Oui c’est lui… Ici (cliquez juste avant sur « oui c’est lui ») et là…
Il fait partie de l’histoire familiale, mais du côté de mon grand père maternel (le mari de Mrs Morgan), alors que Tante Alphonsine était de la famille de cette dernière. Les deux familles avaient bien sympathisé (et on se demande pourquoi j’ai des problèmes…).
Il est né avec des conneries plein la tête… C’était une tête brûlée, un farceur de première, un gamin brouillon et téméraire, un aventurier dans l’âme.
Il est très particulier d’avoir une personne « célèbre » dans sa famille. Parce que Robert était célèbre de son temps. Pas du nôtre, tout le monde l’a oublié… Pourtant il a sa place dans le Quid pour avoir gagné les 24 heures du mans, et il est le premier réel champion du monde automobile français.
Ne reste de lui que son cénotaphe au cimetière du village, son nom sur le monument aux morts et plein de photos que Mrs Bibelot protège avec attention. Mais ses cousines parlaient de lui. Mon arrière grand mère, et tante Hortense. C’était leur cousin germain et elles se souvenaient surtout de ses blagues de gamin qui les avaient fait mourir de rire (genre, enfoncer la pipe du visiteur dans le TDC du chien et comment que tous les gamins rigolaient en douce de voir le dit visiteur tirer sur sa pipe après…).
Mon grand père s’en souvenait aussi très bien qui l’a connu longtemps, et Mrs Morgan avec qui il était marié à l’époque. Ils m’en ont parlé, ayant vécu de grands moments historiques, genre la future belle soeur de Mrs Morgan qui avait un amant à la Gestapo (et non on ne l’a jamais tondue elle, et tant mieux parce que c’était une pratique ignoble) et invitant celui qu’il traquait à dîner… (on met ça dans un film on se fait tuer). Tout s’est bien passé finalement, la photographie ce n’était pas celà à l’époque… mais pas mal de personnes assistant à ce dîner l’ont très mal digéré… (on bouffait mal à l’époque, c’était dommage de ne pas digérer un bon repas)
J’étais trop fière sur ce coup là quand que j’étais petite, d’avoir une personne célèbre, même disparue, dans mon entourage. Je l’enviais. Sauf que sa fin n’est pas à envier du tout et que son courage n’appartient qu’à lui ainsi que sa vie. La célébrité peut parfois rejaillir sur qui ne l’a pas méritée en somme. Mais aujourd’hui, je veux parler de lui et que l’on sache qu’il a existé. Et vraiment existé, autrement que comme héros. Comme un homme tout simplement, à qui je ne dois rien… que son souvenir transmis par des êtres qui l’aimaient…
Quand il a débuté dans l’aviation, son plus grand plaisir était d’aller faire du rase motte au dessus du jardin de sa grand mère à Achères, qui sortait en brandissant sa canne « Robert, descend, je te l’ordonne, que je te mette une claque« … Il faisait peur aux poules… Et s’amusait de voir sa grand mère brandir sa canne !!!! Ses cousines en rigolaient encore à 95 et 93 ans… Ca c’est un souvenir de famille !
Quand il a décidé de faire coureur automobile, chez Delage et Bugatti de préférence, tout le monde a été contre. Allait-il dilapider l’héritage familial en bêtises (mais où est donc passée la cassette ????). Il y a une course qu’il a gagnée malgré un tête à queue, en marche arrière… C’est normalement historique et je cherche l’article (illustré, de l’époque !) que m’a confié Mrs Bibelot et que j’ai tellement protégé que je ne sais plus où je l’ai mis… (mais je vais le retrouver, je pense qu’il est dans un certain tiroir auquel je n’avais point songé avant de commencer ce post… Ben non, je l’ai bien planqué, je serai obligée d’y revenir du coup…)
C’était le héros de mes grands pères, le Senna de l’époque (et encore, avec Senna, je date). Tous les gamins le connaissaient… Robert Benoist c’était LE coureur automobile de l’époque.
Vint l’autre guerre mondiale et évidemment il fallait qu’il fasse quelque chose même s’il avait pris un peu de bouteille (pas vraiment, d’après Mrs Morgan il était d’une séduction pas possible, et sur ce coup là on peut la croire, elle avait l’oeil…). Il était impossible qu’il reste immobile à ne rien faire. Pris pour la première fois par les allemands comme résistant reconnu, ces derniers ne trouvèrent rien de mieux que de le mettre au volant de sa propre voiture, dans un convoi. On en ricanerait presque. Evidemment il leur a faussé compagnie à la première occasion. On ricanerait s’il n’y avait pas la suite…
Mais vint sa mère mourante qu’il voulait absolument aller voir, ce qu’il fit au nez et à la barbe des allemands qui pourtant surveillaient les alentours, et puis tout à coup qui (qui l’a reconnu jour de dies irae) l’on sait dans la famille, pour dire aux allemands où le trouver, alors que l’on a accusé son frère injustement. La fille du frère (la nièce donc), est toujours de ce monde pour nous raconter, à nous, la dernière génération, ce qu’il s’est vraiment passé (c’est difficile parce que la pauvre a toujours sa tête à 90 ans mais est sourde comme un pot). La version officielle est qu’il se fit prendre en allant voir sa mère (ce qui la met toujours hors d’elle (la fille du frère) car elle l’a revu juste après). La version familiale est toute autre… Il se fit prendre dénoncé par… Direction nuits et brouillards après le passage obligé dans une rue de Paris de triste mémoire.
Mort pendu à des crocs de boucher car les nazis avaient beaucoup d’imagination, le 9 septembre 1944, à Buchenwald alors que la France respirait vraiment un air de liberté…
Paix à son âme et à ses cendres qui sont restées là bas. Au cimetière du village, au moins c’est bien lui qui est gravé sur le « in mémoriam ». « Robert Benoist, assassiné par les nazis en 1944 » (je vous fais grâce du reste) C’est lui, comme sur les photos de famille, comme dans les articles que tout le monde a gardé (Pulchérie veut récupérer un max, mais tout ce qui est papier, c’est pour moi !).
Paix sur terre… Et in mémoriam pour tous les anonymes qui ont vécu la même chose… Comme quoi la célébrité ne protège pas de tout. Tellement de talents, d’écritures en devenir, de chansons à succès, de vies tout simplement ordinaires, brisés net par les deux grandes guerres…
Hommage ici à Louis Pergaud, Anne Franck, l’auteur du « Grand Maulne », et tant d’autres, engloutis par l’absurdidé humaine. Et hommage à Robert. Plus personne ne l’ayant connu réellement n’est encore en vie (sauf sa nièce et Mrs Bibelot, mais elle, était trop petite pour s’en souvenir vraiment, elle n’a que le souvenir de ses parents, surtout de son père, mais bon, elle l’a connu)
Et hommage aussi aux inconnus qui ne passeront jamais à la postérité et qui avait tout simplement leur vie à vivre et forcément un talent…
C’est aussi pour lui que le 8 mai on ne rigole pas trop dans la famille et que l’on assiste à la cérémonie… C’est peut-être férié comme le 11 novembre, mais ce n’est pas pour rien… C’est aussi pour cela que je m’en vas vous gaver avec la deuxième guerre mondiale pendant un bout de temps.
La vie n’a été pour eux qu’un long calvaire à la fin. Et une fin c’est important… Pendu à des crocs de bouchers, ça me tétanise toujours, j’en frémis à l’écrire. Comment peut-on infliger de telles tortures à son prochain ? Comment peut-on rester humain ainsi… ?
Pourquoi n’ai-je pas la Foi ? Pour tout cela… Si dieu existait, il ne supporterait pas…
PS : vous remarquerez que je cite une anectode qui n’est pas mentionnée dans les articles en référence (qui ne sont pas d’accords sur la date de la mort, qui pour la famille via des témoins de confiance est bien le 9 septembre 1944). J’ai préféré vous présenter celui que ma famille a connu et ce que l’on savait vraiment…