Le secrétaire pour tous 18.? (2)

Secrétaire pour tousLa première partie est intitulée : NOTIONS SUR LE STYLE EPISTOLAIRE.

Prenez-en de la graine et prenez vos porte-plumes (voire même une plume d’oie bien taillée), car à l’époque on n’écrivait pas autrement.

« Vous ne négligerez pas de veiller à la qualité du papier qui se doit d’être agréable au toucher, un peu épais, pouvant laisser courir la plume avec aisance et sans aucune hésitation perceptible ; ce papier se devant d’être une représentation de vous-même : impeccable, pointilleux et d’un goût sûr ; de même vous choisirez un buvard de qualité, pouvant souvent servir, et une encre de couleur noire ou à la rigueur bleu marine, et non pas bleu clair ou pire, de ce bleu turquoise qui est le comble de la familiarité et d’un mauvais goût excentrique (que l’on tolèrera malgré tout à la très jeune fille avant son entrée dans le monde, lorsqu’elle s’adresse à des personnes de son sexe et de son âge).

« Ce manuel ne s’adresse pas aux gens qui savent, mais à ceux qui ont besoin d’apprendre.

« Cependant, un parfait styliste peut se trouver embarrassé pour rédiger certaines lettres administratives ou commerciales, qui exigent un cérémonial (exit le « vous me prenez pour une vache à lait ou quoi ? » au Ministère des Finances qui vous a taxé deux fois sous deux noms différents) et des formules spéciales ; de sorte que, (comme l’indique son titre), notre Secrétaire est utile pour tous.

« Une lettre et sa réponse n’étant qu’une conversation entre des personnes absentes, écrivez comme vous leur parleriez si elles étaient là, c’est-à-dire avec ce naturel, cet agrément, cette négligence même que demande ou permet un entretien familier. On y mettra, toutefois, un peu plus de soin et de correction.

« Ayez de la mesure avec vos supérieurs, de la franchise avec vos égaux, de la gaîté avec vos amis, de la netteté avec tous.

« Le style épistolaire a donc, comme une conversation, deux qualités essentielles : la clarté et la facilité(je ne vous mets pas tout non plus, vous avez saisi le sens général).

« Les convenances épistolaires :

« Elles consistent dans l’art de respecter la distance que mettent entre les gens l’âge, le sexe et le rang ; de n’oublier jamais ce qu’ils sont et ce que l’on est ; de bien calculer ce que l’on peut leur dire, et ce qu’on doit leur taire ; de leur écrire, en un mot, avec cette mesure qui est la règle de la conversation.

« Ainsi, tel mot, déplacé dans telle occasion, serait pardonnable dans une autre. Une plaisanterie, un calembour même, qui ferait rire dans un entretien gai, ferait pitié dans une conversation sérieuse.

« Le ton qui convient avec un égal, révolte avec un supérieur ; la légèreté qu’on se permettrait dans les lettres d’homme à homme, passerait pour impolitesse à l’égard d’une femme et grossièreté impardonnable lorsque l’on s’adresse à une jeune fille…

« Lettres familiales :

« Dans certaines familles, on se tutoie entre parents ; dans d’autres, au contraire, le vous est de rigueur comme étant plus respectueux ; les premiers trouvent le toi plus affectueux ; nous laissons chacun suivre, en ceci, l’usage qui lui convient.

Dans tous les cas, on s’exprimera d’une façon différente en s’adressant  à son père, à sa mère, à son oncle, à un ami, ou à un étranger.

Pour la bonne année ou les fêtes, les lettres doivent être envoyées d’avance, pour qu’elles arrivent la veille

Souhaits de bonne année : un fils, une fille célibataires à son père ou à sa mère :

Cher Père (ou chère Mère), (la lettre adressée aux deux parents fait l’objet de convenances particulières).

Je croirais manquer à mon devoir, si j’oubliais de venir, comme tous les ans, vous présenter l’hommage de mon affection et de ma gratitude pour toute la tendresse que vous me témoignez depuis que je suis au monde.

Vous avez guidé et soutenu mon enfance, et j’ai grandi en suivant les principes de travail et de probité dont vous m’avez donné l’exemple.

Aussi, tiens-je à vous prouver par ma conduite et mon zèle à bien faire que j’ai toujours à coeur de profiter de vos sages leçons, pour rester toute ma vie digne de vous.

Dans ces sentiments, je vous prie d’agréer, Cher Père (ou chère Mère) la nouvelle assurance de mon respectueux dévouement.

(Date)                                                           (Signature)

Vous noterez que la vie n’est qu’un long calvaire le point virgule que nous n’employons quasiment plus, est très largement employé, particulièrement dans tout ce qui est consignes.

Vous noterez également le ton qui nous semble désormais totalement ampoulé et qui n’est plus d’usage, qui vous régalera à chaque modèle de courrier.

Le livre fait 180 pages j’ai de quoi recopier faire…

Ces voeux sont difficiles à envoyer par texto… Une petite carte peut-être ? Au risque d’en voir beaucoup tomber raides de saisissement…

Bien à vous.

Date                                     Votre gentille sorcière.

NB : à l’attention des jeunes de mon entourage : le texto : « bonané tati  jte kiff grav » est désormais à proscrire (regardez dans le dictionnaire, sur le net, la signification de « proscrire »).

Quant au « bananier p’tite mouth suis en retard (le 1er janvier à 23 H 55) parce que j’avais la GDB et la tête dans le cul » je ne l’évoque que du bout de la plume du clavier, en espérant laisser à ce post un semblant de dignité totalement écrasée par ce PS intempestif, tout en m’efforçant de le laisser réaliste (le post).

Je manque en effet de « ce naturel, cet agrément, cette négligence même que demande ou permet un entretien familier ».

Et pour ses bons voeux du prochain nouvel an, meilleure amie est priée d’oublier le « salut poulette » de rigueur en signant « toutouille », même si nous nous fréquentons depuis 43 ans…

La vie n’étant qu’un long calvaire…

8 réponses sur “Le secrétaire pour tous 18.? (2)”

  1. Question, pourquoi les voeux d’un fils ou d’une fille célibataires doivent être différents de ceux d’un fils ou d’une fille mariés ?
    J’imagine la tête de mes parents si je leur avais écrit, même dans les années 70, une lettre pareille… de quoi les laisser sur le carreau ! mdr

    1. Bonne question : parce que lorsque l’on est marié, il y a d’autres choses à rappeler, comme éventuellement le bon CHOIX qui a été fait par les parents du mari ou de la femme…
      Bref, un célibataire avait des soucis que les gens mariés n’avaient pas…
      Et tout viendra en son temps 🙂

  2. Ah bon ? le « ; » est passé de mode ?
    J’aime beaucoup ton post.
    Si un de mes enfants m’écrivait une lettre de ce type, je le prendrais pour une manifestation d’humour. Et je préfère un « avec toute ma tendresse » à un « respectueux dévouement »…
    Sur ce, Chère Sorcière, avec toute ma respectueuse admiration pour tes posts que je savoure toujours avec plaisir (« joie » ne convenant pas pour tous les posts).

    1. Oui tu remarqueras que le ; est généralement absent de la presse, des articles sur les blogs, etc…
      Alors qu’il était hautement conseillé au 19ème…
      Et je t’adresse à mon tour… Bref, tu as compris !

  3. Le tutoiement/vouvoiement que tu mentionnes dans ce bouquin me rappelle ma mère qui était (très) française. Elle tutoyait son fils (mon frère), vouvoyait ses filles (ma soeur et moi), tutoyait son mari, mais exigeait que nous vouvoyions notre père, alors qu’elle, on la tutoyait. Je n’ai jamais compris pourquoi et il est malheureusement trop tard pour lui demander, cela fait déjà huit ans qu’elle est allée vouvoyer (ou tutoyer) mon père, dans son paradis particulier. J’ai pensé, petite fille, que c’était comme ça partout en France, mais j’ai réalisé bien des années plus tard, quand j’ai rencontré la moitié de ma famille qui vivait en France (l’autre est Canadienne) que non… elle avait sûrement lu ton bouquin et décidé qu’elle élèverait ses enfants correctement, elle ! J’ai évidemment élevé mes enfants très mal, en veillant au toutoiement et surtout à ce qu’ils nous appellent Papa et Maman. Oui, elle tenait également à ce qu’on appelle notre père par son prénom, et jamais Papa ou Père. Si tu trouves la réponse à l’emploi du prénom par les enfants pour appeler leur père, éclaire ma lanterne, j’en serais très reconnaissante. Et oui, c’était bien notre père à nous, sur tous les plans, spirituel et biologique.

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