Comment supporter nos collègues de bureau : l'éternelle absente

Il n’y a pas d’image, parce que justement, il n’y a personne.

Je me dois d’être honnête : je n’en ai connu qu’une, mais elle battait tous les records.

J’ai travaillé pendant près de 2 ans pour une maison de production TV, au service production (frappe de scénario) et au service post-production pour le relevé de textes destiné à la post synchronisation. Malheureusement mon statut d’intermittente du spectacle ne s’est pas transformé en CDI vu qu’ils licenciaient plutôt, sinon j’y serais encore… 🙁

C’est dans le service post production qu’Arlette Beaunichon sévissait. Pour tout le personnel « fixe » de la société, en cas d’arrêt maladie il y avait maintien du salaire 9 mois par an, de date à date, ce qui était énorme.

Et puisqu’elle avait droit finalement à 9 mois d’arrêt de travail par an, vous imaginez bien qu’elle n’allait pas se priver.

  • Tout le monde s’arrêtait tour à tour pour 1 semaine, rapport à une grippe ou un sale virus. Elle, il lui fallait 4 semaines parce que chez elle c’était toujours plus grave.
  • Il ne fallait pas parler maladie devant elle : immédiatement elle s’arrêtait 3 ou 4 semaines pour cause de cette même maladie
  • Un coup de fatigue : hop je m’arrête 8 jours. Comme elle connaissait son dictionnaire médical par coeur, son médecin se laissait toujours prendre à l’énoncé des symptômes… (ou alors le médecin était vraiment complice, à un moment donné, il n’y avait que cette option de valable)
  • Sinon, elle déprimait (imparable) ou avait mal au dos (imparable aussi) ou au pied, à l’écouter c’était une ruine alors qu’on la retrouvait à gambader dans les allées du supermarché, en pleine forme.

Elle était donc absente 9 mois par an, ce qui m’a permis d’ailleurs de la remplacer souvent quand elle a fait en rafale :

  • La grippe
  • La grippe aussi, pas celle-là, l’autre…
  • Une angine
  • Tiens, encore une grippe !
  • Un problème urinaire grave (toujours plus grave que tout le monde)
  • Une rhyno très rosse.

C’était sans fin. Quand elle travaillait, elle utilisait régulièrement l’adage « toute journée commencée est due ».

  • 15 H il pleut, elle part détendre son linge qu’elle a laissé dans le jardin
  • 16 H, au retour elle s’arrête à la pharmacie
  • 16 H 45 elle appelle. Vu l’heure, inutile qu’elle revienne pour terminer à 17 H 30

A chaque fois, elle foutait tout le service dans la merde, mais n’en avait cure, ni de savoir qu’elle avait une réputation de malade imaginaire, à qui nous avons fait d’ailleurs une blague très méchante un beau jour… (mais ce sera pour une autre fois).

Je me demandais comment le chef de service pouvait tolérer cela et je l’ai su.

  • Son chef était responsable de certains achats. Quand il faisait livrer du fuel pour la boîte, 500 litres partaient direct chez lui. Elle le savait et avait des preuves. Moralité il ne pouvait jamais rien lui dire.
  • Donc il ne disait rien…

Quand il a pris sa retraite, 5 ans avant elle, le remplaçant l’a remise au pas illico subito, syndicat ou pas, et curieusement, elle a terminé sa carrière avec une santé de fer, et juste en bénéficiant de ses congés payés…

Congés payés que pendant des années elle avait pu doubler, en tombant malade la veille de son départ (l’arrêt repoussant la date des congés… ) d’une maladie nécessitant un arrêt d’une durée égale à ses congés. Chaque été donc, elle posait les 3 dernières semaines de juillet, tombait malade la veille du départ, et ne revenait qu’après les 3 premières semaines d’août.

C’est d’ailleurs pour la remplacer que j’avais été prise la première fois…

J’étais considérée comme une intérimaire, mais je dois avouer que pour tout le monde (sauf moi qui la remplaçais régulièrement) cette femme était une véritable calamité.

Non estampillée…

La première visite chez l'orthodondiste…

Donc maintenant, ce n’est un mystère pour personne, mais Delphine devait impérativement passer par la case orthodondiste. Pour la vie de sa dentition future c’était indispensable.

RV pris avec une sainte femme spécialiste du coin après avoir eu l’aval de la SS (la SECU !). Il sautait aux yeux du profane après explications du dentiste, qu’effectivement il fallait faire quelque chose. Ce qu’elle nous expliqua en long en large et en travers.

  • Elargir le palais jusqu’à ce que les dents du haut se juxtaposent bien sur les dents du bas
  • Après arrachage d’une dent ou deux
  • Puis, pose d’un appareil à bagues, pour tout aligner à la Hollywood chewing gum.

Delphine fut parfaite pour la prise d’empreintes. Pendant ce temps là dans la salle d’attente, j’ai regardé l’alignement de mes dents et me suis dit que normalement pour cette femme, j’aurais eu grandement besoin d’un appareil, j’ai en effet deux incisives en haut, qu’on ne voit pas, qui ne sont pas parfaitement/ parfaitement alignées. Si que je serais célèbre, je me ferais refaire le clavier, même maintenant.

Pulchérie avait bien entendu accompagné sa soeur pour cette épreuve. A ce moment là, l’idée de porter un faux palais ne gênait pas trop Delphine (déjà qu’elle voulait des lunettes…). Par contre l’évocation d’un arrachage de dent pour cause de mâchoire un peu étroite et de l’appareil à bague, lui avait fait faire la grimace.

On la comprend. On lui avait déjà arraché deux canines de lait, parce que les définitives avaient déjà trop poussé…

Après la prise d’empreintes et après avoir rempli 3 tonnes de papiers, la sainte femme proposa le RV pour la livraison de l’appareil avec la clef ad hoc, puis se proposa très gentiment : pouvait-elle vérifier si Pulchérie n’aurait pas un problème qui aurait échappé à tout le monde ? Gratos, bien sûr…

Je l’attendais sur ce coup là.

Car Pulchérie tient de Mrs Tricot (tatie chérie aussi, mais moi pas, et personne d’autre que Pulchérie à ma connaissance). Des dents parfaites, bien blanches, alignées au cordeau que l’on pourrait croire qu’elle est passée par la case orthodontie à l’heure actuelle. A l’époque elle avait 11 ans, tout était déjà parfait, et elle n’avait jamais eu une carie (et toujours pas maintenant, et jamais un « merci maman » pour la concentration sur les dents…).

Donc Pulchérie a ouvert la bouche, dévoilant sa dentition parfaite. La sainte femme a fait la grimace, lui a demandé de fermer les mâchoires : rien à redire. Elle était plus que pincée : Pulchérie n’était pas une cliente potentielle sauf que…

« Je vais tout de même vous prescrire un panoramique dentaire. Si elle a des dents de sagesse incluses ou autres, elles n’auront pas la place de sortir, risqueront de pousser sur l’alignement, bref, il faudra les lui retirer ». A aucun moment elle n’a félicité Pulchérie (ou moi, la fabricante en titre) du résultat concernant les dents…

J’ai pris l’ordonnance en pensant grossièrement « et mon cul c’est du poulet ? ». On avait fait le coup à ma mère. 40 ans plus tard mes dents de sagesse n’ont pas bougé d’un iota (sauf une, tiens, faut que je vous raconte…). Le dentiste m’a précisé que si cela se produisait, le fait d’extraire ces dents de chiotte sagesse réglait tout de suite le problème. Delphine sait par contre qu’à la moindre manifestation, il lui faudra réellement se faire extraire la saloperie d’urgence. Pendant qu’elle sera anesthésiée, ils en profiteront pour lui retirer la canine de travers et paf !

Car une fois le faux palais devenu inutile, on lui a bien retiré une dent, mais elle a juré qu’on ne l’y prendrait plus et a refusé qu’on lui retire l’autre.

Je me voyais mal traînant une ado de 12/13 ans hurlante, chez le dentiste, refusant d’ouvrir la bouche, ou la refermant sur la main de l’homme de l’art en le mordant jusqu’au sang. J’avais jusqu’à ses 16 ans rapport à la prise en charge, pour la raisonner, mais basta, elle n’a jamais porté l’appareil à bagues… Elle n’a donc pas une dentition parfaite, ce qui ne l’empêche pas d’être ravissante. C’est à cette occasion que j’ai d’ailleurs constaté qu’elle pouvait être aussi têtue que tout le reste de la famille, ce qui est un exploit. Elle nous avait caché ça en étant diplomate…

Quant à Pulchérie, j’ai évité de l’emmener avec nous à chaque RV avec l’orthodontiste qui visiblement la détestait.

Quelle idée aussi, d’avoir naturellement des dents parfaites !

Mais également où est la vocation par rapport à la machine à fric ?????