est très gentil, mais plein de mystères…

  5. Femme de fumeur mais pas fumeuse moi-même,je suis très concernée par ce sujet.Mon mari a été obligé d’arreter du jour au lendemain pour raisons médicales et je peux dire que cela a été terriblement dur pour lui et nous.Bon courage.

  6. Enfin quelqu’un qui a vu « Elle voit des nains partout. »
    OUF.
    (allez, allez, courage, on est tous derrière toi. Mais ne te retourne pas, fais comme de si tu y arrivais très bien toute seule)

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