Des nouvelles du front… (2)

ClaudeC’est pour moi « fini » quand je sors de la radio, sans rien dire à maman. Je l’ai trouvée si vulnérable, si propre sur elle, si… Tellement ma maman… Il lui faut encore attendre. Une vieille dame de 80 ans n’est pas prioritaire sur les angines en train… On a oublié de lui faire sa prise de sang. On l’embarque, et je ronge mon frein, tout en avertissant l’arlésienne.

Maman attend quelque part toute seule, sur un brancard. Je commence à taper l’incruste auprès des internes, et de guerre lasse on me laisse rentrer, ou alors je suis rentrée à reculons pour faire croire que je sortais, je ne sais plus…

Elle est bien sur un brancard avec son « mal dans le dos », est heureuse de me voir, s’interroge sur mon absence involontaire, et l’interne arrive. Je peux le rencontrer aujourd’hui, je ne le louperai pas : je n’avais jamais vu un homme aussi grand ET aussi bien proportionné. Il a ce qu’on appelle un type « des Iles », doit se baisser pour passer n’importe quelle porte et est très sympa, il demande à rester seul avec maman, et m’installe dans son bureau.

La suite, beaucoup la connaisse, mais évidemment il fallait que cela sorte de l’ordinaire.

  • « Votre maman a quelque chose au poumon. Je ne vous cache pas que c’est suspect, plus que suspect, je suis certain à 99 % que c’est cancéreux…. ». Tout se dilue dans ma tête. Le temps devient élastique, j’ai du mal à garder les yeux ouverts, et je sais que je vais être incapable de dormir. ON garde maman pour la nuit car ON craint une embolie pulmonaire EN PLUS. On m’appelle demain matin après un scanner prévu à la première heure. Elle est au courant.
  • Maman est juste embarrassée de devoir dormir là, sans culotte de rechange. Est-ce que je pourrais ? Mais non bien sûr ma chérie, il est 2 H du matin… »

Je ne sais plus comment je suis rentrée (prudemment), je sais que j’ai dormi, mal, et que j’ai été réveillée par mon portable sonnant.

Au bout du fil un médecin ton joyeux (ce doit être un débarqué de fraiche date, on n’a pas ce ton là quand on s’est tapé une nuit aux urgences).

Maman a passé un scanner. La bonne nouvelle c’est qu’elle ne risque pas l’embolie pulmonaire. La mauvaise c’est que sur son cancer il s’agit VISIBLEMENT de métastases d’un cancer d’origine inconnue, je peux venir la récupérer, au revoir madame.

Un conseil : évitez d’annoncer des certitudes si vous n’avez pas ce qu’il faut vraiment sous la main.

Je pars donc récupérer maman qui ne veut pas rester à Trappes (qui n’en veut pas de toutes manières) mais aller à Rambouillet. Le médecin que j’ai eu au téléphone ne lui a rien dit, et semble mécontent que je lui demande de faire l’annonce lui-même. Mais c’est son boulot, merde, il est obligé de céder et devient moins aimable. Il faut passer à nouveau par la case « médecin » puis urgences parce qu’on ne peut pas faire un transfert tout simple. Ne me demandez pas pourquoi, je n’en sais rien. Dans le trou de la SS il y a la consultation supplémentaire chez le médecin, la radio que l’on va refaire à Rambouillet (Trappes gardant la sienne tant que les sous n’ont pas été versés), la prise de sang idem, etc…

A Rambouillet, c’est tout juste si à 2 H du matin (déjà, comme le temps passe) ON ne va pas nous la rendre pour une consultation externe, mais l’arlésienne et moi ne cédons pas.

Le lendemain, au service « lits portes » (vous êtes déjà quasi dehors) va arriver le pneumologue de mon coeur qui va me réconcilier, non pas avec le système, mais avec les médecins. Parce que à Rambouillet, idem le traitement pour la dame de 80 ans qui souffre tellement…

Il interroge longuement maman sur DES EXPOSITIONS à l’AMIANTE, parle de plèvre,etc… Toute la famille évidemment bidouille sur Internet pour savoir… (évitez…) Il la garde là, et le lendemain, elle est transférée dans son service où elle va subir bronchoscopie et biopsie. Il insiste pour mettre en place un traitement contre la douleur en mobilisant un collègue du service « soins palliatifs ». Il se battra d’ailleurs avec maman qui préfère souffrir que déranger, et imposera son traitement « automatique » pour la voir retrouver le sourire. Un amour cet homme…

Pour lui, n’ayant que peu d’information, elle souffrirait de ce que l’on appelle un cancer de l’amiante…

Il ne lui a pas caché que sa radio était réellement mauvaise, mais que là, il va  falloir un peu de temps : WE du 1er mai en vue, puis celui du 8…. Déjà que papa était mort en mai avec une totale incivilité, drôle d’idée que de tomber malade à la même période (sinon, un conseil, évitez le mois d’août, SOYEZ SIMPAS)…

Pas de résultats. Les lames sont parties à Versailles, puis à Foch, puis à Curie. Maman a repassé un scanner, puis un tepscan, puis un scanner cérébral et re une radio, car elle en avait eu une à Houdan début janvier où il n’y avait RIEN.

Il faut refaire une biopsie, dès fois que ce médecin ne soit qu’un con (présent pour les 2 WE prolongés tout de même et chef de service), et se soit trompé en piquant un lapin. Il explique que ce que maman a est atypique. Nous écoutons d’une oreille en maudissant de l’autre le mois de mai où mes fleurs volent au vent…

Et puis le temps vient où il faut la faire partir en maison de repos/convalescence, parce c’est comme ça, alors que le service est aux 3/4 vide. Il parait que cela vient de la SS (la Sécu !). Maman dépend du RSI, mais c’est pareil, on devrait être heureux qu’ils n’aient pas remis en route des chambres à gaz et crématoire. Bénissez nous mes frères…

La maison est bien, rien à redire, comme à l’hôpital, la prise en charge de la douleur est PARFAITE (à souligner, on a fait de réels progrès),le personnel est charmant et très présent, ce qui n’empêchera pas maman de décider d’aller faire pipi de l’autre côté du couloir (demander de l’aide ? Pourquoi ?), sa voisine de chambre squattant les WC/Salle de bain, d’y tomber et de se casser le poignet droit… On m’en a avisée à 4 H du matin, j’étais dans le gaz…

Journée de merde, pose de broches en anesthésie loco régionale, l’anesthésiste devant les poumons dont le gauche présentait désormais une tache nette de 10 x 6 cm, refusant l’anesthésie générale.

Je ne sais plus comment je l’ai su. Si, en appelant le charmant pneumologue de Rambouillet. Il faut dire que depuis 2003 j’avais trop noté les accidents de papa, là j’ai chaviré, je ne voulais pas recommencer. Du coup je n’ai rien noté, je sais juste vaguement à quelle époque cela s’est passé. J’avais beau poser des questions à droite et à gauche impossible de savoir et j’ai su. J’ai dû me faire passer pour un toubib, c’est mon genre.

J’ai su ce qu’avait maman.

Un sarcome PRIMITIF DE LA PLEVRE (et non pas des métastases dans le poumon, comme annoncé par Trappes à qui j’écrirai… Un jour…). Un sarcome extrêmement rare, d’où la seconde biopsie et le fait que plusieurs hôpitaux pédalaient dans la choucroute devant les lames.

Une sarcome PRIMITIF DE LA PLEVRE GALOPANT, INVASIF qui se foutait de l’âge de maman (80 ans) alors que normalement plus l’on vieillit et moins cela évolue.

Un sarcome qui s’étalait gentiment sur le rein gauche, qui gagnait du terrain sous le diaphragme, envahissait le poumon droit, menaçait l’aorte, l’estomac, que sais-je encore… Un truc inopérable, et il fallait trouver la chimio éventuellement efficace qui n’existe pas, car c’est trop rare. Une chimio non agressive, vu son âge. Pas question de la rendre malade, elle avait déjà perdu 10 kg…

Pour une personne de 20 ans on se bat si elle le souhaite. Là…. Je peux comprendre.

LE PIRE : RIEN A VOIR avec ses deux paquets de clopes dont elle en avouait enfin UN par jour. On ne le lui a pas dit, dès fois qu’elle nous en demande une, un jour,( de clope)  quand elle sortait encore, qu’elle marchait normalement… Sinon, après tout…

Aujourd’hui maman supporte très bien les antalgiques légers, ce qui est une chance pour elle, car il y a de la marge pour la soulager, elle peut rester 3 minutes assise après il faut qu’elle se recouche (sur un matelas spécial qui gonfle et dégonfle comme il le faut), elle n’a plus faim (la tumeur a bien gagné du terrain), mais elle dort sans problème sans souffrir, ceci sur le dos, ce qui nous surprend tous car la tumeur se situe dans le dos. Elle parle juste à papa, à qui elle demande pardon de n’avoir pas compris ce qu’il avait enduré quant il souffrait.

Quand je la quitte après ces rêves parlés, je rentre chez moi pour vomir… Jamais elle n’en fait en dehors de moi, mais grâce à sa voisine de chambre je sais que je ne cauchemarde pas toute seule dans mon coin. La petite si gentille qui aime tant maman, me raconte les rêves parlés et visiblement, elle souffre de n’avoir pas compris papa. Est-ce important ? Je ne sais pas…. A quoi bon se tourmenter pour un passé que l’on ne peut pas refaire…

J’y vais pour le déjeuner, l’aider vu qu’il lui manque la main droite pour l’instant, nous causons. Je ressens bien le fait d’être l’ainée qui a tout vécu et tout compris (!), il est certain que ce n’est pas avec l’arlésienne qui prend la relève le soir après son boulot, qu’elle évoquera sa grossesse concernant cette dernière, ou des personnes que la petite soeur n’a jamais connues ! Mais cela met en place des relations difficiles parfois à gérer.

Quand les mauvaises choses se mettent en place, rien ne peut les arrêter.

Rien ne les arrête.

C’est la raison pour laquelle la vie n’est qu’un long calvaire.

Et la maladie la plus mortelle qui puisse exister. Vous allez rire mais il y a 100 % de décès…

PS : ma mère n’aurait pas pu faire un truc classique, que l’on reconnait dès la première lame, qui se soigne, avec 5 ans d’espérance de vie ? à 80 ans, cela compte !  Mais non, papa l’avait bien contaminée…

13 réponses sur “Des nouvelles du front… (2)”

  1. Idem je n’ai pas de mots je compatis. Et pour ce qui est de la place d’aînée, je sais ce que c’est…
    Tiens bon, elle a besoin de toi et j’espère que tu auras du soutien familial autour de toi ainsi que tes filles.

  2. Chère Calpurnia, devant une telle adversité ton dévouement sans faille est admirable. Je te souhaite toute la force nécessaire pour tenir le coup malgré la chaleur qui revient. Pensées compatissantes

  3. Mes pensées vont très souvent vers toi et ta maman. Je te souvent infiniment de courage et t’embrasse très fraternellement.

  4. Ah merde.
    MERDE.

    Je ne sais pas quoi dire d’autre, mais je t’envoie tout le soutien moral qui voudra bien passer par les tubes de l’internet. Courage à toi et à ta maman.

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