L'emmerdeuse maniaque…

Elle peut toucher n’importe qui, n’importe quand, croiser notre route un beau jour pour quelques temps, ou bien exister depuis toujours dans notre vie, et ça c’est le pire. C’est l’emmerdeuse maniaque, emmerdeuse parce que maniaque.

A côté d’elle la Bree de Desperate houswives n’est qu’une vulgaire souillon mal organisée. L’emmerdeuse maniaque voit de ses yeux les microbes et les virus, le moindre grain de poussière, la tache microscopique sur la moquette. Elle renifle avec allégresse le parfum de l’eau de javel et du détartrant à WC, hume la lessive d’un air pincé et l’assouplissant également. Etendre son linge la met en transes, le repassage aux anges, et rien ne la détend plus que de dégrivrer son congélateur.

Elle fait la fortune des marchands de produits d’entretien et a un placard spécial pour tout, placard immense dans lequel certaines seraient ravies de pouvoir ranger leurs nombreuses paires de chaussures. La dernière vraie droguerie du secteur survit grâce à ses achats compulsifs et on y lui déroule un tapis rouge. A la vue d’un tout nouveau produit, ses yeux s’exhorbitent, et elle ne dort pas de la nuit après avoir vu la publicité qui vante les mérite du truc qui enlève même les taches qui ne se voient pas : sa bête noire. Elle sera la première au magasin le lendemain pour en prendre 10 flacons. Et elle est la seule personne de votre connaissance à ourler à l’ancienne ses chiffrons, quand elle se décide à réutiliser un vieux drap usé. L’idée d’ailleurs que vous, vous vous contentez de le déchirer (le drap) au lieu de le découper avec des ciseaux et un mètre de couturière pour que cela soit bien droit, pourrait la faire s’évanouir.

Elle sait tout sur tout ce qu’il convient de savoir pour que tout soit propre, impeccable, comme neuf. Les mites se sont refilé le mot pour ne pas venir chez elle, c’est dire son pouvoir. Le mot « détachant » lui rend tout son allant qui rime également avec « détergeant ».

C’est la personne chez laquelle on préfère ne pas être reçu trop souvent. Un geste malencontreux, on déplace la télécommande de la TV d’1 cm et on se sent mal à l’aise : elle risque de le voir. On pose mal le verre sur le repose verre et une goutte d’eau se dépose sans grâce sur la table basse : c’est le drame. Une peluche du pull angora noir se dépose sur son canapé blanc et elle va passer le reste du temps à nous suivre, un truc adhésif à la main pour nous dé-pelucher. De toutes manières, on sent qu’on dérange.

Le pire c’est quand on lui rend l’invitation. Si elle habite loin et que l’on est obligé de l’héberger (à contre-coeur) c’est le pompon.

On a briqué tout bien comme il faut (pour nous) en prenant 2 RTT et en priant Albert d’en faire autant. La maison ou l’appartement reluit, la moquette a l’air neuve, le calcaire a été terrassé, le frigo ressemble à une publicité, la cuisine à un laboratoire et on serait presque tenté d’accrocher un sens interdit sur la porte des WC tellement si beaux et si bien parfumés.

Elle débarque avec une énorme valise : elle ne dort que dans ses draps à elle et ses taies d’oreiller, dûment lavés avec la seule lessive valable à laquelle elle rajoute des sachets de tout : anti-tache, anti dégorgeant à couleur, anti mites, et rincés avec le seul assouplissant correct et on ne discute pas. Avec une grimace elle a pu constater la dernière fois que vous n’étiez pas en possession du bon assouplissant, maintenant, elle se méfie.

Dans la foulée elle a pris également ses serviettes de toilettes pour les mêmes raisons que les draps, mais également son PQ parce que le vôtre gratte, même si c’est de l’ultra doux de chez garnier. Le temps qu’elle aille poser ses affaires dans sa chambre, elle a redressé tous les cadres d’un doigt expert et trouve un prétexte pour inspecter le réfrigérateur au cas où vous y auriez déposé volontairement la listériose, après avoir remis tout de même un coup de balais dans les toilettes puis rincé longuement le lavabo.

A la façon dont elle regarde les nombreuses télécommandes que vous avez oubliées sur la table basse, vous comprenez mortifiée qu’elles ne sont pas disposées correctement, pile poile dans la zone réservée à la TV sur la table, chacune à 0,5 cm de distance, alignées vers le bas. Son regard n’arrête de se poser sur la seule petite tache indélébile sur la moquette que pour se poser sur votre bibliothèque.

Car vous classez vos livres par genre. Hors les livres, pour elle, cela se range par ordre décroissant de taille. Du coup sa vision se brouille, car elle est tout de même obligée de laisser vos livres tranquilles. Mais elle est grandement perturbée et perd le fil de la conversation, obsédée par les bouquins, et en perd même son vocabulaire, vu qu’elle vous raconte sa dernière visite chez le vétérinaire en lieu et place du médecin généraliste.

Vous avez lavé et relavé la vaisselle, tout bien essuyé la verrerie après passage au vinaigre blanc, mais las, il reste une microscopique marque de calcaire et c’est forcément pour elle. Là, son regard devient à la fois triomphant et écrasant : vous êtes nulle(ls), crados, désorganisés, et elle le sait bien elle, qu’il n’y a qu’elle qui sait.

Vous aurez donc droit au fameux couplet sur le mélange détonnant eau de javel/vinaigre blanc/détartrant/acide chlorhydrique/bicarbonate de soude, qui a fait sa célébrité sur le plan de la propreté et lui ruine probablement les bronches quand elle vérifie que cela sent bon le propre. Après elle vous expliquera comment on cire des chaussures et qu’il faut nettoyer certaines parties derrière les chiottes et le lavabo, avec une vieille brosse à dent pour être sûr de bien tout avoir.

Un jour elle ré-inventera la nitro-glycérine, ou bien fera la découverte d’un nouvel explosif révolutionnaire à force de mélanger ses fioles, et vous ne pourrez vous empêcher, le jour de l’enterrement, à l’église d’aller gratter les quelques gouttes de cire qui sont tombées sur son cercueil, et au cimetière d’y passer un dernier coup de chiffon anti poussières, sous les regards consternés de tous les membres de la famille qui ne pensaient pas que c’était contagieux…