Priez pour moi mes frères (et mes soeurs…) !

Il y a des jours qui ne s’oublient pas. La preuve. Je me souviens très bien de ma première journée chez Truchon… D’ailleurs je me souviens de toutes mes premières journées chez tous les Truchons possibles et imaginables. A chaque premier jour il m’est arrivé un pépin.

  • Première journée à l’hôpital truc : ma mobylette fidèle coule une bièle ou un truc dans ce genre. Je termine à pied, en poussant l’engin, j’ai 2 minutes de retard ce qui pour moi signifie que je peux au pire me faire hara kiri…
  • Première journée chez le docteur Foldingo : j’apprends le décès de mon grand père paternel (ça ne s’oublie jamais) à mon premier décrochage de téléphone, à 9 H 05. C’est tout ce dont je me souviens de la journée, et pour cause…
  • Première journée chez l’agent immobilier quelques mois plus tard : je me foule la cheville en prenant le métro le soir. C’est moins grave mais bon, arriver boiteuse le deuxième jour, ça la fout mal.
  • Première journée chez mon premier avocat : je déclare une rage de dent atroce vers 10 H. Je quitte le cabinet au bord du suicide. Le dentiste que j’ai supplié à genoux de me recevoir, ne trouvera jamais rien…
  • Première journée dans l’informatique : encore une rage de dent subite et inexpliquée. Un abcès visible et palpable et de la fièvre, ce n’est PAS psycho-somatique.
  • Première journée dans une société organisant des séminaires pour cadres : Pulchérie qui a 5 mois a également 40,5° de fièvre… Difficile de ne pas s’y pointer tout de même, le premier jour (allô, ici madame Abraca, je commence aujourd’hui, mais je ne pourrai pas venir : ma fille est malade). Je me ronge les poings toute la matinée (je suis à mi-temps) en n’écoutant donc pas les consignes de première urgence…
  • Première journée dans une société tournant des téléfilms : première et unique crise de vertiges de Meynières que mon médecin de l’époque est prié de juguler immédiatement… Le soir… Je passe mon après midi à ne pas me lever pour ne pas révéler le malaise…
  • Première journée dans l’import/export de cuisines industrielles : je me réveille avec une angine blanche. Le médecin peut me recevoir… le soir…
  • Première journée chez mon avocat tordu : c’est Delphine qui a la grippe. Je rameute maman en urgence, vu que j’avais tout bien expliqué que mes filles étaient grandes et mes parents juste à côté… Et Delphine, tout comme moi, quand elle dépasse le 38° délire totalement. Je suis très rassurée de la laisser…

Première journée chez Truchon donc :

  • C’est ma bonne copine de chez l’avocat tordu qui m’avait téléphoné : « Coraline, il y a une petite annonce dans les nouvelles de « Triffouillie les Oies qu’on gave » qui correspond tout à fait à ton profil ». A l’époque Internet débutait, je faisais les petites annonces dans les journaux, comme tout le monde, mais je n’aurais jamais songé à celui-là. J’ai téléphoné immédiatement. J’ai été reçue par un homme aux cheveux blancs qui m’avait semblé très fortement impoli (il l’était). C’était l’oncle de Truchon, Truchon n° 1. Ca lui plaisait que j’habite « intra muros », mes 40 ans (elle ne me fera pas de gosse), et le fait que dans un cabinet d’avocats on bosse dur (pas faux).

  • Il m’appelle pour me dire que ma candidature est retenue au premier tour, qu’il me rappelle le lendemain pour me tenir au courant, et me raccroche au nez (il raccroche toujours au nez, enfin, il raccrochait toujours au nez en septembre 2007…)

  • Il m’appelle pour me dire que je suis totalement retenue et que je commence le 1er octobre 1998. Il me raccroche au nez

  • Je débarque le 1er octobre à 8 H 30. Vous savez ce que c’est que débarquer… J’ai d’abord vu son neveu (le Truchon caractériel) qui m’a semblé totalement excité et à la limite du normal, avec son débit style mitraillette, m’expliquant que je ne devais laisser aucun original dans les mains de son oncle qui perdait tout, que ceci, que cela. 3 minutes 20 secondes plus tard, j’étais à mon poste… Truchon caractériel pourrait battre JFK s’il avait un discours à faire…

  • Truchon n° 1 arrive, et va direct à son bureau, sans dire bonjour à personne. La secrétaire ravie de me voir arriver en second, m’explique que c’est normal : ici les patrons ne disent jamais bonjour et font la tronche quand on leur dit au-revoir… et essaye de commencer à me mettre au courant…

  • Mon téléphone sonne à 9 H. C’est Truchon n° 1

  • « Passez-moi Mathieu » me dit-il avant de me raccrocher au nez (je ne pouvais pas savoir, pauvre innocente, que l’oncle et le neveu ne savaient pas faire un numéro de téléphone, mais lui aurait dû savoir que je ne savais pas qui était « Mathieu »).

  • Le midi, me demandant si je n’étais pas tombée dans une boîte de cinglés dont je pouvais me tirer à la fin de mon CDD (j’ai été embauchée avec un CDD de 3 mois devant déboucher sur un CDI, avec période d’essai (il avait vu la vierge le vieux)), une de mes dents s’est fendue en deux sur une tranche de pain de mie avec Tarama. C’est dire que la dent était ruinée, et explication de deux ou trois crises, soit-disant inexpliquées, au cours des années passées… (oui parce que je n’ai que deux couronnes).

C’était un signe. On devrait toujours tenir compte des signes…

Et moi en bonne sorcière, je me suis faite avoir sur ce coup là, mais d’un autre côté je n’avais pas trop le choix… Où en serais-je aujourd’hui si j’avais définitivement dit « bye bye » en décembre 1998 comme j’en avais proféré la menace ? D’autant que j’avais tiré les cartes et qu’elles n’étaient pas du meilleur qu’il soit…

Et vous ? Premier jour ? Juste une appréhension normale ou un pépin de plus ?

Parce que moi, pour demain, j’ai tout fait réviser : mon chat paranoïaque, la voiture et sa clim qui chauffe, et d’ailleurs puisqu’on en cause, je suis allée y remettre de l’essence dans cette fichue voiture, à l’heure où le soleil était depuis longtemps couché. J’ai préparé et essayé mes fringues dont certaines sont devenues trop petites, vérifié les prises électriques pour éviter l’incendie, et les joints de ma robinetterie pour éviter le dégât des eaux. J’ai intimé l’ordre à mes proches de ne pas prendre leur voiture le lundi 18 août sans grand espoir d’être entendue. J’ai dû glapir aux filles comme au bon vieux temps de faire attention en traversant, de ne pas suivre des inconnus et d’arrêter de boulotter devant la TV ou l’ordinateur (« comment tu sais maman ? » (maman sait tout)). Tout ceci le samedi pour passer un dimanche serein (arrêtez de ricaner…).

Je vais manger diététique tout ce dimanche pour éviter la gastro. J’ai vérifié mes dents, préparé une trousse de secours de première urgence contre tout ce qu’il pouvait m’arriver, révisé mon sac à main, préparé ma petite bouteille d’eau. Et je vais sacrifier une bougie à la vanille à Sainte Rita, patronne des causes désespérées et une à la fleur d’oranger à St Patrick mon saint préféré.

Je me sens parée pour passer un dimanche un peu angoissé, mais c’est somme toute normal… Je sais que beaucoup vont m’appeler pour me dire merde et je les en remercie à l’avance.

Alors priez pour moi mes frères, mes soeurs, et si j’avais un marteau, pour que ce jour à venir soit bien le début d’une nouvelle vie, comme j’y crois si fort.

Amen…