« Petite n’Héra, c’est ma copine à moi ! P’tite n’Héra elle est maligne et puis coquine… » sur la musique de « Alison » (Jordy)… Héra adorait les filles, les enfants en règle générale : c’est bien les enfants, ça joue tout le temps…
P’tite n’Héra, c’était la chienne de mes parents, un épagneul breton plein d’amour, qui les accompagnait depuis tellement longtemps qu »on la croyait quasi immortelle, vétérinaire compris.
C’est lors de nos mésaventures en Crête en juillet 1992, que nous avions appris la mort du dernier épagneul de la lignée de la première. Empoisonnée la petite mère, par on ne sait quoi, et surtout, on ne sait qui (enfin nous avons des soupçons sur les appâts empoisonnés destinés aux renards, par des chasseurs indélicats…)
Mes parents étaient inconsolables et ma mère jurait « plus jamais, plus jamais de chien, ce sont des bêtes à misère, trop de chagrin quand ils nous quittent ».
Ma soeur s’était mise en chasse d’un épagneul tout de même et en avait trouvé une portée à prix défiant toute concurrence. Pendant ce temps là, mon père mijotait une visite à la SPA alors que Mrs Bibelot jurait « plus jamais ! ».
Nous avons été ma soeur et moi, dans l’obligation de prévenir mon père d’une surprise, afin qu’il ne fasse pas coïncider l’arrivée SPA avec celle d’une petite chienne de 1 mois et demi, que nous avions réservée et payée.
Non sans doutes affreux. 3 jours avant l’arrivée de la petite puce, nous étions allées manger au restaurant toutes les 3, et là, Mrs Bibelot avait été catégorique « plus de chien vous m’entendez ? D’ailleurs si votre père m’en amène un, il pourra le rapportera d’où il vient »…
Sombre angoisse, mais l’arrivée était prévue pour le samedi, ma soeur allant la chercher le vendredi soir. Mon père était prévenu bien sûr qui sut éloigner sa femme le samedi matin et ne pas aller à la SPA.
L’arrivée fut épique. Ma chienne avait décidé de prendre en charge ce petit bout de chou, en la nettoyant bien des mauvaises odeurs du chenil (grande toilette) et en la suivant partout. C’était bon, il y avait une mère de substitution (qui le resta longtemps, d’ailleurs il n’y a aucune photo du chiot sans la goule de ma chienne en train de veiller au grain).
Restait à faire passer la pilule à maman. Nous avons décoré le bébé d’un ruban, et nous avons concocté le pire : la mettre dans le placard à chaussures où ma mère allait directement y ranger les siennes et prendre ses chaussons.
Las… La bestiole nous a échappé quelques instants. Elle avait franchi la grille, avait été récupérée de justesse par ma soeur, et mise dans le placard.
Arrivée de Mrs Bibelot :
« J’ai cru voir un petit chien »
« Ah bon ? » (ton hypocrite à 6200 %)
Ouverture du placard et le petit chien se précipitant sur elle, toute langue dehors :
« C’est quoi ce joli bébé, coutiou coutiou, qu’il est mignon, coutiou, coutiou ». Et que la petite léchouille un coup, et que ma chienne vienne surveiller (c’était pour longtemps), avec déjà ma mère en défense : « il est à qui ce petit chien ? ».
« A toi ».
Adieu veaux, vaches, cochons, couvées bonnes résolutions : c’était sa chienne et point barre. Et celle de mon père avec. Avec grand débat sur le nom à donner (et qui a imposé son nom ? je vous le donne en mille !)
Nous ne savions pas que nous leur avions offert 17 ans d’amour, d’affection, de soucis et de réjouissances. Elle nous a fait ses peurs : occlusion intestinale, coupure grave, rupture d’un tendon (toujours un dimanche) et a supporté plusieurs opérations, pour revenir chez elle, un peu plus maîtresse que ne l’avaient été les chiennes précédentes. Jean Poirotte avait renoncé à la faire obéir, sous prétexte qu’elle n’en faisait qu’à sa tête… Sans vouloir reconnaître qu’il avait pris de l’âge et quelque part renoncé.
Elle a même fait une déprime (véridique) à la mort de ma chienne, refusant de se nourrir, triste, reniflant partout. Sa maman/copine était définitivement partie. Les animaux dépriment eux aussi, mais comme ils n’ont soi-disant pas d’âme, beaucoup n’y croient pas…
Certains vont jusqu’à dire qu’ils n’ont pas de souvenirs passé deux heures, je préfère en ricaner.
Elle a été une compagne de jeux extraordinaire pour les filles, proche des enfants, galopant en promenade, encore en 2007/2008, avec une fougue que le vétérinaire admirait. Elle était prête à tous les jeux dans sa jeunesse, avec une endurance qui l’a portée jusqu’à un âge respectable
En 2007, le vétérinaire optimiste, notait encore un rendez-vous pour 2008.
Et puis elle a développé une cataracte, est devenue quasi sourde, ce qui n’était pas très grave, car un chien a son flair qui le sauve de tout. Et puis elle a donné l’impression de perdre la tête (eh oui, pourquoi pas !) semblant ne pas se souvenir nous avoir déjà vus/reniflés. Et puis il y a eu perte d’appétit, et surtout graves problèmes à se déplacer. Dérapant sur le carrelage, tombant régulièrement n’arrivant plus à se relever, elle chouinait les quatre pattes écartées, les articulations visiblement totalement HS.
Puis de plus en plus de perte d’appétit, ne mangeant souvent pas du tout, malgré le steack haché acheté, le bon bourguignon pour humain, le foie cuisiné avec amour. Elle a maigri, maigri, tremblait souvent. Avait-elle froid ? ou mal quelque part ? Comment savoir ?
En janvier nous la savions condamnée à plus ou moins brève échéance. En juin elle a eu 17 ans, et mes parents ont repoussé, repoussé, le moment de faire venir le vétérinaire (pas question de l’y emmener). Le fait qu’elle ne mange plus a été déterminant, et il a bien fallu, difficilement, prendre la décision. Le moment où l’on se dit que ne rien faire, c’est par égoïsme, car tout ira en empirant.
La décision est très difficile à prendre, la peur de la mort étant très présente chez tous les êtres vivants. Et ce regard plein de confiance qui se pose sur nous alors que nous avons décidé que demain, à 18 H 30, cela se terminerait tout à coup, en nous disant que peut-être un jour nous préfèrerions en passer par là (on le pense mais on ne le penserait pas forcément au pied du mur)… La décision est inhumaine totalement malgré toutes nos excuses, et elle est la cause de nos sinus bouchés et de nos yeux larmoyants
Nous avons tout fait pour que son départ se passe « le mieux possible », sans angoisse pour elle, mais nous n’avons pas totalement réussi. Et malgré tout, nous avons dû tous espérer que le vétérinaire dirait qu’elle pouvait tenir encore un petit peu, monsieur le Bourreau… Il s’est demandé simplement comment mes parents avaient pu tenir pendant les 3 derniers mois devant l’état de la petite mère, malgré le foie, le bourguignon, le steack haché, et le munster.
Bref tout le monde a pleuré ce 28 juillet au soir, car elle a emporté avec elle 17 années qui nous appartenaient à nous aussi. C’est une partie de l’enfance des filles qui est partie avec elle.
Personne ne me fera croire que les animaux n’ont pas droit à une âme et quelque part un paradis où nous les retrouverons.
C’est parce que l’on me dit que c’est faux, que je n’ai pas la foi…
Adieu notre belle Héra ! Elle a retrouvé ma Chloée et maintenant, elles nous attendent, en retrouvant leurs jeux d’antan… Elles, ne nous ont jamais trahis… Nous ne pouvons pas en dire autant, ayant commandé la mort pour elles…
Ceux qui n’ont pas d’animaux par choix ou par goût, ne peuvent comprendre le chagrin qui est le nôtre. Le chagrin engendré par la perte d’un animal, n’a rien à voir avec la perte d’un être cher. Il est violent, certes, mais dure moins dans le temps, notre raison jouant, certainement… Les années peuvent passer, on ne les oublie pas, mais la tristesse s’estompe définitivement pour ne laisser la place qu’aux bons souvenirs. « Vole vole mon loup sauvage comme aux temps des vertes années (Jean Ferrat) »